jeudi 3 mars 2016

97 - Nos enfants ont peur ! Témoignage : "Au collège, je mourais de trouille !"

Par le plus grand des hasards, j'ai revu aujourd’hui un ancien élève que j’avais brièvement accompagné dans les années 1990. Il était alors en quatrième et j’ai relaté sa mésaventure avec « le champ mexical » dans mon message 64 : Question de vocabulaire : de l’importance d’une bonne mise en projet. Comme beaucoup de ces jeunes à l’intelligence vive et rapide, l’école n’était pas sa tasse de thé, et c’est un euphémisme … Il n’a pas terminé ses études secondaires et se retrouve aujourd’hui artisan indépendant en plomberie, métier dans lequel il réussit fort bien. Au cours de notre entretien, nous nous souvenions de ses mésaventures scolaires. Au détour de la conversation, il m'a fait cet aveu touchant : « Je peux bien vous le dire maintenant, avec le recul je m’en rends encore mieux compte, au collège je mourais littéralement de trouille . J’ai tellement pris de mauvaises notes, de sanctions, de réprimandes, de jugements blessants… Un jour, même, alors que le professeur me demandait de réciter au tableau une poésie, je me suis tout simplement évanoui ! » Je lui ai confié alors que cela ne m’étonnait pas du tout et que je rencontrais, dans les classes que j’accompagne encore, beaucoup d’adolescents qui me font le même aveu. L’école française est réputée pour provoquer et entretenir la peur chez les élèves. A défaut de leur fournir  les voies d'accès au sens et au connaître, il faut bien trouver un moyen de maintenir au moins leur présence physique, et, croit-on, leur engagement mental... On voit que, au-delà des échecs immédiats que provoque toujours cette "pédagogie" basée sur cette seule émotion négative, elle laisse des traces profondes et durables dans le psychisme des adolescents.

Lors de la réunion de début d’année avec les parents de ces classes de seconde méthodologique dont je donne souvent des nouvelles dans ce blog, j‘ai tenu à peu près ce discours :
 « Vos enfants ont peur. Ils ont peur, même si leur comportement extérieur ne le laisse pas paraître. Ils ont chacun des manières différentes, pas toujours bien recommandables, d’oublier cette peur qui les tenaille dès qu’ils passent la porte du lycée (ou du collège... quand même ce n'est pas avant...). Cette peur peut se décliner, sans que cette liste soit limitative :
-          peur de se tromper, peur de donner la mauvaise réponse en classe, peur du regard des autres, de leurs professeurs comme de leurs camarades, peur de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur, peur de vous décevoir…
À qui la faute ? À tout le monde, sauf à eux-mêmes.

Quelques raisons qui favorisent cette peur :  méconnaissance d’eux-mêmes et des attentes de l’école, manque de clarté sur les objectifs et les évaluations, manque de clarté sur leur propre pouvoir de faire face à la situation, jugements négatifs et péremptoires énoncés par certains enseignants... À cela s’ajoute des croyances mortifères, par exemple, pour eux apprendre c’est rabâcher jusqu’à l’écœurement des textes auxquels ils ne comprennent pas grand-chose (qui leur a enseigné comment faire pour comprendre ?) : leur intelligence, pourtant bien réelle, est comme paralysée dans l’apprentissage scolaire !

J’ai donné ensuite aux parents quelques conseils pour un accompagnement adapté :
-        -  ne relevez pas tout le temps les échecs, mais montrez votre joie à chaque résultat convenable même s’il ne satisfait pas totalement votre ambition secrète…
-        -   au soir d’une journée d’école, ne demandez pas  « combien de bonnes réponses as-tu données aujourd’hui », mais « combien as-tu fait d’erreurs aujourd’hui » ? On n’apprend jamais sans se tromper plusieurs fois…
-        -  ne dites pas : « as-tu bien répondu aux professeurs aujourd’hui », mais « as-tu posé de bonnes questions aujourd’hui » ? On ne comprend pas sans s’interroger…

J’ai noté un intérêt particulier des parents à ces conseils un peu inhabituels… J’ai ensuite expliqué ce que je faisais pendant les stages au cours de l’année. On peut espérer qu’au moins ces élèves trouveront à la maison et peut-être même dans leur lycée des accompagnateurs plus attentifs à leurs émotions paralysantes.  Et que la peur finira par quitter leur tête et leur coeur...

Voici un témoignage parmi tant d'autres, extrait des bilans de Juin dernier, qui me laisse penser que j'ai raison d'espérer  : "En Septembre, je me sentais perdue et en manque de confiance en moi. Je travaillais sans vraiment comprendre ce que je faisais. J’avais peur de ne pas parvenir à la section que je voulais. J’avais surtout peur de ne pas réussir à changer mes méthodes de travail de peur que cela ne fonctionne pas avec moi. Mais aujourd’hui  j’ai réussi à parvenir à ma section désirée . J’ai une meilleure confiance et je commence à ne plus me sous-estimer."

189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...