vendredi 27 décembre 2019

147. Réussir en maths ? C'est facile ! Pamela nous livre son secret.

Dans ce message, vous trouverez une petite vidéo : Une mystérieuse réussite, Paloma excelle en mathématiques.  Je reprends un reportage du journal de 20 heures de France 2 du 5 novembre 2013 (voir mon message 68). Une jeune mexicaine était classée première dans la catégorie mathématiques des évaluations nationales du Mexique. Elle explique comment elle s'y prend pour résoudre le problème en  "mettant les chiffres dans sa tête" et en "trouvant mentalement" la solution. Bien sûr, elle ne décrit pas précisément l'activité intérieure qui l'amène à la solution. Mais, praticiens de la gestion mentale, nous la connaissons bien, cette activité : il s'agit du geste de réflexion et de ses six étapes précisément décrites dans "Accompagner…" et "J'apprends à travailler" (Chronique sociale. 2018). Elle ne peut les décrire, n'ayant pas quelqu'un auprès d'elle pour lui permettre cette prise de conscience par un "dialogue pédagogique" adéquat. Toutefois, son professeur utilise une excellente méthode en "laissant ses élèves trouver tout seuls les résultats". Il n'est sûrement pas le seul.

Mais il pourrait aller plus loin encore en aidant ses élèves à prendre conscience du cheminement de leur pensée de façon à pouvoir le modéliser et le transférer dans d'autres situations, dans d'autres disciplines. C'est ce "plus", qui n'est vraiment pas "petit ", qu'apporte la gestion mentale à toutes les pédagogies, y compris les plus performantes comme celle décrite dans ce reportage. Ainsi ce professeur si bien intentionné aurait pu ajouter à sa pédagogie l'indication du "projet de sens" ou l'acte de connaissance à mettre en œuvre (ici la réflexion, mais dans d'autres situations ce pourrait être l'attention, la mémorisation, la compréhension ou même l'imagination créatrice). Voir message 61 : «Enseigner avec la gestion mentale ».

En indiquant à ses élèves les projets de sens à mettre en œuvre dans leur apprentissage, un professeur
libère leur pouvoir de sens et leur permet de "prendre (en main ?) par eux-mêmes ce qu'au fond ils ont déjà en propre", comme le disait Heidegger. C'est aussi de ce pouvoir que parlait Alain qui recommandait, pour enseigner, de supposer chez l'élève "toute l'intelligence du monde". Avec ces indications, la jeune Paloma, qui déjà fait la preuve d'une belle maîtrise de son intelligence pourrait décupler la puissance de son "pouvoir être"… et ceux de ses camarades qui n'en ont pas trouvé l'accès par eux-mêmes, pourraient dès lors y accéder et se réjouir de cette autonomie retrouvée et partagée.

Il y a (parfois) de bonnes choses à prendre nos informations nationales...

mercredi 11 décembre 2019

146 - Attention... neurones... ondes cérébrales alpha... qui commande là-haut ?

Au moment même où j’écrivais mon dernier message sur l’attention avant de le publier samedi dernier 7 décembre, étaient publiés les résultats d’une recherche menée par le MIT (Massachussett Institute of Technology) concernant le contrôle par des personnes de leurs ondes cérébrales alpha au cours d’une tâche demandant de leur part une concentration soutenue. Je viens d’en prendre connaissance seulement aujourd’hui ; je ne pensais pas être d’une telle actualité… !

Voici le début de l’article :
"Dans le cadre d’une récente expérience, des chercheurs du MIT ont appris à des sujets tests à manipuler leurs propres ondes cérébrales alpha. Le but était de déterminer si une telle modification pouvait améliorer l’attention pour une tâche donnée."

Et l’hypothèse testée, la problématique (c’est moi qui souligne):
"Le lien entre l’attention et les ondes alpha avait déjà été établi dans des études antérieures. Cependant, ce qui n’était pas clair jusqu’à présent, comme le prétendent les auteurs dans un communiqué officiel, était de savoir si ce lien est un sous-produit d’un processus distinct, ou si les ondes alpha contrôlent directement l’attention."

En d’autres termes, la question était de savoir si pendant une activité d’attention un sujet pouvait maîtriser l’activité de ses neurones "par un processus distinct" ou si c’étaient les neurones dédiés (origine des ondes alpha) qui faisaient seuls tout le travail. Ou encore : Le cerveau se suffit-il à lui-même ou a-t-il besoin d'un esprit, "sous- produit d'un processus distinct", pour le diriger ?

Pour répondre à cette problématique les chercheurs proposaient à des sujets répartis en deux groupes de se concentrer sur des tâches précises (augmenter par  leur concentration le contraste d’un dessin vu sur un écran) : chaque groupe recevait une consigne différenciée. Les sujets pouvaient visualiser sur un autre écran les ondes cérébrales alpha produites au cours de leur effort (neurofeedback). Même si les sujets avaient un retour sur leur activité par ce neurofeedback, c’était bien eux qui appliquaient consciemment et mentalement les consignes qui leur étaient données.

Je ne m’étendrai pas sur l’utilisation de ces procédés hautement scientifiques, et pas encore, loin s’en faut, à la disposition de toutes nos chères têtes blondes (avec des résultats qu’il faudrait du reste étudier de très près, notamment au niveau du transfert dans des activités scolaires plus traditionnelles…). Je note juste, je l’ai lu quelque part, qu’il y a déjà des dispositifs accessibles sur le net pour faire de tels exercices. Mais cela reste destiné à des troubles assez spécifiques : « Il y a beaucoup d’intérêt à utiliser le neurofeedback pour essayer d’aider les personnes atteintes de divers troubles cérébraux et problèmes du comportement ». On peut aussi noter, ce n'est pas nouveau mais c'est très bien établi au niveau cérébral par S. Dehaene dans Apprendre, la grande importance des évaluations rapprochées des performances pour entretenir la progression et la motivation des élèves... mais c'est là une toute autre affaire.

Je m’attarderai seulement sur les conclusions de l’expérience et de ce que nous pouvons en tirer en lisant entre les lignes de cet article (c’est toujours moi qui souligne).
"Après l’expérience, les sujets ont déclaré qu’ils savaient qu’ils contrôlaient le contraste, mais ils ne comprenaient pas comment ils y étaient parvenus", a déclaré l’auteur principal Yasaman Bagherzadeh dans le communiqué.  "La manipulation alpha contrôlait vraiment l’attention des participants, même s’ils ne comprenaient pas clairement comment ils le faisaient", a ajouté Robert Desimone.

Deux remarques sur ces déclarations :
1.     les sujets savaient qu’ils contrôlaient leur activité : ils avaient clairement pris une décision à partir des consignes qui leur précisaient le but à atteindre et ils en voyaient directement les effets sur l’écran au niveau de leurs ondes cérébrales produites par leurs neurones ;
2.     ils ignoraient, mais personne ne leur a posé la question, comment ils y étaient parvenu.

Alors là deux pistes sont possibles, selon le paradigme auquel on se réfère :
•          pour un chercheur se référant à la gestion mentale, la question aurait pu être : "Souvenez-vous de ce qui s’est passé juste après que vous avez reçu la consigne : que s’est-il passé dans votre tête avant que l’action ne commence ? Vous êtes-vous dit quelque chose dans votre tête (consigne "pour soi") ? Vous êtes-vous représenté concrètement ce que vous aviez à  faire (représentation du but) ? Et si oui de quelle manière l’avez-vous fait, par une image, par un ressenti quelconque ? (voir Accompagner… pages 51-70, ce qui concerne la mise en projet).

•          pour un chercheur se référant à la psychologie comportementale, bien sûr, il n’y a pas besoin de poser de questions puisque la réponse est évidente : "Nous pensons que la base est l’apprentissage conditionnel – chaque fois que vous avez un certain comportement et que vous recevez une récompense, vous renforcez ce comportement". En fait de récompense, l’article est muet à ce sujet. Peut-être simplement la réussite de l’action entreprise valait-elle récompense ? Pourtant c’est seulement après coup, ou au moins en même temps, que le sujet était renseigné sur les effets de son action, et cela n’indiquait absolument pas comment il s’y était pris mentalement au départ pour assurer sa tâche. C’est d’ailleurs ce que laisse supposer cette phrase : "Certaines questions importantes demeurent, comme la façon exacte dont les sujets contrôlaient leurs ondes alpha cérébrales en premier lieu."  Pardi… et pourquoi ne pas le leur demander ? Pas assez "scientifique " sans doute ?

Néanmoins, restons optimistes et la conclusion de l’article nous le permet qui nous laisse entrevoir que la question n’est pas close de la relation entre les "organes de contrôle conscient" (même s’ils peuvent être seulement subconscients) et la réalisation de tâches par les neurones spécialisés : "Ce qui est certain, c’est que cette expérience (qui n’est pas la première dans ce domaine) montre clairement que nous avons un degré de contrôle surprenant sur le fonctionnement de notre cerveau, bien qu’il soit souvent subconscient."  "Surprenant"… en effet, pour qui ignore la Gestion mentale...  mais c'est quand même aussi un peu rassurant de savoir que c’est bien nous qui restons à la manœuvre !

Je vous invite à relire mon message précédent (145) : Rêveur ou pensif ? Comment résoudre les difficultés d’attention ? Vous y trouverez décrit aussi précisément que possible le "processus distinct" qui permet à un sujet de contrôler ses émissions d’ondes alpha pendant une activité attentive (même s’il n’en a pas…pas encore… de "neurofeedback"…). Mais ça, bien sûr, ça n’a pas…pas encore… été testé en laboratoire... C’est juste la preuve du pudding ! La preuve du pudding, c’est qu’on le mange… La preuve de la gestion mentale c’est qu’elle permet à des élèves en difficulté de reprendre pied dans la maîtrise, tout à fait consciente, de leurs capacités mentales, jusque là ignorées, et de les mettre au service de leur réussite scolaire ou autre. Avec la libération personnelle et la motivation  qui en résulte. Et cela, ça vaut bien mieux qu’un pudding en récompense de leurs efforts !




samedi 7 décembre 2019

145 - Rêveur ou pensif ? Comment résoudre les difficultés d’attention.


On se demande parfois, et même de plus en plus souvent de nos jours, comment aider un enfant à être attentif, particulièrement dans son travail scolaire. Les neurosciences nous décrivent de plus en plus finement les mécanismes de l’activité attentionnelle dans son versant cérébral. C'est bien et nécessaire, mais, à part moduler son attention, bien manger et bien dormir (pas très nouveau...), c'est un peu court coté moyens d'action pédagogique. Toutefois nous savons avec Thierry de La Garanderie que l’homme "n’est pas que neuronal" (lire son article dans la revue Educatio n°8), il est aussi doté d’un versant mental, d'un esprit, autrement dit d’une conscience (cognitive) ; il est conscient d’une partie de ce qui se passe dans son cerveau ; comme le reconnaissent eux-mêmes les neuroscientifiques, il est aussi doté de  "fonctions exécutives supérieures" (à base de neurones particulièrement longs et puissants, selon Dahaene - message 141), c’est-à-dire d’organes de contrôle (le superviseur, "l'espace de travail conscient" logé dans les zones préfrontales du cerveau) : il est ainsi capable de diriger à son gré une partie non négligeable de ce qui se passe dans la machinerie si complexe de ses autres neurones. La mission première de l’éducateur est alors d’aider l’enfant qu’il accompagne à prendre conscience de cette capacité, à l'utliser correctement, puis à augmenter la largeur et la profondeur de cette zone "immatérielle", pas encore totalement élucidée mais toujours essentielle à son activité d’apprentissage.

Voici une anecdote qui va nous servir à conforter d’une part les apports neuroscientifiques, et d’autre part les apports d’une pédagogie basée sur la bonne gestion de l’activité mentale consciente. Et pour une fois c’est dans la littérature que je l’ai trouvée.

Récemment, j’ai lu (il y avait longtemps que j’avais ce projet, sans cesse reculé pour des tâches plus "sérieuses"), le roman de Victor Hugo Quatre-vingt-treize dont le cadre est la lutte sans merci menée par la toute jeune république issue de la Révolution française contre la réaction royaliste et régionale, la "guerre de Vendée".  Voici comment il décrit, au début du livre, un des personnages :

«… Inattentif à tout et attentif à rien, rêveur plutôt que pensif, car le pensif a un but et le rêveur n’en a pas, errant, rodant… entendant peut-être le bruit des hommes, mais écoutant le chant des oiseaux.… »  On pardonnera à Victor Hugo, emporté par sa verve, l’apparente contradiction entre les expressions "attentif à rien" et un peu plus loin "entendant peut-être le bruit des hommes, mais écoutant le chant des oiseaux". L'important est ailleurs.

Il y a deux informations intéressantes pour nous dans ce texte.

La première est la différence entre entendre et écouter. 

Entendre est une activité physique des neurones qui captent, automatiquement et inconsciemment, les signaux envoyés par les sens perceptifs aux aires cérébrales spécialisées (visuelles, auditives, olfactives...etc), ces signaux étant traités "en parallèle", c’est-à-dire simultanément et sans priorité entre eux ; 
Écouter est une activité mentale, fruit du choix volontaire et conscient de privilégier et de promouvoir un seul de ces signaux pour le traiter "séquentiellement", en successivité et consciemment, dans les zones préfrontales (espace de travail conscient). Victor Hugo nous donne un autre exemple (plutôt un contre-exemple) de cette différence : "Elle n’avait rien écouté, mais ce qu’on n’écoute pas, on l’entend. Elle avait entendu ce mot, la Tourgue. Elle dressait la tête." Cette femme était fortement, émotionnellement préoccupée de retrouver ses enfants retenus prisonniers dans ce château, la Tourgue, qu'elle essayait de rejoindre sans trop savoir où il se trouvait. Dans une conversation proche d'elle, elle a capté sans le vouloir (sans écouter) un mot qui correspondait à sa préoccupation parmi d'autres sons qu’elle entendait machinalement, sans "y prêter attention". C'est un peu comme si son inquiétude avaient opéré à la façon d'un puissant aimant, attirant irrépressiblement à son esprit toute perception qui s'y rapportait de près ou de loin. Cette "attention" purement émotionnelle - une "attraction" plutôt - ne saurait évidemment être celle, délibérée, réfléchie, organisée dans la durée, que nécessite un travail soutenu : celle-ci, qu'on appelle d'ailleurs "attention soutenue", tend l'esprit (actif) vers la perception (ad-tendere) quand celle-là, gérée par la seule émotion, pousse, force, la perception vers l'esprit, alors réceptacle en attente... sans trop savoir de quoi. De cette différence, des conséquences peuvent déjà être tirées. Le pédagogue portera son effort sur l'activité attentionnelle de l'esprit destinée à saisir son message (sujet actif, attention soutenue), plutôt que de s'attacher à rendre celui-ci "attractif" et à vouloir  "impressionner" affectivement l'élève, réduit ainsi à n'être qu'un réceptacle passif et rendu ainsi manipulable. Comment  faire ? La deuxième information va nous le dire. 

Bien avant la formalisation de la gestion mentale, le poète signale la différence entre le "rêveur" et le "pensif " (on croirait lire du la Garanderie, dans sa première période…). Le rêveur n’a pas de but, le pensif en a un (mais il peut différer de celui qu'on aimerait lui voir poursuivre...). Intéressant lorsque l’on veut aider un enfant qui "rêvasse" à être plus attentif. Il ne suffit pas de lui dire "fais donc attention", ce qui n’a pas vraiment de sens pour lui qui ignore comment faire, ni tenter d'enjoliver le message, de lui "dorer la pilule" ; on peut plutôt l’aider à déterminer (mais pas le lui indiquer autoritairement ou de lui imposer) un but qu’il pourra ensuite donner lui-même à son activité attentive pour lui donner son sens, l’enclencher et la diriger. Au cas où ses "organes de contrôle" (automatiques) lui signaleraient que son attention est en train de faiblir ou de dériver, il pourra ainsi à loisir se redonner (revoir, se redire…) ce but et relancer (moduler) consciemment son attention. C'est ce but, et seulement lui, qui peut déclencher l’attention active et justifier son coût cognitif ; de même, c’est lui qui est à l’œuvre lorsque cette attention doit être soutenue longtemps malgré les variations d’intensité propre à ce geste si particulier et si important pour la réussite scolaire.

Et se donner un but en cherchant à l'atteindre, c’est jeter un objectif et une action devant soi, c'est se mettre en état de projet, c’est être en projet. Cette propriété est purement humaine. Elle exige d'avoir un pied dans le présent, directement influencé par notre passé, et un pied dans l’avenir. Écoutons encore Victor Hugo : « L’enfant a de plus que l’oiseau la sombre destinée humaine devant lui. » Heureusement, l’avenir n’est pas réductible à une perspective aussi décourageante. Chaque but que nous jetons devant nous et que nous nous efforçons d'atteindre est, certes, une aventure, donc un peu angoissante (est-ce bien le bon ? vais-je l'atteindre ? en suis-je bien capable ?), comme l’est tout choix, tout renoncement à ce qu’on ne choisit pas. Mais c’est aussi l’expression d’un "pouvoir être", d’une action à mener, d'une réussite possible donc motivante, d’une possibilité de maîtrise du réel, toujours mobilisante. Comme le disait Saint-Exupéry : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible ».

Si avoir un but c’est avoir un pied dans l’avenir, c'est aussi tenir compte du passé, se rappeler des expériences proches de l’action à mener, d’anciennes réussites, des erreurs à éviter. Pour les enfants jeunes, Victor Hugo nous livre, là aussi, une remarque intéressante : « les enfants ont la mémoire courte, mais ils ont le souvenir rapide ; tout le passé est pour eux hier ». Quel que soit son âge, même très jeune avec peu encore de souvenirs, on peut donc faire appel à l’expérience passée d’un enfant, toute fraîche et rapidement mobilisée, pour l’aider à se mettre en projet.

Victor Hugo va un peu plus loin encore  en nous indiquant la manière dont un projet d'attention peut être mené à bien. Il ne parle pas ici de visuel ou d’auditif, mais simplement de la manière dont la conscience nous permet de gérer notre attention : « Cimourdain était de ces hommes qui ont en eux une voix, et qu’ils écoutent. Ces hommes-là semblent distraits ; point ; ils sont attentifs. » On retrouve ici la "petite voix" de Jean-Philippe Lachaud (Les petites bulles de l’attention), voix de la conscience attentive à ses buts, à ses projets, à ses cheminements. Petite voix, ou évocation verbale, pour certaines personnes, discours intérieur (à écouter !) indiquant le but poursuivi et la marche à suivre ; ou, pour d’autres, vision d’une image intérieure, ou évocation visuelle, représentant le but final et les buts intermédiaires, dans un sens ou dans l'autre ; pour d'autres encore, tension corporelle ressentie en direction du but, évocation tactile ou kinesthésique, qui guide l'action et l'accompagne d'une autoévaluation sensorielle "en direct",... Quelle que soit la forme des moyens qu’elle emprunte, la conscience est toujours à la base d’une bonne mise en projet et de sa conduite, et donc d’une bonne attention "active" et "soutenue"*.

Finalement, ce qui est humain, ce qui est le plus profondément et spécifiquement humain en l'homme, transcende le temps et les modes d'expression ; quels que soient les environnements, même numériques, les asservissements médiatiques, la nature des apprentissages ou toutes les pédagogies, modernes ou non, c'est toujours la conscience qui est la base de nos actions réfléchies ; et cela, les appareils les plus perfectionnés ni les scientifiques les plus matérialistes ne pourront nous l'enlever ! Alors merci Victor de nous le rappeler ! Et vive la littérature, elle qui s'y connaît si bien en condition humaine !

* On trouvera dans Le cerveau volontaire de Marc Jeannerod, O. Jacob, 2009, la description détaillée de la répartition conscience/inconscience dans le déroulement temporel d'une action, depuis la décision d'agir jusqu'à la fin de l'action et son évaluation. La part faite à la conscience dans la mise en projet est clairement définie, de même que son rôle qui évolue du début à la fin du processus : initiation de l'action, décision d'agir et choix du but en pleine conscience anticipatrice, supervision discrète, en léger retrait, en cours d'action, évaluation finale en pleine conscience rétrospective. Le rapport entre la conscience réfléchie et les parties du cerveau mises en œuvre à chacune des étapes est aussi clairement précisé.

vendredi 4 octobre 2019

144. Sans le "faire-savoir", les "savoirs" et "savoir faire" peinent à se faire valoir.

Petit mouvement d'humeur !

Je sors d'une réunion de bilan de saison de chauffage de notre ensemble résidentiel (années 1970, chauffage collectif de plusieurs copropriétés, meilleur rapport qualité prix actuel mais gestion complexe...).Tous les responsables des différents ensembles sont présents assistés de ceux du cabinet de contrôle indépendant ; en face, ceux de l'entreprise prestataire. Une vingtaine de personnes en tout.

Le Responsable local de l'Entreprise nous présentent le bilan annuel : lecture monocorde d'un PPt illisible, voix qui menace de s'éteindre bien avant chaque fin de phrase, absence de document papier individuel (demandé en vain depuis plusieurs années...), explications alambiquées et peu convaincantes... Le bilan technique est globalement bon (diminution des coûts et amélioration de la prestation), les ingénieurs et techniciens font très bien leur travail, mais l'effet de cette mauvaise présentation est pourtant déplorable sur l'auditoire fort peu enclin, du coup, à célébrer ces bons résultats.

Vient le tour de l'organisme de contrôle de présenter ses observations : autre PPt illisible, diagrammes et colonnes sibyllines, l'orateur cherche ses mots, il faut le pousser pour avoir des explications... Travail minutieux de contrôle, dans notre meilleur intérêt, mais sentiment mitigé dû au manque de clarté de ces professionnels par ailleurs scrupuleux et expérimentés... et donc place au doute... qu'ils sont pourtant chargés de dissiper.

A Rouen, pendant ce temps, imbroglio de communication qui laisse planer le doute sur les informations distribuées si maladroitement par les responsables de la catastrophe de Lubrizol, au point qu'on est en droit de douter de tout, du vrai comme du faux qu'on peine à démêler...comme c'est si souvent le cas aujourd'hui. Personne ne croit plus personne... sauf les "fake news" dont se régalent des esprits peu soucieux de recherche de vérité.

Mais où donc s'apprennent ces compétences d'expression orale autant qu'écrite qui seraient tellement nécessaires dans notre "société de l'information" ? Sur les réseaux sociaux ? Dans les "meetings" politiques ? Dans les cours de récréation ? Dans la rue ? Où ?

On s'est parfois étonné de me voir inclure le "projet de communication" dans mon modèle "Pégase", en aboutissement des autres "gestes mentaux" que sont l'attention, la mémorisation, la compréhension et la réflexion, les quatre faisant à tout moment appel au cinquième : l'imagination créatrice.... que l'on me reproche de pas traiter plus spécifiquement dans ce panorama de l'apprentissage scolaire d'aujourd'hui. En oubliant au passage tout ce que l'activité de communication, pour ne parler que d'elle, nécessite d'imaginaire d'avenir de la compréhension des autres, lecteurs ou auditeurs, au moment de l'élaboration d'un oral, d'un écrit, d'un PPt... ou de n'importe laquelle des techniques de "com" modernes. Pourtant entre deux postulants pour un même travail, à compétences techniques égales, ne préférera-t-on pas celui ou celle qui s'exprime avec le plus d'aisance, de clarté et de sincérité ? Qui saura le mieux "faire savoir", et ainsi faire valoir, ses savoirs et savoir-faire ?

Alors s'il est vrai que, comme le dit le slogan publicitaire, "sans la maîtrise, la puissance n'est rien" (les gestes mentaux actualisent les potentialités d'intelligence, quelle qu'en soit l'"étiquette"),  la réflexion de MAXI dans "J'apprends à travailler" (Chronique Sociale- 2018, cahier d'Exercices), est aujourd'hui plus vraie que jamais :

Et l'on peut espérer que le nouvel oral du bac (et sa préparation si préoccupante pour les enseignants...) viendra en partie combler ce manque cruel dans la formation de nos jeunes !

jeudi 11 juillet 2019

143. Une méthode originale pour apprendre l'orthographe (d'usage) !

Avant de partir pour un stage de 15 jours de chant baroque...(il faut bien varier les plaisirs... et il n'y a pas que la GM dans la vie... bien que du côté de l'apprentissage rapide d'une partition, elle a beaucoup à dire !), je mets en ligne cette video trouvée sur le replay d'Arte . Il s'agit de concours d'épellation avec de jeunes américains; Ce "sport" est très populaire là-bas !  Mais sans aller jusqu'à de tels extrêmes (apprendre "par coeur" le dictionnaire, plusieurs heures d'entraînement quotidien !!!), on imagine l'avantage qu'il y aurait à organiser de petits "combats navals" entre élèves (deux groupes d'une même classe) avec ou sans pizza-trophée... pour améliorer tout en jouant la mémoire lexicale de nos chers petits ! Poussé par l'enjeu de faire gagner son camp, chacun s'ingénierait à trouver la gestion mentale qui lui conviendrait le mieux : voir les mots écrits "dans sa tête", avec ou non sa propre écriture, s'entendre (ou entendre une voix "off") les épeler mentalement,  ou encore s'imaginer en train de les écrire, imaginer des liens, logiques ou bizarres, pour mémoriser les particularités orthographiques... ou un peu de tout cela dans un mélange très personnalisé ( ah ! la pédagogie "différenciée", est-elle toujours là où on la cherche ?), avant de formuler leur épellation exacte...à l'endroit ou à l'envers... Et ceci pour le vocabulaire nouveau d'un chapitre récemment étudié, ou d'un thème spécifique... en français ou en anglais... ou allemand ou toute autre langue "vivante".

"De mon temps" les jeunes parlaient le "verlan" pour provoquer leurs parents et se distinguer d'eux... Aujourd'hui, c'est en écrivant en style SMS... Le principe est un peu le même... mais l'orthographe, elle, obéit toujours aux même logiques neuronales, et donc aux mêmes processus mentaux qui les dirigent et les façonnent de la bonne manière.

La "boite aux lettres du cerveau", comme disent les neuroscientifiques, ne se remplit pas en baillant aux corneilles ni par la fréquentation assidue des supports vidéos en tous genres... Un effort spécifique et volontaire, à base d'une gestion mentale adaptée (processus "culturels" et non "naturels", paramètre 2 sur du 1 avec recours à du 3 ou du 4...) est toujours nécessaire pour avoir une bonne orthographe (qui n'est jamais "naturelle" !).

Sur ce, bonnes vacances à mes lecteurs !

jeudi 23 mai 2019

142 - Bien gérer ses révisions.

Voici revenu le temps que beaucoup d'élèves redoutent tant : les révisions ! Brevet, bac, et tant d'autres examens et concours au delà... Le stress généré par les évaluations de l'année écoulée augmente et atteint des niveaux perturbants pour leurs facultés intellectuelles, sans parler, pour certains, de diverses somatisations parfaitement handicapantes (pour lutter contre ce stress, voir message 141).

Bien sûr, un examen est toujours un moment important, dont dépendent souvent beaucoup de choses, pour le moins du côté de l'estime de soi... La meilleure façon pour ne pas se laisser trop envahir par ses émotions négatives est peut-être de bien gérer ses révisions : elles permettent de se réassurer sur ce qui est notre arme la plus efficace dans ces moments là : une bonne mémoire, bien entretenue et bien orientée vers le type d'épreuve concernée.

Pour aider des jeunes à être "au top" le jour "J" on pourra relire les messages 110 et 111 de ce blog. La gestion mentale, appuyée sur les découvertes récentes des neurosciences est un très  bon traitement antistress ! Tellement mieux que tous les produits chimiques du monde...


vendredi 17 mai 2019

141. Lutter contre le stress au moment des contrôles : est-ce possible ?


Lutter contre le stress au moment des contrôles : gestion mentale et neurosciences à la rescousse ! 


Dire que les jeunes sont stressés à l’école est, hélas, désormais un cliché. Et dire qu’ils stressent particulièrement au moment des contrôles, une triste réalité. A tel point qu’on pourrait légitimement s’interroger sur la valeur des notes dont notre système scolaire n’arrive pas à se débarrasser : quel coefficient de stress comportent-elles, et alors que signifient-elles réellement ? Pour qu’une évaluation soit vraiment éclairante et « formatrice » (selon NUNZIATTI ), ne faudrait-il pas éliminer tout paramètre autre que l’information sur une progression et la seule prise en compte des erreurs et de leur correction ? L’évaluation fait partie intrinsèque de l’apprentissage d'un élève en tant qu'il jalonne et régule sa progression,  à l'exclusion de toute autre chose que l’on se plaît à y rajouter extrinsèquement et qui en brouille considérablement le sens : notation, classement, orientation, dossier, information de tiers, …ou pire, pression ou sanction (sans notes « ils » ne travailleraient pas… n’est-ce pas ?)! J'ose à peine parler des "zéros" utilisés comme moyens disciplinaires ou pour sanctionner une absence, voire "pour les motiver" (!).. si, si, ça arrive ! (même dans les "grandes" classes où ils peuvent si illégitimement "plomber" un dossier et compromettre un avenir estudiantin mérité par ailleurs...) : quelles indications ces sanctions apportent-elles sur une progression ou sur la valeur d'une production ? Ces procédés insultent la raison et donnent une excellente occasion aux jeunes - si sensibles à l'injustice - qui en sont les victimes de secréter une violence qu'ils ont parfois du mal à contenir ! Qui pourrait les en blâmer ?

Mais, hors ces cas extrêmes, pourquoi les élèves stressent-ils autant ? De quoi ont-ils si peur ? Et surtout, comment les aider à moins redouter ces rendez-vous anxiogènes, en leur rendant leur vrai sens, plus positif et plus proche de la réalité ?

Une simple question de vocabulaire ?
Pour répondre à cette question, il faudrait remonter très loin, aller jusqu’à traiter de la problématique de l’évaluation en France. Trop vaste sujet pour ce message ! (On peut consulter sur ce sujet mon message 26 : "Gestion mentale et évaluation"). Sans entrer dans le détail, on peut s’interroger simplement sur la manière dont on nomme ces moments d’évaluation toujours nécessaires, mais dont la finalité est si souvent mal comprise par les jeunes… et pas seulement par eux. Certaines de ces appellations sont pour le moins ambiguës : "test" (combien d’élèves en ont déjà passé chez un « psy », et qui font spontanément l'association ?), "contrôle" (de quoi : d’identité ? d’alcoolémie ? Présentez-vos papiers ! Du travail effectué en fonction des "objectifs", comme à l'usine ? Non ? De l'intelligence, alors ? etc...), "devoirs" sur table (DST), "brevet ou bac blanc" (pas comme neige... plutôt "blanc de peur")…  BRRR !… Ces - fausses - dénominations portent en elles-mêmes une sorte de menace, d’ambiance angoissante, de danger confus. Les élèves, dans leur ignorance des enjeux réels, imaginent qu’ils sont jugés dans leur personne (un « test », n’est-ce pas fait pour « mesurer une intelligence », cerner une « personnalité », la réduire à une note elle aussi ? J'ai eu 90 au QI... même pas la moyenne !) et non dans leur travail : s’ils réussissent ils disent « Je suis bon ! Je suis le meilleur !» ; s’ils échouent : « Je suis nul ! ».  Dans les deux cas ils ont tort ! Très rares sont ceux qui disent : « J’ai raté à tel endroit, il faut que je m’améliore sur tel point pour la prochaine fois et, maintenant, je sais mieux comment bien faire ! ». 

Par ailleurs, la pression sociale pour la réussite scolaire s’est aggravée au fil des années. Aujourd’hui, le diplôme, le plus élevé possible, est devenu le sésame de toute espérance d’emploi et de vie matérielle confortable ou de vocation réalisée. Sans lui, la réussite dans la vie semble bien compromise. Alors, toute évaluation est un raccourci de cette "course à l'échalote" qu’est devenue la scolarité. Elle porte en réduction toute la charge affective investie par la famille et la société dans la réussite scolaire. Tant de parents deviennent "managers" de leurs enfants et chaque note est reçue comme un pronostic pour l’avenir : le podium ou le désastre !  Quand ce n'est pas eux-mêmes qui se sentent jugés à travers leurs enfants dont beaucoup ont du mal à se distinguer ("lui c'est lui, moi c'est moi" n'est pas toujours leur mantra préféré)...  Autant dire que certains élèves jouent leur bonheur actuel et leur future carrière dans chaque contrôle, à chaque examen…  On conçoit bien que cette "pression d'enjeu" n’engendre pas la sérénité propice à une activité intellectuelle épanouie… toujours nécessaire à la réussite ! Cette pression sociale et familiale, supposée créer une "motivation" chez les élèves (la peur du bac pour "les mettre au travail"...), les détourne de ces échéances à haut risque… et tend à augmenter leur démotivation et leur fuite … et à empêcher la réussite si attendue ! Cercle vicieux s'il en est !

A quoi alors servent tous ces rendez-vous, toutes ces corrections professorales, toutes ces occasions de stress ?

Nous savions déjà et j’y reviens systématiquement dans mes stages, que la mémoire s’entretient par des réactivations (ré-évocations actives et non relectures passives) régulières des informations qui ont été dûment mémorisées une première fois (mises à la disposition d’un futur de réutilisations anticipées) le plus tôt possible après leur réception dans un cours, dans une lecture… C'est la raison (en plus d'amorcer une attention de qualité et de favoriser une meilleure compréhension) des réactivations de début et de fin de cours préconisées par la pédagogie des gestes mentaux. Mais cet incontournable méthodologique était tout empirique et ne reposait pas sur une base scientifique bien établie…  Il me manquait un "pourquoi", un "d'où vient que", une cause et une origine neuronale convaincante susceptible d’éclairer mes élèves (et leurs enseignants) sur le vrai sens de leurs évaluations et de les aider à les considérer sous un jour plus positif. Du moins jusqu’à la lecture des deux derniers ouvrages de Stanislas Dehaene. J’y ai trouvé le mécanisme neuronal qui permet non seulement d’entretenir une bonne mémoire, mais aussi de la mobiliser au moment voulu dans son meilleur état possible, au moment donc des évaluations.

Dans son tout dernier ouvrage, ApprendreStanislas Dehaene précise que "se tester" est un très bon moyen de "muscler" sa mémoire (il n’avait pas lu ce qui précède quant au mot "test"… mais "se" tester est moins anxiogène qu' "être testé" ; et puis Dehaene est un scientifique, pas un pédagogue...).


Apprendre. page 282 : Se tester pour mieux apprendre.
Le fait de tester régulièrement ses connaissances, est l’une des stratégies pédagogiques les plus efficaces. Se tester régulièrement maximise l’apprentissage à long terme. Le simple fait de mettre à l’épreuve sa mémoire la rend plus forte – c’est l’effet direct des principes d’engagement actif et de retour sur erreur décrit plus haut. Passer un test (aie !) oblige à se frotter au réel et à se rendre compte de ce qu’on sait pas.

L’idée que les tests sont des moments clés d’apprentissage ne va pas de soi. La plupart des enseignants et des élèves considèrent les contrôles (re-aie !) et les examens comme de simples moyens de notation, une évaluation des connaissances acquises ailleurs, durant le cours ou pendant les révisions. Or la recherche montre que les tests jouent un rôle au moins aussi important que le cours lui-même.

Apprendre. page 283. Alterner régulièrement l’apprentissage et le test oblige (les élèves) à rester actifs et à recevoir un feed-back explicite : je connais telle chose, mais je n’arrive jamais à me souvenir de telle autre (l'évaluation est ainsi "objective" et non plus "subjective"). Cette connaissance de soi, cette  "métamémoire" est utile car elle leur permet, lors de la (...) séance d’apprentissage (suivante), de mieux se concentrer sur les mots difficiles (dans l’exemple précis de cette expérience sur des listes de mots, mais qui vaut pour toute autre connaissance). L’effet est manifeste : plus on se teste, mieux on retient le cours (c'est moi qui souligne).

Le paradoxe, c’est que ni les étudiants ni leurs professeurs n’ont conscience de ces effets. Si on leur demande leur avis, tous considèrent que c’est l’étude qui importe, pas le test. C’est pourquoi ils prédisent exactement l’inverse de ce qui est observé expérimentalement : selon eux, plus on étudie mieux on réussit. Spontanément, les étudiants consacrent d’ailleurs tout leur temps à lire et à relire les cours, en stabilotant chaque ligne des couleurs de l’arc-en-ciel… Des stratégies bien moins efficaces que de se mettre à l’épreuve en passant un bref texte.

Soit ! donc, offrons à nos élèves des occasions de se tester régulièrement (ces "testing" diffèrent des simples "réactivations" personnelles en ce qu'elles font intervenir la réflexion (réutilisation), au lieu d'une simple remémoration des acquis (restitution). Mais si la peur envahit leur cortex préfrontal (lieu de leur activité consciente, de l'activation volontaire de leurs "fonctions exécutives" de haut niveau), bonjour l’engagement actif et le geste de réflexion ! C’est là qu’intervient une explication neuroscientifique qui pourrait peut-être aider les élèves à sortir de leurs émotions négatives, paralysantes (le "trou noir") ou précipitantes (le "faire n'importe quoi" pour éviter de penser), et à retrouver toutes leurs potentialités réflexives.

Dans un autre ouvrage, Le Code de la conscience, Stanislas Dehaene nous éclaire sur le mécanisme neuronal à la base de l’efficacité de ces tests. Il explique très finement le mécanisme de l’activité consciente du cerveau, et de ses liens étroits avec l’activité neuronale inconsciente qui la sous-tend en permanence. Il explique particulièrement le détail de cette activité consciente (quel que soit son nom : "espace de travail neuronal global", siège de toute activité cognitive organisée consciemment, "fonctions exécutives", ex-"mémoire de travail" ou encore "mémoire active" ou "vive" par opposition à la "froide" mémoire à long terme…et pour nous, tout simplement "activité mentale"...). Selon lui, elle est constituée par des neurones géants à très longs axones pouvant se lier à toutes les autres aires cérébrales quel que soit leur rôle spécifique et où qu’elles soient situées dans le cerveau. On sait par ailleurs que nos souvenirs sont stockés et conservés dans l’hippocampe, cette région au cœur du cerveau consacrée à la mémoire à long terme (avant de passer pour la postérité dans l’ARN du noyau cellulaire… après quand même au moins quelques décennies voire davantage...). Or, les neurones de l’hippocampe sont d’un format différent (axones courts) de ceux de l’espace de travail global conscient (axones plus longs). Un peu comme si nos souvenirs avaient été "compressés" pour les stocker en mémoire à long terme ("mémoire froide", inconsciente mais conscientisable à la demande). Un peu comme lorsqu'on "compresse" un fichier pour qu'il occupe moins de place dans notre disque dur, ou qu'il soit plus aisé à transférer. On trouve également une description encore plus détaillée de ces mécanismes de compression/décompression chez Antonio Damasio (dans L'autre moi-même, 2010). 

Le Code de la conscience, page 269 à propos de ces souvenirs anciens (c'est moi qui souligne) : Nous ne pouvons pas y puiser directement, parce que leur format diffère radicalement des configurations d’activité neuronale qui représentent nos pensées conscientes (activité mentale). Pour qu’un souvenir remonte à la conscience, nous devons d’abord le convertir de l’état latent à la forme active . Au cours de l’accès à la mémoire, nos synapses permettent la reconstitution d’une assemblée neuronale proche de celle d’origine - ce n’est qu’alors que nous prenons conscience de cette réminiscence. Un souvenir conscient n’est que la reconstruction approximative d’une configuration de décharges neuronales qui a traversé notre cerveau par le passé. L’imagerie cérébrale confirme que les souvenirs latents doivent être convertis en configurations explicites d’activité qui envahissent le cortex préfrontal et les régions associées au moment précis où nous reprenons conscience d’un épisode passé de nos vies.

A cette description, on comprend bien que cette "conversion - reconstitution - reconstruction", " puisse prendre un peu de temps et qu'elle ne s'opère pas sans qu'une bonne raison ne l'exige : par exemple un problème à résoudre par une réflexion ! On conçoit bien également qu'un état émotionnel négatif puisse perturber en profondeur ces délicates opérations neuronales...

Par conséquent, lorsque l’on veut réactiver un souvenir plus ou moins ancien, notamment pour l’utiliser dans une réflexion actuelle (ou dans une évaluation), il s’agit de le "décompresser", de le remettre au bon format pour qu’il puisse être réutilisé consciemment.  Le mécanisme de récupération est délicat, il n’est pas instantané, il faut s’y entraîner méthodiquement et régulièrement : c’est le rôle primordial bien que totalement méconnu des évaluations régulières et de l’activité de réflexion qui s’y déploie (ou le devrait...). Ce geste mental de réflexion méthodique nécessite que les souvenirs anciens puissent être mobilisés à la demande (rendus "mobiles", dont le parcours cérébral doit être fluide et aussi rapide que possible au moindre appel). Cette récupération délicate et sélective explique aussi que lorsque l’on veut, juste avant une évaluation importante, se souvenir de tout ce que l’on sait dans le domaine concerné, comme embrasser d’un coup toutes ses connaissances "pertinentes", c’est le trou noir et le stress qui nous envahit : ce rappel global et instantané est impossible ! 

Il est crucial pour la bonne marche de leurs apprentissages, que les jeunes soient informés de ces réalités "cérébrales" que les neurosciences nous permettent désormais de décrire et qui donnent toute leur valeur et tout leur pouvoir aux indications "mentalistes" que nous sommes appelés à leur fournir, et qui devraient être la base de tout enseignement qui cherche réellement à être un véritable "faire apprendre" selon les termes d’Heidegger (voir mon message 61 « Enseigner avec la Gestion Mentale : « apprendre à faire apprendre ».) 

C'est même une obligation si l'on souhaite qu'ils assument pleinement leur "responsabilité pédagogique", qu'ils deviennent pleinement "pédagogues d'eux-mêmes".

Pour conclure, laissons la parole à celui qui a tant fait pour aider les jeunes à accéder à cette responsabilité : « Au lieu de se faire mutuellement peur, enseignants, parents, élèves prendront conscience de la crainte de manquer à cette vocation de témoin de la vérité. La crainte n'est pas la peur. Il ne faut pas confondre l'étourdissement qui aveugle et le trouble d'une lumière qui se dessine et qui se confie à nous pour que nous la protégions, ni un monologue désespéré avec un dialogue qu'esquisse la promesse, ni une chute dans l'abîme avec le premier pas d'un enfant qui appelle une main... La peur est dépendance ; la crainte est responsabilité, commencement de sagesse : toute conscience l'éprouve qui sent passer sur elle l'appel de la vérité ». Et aussi : « Au lieu de s'infliger mutuellement des humiliations, enseignants, parents, élèves communieront dans l'humilité qu'ils ont à pratiquer pour répondre à cet appel que la vérité leur adresse, sitôt que le devenir d'une personne est en jeu » (A. de LA GARANDERIE, Apprendre sans peur, 1999, page 46)

Pour y contribuer à ma modeste mesure et tendre "la main à ces enfants qui l'appellent", et ne pas vivre la crainte de manquer à cette vocation de témoin de la vérité, j'ai proposé à mon éditeur de recomposer, dans une éventuelle réédition, la page 40 du Cahier "J'APPRENDS à TRAVAILLER" : voici un aperçu de l'ajout proposé. Bien entendu, j'ai raccourci la démonstration, mais les accompagnateurs que vous êtes sauront bien proposer aux intéressés l'explication que j'ai essayé de présenter moi-même dans ce message, et dont le Vieux Sage propose en quelque sorte un bref résumé.

dimanche 10 février 2019

140 - Gestion mentale , le bonheur des parents - Stage sur la compréhension approfondie.

 

 

« Quel bonheur de profiter du temps libre que nous passions auparavant aux devoirs et à la mémorisation. »

Extrait d’une lettre remise par un élève de la part de ses parents le dernier jour de ce dernier stage consacré à la compréhension approfondie (on en trouvera l’intégralité dans les témoignages-bilans en fin de CR).

Ce troisième stage a été introduit par un retour (réactivation personnelle, questionnaire-bilan sur les deux premiers stages, synthèse PPT des notions déjà étudiées) sur les deux précédents consacrés aux actes de connaissance d’attention, de mémorisation, de réflexion et de communication : qu’attendent mes professeurs de moi dans mes différents travaux scolaires ? Quels sont les actes que je suis amené à produire "dans ma tête" pour être attentif, comprendre au premier niveau, mémoriser, résoudre un problème et transmettre un raisonnement clair aux autres par oral ou par écrit ? Cette fois, la problématique était différente : "comment, dès le départ, puis-je comprendre ce que j’apprends de manière à pouvoir effectuer de la meilleure façon possible mes autres actes d’apprentissage, et particulièrement de transférer mes acquis dans des résolutions de problèmes et des communications réussies ?"

Ce stage visait à montrer aux élèves qu’ils possèdent en eux-mêmes les moyens de leur compréhension, mais de façon inconsciente et souvent incomplète, et qu’ils peuvent toujours s’en aviser et les compléter en profitant de l’expérience de leurs camarades. Point donc de recettes, ou de placage de méthodes extérieures, pas d’injonctions transcendantes et autoritaires : juste la découverte d’une capacité innée (immanente), partagée par tous les êtres vivants : interroger, comprendre, projeter des modèles interprétatifs sur leur environnement de façon à y détecter les sources de plaisir ou d’éventuels dangers et à pouvoir y faire face. Chez l’homme, cette capacité innée s’est affinée, complexifiée : elle s’appelle "curiosité", cette propension naturelle à s’interroger sur le "pourquoi" du monde (l’adverbe latin cur signifie "pourquoi"). De cette demande fondamentale de l’origine et de la raison des choses, l’homme en est venu aux autres questionnements sur le "comment", le "pour quoi faire", le "avec quoi" peut-on comparer, et surtout le "quoi, comment on le nomme" qui fait entrer l’information reçue et comprise dans l’ordre du langage et de la transmission. Cet ensemble de questions constitue un véritable "outil de compréhension" à la disposition de chacun, pour peu qu’il conserve, ou qu’il s’autorise à retrouver, son mouvement naturel de rapport au monde qui l’entoure. Combien d’élèves sont en difficulté à l’école  parce qu’ils se sont (ou ont été) coupés des voies innées de leur compréhension, de leur curiosité naturelle ? Ce stage a vocation à les réintroduire dans cette part si importante de leur humanité.

Le programme suivi a été conforme dans les grandes lignes à celui des autres années (on en trouvera le détail dans les messages 95 et 117 de mon blog). Je ne le détaillerai donc pas dans ce CR, préférant m’attacher à décrire le changement profond qui s’est opéré pour la quasi totalité de ces jeunes.

Évolution de la classe au cours du stage.

Le lundi, premier jour du stage, j’ai retrouvé cette classe tout à fait conforme à ce que l’on sait de la génération Z, si difficilement concentrée dans la durée *. J’ai dû intervenir plusieurs fois auprès de certains élèves pour des petits bavardages ou des recherches de distraction. Je les avais laissé s’installer dans la salle selon leurs affinités. Je voulais pouvoir les observer avant de décider de la manière dont nous allions travailler.

Le lendemain matin, alors qu’ils avaient repris les mêmes places que la veille, je les ai répartis en groupe en utilisant la technique A,B,C,D **… et non de façon aléatoire avec les cartes *** comme je le fais parfois. Cette technique est utile lorsque l’on veut casser les regroupements par affinité. Ces petits groupes spontanés, favorables aux distractions, sont ainsi automatiquement dispersés dans des groupes "de travail". Tout le reste du stage a fonctionné ainsi en groupes de six, appelés parfois à fonctionner en sous-groupes de 3. Nous avons pu ainsi consacrer tout le temps des séances à des informations, à des échanges, à des petits dialogues pédagogiques ainsi qu’à des exercices variés dont je sais que la plupart sont friands, et qu’ils sont favorables à ressourcer leur motivation et donc leur concentration dans la durée. Les professeurs présents ont pu assister ou participer à ces travaux, et observer les changements opérés chez leurs élèves.

 Le mercredi matin, le troisième jour donc, a été entièrement consacré à un travail de synthèse de tous les aspects de la compréhension que nous avions vus les jours précédents, permettant également le réinvestissement des outils acquis depuis le début de l’année. Le travail s’est déroulé de la façon suivante autour d’un texte proposé par le professeur d’histoire-géo sur l’agriculture raisonnée.

Protocole pour un travail sur la compréhension approfondie d’un texte scolaire.

Le support : un texte comparant agriculture raisonnée et agriculture biologique. Le travail s’est déroulé selon les étapes suivantes. En variant les consignes de travail, on maintient longtemps la concentration.

 1.  Travail individuel (qui doit toujours précéder un travail en groupe)

Avant de lire, se rappeler ("réchauffer") de ce que l’on a en mémoire (de long terme ou "froide"), à propos de ce que l’on va étudier, pour le "remettre sur le devant de la scène" de la conscience et ainsi amorcer et alimenter l’attention et la compréhension (on  appelle aussi ces activités selon les auteurs :"actes de connaissance" ou "fonctions exécutives", ou "espace de travail conscient", ou mémoire "vive"… )  : souvenirs du cours précédent, autres souvenirs qui s’y rattachent tirés de sa culture personnelle, d’autres lectures ou émissions TV, etc…          

Première lecture. S’efforcer de traduire le mieux possible le texte en évocations personnelles : images, petits films, commentaires intérieurs, mouvements mentaux ou émotions associées…

Deuxième lecture. Vérifier cette traduction en relisant le texte avec le projet d’effectuer une comparaison évocations - texte.        

2.  Travail à plusieurs.

Stabiliser cette traduction vérifiée, en la verbalisant pour quelqu’un. Chaque participant du groupe énonce sa compréhension du texte. Les autres écoutent la version de leur camarade et la comparent mentalement à la leur. S’ensuit une discussion s’il y a des différences, les incompréhensions ou des points de désaccord. Le but est d’arriver à une compréhension à peu près unanime du texte

   ( Pause si on le veut… ou peut)  

Travail individuel. Après la pause, ou après un moment consacré à autre chose, faire revenir mentalement le plus possible de ce qu’on vient de travailler (« S’il vous plaît, rembobinez ! »).      

Reprendre le texte et s’efforcer de se poser systématiquement les cinq questions (certains l'auront peut-être déjà fait en partie dans les activités précédentes). Un texte ou un cours est toujours une réponse à des questions. En lisant le texte, on se demande « ce que je lis réponds à quelle(s) question(s) ? ». Mais aussi pour une bonne compréhension, il faut pouvoir poser les questions que l’on a tendance à se poser de façon préférentielle : « de quoi ai-je besoin pour comprendre ? » C’est quoi, comment ça se nomme, comment ça se définit, quels mots pourrai-je réemployer pour en parler ? Avec quelle autre de mes connaissances je peux comparer ? Pourquoi peut-on dire cela ? Comment peut-on le mettre en application ? Quelles conséquences cela entraîne-t-il ? À quoi pourrait me servir ce que je lis, dans quelles occasions pourrais-je le réutiliser ?  La mémorisation (projection vers un futur de réutilisation) n’est pas non plus oubliée !

Toutes les questions que l’on pose au texte n’ont pas forcément de réponse (le texte répond à certaines questions, pas forcément à toutes). Mais on ne peut le savoir qu’après se les être posées et avoir cherché à y répondre. Et le fait de chercher une réponse à une question, même si on ne la trouve pas, nous rend actif mentalement (condition première de tout apprentissage) et nous permet de mieux intégrer le texte ou le cours. Comprendre qu’on ne comprend pas, c’est aussi comprendre. Et cela crée de la motivation à chercher plus loin.**** 

Les cinq questions de la compréhension, comme les cinq doigts d’une main « mentale », permettent de « manipuler » par l’esprit les notions abstraites contenues dans le texte. Cette manipulation purement intellectuelle sera complétée par une manipulation physique et concrètecrayon à la main, par exemple par la réalisation d’un schéma : chercher les mots clés les plus fidèles aux notions essentielles que l’on veut conserver (ou retransmettre) et qui nous permettront par la suite de retrouver les détails de ce qu’on a compris. Cette transposition d’un texte, dont la nature est forcément linéaire et séquentielle, en un support essentiellement spatial et global, jointe à l’exercice de l’esprit critique dans le choix des mots-clés et la disposition du schéma, vont parachever le long processus de la compréhension approfondie.

Ce travail peut être accompli seul, mais il peut l’être aussi en petits groupes, ce qui est encore plus profitable : on comprend mieux à plusieurs que tout seul. Chacun ne se pose pas les mêmes questions que son voisin, ou ne met pas la même intensité dans les questions qu’il privilégie. La « mutualisation » de ces recherches de sens différenciées ne peut qu’être bénéfique à chaque élève qui voit ainsi augmenter l’éventail de sa propre compréhension. De plus, l’entraide entre élèves permet de créer un climat propice à la concentration (qui n’est pas forcément et toujours silencieuse…) de toute la classe. Après un tel travail collectif, l’élève sera plus enclin à le pratiquer pour son compte lorsqu’il sera seul à sa table de travail.

Une fois le schéma terminé, seul ou en groupe, on le cache et on le reconstruit, mentalement et donc individuellement, avant de vérifier sa fidélité à l’original par une comparaison tête - schéma.

La séance peut être prolongée par une phase de communication. Le groupe est invité à présenter le travail collectif à la classe entière. Chacun prend la parole pour présenter un point particulier, personne ne reste en retrait. L’expérience de « sortie de soi » profite à tous les élèves sans exception.

 On aura intérêt à terminer cette séquence en proposant aux élèves d'imaginer des situations concrètes de réutilisation de ce qu'ils viennent d'apprendre. Sur le fond : questions directes du professeur au prochain cours, besoins personnels pour une argumentation dans un devoir, pour une analyse de texte, pour une conversation en famille, etc. Sur la forme : quand pourrais-je réutiliser ce genre de travail, seul ou en groupe ? Pour quel type d’apprentissage ? Etc… La projection dans le futur n’étant pas la caractéristique première de cet âge, il est bon que l’enseignant (ou l’accompagnateur) pense à la faire pratiquer et en donne le temps aux élèves à la fin de tout travail, individuel ou collectif. Même si tout le monde peut le pratiquer inconsciemment au quotidien, l’acte de mémorisation à long terme n’est pas un « geste » si évident que cela. 

Ce protocole peut paraître lourd. Il l’est en effet. Mais qui a jamais dit que comprendre de manière approfondie était rapide et facile ?  Ecoutons quelqu’un qui connaît bien ce sujet, Albert Jacquard : « La connaissance passe par la compréhension. Or comprendre est un processus qui nécessite effort, répétition, retour en arrière, remise en question : il ne peut donc être rapide. Comprendre « du premier coup », c’est le plus souvent avoir l’illusion de comprendre. Les esprits les plus exigeants comprennent plus lentement que les esprits superficiels, facilement satisfaits par une vague explication. En jugeant sur la vitesse l’école accorde un privilège aux bluffeurs. » (Albert Jacquard  est l’auteur de « C’est quoi l’Intelligence ? »). Et puis avec ces éclairages et de l’entraînement, tout le monde peut améliorer ses capacités innées de compréhension.

Nous avions cette année l’opportunité d’avoir avec nous une nouvelle observatrice ignorante des contenus et des pratiques de ces stages et de la manière dont on peut transmettre à ces jeunes en difficulté les gestes mentaux de l’apprentissage. Elle avait été surprise de l’attitude de certains élèves, un peu agités et dispersés au cours de la journée de lundi. Je l'ai invitée à attendre et à observer ce qui allait se passer. Le mercredi à midi elle a pu constater l’évolution du groupe, sa capacité insoupçonnée de concentration longue, si silencieuse dans les moments travail individuel, si active dans les travaux de groupe. Je ne pouvais souhaiter meilleure évaluation du travail accompli, de ce qui se passe lorsqu’on fait confiance aux capacités innées des élèves et qu’on leur permet de les ressaisir, en dépit de tout ce qu’ils nous montrent et qui nous laisse en douter jusqu’à les convaincre qu’ils en sont dépourvus.

___________

* Il y a 12 ans, lorsque ce Projet de Classe de méthodologie a été mis en place par une Directrice et des professeurs qui croyaient en leur mission d’aider des jeunes en difficulté, ces derniers étaient plutôt accros à la TV et aux différents lecteurs mp3 : à chaque pause, leurs écouteurs leur sautaient littéralement aux oreilles. Aujourd’hui, les pauses sont consacrées à « liker » de façon compulsive, à jouer à des jeux videos, à en comparer les mérites ou les résultats obtenus par chacun. L’usage immodéré des « likes » ou autres « flammes »,  et des émojis (langage hiéroglyphique… qui paraît-il serait un progrès de l’humanité…) tend à se substituer à celui de la communication articulée… surtout écrite, enjeu principal et incontournable de l’apprentissage scolaire, mais pour lequel ces jeunes ont de plus en plus d’aversion et de difficultés dans son maniement. L’arrivée récemment annoncée d’un nouveau contingent de ces signes primaires n’augurent rien de bon pour nos écoles !


** On fait le tour des élèves en donnant à chacun une lettre différente A,B,C...selon le nombre de groupes de travail que l'on veut constituer. Puis on regroupe les élèves dans différents lieux de la salle : goupe A, puis groupe B, etc...

*** Autre technique de répartition des groupes de travail : 
- un jeu de cartes (belote, bridge...) du nombre des élèves de la classe. 
- chaque élève tire une carte et la mémorise : elle peut servir toute l'année.
- pour répartir les groupes, un "croupier" est chargé de distribuer le jeu de cartes en petits paquets du nombre souhaité pour chaque groupe. Pas de jaloux, pas de suspicion vis à vis du professeur...
Cette technique permet de "brasser" les élèves, notamment en début d'année pour qu'ils se connaissent mieux et apprennent à travailler avec d'autres que leurs copains préférés. Elle permet aussi de désigner des élèves de façon tout à fait aléatoire en piochant dans la paquet de cartes au hasard  (le professeur ou le "croupier" de la classe : un rôle particulièrement apprécié chez les collégiens et en début de lycée...!

**** Extrait d’un entretien avec A. Jacquard (repris dans « J’apprends à travailler », Précepte 1 « Construis ton intelligence ») : « Quelle était la caractéristique d’Einstein, cet homme qu’on présente comme très intelligent ? Ce n’était pas d’avoir une activité intellectuelle plus vive, mais c’était d’avoir horreur du sentiment de ne pas comprendre. Quand il ne comprenait pas, il comprenait qu’il n’avait pas compris, et il n’aimait pas ça. Alors il s’arrangeait pour finir par comprendre. Quelquefois c’était très long. Par conséquent la vraie forme de l’intelligence, c’est de comprendre qu’on n’a pas encore compris, et de faire le nécessaire pour comprendre quand même. »

 

Extraits des Bilans- témoignages des élèves (et de certains parents).

Je vous remercie pour toute l’aide que vous m’avez apportée, cela me permettra d’aller de l’avant et de réussir ma scolarité.

J’ai mieux vécu ce troisième stage que les deux premiers. Tout a un sens à présent. Vous m’avez redonné un peu de peps et je vous en remercie.

Ce stage m’a permis de mieux comprendre le sens du mot comprendre. Et de pouvoir grâce aux cinq questions mieux répondre à un problème posé. Il m’a permis de mieux analyser un texte grâce aux schémas heuristiques. Ce stage était très enrichissant.

 Ce stage m’a permis de me poser les bonnes questions et comment comprendre. Et aussi pour identifier des mots que l’on ne connaît pas. J’ai compris que je pouvais remplacer les chiffres par des mots.

J’ai plus apprécié ce stage car je me suis redécouvert. J’ai appris à me poser les bonnes questions, à imaginer. Je pars de ce stage en me promettant de me servir de toutes ces techniques que ce soit tout de suite ou plus tard. J’ai compris je devais me poser des questions.

Mes résolutions sont de reprendre les cours le soir et de me donner un objectif à chaque fois que j’apprends mon cours. Ce troisième stage m’a motivée pour mon futur, à fournir plus d’efforts. Essayer de réactiver à chaque début de cours. De fournir plus d’efforts dans les matières où j’ai du mal. Ce stage m’a beaucoup plu, il m’a aidée à mieux comprendre.

J’ai bien compris que de réactiver c’était très important et de se faire des images aussi. Il ne faut pas oublier de s’imaginer dans quelle situation on pourra réutiliser ce qu’on apprend. Les cinq questions sont très importantes aussi. Je suis plutôt confiante et motivée pour essayer tout ça.

Ce stage m’a encore appris pas mal de choses. Je m’engage à mettre tout en place, je vais voir si tout cela fonctionne. J’ai encore pas mal de travail avant d’arriver à un but satisfaisant. Je vous remercie. Je ne doute pas de ce que vous nous apprenez, j’espère juste que sur moi ça marchera.

Ces stages m’ont permis d’acquérir une aide précieuse pour ma vie future, que c’est à moi de dicter mes choix en tenant compte des autres et donc de me mettre réellement au travail. Ils m’ont permis de « comprendre », de me faire des évocations, des remémorations, etc. Ils m’ont permis d’apprendre beaucoup de choses sur moi-même et d’apprendre plein de petites astuces que je vais mettre en pratique dès demain.

Perplexe. Ce stage a éveillé des points que, personnellement, je n’avais jamais abordés. La compréhension est un point fort que je pensais connaître mais ce stage m’a prouvé le contraire. Le rythme des stages n’est malgré tout pas favorable, trop peu d’activité et je m’ennuie rapidement. Il n’empêche que les conseils donnés durant ces stages seront forcément utiles dans notre vie. Alors, bien que je n’aime pas les stages et n’en voie pas l’intérêt, je suis certain que ce que j’ai appris sur comprendre ne sera pas perdu.

J’ai appris dans ce stage que l’on se posait des questions naturellement et qu’il fallait s’en servir comme une aide pour pouvoir avoir les réponses à ces questions par rapport à un texte, une image etc. ces méthodes pourront m’aider pour les différents examens.

Après ce stage, je me sens mieux. Je me sens moins troublé face au travail. Cela m’a appris de me rendre compte que j’étais capable de travailler et capable d’y arriver. Il faut juste que je m’en donne les moyens. Ça m’a permis d’apprendre la méthode pour analyser, et la méthode pour bien me concentrer. Je vais mettre en place tout ce que vous m’avez appris dès demain. Merci pour les conseils donnés même si parfois c’était dur.

Ce stage était très intéressant car nous avons pu aborder le cœur du sujet, la partie la plus importante qui se basait sur le fait de comprendre, qu’il fallait trouver du sens.… On a vu énormément de notions à travers des exercices. Cinq questions ont été posées : quoi, pourquoi, comment, avec quoi, pour quoi. Ce sont celles qu’il faut se poser avant chaque travail pour ainsi devenir meilleur dans ce que l’on entreprend. Les schémas heuristiques ont été très importants.

Ce stage m’a beaucoup intéressé : mémoriser une phrase compliquée, devoir la décrypter… C’était cool mais j’ai préféré le deuxième stage, on a beaucoup rigolé et c’était dynamique.

Dans ce stage j’ai découvert que j’avais encore des choses à faire pour m’organiser quand je lis un texte ou même les bonnes questions à me poser en général. J’ai encore appris plein de choses et j’ai encore un peu plus appris à me connaître. Je te remercie pour les conseils que tu m’as donnés et du temps que tu nous as consacré.

J’ai découvert qu’il fallait toujours se poser les cinq mêmes questions pour mieux comprendre. Je me suis rendu compte que je ne faisais pas assez d’évocations et de comparaisons. Je sais comment je vais faire pour mieux me concentrer dans mon travail personnel.

Ce stage était intéressant. Il m’a appris à mieux comprendre et donc apprendre grâce aux cinq questions. Je pense que je serai plus efficace dans mon travail.

Pour moi cela a été un stage difficile, vous savez pourquoi. Je vous en veux pas. Je vais vraiment me mettre à travailler. Pour mieux comprendre les sujets je vais me poser les cinq questions. Je vous remercie quand même du temps que vous avez pris pour nous aider. Merci.

Le stage m’a beaucoup aidé à comprendre comment travailler. J’ai beaucoup aimé faire les activités comme imaginer la suite de l’histoire de la barque. Je sais que les cinq questions vont beaucoup m’aider à comprendre un texte. J’ai compris que je faisais des évocations en me parlant dans la tête et en découpant les phrases. Je fais également quelques évocations en images, si la phrase est claire avec des mots simples. Ce stage m’a vraiment permis de comprendre qu’il fallait se poser des questions pour comprendre. Sur le tableau que nous avons rempli le premier jour il va falloir n’avoir que des « souvent ».

Ce stage m’a appris de nouvelles méthodes de travail. J’essaye de m’en servir le plus possible en espérant que cela m’aide en cours. Chaque jour, en rentrant en classe, je fais une réactivation sur la journée et les cours précédent. En gros, j’essaye de faire comme quand j’étais au stage et effectivement ça aide.

Je trouve que les méthodes enseignées par Guy m’ont aidé à comprendre ce que je savais déjà. Comme je pratiquais souvent ces méthodes, j’ai compris qu’elles fonctionnaient mais pas systématiquement. Malgré cela, j’ai appris d’autres méthodes utiles que je ne connaissais pas. J’ai toujours eu un intérêt pour tout ce qui m’entoure et je me suis donc toujours posé des questions sur ce qui m’entoure.

 

Les parents d’un des élèves (lettre personnelle remise par un élève le dernier jour du stage) :

Nous sommes les parents de X… en classe de seconde du lycée Sainte-Marie des Champs et nous voulions vous remercier pour l’aide que vous avez apportée à notre fils au travers de vos stages. Dès le début X… a appliqué tout ou partie de vos conseils et cela lui a changé la vie ainsi qu’à nous. En effet, quel bonheur de profiter du temps libre que nous passions auparavant à l’aider aux devoirs et à la mémorisation. Tout simplement merci car autour de nous, nous côtoyons des parents tout aussi désorientés que nous l’étions, mais ils n’ont pas la chance que le Lycée et vous-même nous ont donnée.

Quelle meilleure preuve de l’efficacité de ce Projet de classe,  de ces stages et de l’accompagnement de l’équipe enseignante tout au long de l’année ?

 


189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...