jeudi 1 décembre 2016

104. Neurosciences et Gestion mentale : la suite.

Neurosciences et Gestion mentale : la suite.

Lorsque j’ai rédigé, en 2013, l’article « Gestion mentale et neurosciences cognitives » (voir message 67), je voulais montrer que les descriptions d’Antoine la Garanderie sur l’activité mentale consciente étaient très proches des travaux des neuroscientifiques les plus actuels, traitant, de leur côté, de l’activité neuronale. En fin d’article, je citais l’hypothèse d’Antonio Damasio sur l’étroite interdépendance de ces deux zones d’activité du cerveau humain, et sa demande de ne pas rejeter cette approche un peu nouvelle : « Le fait que les événements cérébraux soient corrélés avec les événements mentaux - nul ne le discute - et que ces derniers existent à l'intérieur du cerveau et soient inaccessibles à la mesure directe justifie une approche spéciale. »

Trois ans après, voici que le pas a été sauté, et que ces deux domaines de recherche, longtemps étrangers sinon hostiles l’un à l’autre, se trouvent réunis dans un petit ouvrage très facile d’accès : « Les petites bulles de l’attention, Se concentrer dans un monde de distractions. (Nov 2016. O. Jacob) », de Jean-Philippe Lachaux (déjà auteur de deux ouvrages sur l’attention, Le cerveau attentif en 2011, Le cerveau funambule en 2015).

La première partie, en forme de bande dessinée, présente pour des enfants ou des adolescents un fonctionnement simplifié des neurones, et de leur rôle dans l’apprentissage. Souvent drôles, ces petits chapitres, outre des explications simples mais claires sur le plan scientifique, donnent des indications précieuses pour discipliner son attention en toutes circonstances, et particulièrement en classe ou à sa table de travail. L’auteur traite de nos intentions, de fin et de moyens, d’images mentales…

La deuxième partie se fait encore plus explicite. à partir de la page 68, on trouve plusieurs passages qui ne surprendraient pas dans un manuel d’application de la gestion mentale. Exemples :
« Demande aux gens que tu connais s’ils voient parfois des images dans leur tête et à quoi elles leur servent. » Suivent alors des petits exercices : « Pour répondre, tu as dû faire apparaître une image sur le petit écran qui est dans ta tête : c’est ça, une image mentale. » Plus loin : « Certains s’entraînent à garder longtemps des images sur leur écran mental afin d’améliorer leur concentration. »

Un autre exercice demande de compter des points : « Est-ce que tu as entendu ta voix, dans ta tête, en train de compter : « 1,2,3… » ? C’est difficile de compter sans énoncer les nombres avec sa « petite voix », celle que personne n’entend à part nous. »

Et encore, au fil de la lecture :
« Les images mentales servent aussi à réfléchir, à comprendre, à imaginer et à expliquer. »
« L’écran mental sert très souvent en classe »
« L’écran mental est utile pour se rappeler certaines choses (comme la recette des crêpes) et pour travailler (dessiner un triangle) : il sert à ce que les chercheurs appellent la mémoire de travail (mémoire + travail : logique), tout comme la petite voix. »
« Les chercheurs ont montré que ceux qui ont une bonne mémoire de travail réussissent mieux en classe… C’est normal : elle sert tout le temps ! Bonne nouvelle, elle s’entraîne… »
« A chaque fois que tu imagines un mouvement dans ta tête, que personne ne peut voir, c’est une action mentale. » « Tout ce que tu fais « dans ta tête » est une action mentale. »
« La prochaine fois que tu fais un devoir, essaye d’identifier à quel moment tu as besoin de réaliser des actions mentales : soit pour dessiner sur ton écran, soit pour te dire des choses avec ta petite voix. Tu verras, cela arrive tout le temps ou presque : pour comprendre l’énoncé, pour réfléchir… D’ailleurs serais-tu capable de comprendre et de résoudre les deux problèmes suivants sans rien dessiner sur ton écran mental ? » Suivent des exercices du type de ceux que nous faisons faire en stage… (Voir message précédent, numéro 103 : "Peut-on apprendre à réfléchir ?")
« Il est bien difficile de réfléchir sans images ni actions mentales. »
« Comme l’écran mental, la petite voix est souvent très utile : essaye de retenir une chanson ou apprendre par cœur sans la petite voix : impossible ! »

Jean-Philippe Lachaux n’utilise pas le mot « projet » mais celui d’intention, toutefois il en donne une description qui nous est familière : « C’est difficile de n’avoir vraiment aucune intention : on est toujours un peu en train de chercher à faire quelque chose. Quand tu marches, c’est pour aller quelque part ; quand tu parles, c’est pour exprimer quelque chose… Ça t’arrive, de ne vraiment rien chercher à faire du tout ? (…) Une intention, c’est donc quelque chose qu’on a vraiment décidé de faire. »

Pour faire comprendre le rôle de l’intention, en scientifique il utilise les fonctions de la zone prè-frontale du cerveau, décrites dans la BD, et ce qu’il appelle les neurones-chefs, ceux qui anticipent une action en l’imaginant à l’avance et qui organisent l’activité d’autres réseaux de neurones plus spécialisés :
« Comment réveiller ses neurones-chefs ? Il y a une façon simple, qui consiste à avoir une idée très claire de ce qu’on cherche à faire. Par exemple, si tu cherches à compter des « e » dans une phrase, tu peux imaginer la forme du «e» sur ton écran mental et ensuite regarder chaque mot l’un après l’autre. Pour mettre la table, tu peux imaginer à quoi elle devra ressembler une fois qu’elle sera mise, avec les assiettes, couverts, verres, etc. »
« Les neurones-chefs adorent les images mentales, car elles leur suffisent souvent à trouver par eux-mêmes une manière d’arriver au résultat que tu souhaites… À condition que ce ne soit pas trop compliqué : c’est pour cela que mieux vaut toujours avoir des intentions simples et claires. »
« Tes neurones-chef sont surtout efficaces quand ton intention est très claire et très simple. »

Enfin, une dernière chose sur laquelle j’insiste personnellement beaucoup et qui est à l’origine de Pégase : on ne peut pas se concentrer sur deux choses à la fois, donc il faut former un projet précis pour chaque action à mener, un projet pour chaque action d’apprentissage clairement spécifiée :
« Rester concentré, c’est rester connecté. Malheureusement, on ne peut pas être connecté à deux choses à la fois. »
« Quand tu essayes de faire deux choses à la fois qui demandent chacune un neurone-chef, ton cerveau n’arrive pas à les mélanger (…) Il zappe en favorisant un neurone-chef à la fois. Le zapping, c’est une réaction naturelle du cerveau quand on lui propose plusieurs choses en même temps qui demandent toutes de l’attention. »
On pourra rapprocher ces dernières déclarations des travaux scientifiques décrits dans la vidéo d’Arte qui fait l’objet de mon message 102 : "Attention et cerveau".
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Bien entendu, ce bref aperçu n’épuise pas les richesses de ce petit livre « à mettre entre toutes les mains », notamment de nos enfants en difficultés d’attention et de concentration… comme notre société sait si bien en fabriquer aujourd’hui !
Bien sûr aussi, malgré ses ouvertures très « GM », l’auteur ne manque pas de nous surprendre parfois comme par exemple ici : « La petite voix, c’est la radio du cerveau. Quant elle se met en marche avec l’écran mental, c’est la totale, tu es complètement dans la lune. » On présume que, ancien élève de Polytechnique, il a, au cours de ses études, utilisé ensemble ses évocations visuelles et ses évocations verbales pour sa compréhension, sa réflexion, etc., sans être accusé de distraction ! Il semble en effet ne considérer l’usage efficace des images mentales qu’en rapport avec une perception extérieure. Mais peut-être que pour des enfants particulièrement « déconnectés », c’est une étape importante ? Ce point est évidemment un sujet de discussion…
Par ailleurs, ce livre ne rend pas compte de la profonde richesse et de l’étendue de la gestion mentale, notamment au niveau des orientations sous-jacentes de la conscience cognitive, ces « tendances » d’Albert Burloud dans lesquelles s'originent ce qu'Antoine de la Garanderie nomme les structures de projet de sens et qui sont si importantes pour la personnalisation de l’activité mentale, alors que pour l’essentiel le fonctionnement (mais pas le développement) neuronal du cerveau humain est identique pour tous… Jusqu’à preuve du contraire.

Il est toutefois (ré)confortant pour nous, formateurs, praticiens ou simples utilisateurs de la gestion mentale, de voir ainsi les recherches scientifiques actuelles valider a posteriori des découvertes expérimentales psychologiques et philosophiques dont nous constatons chaque jour la pertinence et l’efficacité dans notre accompagnement de jeunes ou d’adultes en difficulté d’apprentissage ou, plus largement, de relation au monde. Alors que, dans le même temps, certains nous proposent, en guise d’ultime application pédagogique des plus récents travaux des neuroscientifiques, les Intelligences Multiples d’Howard Gardner, dont les premières publications (1983) sont contemporaines, faut-il le rappeler, de celles d’Antoine la Garanderie… Mais il est vrai qu’il est plus facile de tester et de catégoriser les enfants en fonction de supposées intelligences innées, plutôt que de les aider à découvrir au plus profond d’eux-mêmes leurs spécificités ignorées et à les développer de façon personnalisante.

103 - PEUT-ON APPRENDRE A REFLECHIR ?


 Peut-on enseigner la réflexion aux élèves de lycée ?

Récit d'un stage en classe de seconde.

En matière d’évaluation il y a un principe (sauf en évaluation diagnostique ) : on ne peut évaluer  que ce que l’on a enseigné ou formé. Or, au lycée, et même avant, qu’évalue-t-on dans les travaux des élèves ? Non pas une restitution de leurs connaissances (« ce n’est pas ce j’attends de vous ! »), mais une capacité à les mobiliser à bon escient. Et cette capacité est conditionnée par la qualité de leur réflexion dans la résolution d’un problème, activité purement mentale qui n'est évaluable que dans l'expression, notamment écrite, qui la suit. La réflexion, c'est dans la tête ; sur la copie, c'est seulement son expression, sa "communication à autrui".

Pourtant, l’enseignement et la formation à la pratique de la réflexion n’est jamais à l’ordre du jour, ni des programmes officiels ni des pratiques enseignantes… qui ne concernent que de vagues exhortations "Réfléchissez bien !"  ou l'évaluation de sa seule expression. D'où des difficultés sans solution pour certains élèves, toujours à la base de leur découragement, de leur perte de confiance en eux-mêmes et en leurs capacités et finalement, pour beaucoup, leur rejet plus ou moins déclaré du monde scolaire dans lequel leur intelligence se trouve si peu valorisée.

Mon objectif pour ce stage était donc d’initier les élèves à l’activité réflexive méthodique dans la résolution de problème, toujours suivie au lycée d’une communication élaborée, orale et écrite.

Après avoir réactualisé les acquis du stage précédent, dans lequel nous avions travaillé les activités mentales d’attention et de mémorisation, geste mental qui vise un avenir qui restait à identifier, j’ai demandé aux élèves de préciser quelles étaient leurs difficultés à l’heure actuelle. Comme je m’y attendais, les troubles liés à un manque de réflexion sont apparus sous diverses formulations : difficulté à réutiliser des connaissances pourtant apprises (au moins au jugement des élèves…), troubles de la mémoire au moment des contrôles, difficulté à organiser et à structurer sa pensée et à la communiquer clairement, tentation de fuite devant toute situation problématique…

Réflexion naturelle et réflexion culturelle.
J’ai introduit cette année une distinction entre
·         une réflexion « naturelle », à base de logique intuitive, appliquée à des objets concrets ou des situations familières (on pense à ces enfants si dégourdis hors l’école, parfois très experts dans certains jeux élaborés : échecs, rubik's cubes… mais qui se révèlent si maladroits dans les travaux scolaires dont ils finissent par se détourner à force d’y échouer),
·         et une réflexion « scolaire », méthodique et structurée, plus « culturelle », puisque faisant intervenir systématiquement des contenus abstraits et généraux : objet scolaires par excellence, eux aussi soumis à un apprentissage méthodique préalable.

De nombreux exercices ont permis aux élèves de mettre au jour leur démarche réflexive naturelle, et d'y reconnaître des "pannes" de fonctionnement. Et particulièrement, ils sont pu découvrir l’incontournable obligation de tenir compte de tous les éléments d’un énoncé ou d’une situation, aussi simple et concret soient-ils. Beaucoup ont signalé dans leur bilan qu'ils lisaient beaucoup trop vite les énoncés, ce qui provoquait blocage ou confusion dans leur activité mentale, même pour des problèmes très simples.

Ensuite nous avons abordé le geste mental de réflexion « culturelle », appliquée  à des situations scolaires, avec utilisation de règles et de connaissances générales (voir message numéro 18). Là encore l’étape de la lecture d’énoncé est apparue dans toute sa spécificité et son absolue nécessité. Et aussi l’incontournable obligation d’avoir en mémoire les énoncés des règles, des formules ou des définitions apprises au préalable, pour les « déstocker » au moment opportun, et cela à deux niveaux :
    pour s'assurer soi-même et s’appuyer sur des connaissances solides et rigoureusement mémorisées dont le seul "mode d'emploi", automatisé par la répétition d'exercices, ne suffit plus : s'il permet de trouver un résultat, même bon, il ne permet pas de le "justifier", ni pour soi ni pour les autres ;
  • pour pouvoir présenter un argumentaire solide à ses auditeurs ou à ses lecteurs lorsque l’on veut les convaincre en leur faisant « entendre raison ». Ce sont ces règles, définitions, formules, etc. qui sont les arguments qu’on attend qu'ils mobilisent dans leur communication orale ou écrite.

La communication orale ou écrite.
Dès les premiers exercices, lorsque les élèves, tirés au sort, ont été amenés à proposer leur solution, leur difficulté à s’exprimer clairement leur est aussitôt apparue dans toute sa cruauté : « A quoi ça sert d’être génial si personne n’en sait jamais rien ? » est devenu un slogan qui leur a permis de comprendre qu'après avoir trouvé une solution à un problème, il faut de nouveau réfléchir à savoir comment la transmettre à d'autres que soi.

Par la suite, des exercices résolus en petits groupes, ont amené les élèves à mettre en commun leurs moyens d’expression de façon à ce que chacun puisse présenter une communication orale à peu près correcte.

Enfin, l’habituel exercice de communication écrite et de co-correction a terminé le stage avec des prises de conscience très fortes de la part de beaucoup d’élèves sur le sens de l’expression écrite : se préoccuper des besoins de celui qui va lire au-delà de ce que l’on veut exprimer soi-même.

Extraits du bilan des élèves.

 J’ai trouvé des éléments de résolution à mes difficultés : moins de précipitation, prendre le temps dans la lecture des énoncés ; regrouper les informations et les connaissances, avec un peu plus d’ordre. J’ai découvert les étapes d’une bonne réflexion.

J’ai compris que je devais prendre du temps pour lire les consignes, les analyser, que je devais chercher dans ma mémoire et y choisir les connaissances à utiliser. Mes difficultés sont un peu résolues : je faisais des hors sujet, je ne comprenais pas les consignes, je n’allais pas chercher dans mes connaissances, je ne prenais pas aussi le temps de les comprendre car j’allais trop vite. J’ai compris qu’il fallait me faire des images pour mieux comprendre et mieux apprendre. Ma grande découverte c’est que je ne faisais pas d’images dans ma tête pour comprendre la question posée ni pour comprendre un texte, ni pour comprendre des règles de grammaire et mieux les retenir pour mieux réussir.

Ce stage m’a intéressé car j’ai appris à aborder un problème, à bien lire un énoncé, à bien m’exprimer. Vous avez réussi à nous faire travailler tout en nous amusant, par exemple lorsque nous avons dessiné. Je n’arrivais pas à m’exprimer correctement, et maintenant j’y arrive mieux. Lorsque je trouvais un résultat dans un problème, je n’arrivais pas à l’exprimer correctement à l’écrit et maintenant j’y arrive un peu mieux.

Le fait de faire des groupes pour résoudre des petits problèmes, le fait qu’on pouvait s’expliquer entre nous, ça me permettait de mieux comprendre en expliquant moi-même aux autres. Ensuite la situation à l’écrit m’a permis de faire comme si c’était une personne qui devait lire à ma place. J’ai appris à mieux m’exprimer et à prendre mon temps pour lire un énoncé, et aussi quand on a fait le dessin pour guider une autre personne. Je n’arrivais pas à m’exprimer de sorte que les autres ne comprennent : j’y arrive un peu mieux. Je vais prendre un peu plus de temps pour comprendre l’énoncé, l’imaginer dans ma tête, structurer mes idées. J’ai aussi vu qu’on pouvait travailler et comprendre tout en s’amusant.

Ce qui m’a surtout intéressé c’est pour résoudre les problèmes : j’ai appris à ne pas aller trop vite, à bien relire et à évoquer les consignes. Le fait d’avoir travaillé en groupe m’a beaucoup plu car quand je ne comprenais pas, les autres m’expliquaient. Se poser un problème, une question auquel il faudra répondre dans un problème m’a beaucoup aidé. Je n’arrivais pas à bien développer mes réponses, à bien expliquer : ce stage m’a permis de résoudre ces difficultés. J’ai appris à mieux m’expliquer, a bien mentaliser les consignes, mais je retiens surtout qu’il faut que j’aille moins vite.

La vitesse, la précipitation, l’expression difficile, trier les informations dans un problème, toutes mes difficultés ont été résolues. Durant ce stage ma principale découverte a été ma mauvaise lecture des consignes : j’ai oublié deux fois de suite le mot principal de l’énoncé. Cela m’a appris à ne pas me précipiter et à bien évoquer la totalité de l’énoncé.

Pendant ce stage j’ai découvert de nouvelles choses sur moi-même, et surtout j’ai compris pourquoi j’étais souvent hors sujet dans mes rédactions : c’est parce que je m’exprime mal. Mes difficultés ont en partie été résolues, surtout comment gérer mon temps lors des contrôles. Soit j’allais trop vite, donc je finissais trop tôt et j’avais une mauvaise note, soit je cherchais trop alors que c’était tout simple et du coup je ne finissais pas mon contrôle en entier. Je vais essayer de me mettre à la place des autres pour essayer de mieux m’exprimer, car avec certains exercices et certaines activités, je me suis rendu compte que je n’étais pas toujours très claire dans mes propos. Et aussi je vais utiliser la technique de lecture d’énoncés et de réflexion (évocation, problématique, mémoire…).

Ce que nous avons fait pendant ce stage ciblait bien mes difficultés. Elles ne sont pas entièrement résolues mais en mettant en pratique le maximum de ce que j’ai appris j’espère pouvoir les résoudre, surtout pour la lecture des énoncés. Cette méthode m’a beaucoup aidé et aussi de m’entraîner pour mieux m’exprimer et pour que les personnes autour de moi comprennent ce que j’ai à dire. Ma principale découverte a été que je peux mettre des énoncés dans ma tête et que cela m’aide pour résoudre des exercices ou des problèmes. Et aussi que je pouvais me servir de choses qui n’ont rien à voir avec le lycée pour résoudre des exercices et des problèmes scolaires.

J’ai appris comment mieux comprendre une question, souvent je ne prenais pas le temps de lire les énoncés. Je vais maintenant me mettre à la place des autres quand je rédige une réponse et prendre plus le temps de lire et de comprendre les questions.

Ce stage m’a ouvert les yeux sur la manière de lire un énoncé. La bonne technique à adopter pour bien le comprendre. Je me suis rendu compte que les règles étaient très importantes pour pouvoir bien me retrouver dans ma tête lorsque je dois résoudre un problème. Ces stages me donnent beaucoup de méthodes qui me sont très utiles pour mes années de lycée.

Ma principale découverte, c’est la méthode pour mémoriser les cours et aussi de bien pouvoir m’exprimer pour les autres. Ce stage est nourrissant car on se découvre beaucoup, je me rends compte que l’on ne se connaît pas vraiment.

J’ai été intéressé plus à certaines explications que d’autres. Par exemple, la lecture des consignes et la manière dont les élèves voient les choses et les mettent sur leur copie et la manière dont les professeurs les voient quand ils corrigent. J’ai des difficultés dans l’attention en classe, j’ai du mal à être attentif et à me concentrer. Aussi je me précipitais un peu et j’avais du mal à prendre le temps : je vais essayer d’employer les méthodes vues au stage pour corriger tout cela. Je décide d’approfondir la lecture des consignes et de les retenir pour mieux les comprendre.

J’ai appris à lire les énoncés, et surtout comment un exercice était différent d’un problème. Pendant les contrôles, les exercices ou les problèmes, j’utiliserai maintenant toutes les consignes pour ne pas oublier une information.

On a fait des activités et des petits problèmes qui nous ont montré que même si le résultat est juste on ne l’exprime pas correctement. Mes difficultés (avant) : comprendre correctement ce que le professeur attend de nous dans un énoncé et ne pas faire de hors sujet. Elles ont été résolues par ce stage.

Ce stage m’a beaucoup intéressé car il y a beaucoup de choses qui se sont débloquées et éclaircies dans ma tête. J’ai plus de confiance en moi et en mes capacités pour résoudre des problèmes et des exercices. Je décide d’appliquer la méthode de poser mon stylo et de prendre 10 minutes pour comprendre un énoncé et je décide de me mettre à la place de l’autre avant de faire quoi que ce soit pour être sûre de m’être fait comprendre. Ma principale découverte est de voir que je suis capable de faire tout un schéma dans ma tête pour arriver à une réponse correcte et à peu près bien formulée et de voir que je n’étais pas si nulle que ce que je pensais.

Ma principale découverte a été de voir que je suis tout à fait capable de bien travailler.

J’ai découvert la lecture d’énoncés et que je lisais trop vite et donc que je passais à côté des éléments importants. Mes difficultés ont diminué car je prends plus mon temps. Je décide de faire dès demain les étapes de la lecture d’énoncés et de me mettre à la place des autres lorsque je rédige.

Ce stage m’a permis de prendre conscience que je dois améliorer ma rédaction car « ça ne sert à rien d’être génial si personne ne le sait ». J’ai décidé d’essayer d’améliorer mon mode de rédaction afin d’être plus compréhensible.
PS. J’ai découvert que j’étais génial mais que personne ne le savait.



samedi 12 novembre 2016

102. CERVEAU MULTITÂCHES : REALITE OU FANTASME ?

Nous le savons, l’attention est le geste mental le plus important, le premier de tous chronologiquement, celui qui conditionne tous les autres qui contient en germe. Il est particulièrement déterminant pour la réussite scolaire. Mais il est peut-être également le plus difficile à réaliser pour les élèves d’aujourd’hui. L’environnement dans lequel ils baignent, et nous avec eux, n’a plus rien à voir avec celui des écoliers de notre enfance, ces écoliers auxquels on voudrait (pur fantasme, pour le coup !) comparer les jeunes d’aujourd’hui. Dans un univers de plus en plus exposé aux écrans et à un bombardement, intense et ininterrompu, de sollicitations séduisantes et d’informations numériques, qu’en est-il de cette activité mentale, et comment aider les jeunes que nous accompagnons à se « déconnecter » le temps d’un travail, d’un cours, voir même d’une conversation ?

Notre cerveau est-il devenu « multitâche », comme certains l’affirment haut et fort ? Ou bien reste-t-il limité à ses activités traditionnelles, au moins tant qu’une mutation biologique ne nous a pas (encore ?) dotés d’une structure cérébrale différente - ou de puces algorithmiques intégrées dans le cortex ?

Dans le chapitre sur le projet mental, dans « Accompagner… » (Chapitre 3, p. 51-86), j’ai tenté de montrer, par un exercice, que l’on ne pouvait porter une attention sérieuse qu’à un seul objectif en même temps (d'où l'importance de soigner les consignes données aux élèves... et pour eux de bien les évoquer, de bien les traiter mentalement...). En formation, j’utilise d’autres exercices pour faire découvrir cette même réalité mentale. Cette démonstration n’est pas toujours acceptée sans discussion : "les jeunes sont multitâches" m'objecte-t-on. Parfois, me suggère-t-on aussi, les femmes… Il me manquait une preuve plus "scientifique". Je citais bien le rôle inhibiteur du néocortex préfrontal dans l’activité attentionnelle, mais cela n’était pas encore suffisant pour emporter l’adhésion des plus sceptiques. C'est alors que j’ai découvert sur Arte cette vidéo intitulée : Hyper connectés, le cerveau en surcharge ! dont voici le commentaire qui l’accompagnait sur le site Arte replay
Hyperconnectés : le cerveau en surcharge
Chaque jour, cent cinquante milliards d'e-mails sont échangés dans le monde. Les SMS, les fils d'actualité et les réseaux sociaux font également partie intégrante de notre quotidien connecté, tant au bureau qu'à l'extérieur. Nous disposons ainsi de tout un attirail technologique qui permet de rester en contact avec nos amis, nos collègues, et qui sollicite sans cesse notre attention. Comment notre cerveau réagit-il face à cette avalanche permanente de données ? Existe-t-il une limite au-delà de laquelle nous ne parvenons plus à traiter les informations ? Perte de concentration, stress, épuisement mental, voire dépression... : si les outils connectés augmentent la productivité au travail, des études montrent aussi que le trop-plein numérique qui envahit nos existences tend à diminuer les capacités cognitives. Court-circuit.

Alliant témoignages de cadres victimes de burnout et explications de chercheurs en neurosciences, en informatique ou en sciences de l'information et de la communication, ce documentaire captivant passe en revue les dangers de cette surcharge sur le cerveau. Il explore aussi des solutions pour s'en prémunir, des méthodes de filtrage de l'information aux innovations censées adapter la technologie à nos besoins et à nos limites.
Cette démonstration solidement argumentée débouche, dans sa deuxième partie, sur une étude de l'attention qui nous intéresse spécialement. Pour les chercheurs, il y a plusieurs niveaux d’attention et certains d'entre eux se spécialisent dans l’étude de l’«attention soutenue », celle qui est notamment à l’œuvre dans l’activité d’apprentissage que nous accompagnons, et que l'on appelle aussi "concentration". 

J’ai tiré de la vidéo d’Arte un document un peu plus court (pour les formateurs)que j'ai intitulé : Attention et cerveau,  centré sur ce geste mental que nous cherchons, si difficilement parfois, à promouvoir chez nos jeunes. Il ne manque qu'un détail à ce reportage : la participation d'un praticien-chercheur en Gestion Mentale pour donner les véritables clés pédagogiques et mentales de cette activité cérébrale si déterminante pour leur réussite ! 
Vers la fin, vous trouverez un entretien avec Francis Eustache que j’ai beaucoup cité dans « Gestion mentale et neurosciences » (voir message 67). Il introduit notamment le concept de « réseau (d’attention) par défaut », qui nous permet de rester attentifs en arrière-plan d’autres activités menées en attention plus soutenue (pensons à la manière dont, parfois, nous conduisons en voiture tout en menant une conversation soutenue avec un passager...). On retrouvera dans ses propos l’importance des « pauses » indispensables à ce réseau neuronal si particulier (voir message 62 : Pauses structurantes,pauses évocatives, rythme de l’apprentissage.) Bon visionnement !

NB. Les recherches dont il est fait état dans ce document sont menées en France (Bordeaux, Lyon, Caen...), dans des organismes français, et par des chercheurs français... Cocorico !



vendredi 11 novembre 2016

101 - IMAGINATION ET APPRENTISSAGE. Entretien avec un enfant "doué" en imagination.


Le geste mental d’imagination n’est pas le plus facile à cerner dans le dialogue pédagogique. Il est pourtant essentiel pour l’apprentissage. Il n’intervient pas d’une manière précise à un moment particulier, mais, comme j’ai essayé de le montrer dans « Accompagner… » (p. 266 et suivantes), il est à l’œuvre dès le premier instant et jusqu’à la fin du processus d’apprentissage, du premier instant d’évocation jusqu’à la retransmission à autrui. Ma pratique ne concerne pas les enfants très jeunes, ceux de l’école primaire. Pourtant il m’est arrivé de rencontrer certains d’entre eux, et particulièrement un qui m’avait impressionné. À l’époque, j’avais fait une relation écrite d’une partie de notre entretien. Je viens de la retrouver en rangeant mes archives. Je publie ce texte dans le but de montrer que dans un dialogue pédagogique, il ne faut jamais être surpris de ce qui peut surgir, et permettre à un enfant de reconnaître et d’utiliser au mieux ses moyens propres, même les plus inattendus. On pourrait dire que cet enfant n’est pas dans un imaginaire pur, et qu’il utilise un élément issu d’un dessin animé, vu sans doute à la télévision. Cependant  : « on ne crée jamais de rien ». Ce qui est important, c’est que le « petit diable » qui réjouit tant cet enfant lui permette, pour l’instant et tout en s’amusant, d’accéder aux objets scolaires qui jusque-là lui étaient quelque peu inaccessibles. Sans doute, par la suite, arrivera-t-il à s’en passer… Ou peut-être pas… Après tout, qui cela gênera-t-il ?

On voit également l’intérêt que peut représenter, comme disait Carl Rogers, la « liberté pour apprendre ». S’il est indispensable d’exiger la qualité et la rigueur dans la réception du « savoir » transmis, il est non moins indispensable de laisser libres les chemins de son appropriation. Combien de difficultés scolaires seraient évitées si l’on n’imposait pas aux élèves des moyens d’apprendre qui ont peut-être été efficaces pour celui qui les impose, mais qui le sont rarement pour ceux à qui ils sont imposés. Même avec la meilleure intention !



vendredi 23 septembre 2016

100 - J’AI DES CAPACITÉS QUE PERSONNE NE M’A JAMAIS ENSEIGNÉES.

Bilan du premier stage en seconde de méthodologie.
Cette année, j’ai beaucoup plus que d’habitude insisté sur le fonctionnement du cerveau et sur les modalités de la mise en tête consciente et volontaire des contenus, scolaires ou non, concrets ou abstraits, par le geste d’attention (« mentalisation », terme que les élèves ont particulièrement retenu) ainsi que sur le geste, assez subtil et difficile à faire comprendre, de la mémorisation (se projeter, s’imaginer dans le futur, anticiper l’utilisation de ce qu’on « mentalise » par l’évocation ). Nous avons également bien dégagé les premières étapes de la compréhension de ces mêmes contenus (évocation, transformation, vérification par comparaison dehors – dedans, etc.) De nombreux exercices ont permis ces découvertes, surprenantes pour beaucoup d’élèves : « Ce que je retiens du stage, ce sont les capacités que l’on a dans notre cerveau, mais que jamais personne ne nous a enseignées. »

Les élèves ont été particulièrement intéressés par la découverte que le cerveau ne pouvait soutenir leur attention de façon consciente et approfondie - celle qui est exigée à l'école - que sur une seule chose à la fois. Des exercices leur ont fait découvrir cette réalité cérébrale, mais on pourra en retrouver une démonstration "scientifique" dans cette vidéo d'une émission d'Arte :« Hyperconnectés, le cerveau en surcharge », notamment à partir de la 23° minute ce qui concerne l'attention "soutenue". Contrairement à une idée largement répandue, le cerveau n'est pas multitâche, pas plus le féminin que le masculin. Par ailleurs, pour que les informations que nous accueillons par notre activité évocative (mentalisation) dans une attention soutenue puissent être retrouvées et utilisées efficacement, il est nécessaire de ménager des pauses structurantes (voir message 62) pour que le cerveau puisse faire son travail de synthèse : cela aussi les élèves l'ont entendu et bien compris.

Des dialogues pédagogiques en petits groupes.
Grâce à la participation d'une praticienne en gestion mentale déjà présente lors des deux dernières années et actuellement en formation de formateur, des dialogues pédagogiques approfondis ont pu être menés en deux sous-groupes, ce qui a permis une verbalisation plus aboutie et donc une meilleure stabilisation par chaque élève de la découverte de son fonctionnement mental personnel. Les professeurs présents ont également participé à ces moments très appréciés par les élèves. Ils pourront reprendre cette approche « mentaliste » de l’apprentissage, en cours ou pendant les heures d’accompagnement.

Tous dyslexiques ?
La quasi-totalité des élèves de cette classe se déclaraient « dyslexiques ». Après leur avoir fait travailler l’évocation d’un objet concret, avec plusieurs allers-retours tête-objet de manière à l’évoquer avec tous les détails et sur toutes les facettes, j’ai consacré plusieurs autres exercices à l’évocation de symboles et particulièrement de mots, jusqu’à savoir « par cœur » (mais en l’apprenant chacun « à sa guise », voir mon message 42) une liste de 15 mots, sans lien entre eux, avec leur numéro d’ordre. À leur grand étonnement, tous ces élèves ont été capables de cette performance, et beaucoup plus rapidement qu’ils ne l’avaient imaginé au début. Ils ont tous été capables de répondre avec précision et rapidité aux questions les plus pointues (taquines ? quelle belle inventivité !) de leurs camarades. Dans le dialogue pédagogique qui a suivi, ils ont reconnu qu’ils n’avaient jamais pratiqué volontairement et consciemment cet acte d’évocation des mots dans leur forme écrite. Un élève témoigne : « j’ai mis la liste dans ma tête comme un objet ». Le mot en tant qu’objet spécifique, à conserver pour lui-même, en plus de sa sonorité et de son contenu de sens (voir "Accompagner..." pages  108-113), c’est cet effort que ces jeunes n’ont  jamais consenti, n’en voyant pas la nécessité (pour la communication écrite, notamment...).

Quand ils arrivent à l’école, les enfants savent déjà parler et désigner objets, sentiments, relations ou situations simples. Cela leur a suffi jusqu’alors pour communiquer convenablement avec leur entourage (avec des différences importantes selon les environnements familiaux, source de grandes inégalités à l’école…). Pour une raison quelconque, certains ratent leur entrée dans l’univers symbolique du mot. Comme ils usent d’une cacahuète, ils consomment le contenu (sonorité et sens) et rejettent l’enveloppe, la gousse. Ils continuent d’utiliser le sens et la sonorité des mots dans l’expression orale, mais négligent leur forme écrite et donc leur orthographe, et bien sûr aussi une bonne partie de la grammaire quand elle ne concerne que l’écrit. Plutôt que dyslexiques, ils sont dysorthographiques ; et souvent aussi dyscalculiques : ils n’évoquent pas les chiffres pour eux-mêmes, et ne gardent, là encore, que la forme orale et la quantité représentée. On comprend mieux alors leurs difficultés dans l’expression écrite ou dans les calculs mêmes les plus simples. Et souvent aussi en lecture.

Découvrir ce que lire veut dire.
L’activité de lecture « évocative » (appelé aussi parfois « lecture cinéma ») qui a clôturé la dernière journée a permis la synthèse de toutes ces découvertes. Plusieurs élèves se sont dits étonnés de découvrir si tard le sens véritable du mot « lire » : transposer avec rigueur les mots lus en évocations de sens, en scénarios d’action, en ressentis d'émotions…. Cette définition est à rapprocher de la belle expression d’Alain Bentolila [1]« Les élèves doivent comprendre qu’au-delà de leur alignement systématique, les mots se groupent pour porter sur la scène de la mise en sens des acteurs qui chacun joue un rôle ; ils doivent percevoir que des décors de lieux et de temps actualisent cette représentation ; ils réaliseront ainsi que cette grande mise en scène qu’est la compréhension est organisée avec précision par des indicateurs dont on ne doit jamais négliger l’importance.»

Un trésor caché mis au jour… mais qui peut déstabiliser.
J’avais annoncé aux élèves que nous partions à la découverte d’un « trésor caché » dans les profondeurs de leur propre cerveau. Ils ont ramené de cette exploration un « matériel mental » très important et riche, à tel point que certains en ont été un peu perturbés et déstabilisés. L’accompagnement des professeurs sera important pour que tout cela se décante. Mais dans les bilans des élèves on s’aperçoit que ce travail est déjà bien engagé.

Quelques « pépites » relevées dans les bilans individuels des élèves.

« Beaucoup de choses m’ont intéressé tout au long de ce stage, mais surtout de voir différentes méthodes pour l’appréhension » (Il est intéressant de voir apparaître ici cette forme désuète et ancienne du mot « apprendre » : parfaitement bien adapté à l’étymologie du mot et à sa compréhension fine)

« J’ai retenu que j’avais une mauvaise technique pour apprendre : maintenant je sais comment faire (je commence à savoir…) Je sais mentaliser et mémoriser et je sais ce que ça veut dire. »

« Je retiens qu’il faut mentaliser un texte pour le projeter sur le futur et que le cerveau ne peut pas faire deux choses en même temps. »

« J’ai retenu que rien ne se gagne sans travail »

« Mémoriser n’est pas la même chose que mentaliser »

« Bien écouter les profs dans les détails et ne pas faire deux choses à la fois. Bien relire les leçons et surtout bien se remettre dans le bain avant chaque cours, sans regarder le tableau »

« J’ai retenu que je devais faire plus attention en classe et qu’il fallait me projeter dans le futur. Que quand je lis il faut que j’essaye d’imaginer les images dans ma tête. Que j’arrive plus à retenir visuellement donc il faut que je me fasse des fiches de révision. Il faut que j’arrive à me focaliser sur une seule chose. »

« L'étude du fonctionnement de mon cerveau » (plusieurs fois cité par les élèves)

« Ce que j’ai retenu principalement de ce stage c’est comment mémoriser une information (se projeter
dans le futur en anticipant une question et ma réponse). Ce qui m’a le plus plu c’est quand on a comparé
 les objectifs qu’on croyait être attendus de nous au lycée avec ce qu’il fallait réellement faire »

« J’ai appris à mémoriser, à imaginer, et à projeter dans un futur proche ce qu’on a mis dans sa tête ».

«Ce que je retiens c’est la capacité que l’on a dans notre cerveau, mais que jamais personne ne nous a enseigné »

« Que pour mémoriser il faut voir dans le futur, que pour apprendre il faut comprendre, que ça ne sert à rien de répéter plein de fois si l’on comprend pas. J’ai compris que je fonctionne beaucoup avec des images et des cartes mentales »

« J’ignorais, même si je lis habituellement, la vraie définition de la lecture (évocation de ce qui est écrit). Me concentrer sur le cours pour pouvoir me le mettre dans la tête, le comprendre et le mémoriser pour pouvoir le ressortir en contrôle »

« Je retiens que apprendre par cœur ne sert à rien, parce qu’il faut se l’imaginer, le mémoriser et faire des schémas illustrés, et faire attention à chaque détail dans un texte : il faut donc prendre son temps »

« Je retiens que l’on ne peut faire qu’une seule chose à la fois, et aussi qu’il faut quasiment tout mettre en images, qu’il faut tout mentaliser et que l’on ne peut pas apprendre sans comprendre. Avec la liste de mots, j’ai découvert que je pouvais apprendre vite si je mettais ce que j’apprends en images dans ma tête »







[1] Extrait de son ouvrage : « De l'illettrisme en général et de l'école en particulier » (Plon. 96)

dimanche 12 juin 2016

99 - Bilan de fin d'année en classe de seconde de méthodologie

Bilan de fin d’année

Cette matinée de bilan est toujours un moment fort qui clôture l’année. Les élèves sont invités à parcourir en pensée les activités des mois écoulés pour en tirer l’expérience qui va éclairer la suite de leurs études et sans doute aussi plus loin. Ils ont tous essayé, avec plus ou moins de succès, les éléments de méthode proposés, en privilégiant ceux qui leur paraissaient les plus utiles pour leurs besoins propres. Il est difficile de faire un bilan global de cette relecture très individuelle. Pour le reste, je rends compte d’éléments plus largement partagés et qui peuvent permettre d’améliorer mes propositions méthodologiques pour l’année prochaine

J’ai noté l’insistance de la plupart élèves sur les points suivants :
  •         Le temps de réactivation laissé aux élèves par l’ensemble de professeurs en début de cours est généralement très apprécié ; le tutorat également (« parce que les profs nous écoutent ») .
  •        La reprise en AP (accompagnement personnalisé) des éléments méthodologiques appris en stage, notamment le schéma de la réflexion, et leur application disciplinaire ; c’est un point qui faisait problème par le passé et qui semble maintenant devenir habituel dans l’équipe enseignante. L’équipe a envisagé de faire de cette « application localisée » l’objet d’un travail spécifique dans les années à venir, avec production d’une sorte de « vade mecum » pour les élèves. A suivre….
  •       La difficulté à se projeter dans le futur, condition d’une mémorisation à long terme. C’est sans doute le point le plus délicat à appliquer pour ces consommateurs d’immédiateté. Mais beaucoup disent s’y être efforcés : le temps et la maturité aidant on peut penser que cela sera résolu à plus ou moins long terme.

Je développe ce compte rendu en reprenant certains éléments significatifs de la grille de relecture (trop individualisée pour un compte rendu exhaustif, je ne garde que les points qui ont intéressé les élèves, la partie négative étant restée sans réponses), le Verbatim intégral des évaluations de la progression personnelle de Septembre à Juin (beaucoup de sincérité et une évaluation très positive de l’ensemble de l’année), les conseils aux successeurs ( très pertinents et réfléchis)  et le témoignage (percutant) d’une ancienne élève de 2010 venue, avec une dizaine d’autres plus jeunes, pour la rencontre de fin de matinée.

I - Quelques éléments significatifs des bilans individuels.

Ce qui m’a le plus intéressé cette année :
·         Les AP qui ont permis de réexpliquer les conseils de Guy et de les appliquer sur une matière précise
·         La réactivation personnelle du cours précédent en début de cours.
·         Le tutorat, parce que les profs nous écoutent
·         J’ai compris à quoi servait l’école
·         Je suis beaucoup plus attentive en classe. J’arrive de plus en plus à respecter le schéma de la réflexion.
·         Avoir réalisé que l’on pensait à travailler seulement pour les professeurs alors que ce n’était pas la bonne méthode. D’abord connaître et utiliser nos propres façons de comprendre et de mémoriser. J’ai totalement confiance en moi par rapport au début de l’année.
·         Apprendre comment se projeter dans le futur et comment apprendre à lire avec des évocations
·         Dans les stages, ce qui m’a le plus intéressé ce sont les activités et les moments où on doit réfléchir sur soi-même. Dans le reste de l’année, c’est la réactivation en début de cours.
·         En stage, nous mettre en application par des exercices pour utiliser les choses qu’on a apprises. Avec les professeurs, c’est de faire des récapitulatifs des stages et des rappels des choses qu’on y a apprises.
·         En stage c’est d’avoir appris à me poser les bonnes questions et à penser de manière différente qu’en classe, et aussi de savoir apprendre avec l’exercice des listes de mots. Avec les professeurs, de faire des points de méthodes en rapport avec les stages. Ce qui a bien marché pour moi : faire des fiches, me poser les cinq questions, utiliser les images mentales pour apprendre.
·         Apprendre à mieux lire en évoquant. La mémorisation grâce aux évocations. Et le schéma de la réflexion, même si cela ne marche pas tout le temps.
·         La technique de mémorisation et la lecture grâce aux évocations, le tutorat et le schéma de la réflexion.
·         Faire des images en lisant et se projeter dans le futur
·         Dans les stages, tous les sujets qu’on a abordés m’ont plu et intéressée, mais surtout apprendre à lire et analyser les consignes. Avec les professeurs, j’ai apprécié qu’à chaque début de cours les professeurs nous laissent du temps pour que l’on réactive ce qu’on a fait le cours d’avant.
·         Que les professeurs « appliquaient » les méthodes des stages, et qu’ils nous aidaient à réactiver en début de cours nos souvenirs du cours précédent.
·         Réussir à me faire comprendre par les autres (d'une élève en grande difficulté).

II - Évaluation de ma progression personnelle : ce que je ressentais en septembre, ce que je ressens aujourd’hui.

Moi en septembre : je voulais tout faire bien. Au stage j’ai tout écouté et dès les premiers contrôles je voulais mettre tout en place. Ça n’a pas marché car je n’avais pas pris le temps de réfléchir dans ma tête. Moi en juin : j’ai enfin compris comment il fallait réfléchir et j’ai pu trier mes connaissances et les bonnes méthodes à appliquer

Moi en septembre : je n’avais pas confiance en moi. Je n’étais pas concentré. Je n’avais aucune méthode pour travailler. Moi en juin : j’ai déjà un peu plus confiance en moi. Je suis plus concentré. Grâce à Guy j’ai beaucoup plus de méthodes qui m’aideront dans la suite de mes études.

Moi en septembre : je ne connaissais pas toutes ces méthodes de travail, je n’avais pas conscience de ce que j’étais capable de faire en cherchant dans ma tête. Moi en juin : j’ai acquis des méthodes de travail qui me serviront toute ma vie

Moi en septembre : totalement perdue. J’avais perdu toute confiance en moi. Je ne travaillais pas comme il fallait pour pouvoir mieux comprendre pour quoi on faisait ça. J’apprenais bêtement pour le recracher dans les copies sans le retenir. Je faisais des fiches pour simplement pouvoir me dire : « c’est bon, j’ai révisé », alors que non en réalité. Je n’étais pas consciente de la chance que j’avais d’être là pour ouvrir les yeux sur ce qu’on faisait à l’école, sur les méthodes d’apprentissage. Moi en juin : je suis plus consciente de ce qu’on fait dans les stages et pourquoi on fait ça et comment je peux l’appliquer et l’utiliser par moi-même. J’ai beaucoup plus confiance en moi depuis que je me parle dans ma tête et que je prends le temps, lorsque je révise, de faire des évocations et des liens, des images aussi, pour mieux comprendre et me souvenir.

Moi en septembre : en septembre, je croyais que chaque évaluation était pour que le professeur puisse voir si on avait travaillé ou non. Je travaillais pour les professeurs et mes parents et non pour moi. J’avais une mauvaise technique de compréhension de consignes. Je n’avais pas confiance en moi.
Moi en juin : maintenant je travaille pour les contrôles pour voir où j’en suis (même si j’ai parfois du mal à l’admettre). J’applique le schéma de la réflexion et j’essaye de faire des efforts. Je n’ai pas encore énormément confiance en moi.

Moi en septembre : je n’avais pas confiance en moi et j’avais peur du lycée car je pensais ne pas pouvoir y arriver. Je n’étais pas organisée, j’étais découragée. Moi en juin : je suis plus confiante car j’ai trouvé une organisation et des méthodes pour moi grâce aux stages. J’ai repris confiance en moi mais pas encore totalement.

Moi en septembre : je me posais pas mal de questions sur l’année qui allait suivre. Si les stages m’aideraient, si j’y arriverai, s’il fallait vraiment que je sois dans cette classe, quelle orientation je voulais suivre, est- ce que cette classe allait m’aider à trouver cette orientation ? En tout cas j’étais motivée a réussir en me disant que ça ne pouvait que m’aider. Moi en juin : effectivement les stages m’ont aidée, pas que pour apprendre des méthodes de travail, mais aussi pour me connaître un peu plus et prendre confiance en moi. Je pense avoir réussi cette année et aussi que cette classe était faite pour moi. Je n’ai pas trouvé mon orientation cette année, mais en tout cas je pars en première motivée et avec une bonne dose de confiance en moi.

Moi en septembre : j’étais découragé de mes échecs scolaires. Je n’avais plus confiance en moi et j’avais l’impression que mes efforts de travail ne servaient à rien. Moi en juin : j’ai plus confiance en moi et les méthodes de travail m’ont aidé pour progresser. Je comprends mieux les consignes, comme les textes en général.

Moi en septembre : je pensais qu’on allait tout me donner tout cru dans le bec sans que j’aie à réfléchir ; mais j’avais espoir de trouver une solution et une explication à mes échecs au collège. Moi en juin : j’ai trouvé seule comment progresser, j’ai appris sur moi et compris pourquoi ça ne marchait pas au collège. J’apprends de mes erreurs et j’ai gagné de l’assurance.

Moi en septembre : quand je suis arrivée dans cette classe j’étais fermée, braquée. Je voulais aller dans un autre lycée. Les stages ont commencé et je me suis dit que finalement ça allait me servir dans les méthodes de travail. J’ai bien réfléchi et je me suis ouverte d’esprit. Moi en juin : je pense que les stages m’ont servi, j’ai fait de mon mieux même si toutes les méthodes n’ont pas forcément marché encore. J’ai réussi à avoir un peu plus confiance en moi.

Moi en septembre : je n’avais pas trop confiance en moi. Je ne comprenais pas trop le but de cette classe et du coup je n’étais pas très motivée. Moi en juin : j’ai totalement pris confiance en moi. J’ai appliqué les méthodes de travail apprises en stage et j’ai remarqué qu’elles me servaient bien.

Moi en septembre : je me posais beaucoup de questions sur ce que nous allions faire durant cette année en 204. Moi en juin : j’ai réussi à répondre à mes questions avec ce que nous avons fait cette année comme : faire des évocations pendant la lecture, la relecture des textes d’énoncés pour éviter de répondre à côté de la plaque.

Moi en septembre : Perdue. Moyenne. Pas trop sûre de moi. Comprends pas la 204. C’est quoi les stages ? Pourquoi accrobranches ? Moi en juin : Confiance en moi. Comprend les stages. Pas satisfaite de mes DST

Moi en septembre : je ne voulais plus travailler. J’étais dégoûtée. Mais cela a vite changé. Moi en juin :
j’ai repris goût à l’école, j’ai envie d’arriver à ce que je veux faire plus tard, je suis motivée et fière de mon année scolaire car j’ai réussi à avoir ce que je voulais : passer en 1°  STSS.

Moi en septembre : pas confiant, pas motivé, pas en réussite. Qu’est-ce que la 204 ? Moi en juin : confiant, motivé, intégré, pas en réussite.

(L’élève la plus fragile de la classe, aidée par une AVS).  Moi en septembre : je manquais de confiance en moi et je ne connaissais pas ces nouvelles méthodes. Je connais les étapes mais je ne sais pas encore les appliquer. Pourtant, j’étais motivée j’avais envie d’y arriver. Moi en juin : je n’y arrive pas, je n’arrive pas à réfléchir mais j’ai essayé d’y arriver. J’ai toujours ce manque de confiance en moi et je stresse beaucoup. Je n’arrive pas à trier mes connaissances et c’est pour cela que je fais des hors sujet dans mes copies.

III - Conseils aux futurs élèves de cette classe (précisions entre parenthèses)
Les élèves ont travaillé par petits groupes pour mettre en commun les conseils qu’ils pensent les plus utiles pour leurs successeurs.
Premier groupe
·         rester ouverts aux conseils de Guy et des professeurs.
·         avoir confiance, croire en ses capacités (découvertes au cours des stages et de l’année).
·         ne pas baisser les bras et poursuivre ses efforts.
·         être à l’écoute des autres élèves.
·         ne vous sentez pas différent et inférieurs aux autres ! ! !
Deuxième groupe
·         appliquer les méthodes dès le début de l’année (« car à la fin de l’année on ressent bien que les efforts payent »)
·         ne jamais baisser les bras, ne pas abandonner ( si ça ne marche pas tout de suite)
·         avoir confiance en soi
·         faire confiance aux professeurs
·         bien écouter Guy
Troisième groupe
·         ne pas avoir peur de chercher dans sa tête (c’est une nouveauté qui peut être dérangante pour ces ados peu habitués à « rentrer en eux-mêmes »)
·         remettre en cause ses méthodes de travail. En adopter de nouvelles.
·         Avoir la volonté de réactiver les stages chez soi.
·         Être acteur de sa réussite.
·         Accepter de dévoiler ce qu’il se passe dans notre tête
Quatrième groupe
·         écouter et appliquer les conseils de Guy dès le début de l’année.
·         partir ouvert aux propositions de nouvelles méthodes
·         relire (évoquer et contrôler ses évocations) ses cours à la fin de la journée
·         faire la réactivation (évoquer le cours précédent) en début de cours

IV  - Rencontre avec les ancien(e)s de cette classe

Une douzaine d’anciens des promotions 2010,2013 et 2015 sont venus spontanément témoigner non seulement de leur relative réussite actuelle, mais aussi de la manière dont ils avaient progressivement adopté les nouvelles manières de travailler apprises pendant la classe de seconde de méthodologie. En résumé, ils ont expliqué que le rythme s’accélérait beaucoup en 1° mais qu’il fallait serrer les dents et continuer à appliquer les méthodes de 204 , que cela venait petit à petit. Certains ont déclaré avoir repris goût au travail et même y éprouver un certain plaisir. La plus ancienne a précisé son témoignage par écrit :


 « Bonjour,
La méthode que l'on m'a apprise il y a maintenant 6 ans, est une méthode qu’à cette époque je n'avais pas la maturité de pouvoir accepter et mettre en application totalement. Au cours de mon année de première S, j'ai quand même fait des efforts pour appliquer la réactivation quand je commençais un nouveau cours, les méthodes d'appréhension (
attention et compréhension) pour imprimer mentalement une leçon, des formules sur des fiches. J'ai réussi au cours de cette année de 1 ère à m'approprier ces méthodes, cette manière d'apprendre et à les adapter à mon caractère. J'ai par exemple laissé tomber les fiches car ce n'était pas une méthode qui m'était appropriée et elle me demandait beaucoup de travail pour peu de résultats. Cette année, au cours de ma licence, ces méthodes se sont révélées indispensables, car tout nos cours étaient en visio conférence. J'ai réussi à tirer mon épingle du jeu en justement prenant des notes sur ces cours de maniére à n'avoir que les informations utiles et à réactiver pour comprendre et apprendre. Ce sont des fiches vous me direz …  Comme quoi nous évoluons tous dans notre manière de travailler, d'apprendre, de comprendre une consigne…, Mettre en application ce que Guy vous a appris durant cette belle année vous sera utile tout au long de votre vie lycéenne, étudiante, professionnelle. Prenez le temps d'appliquer, même à petite échelle, ce que vous a transmis Guy. Le travail, la vie d’étudiant n'en est que plus facile, car cela ne devient plus une corvée mais une satisfaction personnelle qui vous fera avancer là oú vous le souhaitez !
Bon courage à vous tous.
Fanny »

mardi 12 avril 2016

98 - Concentration et compréhension : protocole pour une séance de travail en classe.

Voici le compte-rendu d"une séance de travail  menée récemment avec la classe de seconde  de "méthodologie" bordelaise.

APPRENDRE UN COURS EN CLASSE.
La professeure principale, à la suite du Conseil de Classe, se plaignait du manque d’activité de ses élèves en classe : elle les trouvait passifs, sans questionnement, sans intérêt manifeste pour les cours, ne travaillant pas à la maison.... J’ai proposé que les élèves remplissent un questionnaire quelques jours avant notre rencontre. Pour eux, leurs difficultés actuelles étaient principalement autour de l’attention- concentration et de la compréhension, ce qui correspondait bien au souci de leur professeur. Quelques élèves disaient « manquer de motivation », ou «  avoir du mal à se mettre au travail » ; d’autres disaient avoir du mal dans la mémorisation à long terme. Plusieurs, en revanche, semblaient avoir mis en pratique les contenus des stages et en avoir obtenu des résultats, ils se disaient en progrès.
J’ai donc axé mon travail de la matinée (4 h) sur  la concentration et la compréhension qui en constitue comme la « matière » : on se concentre parce qu’on essaie de comprendre. Nous avons déjà travaillé dans cette classe, lors des trois précédents stages, l’attention, la mémorisation, la réflexion et la compréhension approfondie. Il fallait donc réactiver, sans redondance, les acquis de ces stages, surtout le dernier auquel il avait manqué, en effet, une séance de mise en pratique globale du processus complexe de compréhension approfondie.
Pourquoi cette matinée supplémentaire ?
En guise d’introduction,  j’ai raconté aux élèves une anecdote qui m’était arrivée récemment. Je pratique le chant choral depuis fort longtemps, mais des réactivations des bases de cette activité sont toujours nécessaires. Récemment, notre chœur a  eu un week-end avec un nouveau professeur. Il nous a fait travailler les gestes d’une bonne respiration, celle du chanteur,  et il nous a fait remarquer qu’ils étaient  très différents, voire contraires à ceux de notre respiration habituelle.  Cela s’appelle le « travail vocal ».  Et comme pour tout  « travail »,  il y faut des pratiques différentes du naturel, une pleine conscience de ce que l’on fait et un entrainement régulier. Même les chanteurs les plus célèbres s’appliquent à cette discipline quotidienne.
Pour le « travail scolaire », c’est la même chose. Ce que nous faisons spontanément dans nos activités de la vie quotidienne ne suffit pas lorsqu’il s’agit d’apprendre des contenus abstraits comme ceux de l’école. Il faut avoir des connaissances sur ce qu’il convient de faire, et s’entraîner consciemment et régulièrement à le faire, pour contrecarrer nos (mauvaises) habitudes spontanées qui ne conviennent plus. Il est donc tout à fait normal que les contenus les stages, qui sont des connaissances nouvelles et qui contredisent en partie les habitudes des élèves, ne soient pas encore intégrés par tout le monde. La séance d’aujourd’hui est destinée à cette réactivation et à ancrer les nouvelles bonnes habitudes de travail à acquérir pour mieux réussir. Mais bien sûr, comme tous les bons chanteurs, il faut que chaque élève s’efforce de penser régulièrement à utiliser ces apports méthodologiques dans son travail personnel et dans son activité en classe.
« Je ne suis pas motivé(e) ».
À ceux qui se disaient « peu motivé(e)s », j’ai tenu à peu près ce propos : qu’est-ce que la motivation ? D’où vient-elle ? Où la trouver ? Où peut-on en acheter ? S’agit-il d’attendre qu’elle nous tombe dessus, comme par magie, venant d’on ne sait où ? Ces élèves se lèvent-ils le matin en regardant le ciel et en se demandant : « est-ce que je vais être motivé aujourd’hui ? ». La motivation ne nous vient pas comme cela. Il s’agit plutôt de se mobiliser pour atteindre un but désiré : passer en première, dans la série que l’on désire, réussir le bac et pouvoir continuer après…. Mais pour cela ne faut-il pas de la volonté ? La volonté est une notion psychologique souvent mal comprise. On pense qu’il s’agit de faire des efforts, de prendre de la peine, de se priver de quelque chose : connotation négative et peu attirante. En réalité la volonté est un choix entre deux plaisirs. Entre un plaisir immédiat, à prendre tout de suite, et un autre plaisir, plus fort mais reporté à plus tard. On peut préférer regarder la série télévisée plutôt que d’aller faire son travail, même si on n’est pas content de soi après coup. Mais a-t-on pensé au plaisir de réussir le contrôle de la semaine prochaine ? D’obtenir une bonne note ? D’être félicité ? De faire plaisir ou honneur à ses parents ? De gagner en estime de soi, en confiance en soi ? Ou tout simplement de mieux comprendre ce qu'on apprend ?
Volonté et rapport au temps.
Mais on voit que ce choix, qui reporte le vrai plaisir à plus tard, implique que l’on soit introduit dans le temps, dans la temporalité, que l’on « pense » le temps. Et le temps c’est toujours un passé, un futur, et un présent qui est à la jonction des deux. Or le mot qui signifie le présent c’est « maintenant ». Main-tenant. Une « main » qui « tient » quelque chose. C’est très concret. Mais cela peut aussi se comprendre de façon abstraite. Les « cinq questions » de la compréhension sont comme les cinq doigts d'une main, chacun avec sa fonction particulière. Ainsi pour « tenir » un cours, et pouvoir donc le « re-tenir » (le faire revenir du passé dans sa tête, le "réactiver") et le mémoriser ( projection du « tenu » vers le futur, autre rapport au temps...) il faut utiliser tout le processus de la compréhension approfondie. C'est ce que nous allons voir (ou revoir) dans la séquence qui suit.
Protocole pour un travail sur la concentration – compréhension en classe.
Le support : un cours sur le vocabulaire de la poésie, étudié en classe quelques jours auparavant. Le travail s’est déroulé selon les étapes suivantes. En variant les consignes de travail, on maintient longtemps la concentration.
·         Se rappeler de ce que l’on a encore en mémoire à propos de ce que l’on va étudier : souvenir du cours précédent, autres souvenirs qui s’y rattachent…
·         Vérifier la qualité de ces souvenirs en lisant le cours individuellement : comparaison texte – souvenirs. Compléter, corriger jusqu’à la plus grande fidélité : Qu'avais-je retenu ? Oublié ? Déformé ?
·         S’efforcer de traduire le mieux possible le texte en évocations personnelles : images, petit films, commentaires intérieurs, émotions associées… Cette traduction a peut-être déjà commencé en classe, à la première lecture : la compléter, la préciser.
·         Vérifier cette traduction en relisant, le texte, toujours individuellement, avec le projet d’effectuer une comparaison évocations – texte.
·         Stabiliser cette traduction vérifiée, en la verbalisant pour quelqu’un : échange avec des camarades qui ont travaillé le même texte (ce pourrait être aussi un parent, ou quelqu’un qui nous aide à travailler.…)
·         Pause de 20 minutes.
·         Faire revenir mentalement le plus possible de ce qu’on vient de travailler.
·         Reprendre le cours et s’efforcer de se poser systématiquement les cinq questions (certains l'auront peut-être déjà fait en partie dans les activités précédentes). Un cours est toujours une réponse à des questions. En lisant le texte, on se demande « à quelles questions répond ce que je lis ? ». Mais aussi pour une bonne compréhension, il faut pouvoir poser les questions que l’on a tendance à se poser de façon préférentielle : « de quoi ai-je besoin pour comprendre ? ».

Exemple : « un décasyllabe est un vers de 10 syllabes », c’est la réponse à la question « c’est quoi, comment le nomme-t-on ? ». Pourquoi l’appelle-t-on ainsi ? « Déca »  fait penser à « décamètre », outil qui mesure 10 m, donc « déca » veut dire 10, décasyllabe = 10 syllabes.   « Pourquoi nomme-t-on « alexandrin » un vers de 12 syllabes ? Le premier poème connu construit avec ce type de vers, au XIIe siècle, fut écrit à la gloire  d’Alexandre le Grand et son l’auteur se nommait Alexandre de Bernay. Deux raisons valent mieux qu’une ! Pour la compréhension, mais aussi pour la mémoire à long terme. « A quoi pourra me servir ce que j’apprends ? »  On imagine des utilisations possibles : composer un poème, analyser des poèmes, mieux déclamer des poèmes en respectant les pauses…etc… Toutes les questions que l’on pose au texte n’ont pas forcément de réponse. Mais on ne peut le savoir qu’après se les être posées. Et le fait de chercher une réponse à une question, même si on ne la trouve pas, nous rend actif mentalement et nous permet de mieux intégrer le cours. Comprendre qu’on ne comprend pas, c’est aussi comprendre. Et cela crée de la motivation à chercher plus loin.*
·         Les cinq questions de la compréhension, comme les cinq doigts d’une main « mentale », ont permis de « manipuler » par l’esprit les notions abstraites contenues dans le texte. Cette manipulation purement intellectuelle sera complétée par une manipulation physique et concrète, crayon à la main, par exemple la réalisation d’un schéma : chercher les mots clés les plus fidèles aux notions essentielles que l’on veut conserver et qui nous permettront par la suite de retrouver les détails de ce qu’on a compris. Cette transposition d’un texte, forcément linéaire et séquentiel, en un support essentiellement spatial et global, jointe à l’exercice de l’esprit critique dans le choix des mots-clés et la disposition du schéma, vont parachever le long processus de la compréhension approfondie.
Ce travail peut être accompli seul, mais il peut l’être aussi en petits groupes, ce qui est encore plus profitable : on comprend mieux à plusieurs que tout seul. Chacun ne se pose pas les mêmes questions, et ne met pas la même intensité dans les questions qu’il privilégie. La « mutualisation » de ces recherches de sens différencié(e)s ne peut qu’être bénéfique à chaque élève qui voit ainsi augmenter l'étendue de sa compréhension. De plus, l’entraide entre élèves permet de créer un climat propice à la concentration de toute la classe. Après un tel travail collectif, l’élève sera plus enclin à le pratiquer lorsqu’il sera seul à sa table de travail ("Zone proximale de développement" de Vigogstky : faire d'abord avec d'autres ce qu'on sera plus habile à faire ensuite seul).
·       Une fois le schéma terminé, seul ou en groupe, on le cache et on le reconstruit mentalement et individuellement avant de vérifier sa fidélité à l’original par une comparaison tête - schéma.
·         J’ai terminé cette séquence en proposant aux élèves d’imaginer des situations concrètes de réutilisation de ce qu’ils venaient d’apprendre : questions directes du professeur, besoins personnels pour une argumentation dans un devoir, pour une analyse de texte, fabrication personnelle d’un poème …, etc. La projection dans le futur n’étant pas l’apanage de cet âge, il est bon que l’enseignant (ou l’accompagnateur) pense à la faire pratiquer et en donne le temps aux élèves à la fin de tout travail, individuel ou  collectif. Même si tout le monde peut le pratiquer, la mémorisation à long terme n’est pas un « geste » si naturel que cela.
·         J’ai demandé aux élèves si après ce travail, ils pensaient bien savoir ce cours qu'ils venaient d'apprendre "par coeur", c'est à dire par l'intelligence (voir message 42) : toutes les réponses ont été positives. Quelques questions posées à des élèves pris au hasard ont montré que cela semblait vrai.
Ce protocole peut paraître lourd. Il l’est en effet. Mais qui a jamais dit que comprendre de manière approfondie était rapide et facile ?  Ecoutons quelqu’un qui connaît bien ce sujet. Albert Jacquard dans  « C’est quoi l’Intelligence ? » écrit ceci : « La connaissance passe par la compréhension. Or comprendre est un processus qui nécessite effort, répétition, retour en arrière, remise en question : il ne peut donc être rapide. Comprendre « du premier coup », c’est le plus souvent avoir l’illusion de comprendre. Les esprits les plus exigeants comprennent plus lentement que les esprits superficiels, facilement satisfaits par une vague explication. En jugeant sur la vitesse l’école accorde un privilège aux bluffeurs. » 
Et puis avec ces éclairages et de l’entraînement, tout le monde peut améliorer ses capacités innées de compréhension.

Guy SONNOIS - Avril 2016

Quelques autres citations sur la compréhension…

Ø  Compréhension et motivation.
« La fameuse motivation, cette force dont même les psychologues les plus matérialistes reconnaissent l’importance, de quoi est-elle faite sinon du plaisir escompté, plaisir de comprendre enfin ce qui jusqu’à présent nous était énigmatique, ou plus simplement plaisir de penser (mind) ou de faire fonctionner son cerveau (brain) ? », Marcel Gaucher et al., Transmettre, Apprendre, Stock, 2014, page 240.

« Parmi toutes les motivations possibles pour apprendre (y compris les désirs de progression et de reconnaissance), l’une des plus puissantes, si ce n’est la plus puissante, est comprendre [ …]. Le plaisir le plus intense que le cerveau puisse ressentir est sans doute lié à la résolution de problèmes intrinsèques ou internes ».  Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage, Paris, OCDE, 2007, page 77. Ce livre est publié par l’OCDE, dans le cadre d’une recherche intitulée « Sciences de l’apprentissage et recherche sur le cerveau ».

Ø  Compréhension et transfert des connaissances.
« Il semble que nous ayons longtemps eu l’illusion que le transfert des connaissances se produit automatiquement, indépendamment des conditions dans lesquelles elles ont été apprises. Mais si le savoir n’a pas été construit d’une façon active dès le départ, s’il n’a pas été compris, mais plutôt mémorisé tel un objet exposé, il n’y a pas beaucoup d’espoir qu’il puisse être généralisé à d’autres situations. » Britt-Mari Barth, Le savoir en construction, Retz, 1993,  p 169

Ø   Comprendre, oui, mais comment ?
Antoine de LA GARANDERIE a étudié en profondeur les mécanismes de la compréhension particulièrement dans deux livres : Comprendre et imaginer et  Pour une pédagogie de l'intelligence (Centurion) :
« Comprendre. c'est établir un rapport de sens  entre une chose concrète ou abstraite et la traduction qu'on élabore justement pour la comprendre, c'est-à-dire la prendre avec soi. Disons cela autrement : comprendre, c'est, grâce à des mots, des phrases. des images * qu'on évoque,  établir un rapport de sens avec une chose perçue, qui est de nature concrète ou abstraite. (* On pourrait ajouter : avec des situations qu’on mime mentalement)
Ce n'est plus, comme dans l'attention, évoquer purement et simplement la chose perçue. Ce n’est plus comme dans la mémorisation, reproduire ou répéter la chose perçue pour en conserver un évoqué qui lui soit identique.
C'est encore et toujours évoquer, mais il s'agit alors d'évoqués susceptibles de dégager des analogies, c'est-à-dire des similitudes et des différences, qui naîtront de la confrontation entre eux et la chose perçue à comprendre. Cela veut dire que l'effort de traduction par la production d'évoqués ne conduit pas forcément au succès. Il faudra essayer des évoqués. s'adonner à des confrontations entre eux et la chose perçue jusqu'à ce que des  intuitions de similitude ou de différence se manifestent, qui seront des réalisations approchées de la compréhension.
Ceux qui s'efforcent  de comprendre se donnent des buts (forment des « projets de sens », NDR) qui constituent, pour chacun, autant de structures qui en spécifient et en limitent la signification et la portée.
Ainsi, certains recherchent des évoqués de traduction qui font ressortir des similitudes, d’autres des différences, parce que ce sont celles-ci ou celles-là qui déclenchent l'intuition de la chose à comprendre.
Pour certains, toute l’intuition de la compréhension est dans l’application d’une loi, d’une règle, d’une formule. Pour d'autres, elle est dans leur explication.
Avec certains. la compréhension exige qu'une globalité (espace, NDR) soit évoquée. qui puisse être confrontée à la chose qui est à comprendre. Avec d'autres, cette chose sera comprise dès lors qu'elle sera inscrite dans une sérialité (temps, NDR): d'abord. ensuite, après…
Le sujet qui évoque visuellement ne pourra comprendre ce qu'on lui dit que s'il peut le traduire en images. Le sujet qui évoque auditivement ou verbalement , ne pourra comprendre ce qu'on lui montre que lorsqu'il l'aura traduit en discours (intérieur)…
On saisit,  sur le vif,  la responsabilité de l'enseignant qui sans cesse propose aux élèves des évoqués (à évoquer pour eux…) destinés a leur faire comprendre la leçon du jour. Mais quels évoqués privilégie-t-il à son insu …? »


                                                                                                                                          

189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...