samedi 31 décembre 2011

54 - Ecole et Exclusion : gérer les différences dans l'accès à la connaissance.

En ce dernier jour de l'année 2011, je mets en ligne un texte vieux de 16 ans... L'époque était à la différenciation pédagogique. Vaste débat qui, aujourd'hui, semble dépassé à certains adversaires acharnés du "pédagogisme" (terme péjoratif qu'ils emploient pour désigner les efforts destinés à rendre l'Ecole accessible à tous... selon la loi...), cause à leurs yeux de tous les maux scolaires. Pourtant, je pense que ce souci de la différence des élèves n'a jamais été aussi à l'ordre du jour et l'exclusion du système scolaire de tant de jeunes sans qualification est une préoccupation bien actuelle pour tous les hommes politiques. Dans ce texte, je fais référence à F. BAYROU. Ce n'est que le reflet de l'actualité de l'époque où son "Nouveau contrat pour l'Ecole" agitait les polémiques. J'avais bien aimé ses propositions d'alors, notamment celles concernant la connaissance des enjeux de l'Ecole. Fut-il trop en avance ?

Bien sûr, en parlant de l'Ecole, il s'agit de l'ensemble des degrés scolaires et non pas seulement du premier d'entre eux. Il ne s'agit pas non plus d'un catalogue des différenciations recensées à l'époque : il en manque bien d'autres toutes aussi importantes, y compris les "intelligences multiples" de H. Gardner. L'expérience permet de découvrir de nouvelles singularités chez chaque jeune que nous rencontrons. Cependant, la multiplicité des cheminements dans la recherche du sens ne doit pas nous faire oublier que les rendez-vous sont les mêmes pour tous, ces rendez-vous qu'on oublie trop souvent d'éclairer. C'est pourtant là la tâche première de tout pédagogue. Avant de laisser la "liberté pour apprendre" comme le voulait K. Rogers,, et donc le libre choix des moyens, il convient de dire clairement où se situe le point d'arrivée.

Une fois encore je retrouve, plus de 15 ans en arrière, les intuitions qui se sont concrétisées dans la rédaction d' "Accompagner...". Ces quinze années d'expérience et de confrontations avec la réalité des centaines de jeunes différents que j'ai pu aider à échapper à l'exclusion.


QUAND L’ECOLE SE FAIT LIEU D’EXCLUSION

Énoncer que l'école, lieu par excellence de l'insertion de tous, peut être cause d'exclusion relève du paradoxe. Il est pourtant des rejets qu'elle est seule à provoquer. En effet, on peut définir l'exclusion comme le refus d'accueillir la différence de l'autre, sa non-intégration dans un ensemble constitué de normes imposées ou consensuellement acceptées. En ce sens, il faut se demander quel est le statut de la différence dans le monde scolaire.

>>>>  Lire l'article.

jeudi 22 décembre 2011

53 - Variation sur le concept de "PROJET" en éducation

Comme un complément à mon message 51, voici une "variation" sur le concept de Projet (en Orientation, mais applicable bien au-delà) inspiré de l'ouvrage de J.P. Boutinet "Psychologie des conduites à projet" (Que sais-je,93) qui m'a beaucoup aidé dans ma pratique d'accompagnement des jeunes lycéens. Peut-être aidera-t-il de nouveau quelque lecteur de ce blog ?

Lire : Pour accompagner la construction du Projet personnel d'orientation.



52 - ACCOMPAGNER VERS L’EXCELLENCE AUJOURD’HUI


ACCOMPAGNER VERS L’EXCELLENCE AUJOURD’HUI

La première fois, il s’agissait de réfléchir à la notion d’AUTONOMIE (message 21) ; la seconde, à celle de PROJET (message 51). Cette fois, c’est de l’excellence qu’il s’agit. Ces trois thèmes sont-ils si différents qu’ils fassent l’objet de trois articles distincts ? Pour moi ils forment plutôt une suite logique, un schéma en trois points qui pourrait constituer le fil rouge de l’action de l’éducateur, à l’école comme en famille. Comment en effet cheminer vers l’excellence sans cette visibilité et cette motivation que donne un projet bien construit ? Et comment être en projet sans cette autonomie dans la décision que cherche à développer l’éducation ? Mais si ce schéma de l’action éducative semble couler de source, il n’est pourtant  pas si simple à réaliser aujourd’hui. Ce qui pouvait sembler facile au début de ma carrière, à l’orée des années 60, l’est sans aucun doute beaucoup moins à l’aube des années 2000. Les prix d’excellence d’autrefois ont disparu comme les arbres sous lesquels ils étaient solennellement distribués à des adolescents rougissants de fierté devant leurs camarades, leurs professeurs et leur famille assemblés. Faut-il le regretter comme certains ne manquent pas de le faire en ces temps de crise de l’école, trouvant que tout était tellement mieux « de leur temps » ? Je ne le crois pas. Avant de conclure que « tout est nivelé par le bas », il convient de s’interroger. L’excellence est-elle une valeur pour les jeunes d’aujourd’hui ? Est-il aussi aisé que par le passé de les accompagner dans cette voie  sur fond de massification scolaire et de demande sociale de protection pour l’avenir ?

Mais d’abord, qu’est-ce que l’excellence ? Le Dictionnaire Historique de la Langue Française indique un sens ancien, proche de l’étymologie latine, d’après lequel « exceller »  peut se comprendre comme l’action de s’élever le plus haut  possible dans une voie donnée. Et cela peut s’entendre par rapport à soi-même aussi bien que par rapport aux autres. Cette interprétation me convient car elle suggère d’une part (celler) un processus de développement, un devenir plutôt qu’un état stable ; et d’autre part (ex), le choix d’une direction assignée par une personne à son désir, une élection plutôt que la constitution d’une élite. Il s’agit de faire le mieux possible ce qu’on choisit de faire plutôt que chercher à faire mieux que les autres, ce qui n’exclue pas la compétition mais lui donne une coloration plus humaniste que dominatrice. Avec les questions souvent dérangeantes que ce choix implique : dans quelle voie s’engager ? A quoi faut-il renoncer ? Quels efforts consentir ? Dérangeantes mais aussi motivantes car elles offrent à la liberté de chacun une possibilité de progresser vers la perfection et non un héritage à assumer, un titre à défendre, une protection pour l’avenir qui n’incite guère au mouvement en avant. Un cavalier parlerait de « l’impulsion » dans laquelle se trouverait celui qui recherche ainsi l’excellence : loin d’un dressage coercitif, c’est plutôt la mobilisation de toutes les énergies vers le but choisi, un dynamisme personnel plus qu’une soumission peureuse. C’est là, je crois, une interprétation acceptable du : « Deviens ce que tu es » de Pindare. L’opacité du futur rend plus que jamais incontournable cette vieille exhortation et nombre de jeunes s’y efforcent en dépit des obstacles rencontrés. Comment pouvons-nous aujourd’hui les y aider ?

51 - UN DEFI POUR L’EDUCATION : LE PROJET.

En cette fin d'année 2011 où le ciel s'assombrit comme jamais avec des prophéties alarmistes en tous genres, la tâche d'accompagner des jeunes est vraiment délicate. Comment les guider vers un avenir aussi compromis, sans tomber dans un pessimisme propre à couper les ailes aux plus intrépides d'entre eux ? Je mets aujourd'hui en ligne deux textes (ce message 51 et le suivant 52) qui complètent celui du message 21 "Autonomie et Education".

Le premier est consacré au Projet en éducation : projet personnel, projet d'orientation, projet d'apprendre, projet de vie, sont intimement imbriqués : comment les accompagner pour ce qu'ils sont dans la perspective d'un même projet fondamental : le "projet d'être" qui leur donne leur vrai sens?

Le second est consacré à l'accompagnement vers l'Excellence. Il forme avec les deux autres un triptyque qui donne le sens de l'ensemble à quoi peut se résumer la tâche éducative.  Ecrits tous les trois à la fin  des années 1990 pour la revue de l'établissement scolaire où j'exerçais mon métier d'éducateur, ils n'ont rien  perdu de leur actualité, et même ils correspondent encore mieux, me semble-t-il, à l'époque sombre que nous traversons.


                        UN DEFI POUR L’EDUCATION : LE PROJET.
Si un mot aura marqué la fin de notre siècle, c’est bien celui de « projet . « Il manque un projet à notre société en mutation », « Le gouvernement n’a pas de projet pour le pays « Une entreprise sans projet n’est qu’un bateau ivre ».... Le monde de l’éducation n’est pas en reste. Il est devenu incontournable pour tout établissement scolaire, public ou privé, de publier son « projet d’établissement », ou mieux encore, son « projet éducatif ». Toute équipe d’enseignants qui se constitue a pour première tâche d’écrire son « projet pédagogique ». A partir de quel âge désormais les enfants sont-ils sommés d’élaborer leur « projet professionnel » ? D’ailleurs, s’ils ne travaillent pas comme on le souhaiterait, s’ils ne trouvent pas d’emblée le sens de leurs études c’est bien entendu qu’ils n’ont pas de « projet personnel ». Et quand tout va mal pour l’un ou l’autre d’entre eux, ne s’interroge-t-on pas sur le « projet d’éducation de sa famille », sur son adéquation avec celui de l’établissement ?

Finis les plans, qu’ils soient d’état ou de carrière, les programmes soumis aux électeurs, et autres objectifs de production qui fleurissaient au temps de l’assurance que rien ne changerait avant longtemps. Pour autant, n’est-il pas paradoxal d’exiger des institutions comme des individus qu’ils forment avec précision le dessein de leur avenir dans les temps d’incertitude que nous connaissons ?

Le recours au concept flou de projet peut cependant se comprendre et Jean-Pierre Boutinet, spécialiste en la matière, nous y aide. Pour lui, le projet, parce qu’il valorise « l’inédit, l’idéal recherché, l’inexistant désiré », s’accommode mieux de l’indétermination et de la précarité de notre époque. Plus opaque est la ligne d’horizon, plus nécessaire est-il d’afficher ses intentions et de connaître celles des autres pour avancer avec le minimum de risques. Cela exige des organismes comme des personnes des attitudes nouvelles. La tâche des organisateurs est désormais d’harmoniser, en les articulant les uns aux autres, un foisonnement de projets de tous calibres, de toutes directions, individuels ou collectifs, aux contenus plus ou moins implicites et assez souvent contradictoires. Pour l’éducateur, il s’agit plutôt d’aider à leur promotion et sa tâche est bien souvent aujourd’hui auprès des jeunes celle d’un « accompagnateur de projet ». Dans ce sens, il faut se demander quels sont les éléments constitutifs d’un projet authentique et comment ils peuvent inspirer l’action éducative.

mercredi 21 décembre 2011

50 -Entretien avec un étudiant de Licence en Droit.


Antoine est étudiant de première année de licence en droit à l'Institut Catholique de Toulouse. C'est un ancien élève de la classe de seconde de méthodologie dont je vous ai souvent parlé, élève qui a donc bien réussi son lycée. Il m'a envoyé un message sur Facebook pour que je l'aide dans l’organisation de ses révisions à l'approche des partiels de janvier. Nous convenons d'un rendez-vous téléphonique. Lorsque je l’appelle il est justement en train de faire une fiche d’un de ses cours. Je le questionne sur la façon dont il travaille habituellement.

Il me dit  qu'en général il comprend bien l'essentiel de ses cours. Je demande si en plus de cette compréhension il  pense à les mémoriser, le jour même de leur réception, ce qui serait la meilleure façon de s'économiser du temps lors des révisions. Il me parle de sa difficulté à assurer en temps voulu la mémorisation des cours dont  le rythme est très soutenu depuis le début de l'année. Le soir il passe beaucoup de temps sur les travaux écrits obligatoires. Cependant il veille à réactiver ce qu'il a compris des cours, et les séances de travaux dirigés sont une bonne occasion pour cela en même temps que pour vérifier sa compréhension. En résumé, il comprend assez bien ce qu'il reçoit en cours, il l’utilise correctement dans les travaux dirigés, mais il manque de temps pour le mémoriser sur le long terme.

Je lui rappelle les schémas heuristiques qu’il a découverts dans son année de seconde. Il s'en souvient bien mais ne les utilise pas régulièrement. Je lui montre en quoi, même pour son fonctionnement plutôt verbalisant, cela pourrait résoudre une partie de son problème. Il pourrait, sans d’ailleurs forcément attendre le soir, stabiliser et approfondir sa compréhension de ses cours en réalisant un schéma de synthèse même rapide, qu’il n'aurait ensuite pas grand mal à mémoriser sur le long terme. Je lui rappelle également le mouvement de pensée de la mémorisation qui est d'envisager un avenir de réutilisation de ce qu'il reçoit pendant le cours lui-même, ou de ce qu'il aurait ainsi stabilisé par un schéma ou une fiche synoptique. Pour l’instant, il pourrait donc faire ses révisions en utilisant les schémas et s’imaginer les retrouver lors des partiels de Janvier, en lien avec les épreuves telles qu’il se les représente : certaines semblent de stricte restitution, d’autres paraissent plus complexes. Je lui rappelle que dans tous les cas le choix d’une bonne problématique sera attendu par ses examinateurs… et que c’est cela qu’il doit anticiper en révisant.

 Ensuite notre conversation évolue vers un autre problème. Dans les TD, on lui propose des études de cas. Mais il est confronté selon les matières à deux situations différentes. A certains moments les cas sont à traiter directement avec les éléments appris en cours récemment et la procédure lui paraît simple. A d’autres moments ou dans d’autres matières, il est plus déstabilisé par le fait qu'on lui propose plusieurs procédures possibles pour chaque cas étudié, « comme le ferait un avocat ou un juge dans l’exercice de son métier ».

Nous retrouvons la distinction entre les exercices d'application (mouvement qui va de la loi connue à l'avance, sans que l'on ait besoin de la chercher, à son application) et la résolution d'un problème (où l'enjeu est justement de choisir sur quelle loi ou procédure on peut s’appuyer pour envisager toutes les solutions acceptables « pour sauver son client »).

J’ai donc aidé Antoine a retrouver dans la deuxième situation les étapes du geste mental de la réflexion qu'il avait découvert et apprécié en stage quelques années plus tôt. Cela semblait lui convenir. Mais restait à voir comment sa compréhension des cours pouvait le préparer à ces résolutions de problème (problématique de résolution). Je lui ai donc rappelé les « Cinq questions » de la compréhension (problématique de recherche). Il reconnut qu’il se souciait davantage de la partie « amont » des lois ou principes : leurs origines et explications. La partie applicative, « l’aval », retenait moins son intérêt. Il comprit mieux alors ses difficultés à mémoriser (envisager les applications possibles des lois dans le futur, mouvement vers leur « aval ») et sa lenteur dans les travaux écrits (retrouver les lois, certes comprises  mais peu présentes en mémoire au moment d’y faire appel, car non programmées pour ces situations). Classique !

A la fin de notre conversation, j'ai envoyé à Antoine le texte « Exercice ou problème, il faut choisir » (message 13). Cela pourra l’aider à mettre au clair cette distinction capitale.

lundi 5 décembre 2011

47 - Neurologie et apprentissage. Mémorisation, compréhension, réflexion...quels liens ?



Neurologie et apprentissage. Mémorisation, compréhension, réflexion...quels liens ?

Compte rendu du deuxième stage avec la classe de méthodologie toulousaine.

Avant le stage, les professeurs étaient inquiets parce que les élèves semblaient ne pas avoir bien assimilé les contenus du premier stage et confondaient les gestes mentaux qui avaient été étudiés. Particulièrement ils semblaient avoir des difficultés à mémoriser, et notamment des définitions contenant des mots abstraits. J’étais donc un peu préoccupé en préparant ma venue (voir message 45 : « Au risque de la réflexion »).

Après avoir entendu les élèves me décrire dans quel état ils étaient et ce qu'ils avaient retenu du précédent stage, mon sentiment a été un peu plus positif. Une majorité des élèves disait avoir mis en place les structures d’un travail quotidien plus organisé, ce qui pour autant ne veut pas dire plus efficace. Ils disaient cependant rencontrer encore des difficultés importantes qu’ils énonçaient ainsi :

-        « Je comprends mais je ne retiens pas » = Pas de différence entre compréhension et mémorisation.
-        « Tout se mélange quand je veux retrouver ce que j'ai appris » = Difficulté de réutilisation des acquis.
-        « Je suis dans le stress lorsque j'anticipe le contrôle ».
-        « Je suis dans la peur des réactions des professeurs ».

Ainsi, il me fallait reprendre les contenus du premier stage sans trop de redondance, tout en introduisant la suite du « programme » de l’année : approfondir la réflexion et mettre en place le projet de communication orale et écrite

J’ai donc organisé ce deuxième stage autour de deux sources :
         -   un article d'Antoine de la Garanderie, relu (par hasard ?) pendant la préparation de ce stage [1]. Dans cet article,  Antoine souligne le « risque » qu'il y a pour l'être humain,  seule créature vivante à pouvoir le faire, d'utiliser sa conscience « réfléchissante » pour constituer le sens du monde. Pour cela, il lui faut se mettre « hors abri », prendre le risque d’un investissement personnel dans la compréhension des choses : «  il ne s'agit plus par obscur désir d'éviter d'être puni, parce qu'on ne saura pas sa leçon ou qu'on aura mal fait son devoir. Il s'agit d'être heureux de comprendre, d'être maître de sa leçon  ou de son devoir, parce qu'on aura eu la maîtrise de leur sens ; on en aura l’intuition. Le désir en sera personnellement éclairci. Il sera lumineux pour soi. » Et c'est bien cet « obscur désir » qui envahit les élèves tant qu’ils n'ont pas reçu l'éclairage sur les « forces pures » qui les habitent : c’est en lui  que s'origine leur peur. L’enjeu est donc de les éclairer sur leurs ressources personnelles et sur la façon de les mettre en jeu pour comprendre ce qu’ils apprennent trop souvent « mécaniquement ».

         -  un article d'un neuropsychologue, Bernard Croisile[2], qui synthétise les dernières découvertes concernant la mémoire (dans le hors série de la revue « Sciences humaines » de novembre - décembre 2011),  de façon à faire apparaître de manière plus claire, de façon « scientifique », le lien entre comprendre, mémoriser et réfléchir. J’en ai extrait ici certaines parties en soulignant quelques passages.

J’ai commencé par reprendre le geste de mémorisation à la lumière des découvertes actuelles sur le cerveau.




samedi 3 décembre 2011

46 - Motivation et pratiques pédagogiques.

Je rentre de Toulouse où j'ai animé le deuxième stage de l'année avec la classe de seconde de méthodologie, et je prépare un texte sur ce qui a été vécu par les élèves, leurs enseignants et moi-même dans ces trois journées intenses consacrées à la compréhension et à la mémorisation.  Mais auparavant (la préparation des concerts de Noël requiert mon attention ces jours-ci...), je mets en ligne un texte rédigé il y a... longtemps pour des formations d'enseignants, mais qui me semble toujours actuel : les professeurs de cette classe l'ont travaillé avec moi et s'en inspirent dans leur quotidien... avec bonheur pour eux et leurs élèves... après un temps d'adaptation. Dans ce document, je fais la synthèse de plusieurs sources sur ce sujet "brûlant", et je reprends notamment plusieurs pratiques décrites dans l'ouvrage si intéressant de Marie-France LEMEIGNEN, "Faites-les réussir", malheureusement épuisé après plusieurs retirages.

La grille qui accompagne le texte doit être remise dans son contexte de travail en formation et donc avec accompagnement par le formateur...

Lire le texte : Pour susciter et entretenir la motivation des élèves.

La grille d'auto-évaluation (professeurs).


vendredi 25 novembre 2011

45 - Au risque de la réflexion.


Malgré ce titre, c’est encore de la mémorisation que je voudrais parler dans ce message. Enfin, en partie… Depuis quelques jours, je me mets en projet pour le deuxième stage avec la classe de méthodologie toulousaine. Je suis un peu préoccupé par le mail reçu du professeur principal. Il semble que la classe n'ait pas embrayé après le premier stage de septembre, et que les élèves soient encore dans la confusion au sujet des gestes mentaux que nous avons abordés. Il semble bien que l'introduction du geste de réflexion plus tôt dans l'année n'ait pas produit l'effet escompté (voir message 43)

Je me préparais donc en laissant mon esprit tourner et retourner cette problématique : comment aborder le deuxième stage en tenant compte d'une part de l'état exact des élèves, sans trop de redondance avec le premier stage, tout en aidant ces jeunes à faire le clair sur leurs moyens personnels d'une part et sur les enjeux de leur scolarité et d'autre part. J’avais du mal à décider de ce que j’allais leur proposer pendant ces deux journées. On pourrait penser qu'après plus de 30 ans de pratique de ce genre d’accompagnement, je n'en sois plus à ces hésitations de débutant... Ce serait oublier que chaque rencontre avec des jeunes, individuelle ou collective, est toujours une aventure qu'il est impossible d’écrire à l'avance. Même si le "programme" que je développe est le même, à quelques variantes près, ceux qui le "reçoivent" sont toujours différents : là est sans doute le problème de tous les pédagogues.

Donc, je laissais mon esprit retourner le problème que je voulais résoudre. C'est ma façon, un peu anxiogène c'est vrai, de me préparer. Mais j'ai une certaine confiance dans une sorte de « providence » à ce sujet ; elle m'a rarement trahi. Je prédispose ainsi mon esprit, d'une manière très ouverte, à recevoir tout élément susceptible de concourir à la prise de décision. C'est ainsi que je suis tombé (par hasard ?) sur un ancien article (lettre d'Initiative et Formation numéro 100) de la main même d'Antoine de la Garanderie, reprenant le contenu d’une conférence qu'il avait donnée lors de l'université d'été d'IF de 2008 : « Au risque de la réflexion ». Je savourais de nouveau ce texte écrit à propos d'un poème de Rainer Maria  Rilke. Antoine dit y trouver "derrière son abstrait symbolisme, la concrétité de l'acte de réflexion tel qu'il est en lui-même". Pendant cette lecture j'ai fait une expérience qui motive ce message.

Un passage a particulièrement retenu mon attention, ce qui s'est traduit par une plus grande acuité de ma verbalisation intérieure, une reprise interne réitérée du texte que je lisais, un effort accru pour en dégager le sens. J'ai ressenti alors en moi, presque physiquement, un mouvement qu'il est possible de décrire ainsi : j'avais le sentiment d'avoir, derrière moi et sur ma gauche, un grand sac largement ouvert et j'imaginais que je prenais, pour ainsi dire avec mes mains, cet élément de texte pour le déposer dans ce sac. Ce mouvement était accompagné en arrière-plan d'une pensée, je crois verbalisée : « ça, ça pourrait me servir ».

J'ai toujours pensé, et milité pour, que l'on associe le geste de mémorisation à celui de réflexion faisant du second la finalité du premier. Je sais bien que dans l'acte de compréhension, la réflexion qui mobilise les acquis à mettre en contact avec la chose à comprendre, joue un rôle essentiel. Mais ce que j'ai découvert à l'occasion de cette expérience, c'est que la réflexion peut aussi être un facteur, un motif de la mémorisation. C'est bien parce que j'avais ouvert en moi un imaginaire correspondant au problème que j'avais à résoudre que cet élément de texte a été automatiquement transporté en pensée dans le sac grand ouvert de ma mémoire, en anticipation d’un besoin éventuel lorsque je me trouverais face aux jeunes. C’est en pensant "réflexion" que j’ai agi "mémorisation".

Pour en revenir au texte lui-même, c’est vrai qu’ils sont, ces jeunes, dans la peur de l'échec, dans le doute quant à leur intelligence et à leurs moyens de réussite. Ils sentent confusément le risque qu'il y a à se mettre « hors abri », ils sont tentés de se recroqueviller sur eux-mêmes dans des conduites d'évitement des difficultés, de recherche d'excuses extérieures à eux-mêmes. Il s'agit de les ouvrir à leur capacité à gérer ce risque, à dépasser cette peur, par une meilleure connaissance de leurs potentialités à investir ce « champ dans lequel la conscience réfléchissante de l'être humain peut s'investir » et qui leur est encore interdit. Ainsi, pour eux, il ne s’agira plus "par obscur désir, d'éviter d'être puni, parce qu'on ne saura pas sa leçon et qu'on aura mal fait son devoir. Il s'agit d'être heureux de comprendre, d'être maître de sa leçon ou de son devoir, parce qu'on aura eu la maîtrise de leur sens ; on en aura l'intuition. Le désir en sera personnellement éclairci. Il sera lumineux pour soi".

Pourvu, cher Antoine, que j’arrive à les inciter à sortir de leurs abris faussement douillets, et à les conduire vers "ces champs illimités", où "se trouve toute conscience d’être humain".

mercredi 16 novembre 2011

44 - Sens de la lecture retrouvé... et "dictée magique"...

On croit rêver... Au journal de 13 h de la 2° chaîne, aujourd'hui  même, mercredi 16 Novembre 2011, on nous dit dans un reportage tous à fait sérieux, comme une révélation surprenante, qu'on peut faire gagner 6 mois à ses enfants dans l'apprentissage de la lecture en leur lisant une histoire tous les soirs... Et des parents, des papas surtout, de témoigner que le professeur de leur enfant leur a donné ce bon conseil...  et d'assurer qu'ils s'efforcent de le suivre... certains avec un air un peu goguenard, ou même un peu dubitatif ("ils finissent pas les savoir par coeur"...)... comme s'il s'agissait d'un gadget... Mais gagner 6 mois, hein, cela en vaut la peine... non ? Dans notre univers d'ultra compétition, où tout se mesure en rentabilité et en temps raccourci, prendre 6 mois d'avance sur les autres, c'est important, (re)non ? Même l'écrivain, appelé à la rescousse de ce "scoop", d'en rajouter sur l'intérêt de redonner le goût de la lecture, considérée comme un gage sérieux de réussite scolaire (ce qui au demeurant est parfaitement vérifié). Mais personne n'a relevé qu'il s'agissait  ni plus ni moins de transmettre à de jeunes enfants, bien en amont de l'Ecole, le sens même de la lecture ("ce que lire veut dire" dirait Bentolila) comme accès au monde merveilleux du plaisir du rêve et des émotions, certes, mais aussi à la culture et simplement à la communication entre les hommes. Le sens, dites-vous, mais qu'est-ce c'est que ça ? Combien ça vaut, en temps, en euro ? Et dans un journal télévisé,  vous n'y pensez pas !

Je repense à mes propres enfants, que ni leur mère ni moi n'avons jamais eu à aider, ni au primaire ni après (si ce n'est, peut-être ?, en leur transmettant le goût de l'étude.. et en nous réjouissant ostensiblement de leurs bons résultats, sans appuyer sur les baisses de régime passagères...). Ils ont réussi leurs études sans aucun accroc (ils sont maintenant, lui : professeur et directeur d'Ecole primaire, elle : médiatrice du patrimoine culturel scientifique). Ils savaient presque lire en entrant à l'école. Bien sûr nous pratiquions assidûment les lectures du soir, rituelles, variées et souvent prolongées (on avait quand même la télévision en ce temps-là... mais avec un usage adapté à leur âge), et ils ont continué dès qu'ils ont pu lire par eux-mêmes. A la même époque, ils avaient aussi un simple jouet qui leur a ouvert l'accès autonome au monde des signes (lettres). Il s'appelait  "la dictée magique" et comportait des modules de niveau progressif. Ils y passaient des heures sans s'en lasser... Ils se sont ainsi familiarisés avec les lettres, leur forme écrite comme leur correspondance sonore, leurs assemblages si variés pour former syllabes et mots, déjà connus ou découverts à cette occasion. Ils sont ainsi  passés sans effort ni douleur du phonème au graphène, du concret au symbolique, préfiguration de l'accès à l'abstraction ... enjeu si capital de l'école.  Je ne sais plus ce qu'est devenu cet objet si utile, ou à qui il a été donné...J'ai fait une recherche sur internet et vu qu'on en trouvait sur les sites de ventes d'occasion... je vais m'en procurer un de ce pas, il pourra toujours servir à quelqu'un.

43 - Quand un classe de Seconde retrouve le sens des apprentissages lycéens.

En Octobre 2010 les Cahiers Pédagogiques publiaient dans leur numéro spécial "Accompagner dans et hors l'Ecole" le récit d'une expérience menée par une équipe de professeurs que j'avais formés à la pédagogie des gestes mentaux. Cet article peut inspirer d'autres expériences de ce type d'accompagnement, c'est pourquoi je le "rafraîchis" aujourd'hui. Je l'ajoute également à la page "Spécial enseignants".
Consulter l'article

Je vais bientôt repartir pour Toulouse retrouver cette classe de méthodologie dont je vous ai souvent parlé dans mes messages et que j'accompagne toujours.... et faire le bilan d'une innovation de cette année. En effet, les professeurs avaient remarqué que les contenus du premier stage (projet, évocations, lecture de sens,attention, mémorisation, schémas heuristiques...) ne suffisaient pas à motiver les élèves au delà de quelques semaines (messages 10 et 11), et que les résultats ne suivaient pas même si les élèves étaient plus attentifs en classe et travaillaient un peu plus (refrain connu... et régulièrement repris après les stages d'été...). Aussi, cette année, lors du premier stage en Septembre, j'ai modifié mon programme et j'ai introduit le geste de réflexion en complément de celui de mémorisation, faisant ressortir le lien intime qui unit ces deux actes de connaissance : on mémorise des contenus pour les réutiliser plus tard dans une réflexion, on réfléchit en réutilisant ce qu'on a mémorisé auparavant. J'ai dû raccourcir l'approche du projet mental et laisser l'initiation au schéma heuristique et à la lecture "à projets différenciés" aux professeurs pendant les séances d'accompagnement. Nous allons vérifier lors de ce second stage si les élèves ont mieux intégré ces découvertes...  et si leur motivation s'en est trouvée renforcée. Affaire à suivre.

mercredi 2 novembre 2011

42 - Apprendre par coeur ? Savoir par cœur ? Quelle différence ?


Beaucoup de personnes, et pas seulement des élèves, sont en difficulté  lorsqu’on leur demande d’apprendre quelque chose par cœur.  Et cela à tous les âges. Pourquoi ?

Je recevais il y a quelques jours deux anciens stagiaires de Poisy, Sylvain et Raphaël,  déjà bacheliers lors du stage IF/ANPEIP de  2007, tous deux EIP s'il en est, poursuivant malgré quelques difficultés des études supérieures, l’un en droit, l'autre en informatique. J'ai déjà eu  l'occasion de parler de Raphaël et de ses problèmes de mémorisation (message 12). Cette fois-ci, la conversation en vint à la manière d'apprendre les cours. Le juriste en tenait pour un apprentissage par cœur, ce qui se comprend,  l'informaticien faisant chorus, ce que je comprenais moins. J'interrogeai donc Raphaël : « tu penses vraiment que dans ce genre d'études, il  faut savoir ses cours par cœur ? ».  « Oui, me répondit-il, pas pour tout bien sûr, mais mon professeur inisiste pour que l'on apprenne par cœur certains passages. Et j'ai beaucoup de mal pour apprendre de cette façon. J'ai beau me les répéter aussi souvent que possible, je ne les retiens pas. » Et Sylvain d’abonder dans ce sens, lui-même ayant du mal avec ses  textes et définitions juridiques.

Connaissant leur profil d'expliquants et de reformulateurs verbalisants, avec un projet de compréhension prioritaire et incoercible,  j'imaginais bien les difficultés qu'ils pouvaient rencontrer dans cet apprentissage mécanique et répétitif. Je me demandai alors comment les aider à sortir de cette impasse.

Ces deux étudiants étaient confrontés à l’exigence de connaître mot pour mot, à la virgule près, « automatiquement », certains contenus de leur cours aussi bien en droit où toute déformation d’un texte de loi est redoutable, qu'en informatique : tout utilisateur d'un ordinateur sait combien la précision est exigée dans cette discipline où "l'à-peu-près" est ravageur.

Mais en les écoutant parler j'ai réalisé qu’il y avait une confusion au niveau des mots. Je demandai à mes deux visiteurs : « Vos professeurs  veulent-ils que vous « appreniez » ou que vous  « sachiez » vos cours par cœur ? ».  Ils ne voyaient pas la différence…  En réalité, leurs professeurs leur demandaient de « savoir » par cœur et eux, faisant preuve d'une docilité  que je ne leur connaissais guère jusque-là, s'obligeaient à « apprendre » par cœur. De fait, il est fréquent d’entendre ces  mots utilisés l'un pour l'autre. Et pas seulement chez les élèves … Et pourtant ces deux réalités sont très différentes...

« Savoir » est un état, un résultat observable. « Apprendre » est une action mentale complexe, un processus intérieur, difficilement observable. On peut considérer que  le résultat « savoir » est  l'aboutissement du processus « apprendre ». Lorsqu’un professeur exige que l'on sache un contenu par cœur,  il ne s'agit en rien d'une exigence portant sur la méthode d'apprentissage qui mène à ce résultat. Mais la confusion est permanente : « vous apprendrez ces définitions par cœur pour le prochain cours », dit-on aux élèves aussi bien que « vous devrez savoir ces définitions par cœur pour le prochain cours ».

 Je rassurai mes visiteurs en leur faisant valoir qu'ils n'avaient nullement à se conformer à ce que leurs professeurs n'avaient pas le droit d'exiger d’eux : qu'ils « apprennent » textes et formules par cœur.  En revanche,  ils  avaient parfaitement le droit d'exiger qu'ils les « sachent » mot à mot, sans erreur et sans hésitation. À eux maintenant de trouver les moyens les plus adaptées à leur profil, en exploitant toute la richesse de leurs projets de sens de compréhension, toujours prêts à les emporter dans des digressions pas toujours bienvenues, mais en gardant à l'esprit le but à atteindre : connaître textes et  formules avec la plus grande fidélité possible, en rapprochant progressivement leurs commentaires intérieurs de la formulation originelle.

 Poussant plus loin la discussion nous nous sommes interrogés  sur le sens de cette expression : « par cœur ». Communément, on pense à un apprentissage mécanique, répétitif, à un rabâchage indigeste, phrase après phrase …  Apprendre par coeur est souvent synonyme d'apprendre bêtement, sans comprendre comme apprendrait un perroquet (le "psittacisme" tant critiqué par Montaigne !). Mais  pourquoi mêler le cœur, organe source de vie, lieu mythique de nos sentiments, à une activité aussi dénuée de sens et d'intérêt, aussi éloignée de toute expression poétique ou sentimentale ? Si savoir par cœur peut se satisfaire d'être rapproché du « mot à mot », d’une reproduction fidèle et immédiate,  de la création d’un automatisme, n'est-il pas plutôt question, pour apprendre, de le faire « avec le cœur », « de tout son cœur » ? Cette approche permettrait éventuellement de réintégrer quelque part les émotions dans l'apprentissage... On sait combien elles sont des alliées puissantes de la mémorisation... lorsqu'elles sont positives. Mais est-ce seulement avec le cœur que l'on apprend ? Il est vrai que pour les grecs anciens, le coeur était le siège symbolique de l'intelligence comme celui du courage ou des émotions. Depuis, on a un peu progressé dans la connaissance de l'anatomie humaine... et le cerveau a (re)conquis ses droits légitimes (tout en restant étroitement associé, comme "embrassé", par nos sentiments, sans lesquels il n'y a pas d'intelligence créatrice, sentiments eux-mêmes issus de systèmes nerveux archaïques créateurs d'émotions, mais encore puissamment à l'oeuvre en chacun de nous en tant qu'êtres "conscients" ** ; dans ce cas apprendre "avec le coeur" prend tout son sens !).

Mais si c’est bien avec sa tête qu’on apprend, alors il pourrait s’agir d'apprendre « à cœur », « jusqu'au cœur » de la chose à apprendre (comme on parle d’un rôti « cuit à cœur »…).  Il s’agirait donc plutôt de comprendre, d'aller « jusqu'au cœur » du sens de ce que l'on apprend. Et comment aller au cœur du sens de ce que l'on apprend ? Mais avec les « cinq questions » *, cher Sylvain, cher  Raphaël. Ce sont elles (que vous avez un peu oubliées ?) qui vous mèneront au cœur du sens de ce que vous avez à apprendre. "Avec le cœur" et "jusqu'au cœur", donc avec et par l'intelligence (comme pour les grecs) plutôt que bêtement et mécaniquement. Curieux renversement du sens d'une expression trop ancienne..?

En n’oubliant pas que répondre à la question « c’est quoi ? » vous permet de conserver la chose à apprendre/comprendre dans sa forme exacte, dans son « mot-à-mot », exigé parfois par des professeurs prévoyants …parce qu' indispensable pour votre propre sécurité aux moments de la réflexion et de sa communication (argumentation, justification…)  surtout écrite. A condition bien sûr d'anticiper ces objectifs… ce que vous ne faites pas, rendant du coup  peu compréhensibles les exigences de vos professeurs, qui eux les anticipent et veulent ainsi vous préparer aux utilisations à venir de vos acquis !  Sans doute serait-ce plus clair s’ils vous l’expliquaient mieux….

En conclusion, pour « savoir » un élément de cours "par (le) cœur", il convient d’abord de s’autoriser ** à le comprendre « à cœur », à le déformer/transformer, à le traduire dans sa « langue pédagogique » (évocation, à partir de son atmosphère de sens), à le transposer dans son propre « lieu de sens » (espace, temps, mouvement), à lui poser les "5 questions" de la compréhension approfondie en cherchant les réponses à ces différents projets de sens, puis, dans un second travail, à le remettre, à le "re(con)stituer" dans sa forme d’origine qu'il faudra alors mémoriser telle quelle, au besoin par des répétitions tout à fait légitimes à ce stade…  On sera ainsi capable d’utiliser cette nouvelle "connaissance" en toutes occasions, sous toutes ses formes de sens (d’application, d’explication, de finalisation, de relation)… y compris dans sa forme de sens d'identité (sa formulation à l'"identique"), pour en redonner certains éléments « par cœur », ou mot pour mot, ou automatiquement,  en cas de besoin. 

Vu comme cela, on le voit bien, apprendre "par coeur" est assez éloigné d'apprendre "bêtement".

* Voir le message 56 "Comprendre et réutiliser ses connaissances", avec le '"Schéma des 5 questions". Et aussi la dernière partie d’ « Accompagner ...», sur les opérations de la compréhension approfondie.

** Voir L"Ordre étrange des choses - La vie, les sentiments et la fabrique de la culture" d'Antonio Damasion, O. Jacob, 2019.

*** … se « rendre auteur » de son apprentissage, ce qui n’est nullement le cas d’un rabâchage mécanique, mais qui se réalise dans une recherche de sens approfondie.


jeudi 20 octobre 2011

41 - Nouvelle édition de « Accompagner le travail des adolescents... »



 Mon éditeur vient de m'annoncer qu'il avait procédé à une deuxième édition de ce livre consacré à l'accompagnement des adolescents dans leur travail, berceau de Pégase, et dont ce blog (qui vient de dépasser les 7000 pages vues) se veut être le promoteur.

Bien sûr je me réjouis de cette bonne nouvelle et je profite de cette occasion pour dire quelques mots sur la couverture de ce livre. A la Chronique sociale, son éditeur, la coutume est de décorer les couvertures de motifs colorés. Je me suis volontiers plié à cette tradition, et j'ai proposé de faire figurer une oeuvre de ma belle-soeur, Kathia Korzin, qui orne mon bureau et que j'avais ainsi au-dessus de ma tête pendant le travail de gestation de "Accompagner...". Sans doute cette oeuvre m'a-t-elle inspiré. En effet lorsque j'ai demandé l'autorisation à son auteure de faire publier une copie de cette oeuvre, elle m'a indiqué le titre qu'elle lui avait donné, et que j'ignorais jusque là : "Entéléchie". Ce terme que l'on doit à Aristote signifie : « la réalisation de ce qui est en puissance dans l'Etre, par laquelle il trouve sa perfection ». Or que propose ce livre sinon, à la suite d'Antoine de LA GARANDERIE, les moyens de permettre à un jeune de découvrir les forces potentielles qui résident en lui et qu'il ne connaît pas, et de les mettre au service de la réussite d'une scolarité elle-même mieux éclairée, jusqu'à atteindre l'excellence ? Ainsi donc, je me plais à penser que le projet de sens fondamental de la gestion mentale était inscrit dans ce tableau (dont l'auteure ignore tout de cette approche pédagogique) et soutenait à mon insu mes efforts d'écriture .

Plus prosaïquement, j'ai profité de cette réédition pour corriger les quelques fautes de frappe qui avaient échappé au regard acéré des différents correcteurs de mon texte original...

jeudi 29 septembre 2011

40 - Dialogue pédagogique avec un élève de primaire : orthographe, mémorisation, réflexion...

Malgré les apparences, je n'oublie pas mes lectrices et lecteurs assidus. Avant de partir pour Caen présenter notre Pégase en conférence inaugurale d'une semaine de formation de l'ensemble des professeurs-stagiaires de l'académie (première année d'enseignement après le concours), je mets en ligne ce dialogue pédagogique retrouvé dans mes archives. Le primaire n'est pas ma pratique habituelle (plutôt grand collégiens et lycéens ou étudiants). Toutefois, à l'issue d'une formation au Dialogue Pédagogique que j'avais animée à Bordeaux, une des participantes m'avait demandé de rencontrer un de ses élèves dont elle constatait l'intelligence très vive, mais qui était en échec dans certains apprentissages scolaires "de base". J'avais accepté, d'abord pour lui être agréable et lui rendre service, mais aussi parce que ce type d'élève (intelligent mais peu scolaire... cela vous rappelle-t-il quelque chose ?) m'émeut toujours : quelle souffrance pour eux et leur famille de voir ainsi leur intelligence être inopérante dans le lieu même où elle devrait s'exercer, s'épanouir, se développer... !

Je ne me souviens pas de la classe de cet élève, mais cela est de peu d'importance. On voit dans cet échange que la réflexion est un geste mental à l'oeuvre très tôt, qu'il n'est pas réservé à des âges plus avancés, même si plus tard il devient encore plus déterminant pour la réussite scolaire.

N'oubliez pas qu'il s'agit ici d'un exemple, pas d'un modèle. Bonne lecture.

Lire : Dialogue pédagogique avec Paul.

mardi 6 septembre 2011

39- Entretien-profil avec un "bon élève" et entretien "méthodologique" avec un moins bon....

En faisant un petit inventaire des documents du blog, je me suis aperçu que la vidéo de l'entretien avec un bon élève (message 8 et page "vidéos pour formateurs") n'avait pas été chargée en totalité, et qu'il n'y avait qu'une demi-heure sur plus d'une heure. J'ai donc remis la vidéo intégrale que vous pouvez visionner ainsi jusqu'au bout. Je rappelle qu'il s'agit d'un élève de Seconde générale de Lycée, excellent en toutes matières, dont les notes étaient toujours aux alentours de 18/20... à la grande admiration de ses camarades comme de ses enseignants. Et cela depuis le primaire. J'en avais la responsabilité dans mon "tutorat". D'origine étrangère et modeste (son père parlait encore mal notre langue), ses parents n'avaient pas tous les codes de notre système d'enseignement, mais ils attribuaient en revanche une grande valeur à la réussite scolaire. Comme quoi les déterminismes sociaux et culturels ne sont pas tout pour réussir ses études...
Au cours de l'année, dans les heures « de tutorat » (équivalent des heures de classe ou de vie classe… quand on pense à les inscrire dans l'horaire des élèves…) j'avais initié mes élèves à une bonne pratique des gestes mentaux. La fin de l'année, j'avais proposé à cet élève brillant d'enregistrer en vidéo un échange avec lui pour essayer de mettre à jour sa gestion mentale si performante. J'avais transcris cet échange et j'en avais fait l'objet de la dernière partie de mon premier livre ( Découvrez votre méthode de travail) désormais introuvable (sauf sur Internet en occasion). Il servait d'illustration aux autres parties plus théoriques. 

On verra apparaître au cours de l'entretien les différents projets de sens vécus par cet élève. On ne parlait pas encore doctement  de "structures de projets de sens", mais elles étaient quand même bien à l'oeuvre dans la conscience de ce jeune... et qui plus est dans le bon sens !

Donc, bon visionnement... jusqu'au bout cette fois.

Entretien avec un "bon élève".

On pourra visionner en contrepoint une autre vidéo (réalisée 9 ans plus tard) d'un entretien "méthodologique" (donc pas d'un "dialogue pédagogique" au sens strict) avec un élève "médiocre".  Ce jeune était également en Seconde générale dans mon "tutorat". A la différence du premier, ses résultats étaient très faibles, à la limite du décrochage  (en Lycée général...). Je lui avais proposé cet entretien pour essayer de rechercher ensemble  la cause "scolaire" de ses difficultés. Je l'ai donc interrogé sur "le sens des études" tel qu'il pouvait l'avoir constitué à travers son histoire personnelle et son rapport à l'école. On verra comment ses représentations sont désorganisées et ses habitudes très éloignées de ce qu'on attend de lui à ce niveau d'études. On voit bien qu'il n'est pas "là" dans ses paroles, ni dans ses actions scolaires... avec la persistance d'un" projet de restitution" bien installé dans son esprit. Il tient un "discours autour" des études qui peut faire illusion... (il a retenu quelques bribes de nos séances de méthodo, mais ne les a pas intégrées) mais qui ne résiste pas à l'analyse approfondie auquel je l'invite. Pratiquement tout était à reprendre. Je suis parti en retraite à la fin de cette année là, et n'ai donc pas pu aller plus loin avec lui. J'ai appris depuis qu'après une année de  redoublement tout aussi peu efficace, il avait changé d'établissement et d'orientation, abandonnant au passage un projet d'avenir, également peu réaliste. Nous ne sommes pas des "sauveurs"... quel qu'en soit notre désir plus ou moins conscient. Seul l'élève que nous souhaitons aider peut se sauver lui-même... s'il en a le désir vrai et qu'il est prêt à en assumer le "coût".

Attention : je ne suis pas arrivé à raccrocher les quatre morceaux de cette vidéo d'un peu plus d'une heure. J'espère que vous pourrez suivre quand même cet échange un peu difficile.. surtout pour le jeune.

Entretien avec un "élève médiocre".
1° partie
2° partie
3° partie
4° partie

samedi 25 juin 2011

38 - Auto-évaluation avec PEGASE

Je mets sur la page "spécial jeunes", un document que j'utilise avec les jeunes que j'ai formés à "chevaucher Pégase". Il leur permet  au moment du stress où "le naturel revient au galop", de se souvenir des bonnes attitudes que nous avons travaillé à développer lors des stages ou entretiens individuels. Il vaut ce qu'il vaut... Peut-être pourra-t-il aider quelque accompagnateur à bien cibler ses conseils pour amener ses élèves à "prendre ce recul" qu'on attend d'eux vis à vis de leurs énoncés en contrôles et examens... Ce recul qu'on ne sait trop comment développer chez eux... Ces questions d'auto-évaluation sont l'application des acquisitions méthodologiques de Pégase. Elles les aident aussi à "se mettre dans le sens" de ces épreuves... tellement à l'ordre du jour en ce début d'été.

Questions d'auto-évaluation de son travail.

37 - Q-Sort sur les représentations et recherche de profil, en entretien individuel.


Julie est en seconde. Selon ses professeurs elle a quelques difficultés en « raisonnement » et en expression écrite. Elle souffre d’une dyslexie ancienne, maintenant peu évidente. Elle complique ses productions, est maladroite dans sa prise de notes, répugne aux exercices….  Rien d’extraordinaire au demeurant, mais suffisamment gênant pour que les parents, médecins tous les deux, s’en inquiètent… depuis longtemps déjà. En plus de leur accompagnement très présent, ils ont eu recours à plusieurs aides extérieures: orthophonie bien entendu, médecine de la mémoire ( !), professeurs-répétiteurs divers…
Julie vient avec sa maman. Je reçois une jeune fille au regard éveillé, se tenant droite, le sourire rayonnant…  Assez loin de ce que j’avais imaginé après l’entretien téléphonique avec sa mère. Après un échange préliminaire, et avec l’accord explicite de Julie et de sa maman, j’ai tenté une expérience à partir du Q-Sort sur les représentations lycéennes (voir message 19). 

Habituellement, je reçois les adolescents de cet âge sans leurs parents. Mais la proximité mère-fille évidente et apparemment non contrainte m’a incité, cette fois, à leur proposer de remplir le Q-Sort chacune de leur côté. Premier résultat : si quelques rares choix étaient identiques, le plus gros des réponses manifestaient des écarts de conception assez importants. La discussion qui suivit sur chaque point fut l’occasion pour Julie de prendre conscience de cette partie ignorée d’elle-même, et de lui montrer qu’elle avait droit à cette différence avec sa mère, à cette  autonomie de pensée.
Prise de conscience aussi pour la maman qui a réalisé combien l’aide qu’elle apportait à sa fille était inadaptée tant à sa fille elle-même qu’aux vrais enjeux scolaires... qu’elle méconnaissait, comme tant de parents de bonne volonté ! Les souvenirs de sa propre scolarité étaient son seul guide… Et, de surcroît,  il apparût très vite que le fonctionnement mental de Julie était à l’opposé du sien, qu’elle découvrait en même temps que sa fille.

Mais ce qui m’a surpris, c’est qu’à partir de nos échanges sur ses choix de réponses, nous avons pu faire émerger très rapidement les grandes lignes de son profil cognitif : visuelle - globalisante - expliquante - opposante - intuitive… La réflexion est pour elles deux un geste tout à fait inconnu (dans sa formulation) et Julie ne le pratique jamais de façon explicite, se fiant à son intuition, souvent juste d’ailleurs. Mais du coup ses difficultés en expression écrite, ses raisonnement alambiqués, les « détours» contre-productifs de sa pensée  s’éclairaient d’un nouveau jour.

Le reste de nos deux entretiens, le second sans la maman, fut consacré à poursuivre la résolution du conflit entre les représentations empiriques érronées qui faussaient l’activité intellectuelle de Julie, et celles que Pégase permet de leur substituer, en toute conscience et en faisant appel à son « esprit critique ». Je ne sais ce qu’il adviendra de Julie, mais je suis sûr maintenant que si des difficultés persistent, ce ne sera plus du fait de ce « complexe impur de ses intuitions premières », pour reprendre l’expression bachelardienne (cf message 23).



mardi 21 juin 2011

36 - Complément au message 35 : deux façons de présenter une règle.

Dans le message précédent, j'insiste sur le volet "explicatif" d'une règle en développent l'exemple de l'explication de la fameuse règle d'accord des participes passés, pont aux ânes de tant de générations d'écoliers, et de tant d'autres... plus âgés... Il faudrait ajouter ceci pour faciliter encore cet apprentissage des règles. La présentation habituelle des règles, sous forme de phrases, dont la formulation est forcément abstraite et générale, entraîne bien souvent, par mimétisme, leur "intégration" par des rabâchages  bien souvent indigestes et inefficaces. L'élève invité à "justifier" un résultat, entreprend alors de retrouver ces mots... mal "digérés", mal mémorisés, mal reliés... énonçant parfois le contraire du sens de la règle...

Toute compréhension nécessitant une "traduction" du donné perçu, il faut "autoriser" les jeunes à dépasser la forme discursive et linéaire de la règle (produit du "cerveau gauche" du professeur ou du rédacteur du manuel...), par une transformation  en objet global, spatial, schématique plus adapté à bien des "cerveaux droits" de nos chers petits... Bien sûr, c'est leur schéma qui compte, l'enjeu de la compréhension étant cette transposition personnelle (avec les risques que cela comporte... moment d'incertitude que l'on aura le souci d'accompagner par une invitation à la comparaison avec l'original... autre incontournable de la compréhension...). Mais pour les y inciter, on peut leur montrer une forme schématisée, qu'ils seront invités à comprendre et à critiquer, et ensuite à "mettre à leur sauce". Voici le document que j'utilise personnellement avec les jeunes que j'accompagne sur cette voie d'une meilleure intégration des règles, toujours indispensable pour une réflexion efficace et sécurisée... ainsi que pour une communication solidement argumentée.

Document : Deux présentation d'une règle.

dimanche 29 mai 2011

35 - Autonomie et la règle d'accord du participe passé...

 « Un ordre dont on a compris et approuvé les raisons sera appliqué avec conscience et efficacité ; un ordre accepté à contrecœur sera saboté, consciemment ou non. »
J’ai, un jour, trouvé cette recommandation dans un vieux manuel de commandement… de l’armée ! Assez loin de Courteline… Je l’ai transposée dans le domaine scolaire et elle m’a servi, oh ! combien souvent, avec des adolescents exclusivement « expliquants » ! Ceux qui n’acceptent d’appliquer les règles qu’à la condition d’en connaître le volet explicatif, les raisons, la démonstration, la justification au besoin…, ceux qui nous ennuient tant avec leurs « pourquoi ? »,  qui nous poussent dans nos retranchements… Parfaitement insupportables, n’est-ce pas ?
Dans « Accompagner… », j’ai donné quelques exemples de ce qu’on peut faire pour aider ces « rebelles » aux règles ( il y en a tant !…).  Je vous livre ici le plus emblématique, celui de la règle de l’accord des participes passés. Vous le transférerez à loisir à d’autres cas, à d’autres situations, scolaires ou non. Bien sûr, ces démonstrations exigent de l’accompagnateur qu’il fasse lui-même la démarche d’aller chercher ces raisons… dont peut-être il se passe pour son propre usage… Mais qui a dit qu’accompagner était une chose facile ? Et s’il suffisait de dire « faites comme moi »…

mardi 10 mai 2011

34 - Plombier pédagogue et inventeur didacticien.

Retour d’un petit séjour décontractant dans les Landes… avec deux sujets de réflexion tout frais que je ne résiste pas à vous soumettre !

Ce matin j’avais rendez-vous avec mon plombier habituel pour la révision annuelle de la chaudière à fuel. Ce professionnel d’une quarantaine d’années a pour habitude de recevoir en stage des élèves de son ancien lycée technique. Il considère que c’est un devoir pour lui de transmettre ainsi ce qu’il a lui-même reçu dans cet établissement, et nous avons déjà souvent échangé à ce sujet. Cette fois, j’ai assisté en direct à une séquence que j’aurais souhaité enregistrer tellement elle fut exemplaire. Après avoir procédé aux diverses formalités d’entretien et de nettoyage de la chaudière, et le mécanisme ayant été dument remonté, il demande à son apprenti de redémarrer la chaudière. Après les premiers ronflements voila que tout s’arrête subitement et qu’il prend l’air ennuyé : que se passe-t-il ? Je commence à m’inquiéter, ayant escompté une intervention rapide avant de repartir pour déjeuner à Bordeaux. Il demande alors à son stagiaire : dis-moi, à ton avis  pourquoi la chaudière s’est-elle arrêtée? Je comprends alors que mon plombier s’est mué subitement en pédagogue. Le jeune jette alors un regard perplexe au mécanisme muet. Voyant son incompréhension, le « maître » aide son élève par quelques questions du genre : as-tu entendu le bruit que fait l’électrovanne ? que faudrait-il qu’il se passe ensuite ? quelle étape du processus est en cause ? Il renvoie systématiquement le jeune homme à son apprentissage scolaire supposé. Celui-ci en effet doit connaître la totalité du processus, les diverses étapes qui mécaniquement s’enclenchent les unes après les autres pour assurer le bon fonctionnement d’une chaudière. Mais la démarche employée par son supérieur semble le dérouter profondément. Qu’a-t-il appris à l’école ? Sans doute, lui a-t-on enseigné, de façon théorique, un fonctionnement-type de chaudière. Mais il semble désorienté par les questions et la situation à laquelle on le soumet. Progressivement, le plombier l’amène à se poser les bonnes questions et à vérifier l’une après l’autre les étapes successives à considérer et les mécanismes à vérifier. Un peu plus tard, l’apprenti ayant été envoyé chercher quelqu’objet à l’extérieur, le plombier modifie encore une ou deux éléments du processus, et le jeu continue ainsi jusqu’à ce que l’élève comprenne que ce qu’on lui demande est une projection de ses connaissances théoriques sur les situations qu’il a devant lui, de façon à les analyser et à les interpréter, énoncer des hypothèses puis à en déduire l'action à mener. Cette situation me rappelait la description que j’ai faite dans « Accompagner » d’Adrien et de sa panne de mobylette. J’expliquais alors à mon ami plombier qu’il venait, à sa façon si naturelle, de faire faire à son apprenti un apprentissage du raisonnement hypothético- déductif. Il ne connaît ni Piaget ni Vygotski  ni La Garanderie… Mais il pratique une pédagogie du sens et du bon sens comme on aimerait la voir pratiquer plus souvent à l’école… si on en avait (prenait ?) le temps… !

Peu après dans la voiture qui nous ramène à Bordeaux, nous écoutons les nouvelles : un informaticien anglais va mettre sur le marché, à moins de 20 €, des mini-ordinateurs possédant en réduction toutes les capacités d’un plus gros. Quelle est son intention en développant un produit si accessible ? Il constate ceci : tout le monde sait se servir d’un ordinateur, tout le monde sait le manœuvrer, mais très peu de gens connaissent le langage qui permet de construire des programmes. Il pense qu’il faut que tous les élèves apprennent à écrire des programmes pour bien comprendre l’informatique de l’intérieur et maîtriser ainsi vraiment cette technologie de notre temps. Son ordinateur bon marché pourrait permettre cet apprentissage d’un nouveau genre.
J’ai toujours été frappé par le fait que beaucoup des EIP que j’ai rencontrés étaient de fervents « programmeurs »… Ils ne se contentaient pas d’être des « appliquants » dociles, il leur fallait comprendre aussi le « pourquoi » de ce qu’ils appliquaient … en bons « expliquants » qu’ils étaient. Pourquoi cette connaissance serait-elle réservée à une élite ?

Voilà donc une initiative qui pourrait contribuer à faire évoluer notre école dans le bon sens…. Mais quand ?

samedi 23 avril 2011

33 - Passage à la pratique après une formation

Quel formateur n'a jamais déploré que ses stagiaires hésitent à mettre en pratique ce qu'ils avaient pourtant découvert avec intérêt, et même enthousiasme au cours des journées de stage ? Voici, encore, un article "recyclé" de la Lettre IF. Il s'agit, là aussi, d'un rapport après une formation en Gestion Mentale que j'avais animée dans un collège charentais, dans le cadre de la MAFPEN. Ce texte, empreint d'un certain humour et qui n'a rien perdu de son intérêt, témoigne d'un réel "passage à la pratique" après seulement quatre journées de stage. Cette professeure commet certes quelques erreurs (qui n'en fait pas, même parmi de plus confirmés ?) Pourtant dans l'ensemble l'esprit de la Gestion Mentale se retrouve bien dans ces "nouvelles potions qui n'ont rien de magique" qu'elle propose à ses classes. 


 Les "jeunes" professeurs pourront  trouver auprès de cette enseignante confirmée des indications pour la conduite de leurs cours, avec quelques uns des éclairages que permet ce regard "mentaliste" sur l'apprentissage. Ce texte est également consultable et téléchargeable dans la page "Spécial Enseignants".


Passage à la pratique après une formation en Gestion Mentale.

Gestion mentale ? Vous avez dit Gestion Mentale ? Moi, j'ai dit Gestion Mentale ? Peut-être ! A ma façon ! J'ai regroupé, sous cinq rubriques, certains aspects de "ma potion de base" élaborée en 12 ans d'enseignement de l'Anglais en collège, auxquels la Gestion Mentale pouvait s'intégrer en leur donnant un goût nouveau. Ce "nouveau mélange" est en construction et les journées de stage à venir me donneront sûrement envie d'enlever certains ingrédients et d'y ajouter quelques épices nouvelles. Garder sa "potion de base", prendre quelques uns des ingrédients proposés par notre formateur, y ajouter des épices glanées lors de nos discussions, saupoudrer d'une pincée de poudre de perlimpinpin et mélanger le tout !

Quelques cuillerées par heure du nouveau mélange pour : mettre et essayer de maintenir les élèves en projet, donner aux élèves plus de moyens différenciés de "stocker" des connaissances dans leur mémoire et du temps pour les organiser, les classer, les faire ressortir au moment voulu. "Ouvrir leur appétit" : Les mettre en situation de "questionneurs" avant de leur proposer une connaissance nouvelle. Les mettre en situation de "diagnostic" avant un test sommatif. Faire sortir des connaissances fausses de leur mémoire en les évoquant, en les visualisant au tableau pour que, par une correction collective, ils puissent corriger leurs erreurs.

Et l'anglais dans tout ça ? J'y ai retrouvé un regain de plaisir à l'enseigner et pour l' instant aucun élève n'a refusé la potion, même ceux qui sont tombés dedans quand ils étaient tout petits. Affaire à suivre.

jeudi 14 avril 2011

32 Rapport de Stage "Accompagner des lycéens en difficulté scolaire"

Il n' est pas dans les habitudes des formateurs de donner "du travail à la maison" aux stagiaires. Pourtant il arrive que certains d'entre eux fassent à l' intention de leurs collègues un rapport de leur formation. Il est toujours intéressant d'avoir un tel retour, malgré les inévitables raccourcis ou imprécisions. Et aussi de voir à l'œuvre la résistance  des anciennes conceptions pas encore tout à fait inhibées... Il n'y a pas que les élèves qui ont à lutter contre elles...

Voici un exemple d'un tel rapport, par une professeure de lycée professionnel. Il pourra donner une idée de ce qui peut être fait dans de telles formations bien d' actualité à l' heure des dispositifs d'"accompagnement personnalisé" des lycéens. Ce rapport de stage est ancien (1999), mais je ne vois rien à lui retirer pour coller à l'actualité : le contenu du livre "Accompagner..." était déjà dans ma tête, attendant patiemment le moment où je prendrai le temps de l'écrire... J'ai aussi placé ce texte, publié dans la Lettre Ien 2000, dans la page  "SPECIAL ENSEIGNANTS".

Rapport de stage sur le thème "Accompagner des Lycéens en difficulté scolaire"
par une professeure de lycée professionnel.

Du 29 novembre au 1° décembre 1999, j'ai participé à un stage intitulé "Accompagner des Lycéens en difficulté scolaire". Ce stage réunissait une dizaine de professeurs d'établissements différents. Notre formateur nous a proposé d'utiliser les principes de la Gestion Mentale d’Antoine de La Garanderie pour appliquer des techniques propres à remédier aux difficultés d'apprentissage des élèves. Dans le compte-rendu qui suit, j'ai avant tout cherché à rester fidèle aux valeurs véhiculées par cette formation : l'écoute, l'accompagnement sans jugement, le souci d'aider sans empiéter sur la liberté de l'autre. Mon objectif a également été de restituer au mieux, dans un ensemble si possible cohérent, une multitude de notions relativement ardues. Je suis consciente, cependant, de la difficulté de rendre compte en quelques pages d'un stage de trois journées très denses. En guise de bilan provisoire, je retire de ce stage une grande satisfaction car de nouvelles pistes de réflexion se sont offertes pour moi. L'accompagnement proposé me paraît intéressant car il procède d'une démarche intellectuelle cohérente, structurée et riche en promesses. Il approfondit et érige en système un procédé que nous utilisions jusqu' à présent ponctuellement. Cependant, il faut savoir que cet accompagnement a un coût en termes de temps et d'investissement personnel. Son application éventuelle nécessite donc des aménagements dans la vie du lycée.

samedi 9 avril 2011

31 Vygotsky et les caisses automatiques : l’accès à l’autonomie.

Dans le petit supermarché à côté de chez moi, on a installé plusieurs caisses automatiques, ce qui évite de faire la queue à la caisse traditionnelle,ce qui est toujours assez long dans ce magasin. Une caissière "spécialisée" est préposée à l’accompagnement des personnes qui se trouvent un peu désemparées devant ces machines nouvelles, au maniement un peu complexe. Il y a plusieurs manœuvres à effectuer ; un écran donne des consignes, pas toujours bien faciles à lire au milieu de toutes les informations qui s’offrent à nos perceptions. Personnellement, n’aimant pas trop patienter pour payer mes achats, je me réjouis de cette innovation. A mon premier passage, me voyant hésiter, la caissière vient à mon secours et m’aide à repérer les consignes que l’écran m’indique visuellement, mais d’une telle façon que je ne les vois pas immédiatement, perdues qu’elles sont au milieu d’autres indications qui ne me concernent pas. Ayant fait avec son aide toutes les opérations nécessaires et m’étant acquitté du total à payer, je découvre qu’en plus de mon ticket de caisse, je suis doté d’un autre billet comportant un code-barres. Je dois présenter ce papier à un lecteur  qui ouvre un portail automatique de façon à me laisser sortir du carré réservé à ces nouvelles caisses. Tout est prévu pour éviter la moindre fraude !

Quelques jours plus tard, je me représente aux mêmes caisses. Cette fois, j’effectue seul les différentes manœuvres, avec juste une hésitation : la borne pour glisser ma carte bleue est introuvable, elle est fixée sur un axe vertical  mobile que quelqu’un a repoussé de telle façon qu’on ne la voit pas sans une petite recherche. Je range mes tickets dans mon portefeuille avec ma carte et m’apprête à sortir. Devant le refus obstiné des portes automatiques de s’ouvrir devant moi, je réalise que j’ai empoché le ticket libérateur et son code-barres.  Je le récupère, le présente et tout rentre dans l’ordre. Une seule erreur  à ce second passage « autonome » : je m’estime satisfait. La prochaine fois je n’oublierai évidemment pas cette ultime formalité. N’est-ce pas aussi par ses erreurs que l’on apprend ?

Si je vous raconte cette petite anecdote, sans intérêt par ailleurs, c’est qu’elle recouvre plusieurs réalités inhérentes à tout apprentissage, scolaire ou non. Aussi curieux que cela puisse paraître, j’ai vécu là une application de ce que Lev Vygotsky  appelle la « zone de proche développement ». Pour ce grand psychologue russe, toute personne est susceptible de développement cognitif  pour peu, d’une part, que l’objet de son apprentissage ne soit pas trop éloigné de ce qu’il sait déjà faire (la caisse traditionnelle où le client est passif), et d’autre part, qu’il soit accompagné par une personne qualifiée avant de pouvoir se débrouiller seul. Faire d’abord avec quelqu’un d’autre avant de pouvoir faire seul.

dimanche 20 mars 2011

30 DECOUVERTE DE L'AUTONOMIE VERITABLE : TEMOIGNAGE.

Peut-être que ce témoignage tout simple d'un des élèves de la classe, recueilli en fin du troisième stage de l'année, vous en dira tout autant que mon long pensum précédent (message 29)...

"Durant les trois stages, j'ai appris de nouvelles choses pour améliorer ma façon de travailler. Au bout du deuxième stage, je pensais que j'avais trouvé le déclic grâce au schéma de la réflexion. Mais le déclic n'était pas là. Au cours de ce dernier stage, j'ai enfin découvert ce qui me bloquait. J'ai ressenti tout à coup de la liberté et au fur et à mesure que Guy parlait, je ressentais en moi l'envie de réussir. Ce que j'ai découvert c'est l'autonomie. Le fait de pouvoir acquérir des connaissances par le bais de sa propre recherche de sens, voila en quoi le bonheur scolaire se résume pour moi. La curiosité est en quelque sorte l'apprentissage de l'autonomie. Un jour quelqu'un a dit : "La curiosité est un vilain défaut". Au cours de ce troisième stage, je me suis rendu compte que sans curiosité il n'est pas possible de devenir quelqu'un".

29 MARASME LYCEEN, AUTONOMIE, COMPREHENSION APPROFONDIE.


ou RETOUR D'UN STAGE FATIGANT... MAIS FORT INSTRUCTIF !

J’ai donc rencontré, jeudi et vendredi derniers, et pour la troisième fois de l’année scolaire, la classe de méthodologie dont je vous ai déjà parlé. J’ai évoqué dans le message  10 le problème de la motivation de ces élèves et l’impact qu’avait  eu sur beaucoup d’entre eux la découverte du geste de réflexion et de l’activité de communication, écrite particulièrement. Plusieurs d'entre eux déclaraient au bilan de ce 2° stage qu’ils avaient eu "le déclic", qu’ils avaient "trouvé le but" qui leur manquait après le premier stage. J’étais donc reparti confiant, comptant que, comme pour les années passées, la classe allait se mettre au bon niveau d’activité, et que j’allais la retrouver disponible pour accéder aux activités complexes de la compréhension.

Le mercredi,  comme avant chaque stage,  le professeur principal de la classe m’avait signalé la difficulté de l’équipe enseignante à mobiliser les élèves : "ils n’apprennent pas, ou bien ils apprennent mal". Par ailleurs, je recevais le même soir un mail d’un des élèves, dont le frère, l'année dernière, avait tiré un excellent parti de son année dans cette classe : "tu vas devoir faire fort pour motiver la classe !"

Ambiance dans ma chambre d’hôtel !

La problématique pour moi était simple : plutôt que "d'en  remettre une couche" de méthodologie (ou du moins avant d’y consacrer du temps), il me fallait creuser un peu plus profond vers l’origine de ce marasme persistant.

Le mieux à faire était alors de me laisser guider par les élèves eux-mêmes. À leur avis que se passait-il ? Chacun exprima sa difficulté à se mettre au travail malgré les bonnes intentions prises avant Noël, et l’accompagnement quotidien d’une équipe professorale qui s’efforçait de réactiver les apports méthodologiques des deux précédents stages. Un des élèves, l’auteur du mail,  précisa qu’il lui était bien difficile d’accéder à l’autonomie dans son travail. Je n’avais pas prévu d’aborder ce thème que je ne traite pas d’habitude, du moins en détail, avec les jeunes. Je saisis pourtant la perche (intuition ?) et  me lançai dans une réflexion collective autour de ce terme. Qu’est-ce que c’est pour vous "être autonome" ?

mercredi 16 mars 2011

28 LE PRINTEMPS DE PEGASE...

A la fin d'une conférence,  hier soir, devant un public de parents à Bordeaux, un des "papas" de l'assistance est venu me  demander si je présentais aussi Pégase dans les entreprises... qui selon lui en auraient autant  besoin que l'école ! Voici un nouveau défi à relever pour notre compagnon ailé, à qui rien ne fait peur !

En attendant, il s'envole vers Toulouse pour travailler les opérations de la compréhension approfondie avec la classe de seconde de méthodologie pour qui ce sera le troisième et dernier stage de l'année.  Puis départ pour Caen pour une intervention organisée, comme l'an dernier à Rouen,  par l'Inspection académique auprès de professeurs-formateurs, autour de l'accompagnement personnalisé (dont le bilan-6 mois, mitigé, vient tout juste d'être publié par le ministre...). Profitant de ce passage en Normandie, Pégase sera présenté dans une conférence "tous publics" dans le cadre d'une association  militant pour une meilleure  "information pour de meilleures études scolaires" (un titre tellement bien adapté à Pégase !). Une autre conférence, pour des parents dans la périphérie bordelaise, est prévue au retour. Et un projet de formation de parents-relais (ou quelque chose d'approchant), se profile à l'horizon en Gironde dans l'enseignement privé.

Bref, un printemps fertile et mouvementé s'ouvre pour Pégase et son soigneur favori ! Et donc, un léger répit dans la fréquence des messages de ce blog... Mais reprise en Avril au rythme de la croissance de toute la nature... Promis !

dimanche 13 mars 2011

27 - UNE SI BELLE INTELLIGENCE... AU VESTIAIRE !

Je rencontre Vincent pour la première fois. Il a 16 ans et redouble sans éclat  une seconde générale. Il est intelligent : son quotient intellectuel a été évalué à 140. Il parle facilement, avec des phrases bien construites et un vocabulaire choisi. Il est en difficulté scolaire relative depuis la quatrième, dit-il. Ses parents s'inquiètent de ses difficultés de synthèse (au sens scolaire) et de son niveau irrégulier en mathématiques, insuffisant pour l'instant pour entrer en premier S, ce qui paraît être leur projet plus que le sien. Lui, ne paraît pas trop s'inquiéter. Il aime jouer aux jeux vidéo sur internet (ils sont en anglais, ce qui lui assure une certaine maîtrise de ce vocabulaire…), ou rêver en laissant libre cours à une imagination, assez vive semble-t-il . Lorsqu'il fait un effort pour apprendre ses cours, il les lit et les  répète plusieurs fois jusqu'à pouvoir les reproduire presque mot à mot, puis il les récite à sa mère. Mais il les oublie vite... Lorsqu'il fait des exercices en mathématiques, il essaye d'en repérer la démarche. Mais il se plaint de ne pas pouvoir en retrouver les configurations dans les énoncés de ses contrôles. Il aime bien l'histoire.

Vincent utilise de préférence des évocations visuelles, claires et mobiles, sur l'ensemble des paramètres (les différents registres de la gestion mentale). Il semble peu familier du discours intérieur. Il fait preuve d’une « intuition » certaine…. mais dont il peut difficilement rendre compte (comme cela est exigé à l’école). Il ne retient pas « la lettre » des règles, dont il comprend pourtant les raisons (à condition qu’on les lui transmette…) ; et donc elles lui font défaut au moment des justifications. Pour lui « apprendre, "c’est pouvoir retenir ".

Avant d'entrer dans une information sur les possibilités qu'il aurait d'utiliser au mieux un pouvoir évocatif  tout à fait au point, je consacre un temps à l'aider à faire émerger ses représentations sur l’apprentissage. Je lui propose de remplir le Q- sort (Message 19, et Q-Sort lycée) sur ses croyances relativement aux finalités de sa scolarité. Voici ses réponses :
A -6 :  les études au lycée, ça sert à faire des études supérieures intéressantes ;
B -7 :  pendant les cours en général, je cherche à montrer au professeur que je fais un effort pour être attentif ;
C - « ou encore » :  lorsque j'apprends une leçon ce que j'ai en tête c'est de terminer le plus vite possible ;
D -1 :  dans une copie, j'essaie de montrer au professeur que j'ai compris le cours.

Il s'agit soit de représentations qui remontent à la petite enfance (dépendance affective vis-à-vis des adultes) soit de représentations inexistantes (C - apprentissage des leçons). Rien d'étonnant à cela, une majorité d'élèves se positionnent ainsi (voir message 19, les résultats sur 215 lycéens). 

Comment, avec un tel niveau  de ses « connaissances empiriques déjà constituées » (message 23), Vincent pourrait-il investir sa si belle et vive intelligence dans un univers aussi dénué de sens ? Ce que refuse le plus une personne intelligente, c’est le non-sens. Elle le combat ou le fuit par tous les moyens possibles, réels ou imaginaires. Combien d'élèves, même plus jeunes que Vincent, se retirent-ils d'une école dont ils ne saisissent pas le sens, une école qui les contraint à des activités dont les vraies finalités sont si difficilement déchiffrables ? Ils refusent tout bonnement d'y risquer leur intelligence.

La suite de l’entretien a été consacrée à la découverte du geste de réflexion, activité susceptible de retenir l’intérêt de Vincent (et urgente pour lui), comme c’est le cas de tous les lycéens, et particulièrement des EIP (enfants à intelligence précoce ou à haut potentiel). Le reste (compréhension, mémorisation, communication) viendra plus tard, éclairé par ce geste central de Pégase.

C’est à une restauration du sens de l’apprentissage scolaire qu’il s’agit en priorité d’inviter Vincent. C'est la seule façon de l'aider à ne pas laisser son intelligence en dehors du Lycée..., au vestaire.
Il sera temps après, s'il n'y arrive pas de lui-même, de lui proposer  des « méthodes » de travail, peut-être performantes en elles-mêmes, mais qui n’auraient, on le comprend bien, aucune chance de lui être utiles pour le moment. 




mardi 8 mars 2011

26 - Gestion mentale et évaluation.

Un nouveau message pour un vieil article (encore un...) qui n'a rien perdu de son actualité ! Lors de sa publication en mai 2000 dans la Lettre de la Fédération IF n°82, et de son envoi à Antoine de LA GARANDERIE, celui-ci m'avait manifesté son approbation dans une lettre dont j'extrais le passage suivant :

"Mes félicitations accentuées pour le remarquable article que vous m’avez fait parvenir : "Gestion mentale et évaluation". Tout ce que vous y écrivez est d’une vérité incontournable et qui remonte aux principes eux-mêmes. Faute de remonter jusqu’à la visée de sens que, plus implicitement qu’explicitement, se donne l’élève, l’enseignant perd non seulement son temps mais aussi celui de l’élève… Il faudrait que tous les enseignants lisent votre article."


Inutile de dire combien ces mots m'avaient touché et encouragé à poursuivre mon travail dans ce sens... jusqu'à la publication... neuf ans, et beaucoup d'expérimentations, plus tard...  d' "Accompagner..." dont cet article trace les lignes de force, et lui aussi apprécié du découvreur de la Gestion Mentale qui l'a préfacé.

Je vous livre ce texte en souhaitant qu'il vous aide dans votre accompagnement. Si vous n'êtes pas enseignant, vous pourrez vous en inspirer pour aider les jeunes à lire les annotations et commentaires de leurs professeurs avec un regard "auto-évaluateur" toujours motivant pour eux. Bien qu'elle ne s'y réduise pas, votre tâche d'"interprète" des objectifs scolaires en sera facilitée.

GESTION MENTALE ET EVALUATION

Beaucoup d’enseignants reconnaissent volontiers que la Gestion mentale, « pédagogie des évocations », offre un intérêt pour la compréhension des difficultés des élèves, pour la différenciation des approches pédagogiques et qu’elle est une aide appréciable dans la conduite des apprentissages. A ce titre elle occupe une place non négligeable dans les courants de la pédagogie différenciée, quand ce n’est pas dans la pédagogie tout court, dont elle est indissociable. La connaissance du passage incontournable par l’évocation mentale dans toute activité d’apprentissage devrait être partagée par tous les enseignants.
Néanmoins, ce n’est pas là le seul intérêt des travaux d’Antoine de LA GARANDERIE. L’activité spécifique qu’il appelle « projet mental » ou encore « projet de sens » est au moins aussi essentielle que celle de l’évocation. Ces deux notions sont du reste intimement liées. En effet, si le projet mental encadre l’activité évocative d’un sujet, lui donnant sa direction, son orientation, lui permettant de constituer le sens du monde qui l’entoure, sa « matière » est elle-même constituée d’évocations. Toutefois, si leur matière est bien la même, la finalité donnée à ces productions évocatives n’est pas identique.

189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...