samedi 12 novembre 2016

102. CERVEAU MULTITÂCHES : REALITE OU FANTASME ?

Nous le savons, l’attention est le geste mental le plus important, le premier de tous chronologiquement, celui qui conditionne tous les autres qui contient en germe. Il est particulièrement déterminant pour la réussite scolaire. Mais il est peut-être également le plus difficile à réaliser pour les élèves d’aujourd’hui. L’environnement dans lequel ils baignent, et nous avec eux, n’a plus rien à voir avec celui des écoliers de notre enfance, ces écoliers auxquels on voudrait (pur fantasme, pour le coup !) comparer les jeunes d’aujourd’hui. Dans un univers de plus en plus exposé aux écrans et à un bombardement, intense et ininterrompu, de sollicitations séduisantes et d’informations numériques, qu’en est-il de cette activité mentale, et comment aider les jeunes que nous accompagnons à se « déconnecter » le temps d’un travail, d’un cours, voir même d’une conversation ?

Notre cerveau est-il devenu « multitâche », comme certains l’affirment haut et fort ? Ou bien reste-t-il limité à ses activités traditionnelles, au moins tant qu’une mutation biologique ne nous a pas (encore ?) dotés d’une structure cérébrale différente - ou de puces algorithmiques intégrées dans le cortex ?

Dans le chapitre sur le projet mental, dans « Accompagner… » (Chapitre 3, p. 51-86), j’ai tenté de montrer, par un exercice, que l’on ne pouvait porter une attention sérieuse qu’à un seul objectif en même temps (d'où l'importance de soigner les consignes données aux élèves... et pour eux de bien les évoquer, de bien les traiter mentalement...). En formation, j’utilise d’autres exercices pour faire découvrir cette même réalité mentale. Cette démonstration n’est pas toujours acceptée sans discussion : "les jeunes sont multitâches" m'objecte-t-on. Parfois, me suggère-t-on aussi, les femmes… Il me manquait une preuve plus "scientifique". Je citais bien le rôle inhibiteur du néocortex préfrontal dans l’activité attentionnelle, mais cela n’était pas encore suffisant pour emporter l’adhésion des plus sceptiques. C'est alors que j’ai découvert sur Arte cette vidéo intitulée : Hyper connectés, le cerveau en surcharge ! dont voici le commentaire qui l’accompagnait sur le site Arte replay
Hyperconnectés : le cerveau en surcharge
Chaque jour, cent cinquante milliards d'e-mails sont échangés dans le monde. Les SMS, les fils d'actualité et les réseaux sociaux font également partie intégrante de notre quotidien connecté, tant au bureau qu'à l'extérieur. Nous disposons ainsi de tout un attirail technologique qui permet de rester en contact avec nos amis, nos collègues, et qui sollicite sans cesse notre attention. Comment notre cerveau réagit-il face à cette avalanche permanente de données ? Existe-t-il une limite au-delà de laquelle nous ne parvenons plus à traiter les informations ? Perte de concentration, stress, épuisement mental, voire dépression... : si les outils connectés augmentent la productivité au travail, des études montrent aussi que le trop-plein numérique qui envahit nos existences tend à diminuer les capacités cognitives. Court-circuit.

Alliant témoignages de cadres victimes de burnout et explications de chercheurs en neurosciences, en informatique ou en sciences de l'information et de la communication, ce documentaire captivant passe en revue les dangers de cette surcharge sur le cerveau. Il explore aussi des solutions pour s'en prémunir, des méthodes de filtrage de l'information aux innovations censées adapter la technologie à nos besoins et à nos limites.
Cette démonstration solidement argumentée débouche, dans sa deuxième partie, sur une étude de l'attention qui nous intéresse spécialement. Pour les chercheurs, il y a plusieurs niveaux d’attention et certains d'entre eux se spécialisent dans l’étude de l’«attention soutenue », celle qui est notamment à l’œuvre dans l’activité d’apprentissage que nous accompagnons, et que l'on appelle aussi "concentration". 

J’ai tiré de la vidéo d’Arte un document un peu plus court (pour les formateurs)que j'ai intitulé : Attention et cerveau,  centré sur ce geste mental que nous cherchons, si difficilement parfois, à promouvoir chez nos jeunes. Il ne manque qu'un détail à ce reportage : la participation d'un praticien-chercheur en Gestion Mentale pour donner les véritables clés pédagogiques et mentales de cette activité cérébrale si déterminante pour leur réussite ! 
Vers la fin, vous trouverez un entretien avec Francis Eustache que j’ai beaucoup cité dans « Gestion mentale et neurosciences » (voir message 67). Il introduit notamment le concept de « réseau (d’attention) par défaut », qui nous permet de rester attentifs en arrière-plan d’autres activités menées en attention plus soutenue (pensons à la manière dont, parfois, nous conduisons en voiture tout en menant une conversation soutenue avec un passager...). On retrouvera dans ses propos l’importance des « pauses » indispensables à ce réseau neuronal si particulier (voir message 62 : Pauses structurantes,pauses évocatives, rythme de l’apprentissage.) Bon visionnement !

NB. Les recherches dont il est fait état dans ce document sont menées en France (Bordeaux, Lyon, Caen...), dans des organismes français, et par des chercheurs français... Cocorico !



vendredi 11 novembre 2016

101 - IMAGINATION ET APPRENTISSAGE. Entretien avec un enfant "doué" en imagination.


Le geste mental d’imagination n’est pas le plus facile à cerner dans le dialogue pédagogique. Il est pourtant essentiel pour l’apprentissage. Il n’intervient pas d’une manière précise à un moment particulier, mais, comme j’ai essayé de le montrer dans « Accompagner… » (p. 266 et suivantes), il est à l’œuvre dès le premier instant et jusqu’à la fin du processus d’apprentissage, du premier instant d’évocation jusqu’à la retransmission à autrui. Ma pratique ne concerne pas les enfants très jeunes, ceux de l’école primaire. Pourtant il m’est arrivé de rencontrer certains d’entre eux, et particulièrement un qui m’avait impressionné. À l’époque, j’avais fait une relation écrite d’une partie de notre entretien. Je viens de la retrouver en rangeant mes archives. Je publie ce texte dans le but de montrer que dans un dialogue pédagogique, il ne faut jamais être surpris de ce qui peut surgir, et permettre à un enfant de reconnaître et d’utiliser au mieux ses moyens propres, même les plus inattendus. On pourrait dire que cet enfant n’est pas dans un imaginaire pur, et qu’il utilise un élément issu d’un dessin animé, vu sans doute à la télévision. Cependant  : « on ne crée jamais de rien ». Ce qui est important, c’est que le « petit diable » qui réjouit tant cet enfant lui permette, pour l’instant et tout en s’amusant, d’accéder aux objets scolaires qui jusque-là lui étaient quelque peu inaccessibles. Sans doute, par la suite, arrivera-t-il à s’en passer… Ou peut-être pas… Après tout, qui cela gênera-t-il ?

On voit également l’intérêt que peut représenter, comme disait Carl Rogers, la « liberté pour apprendre ». S’il est indispensable d’exiger la qualité et la rigueur dans la réception du « savoir » transmis, il est non moins indispensable de laisser libres les chemins de son appropriation. Combien de difficultés scolaires seraient évitées si l’on n’imposait pas aux élèves des moyens d’apprendre qui ont peut-être été efficaces pour celui qui les impose, mais qui le sont rarement pour ceux à qui ils sont imposés. Même avec la meilleure intention !



189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...