mardi 15 décembre 2020

159. Le vécu de l'école à distance, à la lumière de la gestion mentale et des neurosciences cognitives.

Un peu avant la conférence-débat qui a précédé l’assemblée générale de décembre de l’IIGM (Institut International de Gestion Mentale), et en guise de préparation de mon intervention (que j’ai partagée dans mon message précédent 158), j’avais réfléchi sur la manière dont professeurs et élèves avaient vécu le premier confinement et l’arrêt de l’école « en présentiel » : quel retour les professeurs en faisaient-ils ? Comment les élèves avaient-ils vécu ce temps extra ordinaire ?

Je voulais ainsi vérifier l’impact de cet éloignement physique d'avec la classe, d'avec les professeurs et d'avec les camarades. Les retours de plusieurs enseignants de spécialité et de niveau très différents du collège à l'université, comme ceux de certains élèves et étudiants, m’ont appris plusieurs choses importantes :

·      le grand manque éprouvé par tous d’une relation affective de proximité, verticale ou horizontale ;

·      la manière dont les élèves ont su créer une atmosphère de coopération horizontale à l’aide de leurs plateformes habituelles de communications, dont ils ont à l’occasion fait profiter leurs propres enseignants ;

·      l’intérêt éprouvé par certains jeunes pour la grande liberté qu’ils ont retrouvée dans la manière d’organiser leurs apprentissages, au moins au niveau du temps.

Ces témoignages m’ont conduit à une réflexion qui a tissé des liens avec les lectures que je faisais à ce moment-là pour préparer ma conférence du mois de décembre.

Cela a donné matière à un article qui a été publié dans la dernière lettre de la Fédération des associations Initiative et Formation ( FedIF) : la dernière parce que la plus récente mais aussi l’ultime puisque la fédération se dissout pour se fondre désormais dans l’IIGM. Il n’est pas sans intérêt du reste de comparer cette dernière lettre fédérale avec la première dont j’étais le rédacteur de 1995 à 2006 : « Quand l’école se fait lieu d’exclusion ». À votre avis, les choses ont-elles vraiment beaucoup changé en 25 ans ?

Lire l'article de la première Lettre fédérale de janvier 1995.

Outre les témoignages sur le vécu de "l’école à distance" que je reproduis dans leur quasi-totalité tellement ils sont précis et éclairants, j’ai développé un rapprochement entre neurosciences et gestion mentale. J’y ai montré comment les travaux d’Antonio Damasio sur l’origine corporelle, biologique et affective de la conscience nous ouvraient, sur le lien entre phénomènes mentaux et processus cérébraux, une perspective beaucoup plus riche que ceux d’une autre partie des neuroscientifiques qui la cherche dans le seul cerveau cortical.

Je partage aujourd’hui cet article qui peut intéresser d’autres personnes que les seuls membres de nos associations. (La Fédération s'est auto-dissoute depuis).

Lire l’article dans la dernière Lettre fédérale de novembre 2020.

lundi 14 décembre 2020

158. Gestion mentale et neurosciences éducatives. Vers une fructueuse collaboration ?

 
Je mets aujourd’hui en ligne la vidéo (et aussi le texte, avec les références) que j’ai réalisée pour l’Assemblée générale de l’Institut International de Gestion Mentale (IIGM) qui a eu lieu le samedi 12 décembre 2020 sous la forme d’une réunion ZOOM. L’assemblée générale proprement dite était précédée d’un temps de conférence-débat à deux voix sur le thème des rapports entre les neurosciences éducatives et la gestion mentale. L’autre voix était celle de Marine Campedel, membre de l’IIGM et représentant pour l’occasion le Grene-monde avec qui elle travaille.

Je défendais la spécificité et la richesse de la gestion mentale face à la vague des neurosciences, et de son coté Marine mettait en avant les avancées scientifiques regroupées sous le terme générique de "neuro-éducation" - qu’elle préfère appeler neuro-éducatives à la suite de Pascal Toscani. Elle voulait toutefois montrer que l’apport de la gestion mentale serait le bienvenu pour compléter des protocoles de recherche manquant de prolongement mental dans les pratiques proposées. Selon elle, un véritable boulevard s’ouvre actuellement pour la gestion mentale en profitant de la percée de certains neuroscientifiques très proches des descriptions d’Antoine de la Garanderie. À condition toutefois que l’on trouve un biais pour les rencontrer et les persuader de collaborer avec nous... sans que la richesse de la GM en soit trop réduite.

Les vidéos de Marine et de moi-même avaient été envoyées au préalable aux participants de cette réunion importante. L’animateur nous a toutefois demandé de présenter rapidement leur contenu en début de réunion.

Rappel du contenu de mon intervention.
Pour faire simple, la gestion mentale a pour objet la "conscience qui connaît" en lien avec les activités cérébrales qui la sous-tendent et qu’elle est en mesure d’influencer par son activité proprement mentale. L’objet des neurosciences cognitives est le "cerveau qui apprend" sans jamais faire intervenir la conscience dans ses recherches.

Quel rapport entretiennent le cerveau qui apprend et la conscience qui connaît ? Pour Damasio ce rapport est non seulement de contiguïté, mais aussi de continuité dans un partenariat interactif. Comment alors s’effectuent cette continuité et ce partenariat entre le cerveau et la conscience ?

Certains scientifiques cherchent l’origine de la conscience uniquement dans les activités du cerveau et particulièrement du cortex, comme par exemple SD et son équipe. Damasio s’inscrit en faux contre ce qu’il considère comme, je le cite, "une simplification excessive et une erreur de compréhension"[1]. Déjà connu pour sa prise en compte des émotions et des sentiments dans l’activité intellectuelle, il cherche la création de l’esprit et de la conscience humaine dans une coopération harmonieuse de tous les systèmes biologiques du corps pris dans son entier, y compris donc le cerveau, le tout étant animé par le processus homéostatique. L’homéostasie est le moteur de la vie, qui permet à tout être vivant de persister dans son être, de se développer en se projetant vers l’avenir dans la recherche du bien-être, d’un plus être, tout cela en coopérant avec ses semblables. L’homéostasie est essentiellement un mouvement permanent du vivant. La parenté avec la gestion mentale à ce niveau est évidente.

J’ai tenté de montrer que l’homéostasie biologique pourrait être à l’origine de la motilité, cette potentialité de mouvement inscrite au cœur de la vie dans laquelle La Garanderie voit l’origine de nos projets de sens. J’ai proposé que le lien homéostasie-motilité puisse être considéré comme le trait d’union qui permet le partenariat étroit entre les deux mondes, neuronal et mental, entre le cerveau - avec l’intelligence -  et la conscience - avec la connaissance- , deux mondes dont l’union fait la spécificité humaine, mais qui sont trop souvent opposés, sinon séparés.

J’ai insisté sur le risque que coure notre société quand elle sépare l’intelligence et la conscience. D’un côté l’intelligence, que l’on peut créer et augmenter artificiellement à l’image de l’activité des neurones ; de l’autre la conscience avec ses émotions et ses sentiments que l’on est encore loin de pouvoir recréer artificiellement. Avec l’accélération des innovations technologiques que nous connaissons actuellement, avec les progrès fulgurants de l’intelligence artificielle et des machines de plus en plus intelligentes, c’est l’homme lui-même qui se trouve menacé d’être réduit à l’inutilité voire à la soumission à ses propres créations. Cette séparation présente un grand danger pour l’humanisme tel que nous le connaissons et tel que nous souhaitons le préserver. Pour cela il est grand temps de s’intéresser (se re-intéresser) à notre esprit et de le développer notamment par une éducation adaptée.

Malheureusement la séparation de l’intelligence et de la conscience est aussi à l’œuvre dans notre système scolaire.  Deux paradigmes s’y conjuguent dans un équilibre fragile :
- d’un côté la transmission de savoirs que les élèves ont charge de recevoir en y exerçant leur intelligence par l’apprentissage,
- de l’autre des consciences en appétit de connaissance qui demandent à exercer leur recherche de sens appliquée à ces mêmes savoirs.

Les neurosciences éducatives s’intéressent au premier, la gestion mentale trouve son champ d’application dans le second. Les deux sont complémentaires et leur déséquilibre en faveur du premier peut expliquer bien des difficultés que l’école éprouve depuis plusieurs décennies. En éliminant la conscience du champ scolaire, on a mis beaucoup d’élèves de plus en plus en difficulté jusqu’à une véritable division intérieure de leur personne. Cela seul pourrait expliquer bien des problèmes très actuels de leurs comportements.

Enfin, après avoir illustré par une métaphore les dégâts causés par le rejet de la conscience dans les activités d’apprentissage, je me suis tourné vers l’avenir en proposant que nous travaillions au rapprochement entre les neurosciences proprement éducatives et la GM pour créer la pédagophysiologie souhaitée par Antoine. Une pédagogie du sens dans laquelle l’entraide et la coopération seraient le support de la relation des consciences qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être. Ce retour de la conscience au centre du système scolaire nous permettrait de redonner à la pédagogie ce qui lui a été confisqué, lui permettant ainsi de retrouver et de promouvoir cet humanisme qui anime toute la recherche d’Antoine de la Garanderie.

 Voir la vidéo.

Le texte de l'intervention avec les références des citations. 



[1] L'ordre étrange des choses, p.98 – O. Jacob.2019

189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...