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jeudi 23 mai 2019

142 - Bien gérer ses révisions.

Voici revenu le temps que beaucoup d'élèves redoutent tant : les révisions ! Brevet, bac, et tant d'autres examens et concours au delà... Le stress généré par les évaluations de l'année écoulée augmente et atteint des niveaux perturbants pour leurs facultés intellectuelles, sans parler, pour certains, de diverses somatisations parfaitement handicapantes (pour lutter contre ce stress, voir message 141).

Bien sûr, un examen est toujours un moment important, dont dépendent souvent beaucoup de choses, pour le moins du côté de l'estime de soi... La meilleure façon pour ne pas se laisser trop envahir par ses émotions négatives est peut-être de bien gérer ses révisions : elles permettent de se réassurer sur ce qui est notre arme la plus efficace dans ces moments là : une bonne mémoire, bien entretenue et bien orientée vers le type d'épreuve concernée.

Pour aider des jeunes à être "au top" le jour "J" on pourra relire les messages 110 et 111 de ce blog. La gestion mentale, appuyée sur les découvertes récentes des neurosciences est un très  bon traitement antistress ! Tellement mieux que tous les produits chimiques du monde...


jeudi 15 juin 2017

111 - Révisions (suite) - Oral de Français.

Rencontre fortuite à la boulangerie il y a quelques jours avec un ami et sa fille adolescente, lisant un papier qu’elle tient à la main. « Je prépare mon oral de bac de français » répond-elle à ma question un peu indiscrète. Moi : « Comment faites-vous ça ? » - « J’apprends mon cours par cœur ( le texte en question, photocopié) comme nous a recommandé notre professeur. » -  « Et comment apprenez-vous ? » - « Je lis une phrase, je me la répète plusieurs fois, puis je passe à la suivante… »…

Certains examinateurs de cet oral peuvent dire, sans consulter les dossiers des candidats, de quel lycée et de quelle classe sont issu-e-s les élèves qu’ils interrogent : ils entendent à longueur de journée rabâcher les mêmes présentations plus ou moins bien sues par cœur et surtout plus ou moins - plutôt moins - bien comprises… les élèves ne détachant par leurs yeux du texte qu’ils présentent.

Eh! bien ! ce n’est pas ça l’oral de français.

Bien sûr qu’il faut faire état de connaissances transmises par les enseignants tout au long de l’année, et même des années précédentes, ainsi que de leurs commentaires sur les œuvres du programme. Mais pas en les récitant comme des perroquets ! En réalité, ce qu’observent vos examinateurs, c’est si vous savez lire les textes que vous présentez.

Vous devez pouvoir parler du texte, l’analyser, le mettre en perspective à l’aide de vos connaissances en littérature, et ceci sans avoir les yeux rivés sur votre texte, mais en regardant votre interlocuteur. C’est-à-dire que le texte doit être dans votre tête, vivant, disponible, enrichi de toutes vos connaissances acquises et convoquées à ce moment. Et pour cela il a donc fallu que vous ayez lu convenablement vos textes auparavant, donc pendant l’année , et au moins lors de vos révisions (voir message précédent).

Comment lire vos textes de façon efficace ? Il faut transposer les mots écrits sur le papier en productions imaginaires, dans votre tête : des images mentales, des petits films, les mots du texte réentendus et enrichis de vos propres commentaires… Chacun fait cette transposition « à sa guise », en utilisant toute la richesse de son imagination. Il s’agit d’une véritable « traduction » du texte dans votre langage mental personnel ( = les évocations mentales de la Gestion mentale). Mais toute traduction comporte un risque de déformation, de trahison. Il faut donc relire le texte pour vérifier l’exactitude de votre transformation personnelle, en comparant ce que vous avez imaginé dans votre tête et ce que dit réellement le texte : « Suis-je fidèle au sens du texte, à ce qu’a voulu me transmettre l’auteur ». Ceci jusqu’à la plus grande fidélité !

Vous appliquez ainsi la véritable éthique de la lecture : « le droit d’interpréter, le devoir de respecter ». Je vous souhaite une bonne préparation et une belle réussite avec cette méthode !

Pour vos connaissances elles-mêmes, c’est-à-dire les cours de français de l’année, lisez le message précédent de mon blog : Gestion mentale et neurosciences et révisions du Bac (ou tout autre examen ou concours...)

mercredi 31 mai 2017

110 - Gestion mentale et neurosciences : révisions (du bac ou tout autre examen ou évaluation lourde...).


 Beaucoup d'élèves et d'étudiants paniquent lorsqu'arrive le temps de l'ultime préparation aux examens... Le temps redouté des révisions ! Voici quelques conseils appuyés sur les plus récentes découvertes des neurosciences sur le fonctionnement du cerveau ( sur ce sujet,  on pourra en savoir (un peu) plus en lisant le Hors-Série de Sciences et Vie, n°278 de mars 2017 : "Réussir à l'école".)

Pour faire bref, les connaissances actuelles sur le fonctionnement de notre cerveau confirment ce que les pédagogues savent déjà depuis fort longtemps : notre mémoire est constituée de deux processus neuronaux, l’un pour l’entrée des connaissances, l’autre pour leur sortie au moment de leur utilisation.

Il est donc important que vos connaissances soient habituées à parcourir ces deux chemins, et cela à deux moments bien distincts :
  • au moment de l’apprentissage, de la compréhension et de la mise en mémoire (la « mémorisation »), le chemin est celui de l’entrée et du stockage des connaissances. Pas un stockage passif, un empilement sans ordre.  Il s'agit plutôt d'un mouvement de pensée qui prépare l'avenir (projet) : on prépare la mémoire à nous renvoyer nos connaissances  au moment voulu et selon les besoins que nous anticipons. L'ordre du stockage de nos connaissances est donc étroitement dépendant  du projet de réutilisation qui préside à leur mise en mémoire.
  •  au moment de la réutilisation, par exemple dans une réflexion sur un sujet d’examen, les connaissances empruntent le chemin de sortie, ce qu’on appelle la « remémoration » : on fait revenir ce que l’on a appris pour l’utiliser en fonction des problèmes à résoudre. Il a donc fallu préparer cette remémoration, ce retour des souvenirs, avant l’examen en habituant nos connaissances à "ressortir" : c’est le rôle des révisions.

Beaucoup d’élèves lorsqu’ils révisent, ignorant cette réalité cérébrale, font l’erreur de reparcourir le chemin d’entrée des connaissances : ils « réapprennent ». Quelquefois même ils se mettent à « apprendre » (comprendre et mémoriser) à ce moment-là : fatale erreur ! Réviser, n'est pas apprendre ni même relire passivement ses cours, c'est "revisualiser" ou " se redire" , faire revenir et revivre "dans sa tête" ce qu'on a appris auparavant.

Pour que vos révisions soient efficaces, elles doivent être "actives", et pour cela il vous faut respecter les étapes suivantes. Cela peut paraître un peu long, mais en réalité il s'agit  de "mouvements de pensée" , parfois rapides et même simultanés pour certains, à effectuer dans l'ordre et au bon moment. Et puis quitte à faire des efforts, au moins qu'ils soient utiles !

1.     Livres et classeurs fermés, faites revenir, soit directement soit par des associations, tous les souvenirs que vous avez encore sur un cours. C’est l’étape de la « remémoration » proprement dite : on s’efforce de retrouver le maximum d’éléments de ce que l’on a appris, quelquefois plusieurs mois plus tôt.

2.      Jetez en même temps ou juste après sur un papier quelques mots-clés, quelques schémas ou croquis qui matérialisent ces retours de souvenirs.

3.    Ensuite, lorsque votre remémoration touche sa limite, qu’il ne vous revient plus aucun souvenir de ce que vous aviez appris, relisez votre cours ou votre manuel en comparant ce qui vous est revenu et ce que vous lisez. Cette relecture active permet de repérer ce qui avait été oublié (et c’est bien normal…), ou ce qui était resté imprécis dans votre tête, ou même vos erreurs. Vous « rechargez » et corrigez ainsi votre mémoire pour la remettre à son meilleur niveau. En fait vous vous testez vous-mêmes ! Or, les neurosciences nous apprennent que  "les tests (donc la ressortie), et pas les révisions (au mauvais sens de reparcourir le chemin d'entrée), sont le facteur déterminant pour la mémoire à long terme" (Op. cit. page 28).

4.      Si vous voulez faire encore mieuxcomplétez la fiche synthétique de mémorisation que vous avez peut-être faite au moment de l’apprentissage (en prévision de vos révisions...), ou bien que vous pouvez faire maintenant, en enrichissant l’étape 2. Cela facilitera le rappel des éléments essentiels au moment de l'examen.

5.       Ensuite, il faut mémoriser cette fiche avec beaucoup de précision.  Cela s'opère en deux temps :

  •       Vous vous efforcez de fixer la fiche dans votre tête (l'entrée) sous forme d’images mentales ou bien en vous redisant les mots ou les phrases que vous avez écrits, ou en revivant cette écriture. Plusieurs aller-retour tête-fiche jusqu'à pleine satisfation.
  •        Aussitôt après, vous vous imaginez dans un local tel que celui où vous passerez l’examen (même si vous ne le connaissez pas, un local lambda fait l'affaire) et dans ce cadre imaginaire, vous vous repassez mentalement, vous "révisez" (la sortie),  les images ou les paroles que vous venez de fixer dans votre tête. Le mieux est alors d’imaginer les types de problèmes, les types de sujets, les questions, les QCM... que vous pourriez être amenés à traiter avec ce que vous révisez ainsi activement.

6.      Après une petite pause (5-10 minutes), les yeux fermés, vous essayez de retrouver la fiche dans votre tête avec le maximum de détails (nouvelle sortie, nouveau "test", nouvelle activation neuronale...), toujours dans le cadre imaginaire de l'examen. Vous vérifiez en relisant la fiche.

  
    En général dans l'activité de mémorisation pure Travaillez par petites périodes (20-30') entrecoupées de courtes pauses (5-10'). Au retour de chaque pause, faites revenir ce que vous venez de mémoriser pendant la séquence précédente, puis poursuivez votre travail.

Et puis aussi : dormez bien,  aérez-vous, mangez bien, ne prenez pas de produits chimiques… Restez "zen" le plus possible. Le bac (ou n'importe quel examen ou même concours) valide toute votre scolarité, pas votre bachotage de dernière minute !

"Jetez votre coeur au-delà de l'obstacle", c'est à dire pensez fortement à la réussite que vous obtiendrez avec de telles révisions !

lundi 14 septembre 2015

89 - Mémoriser, un geste d'intériorité.

Pour  faire suite à mon précédent message sur l'attention, voici  un texte d'Antoine de LA GARANDERIE qui décrit clairement ce qu'est le geste mental de mémorisation, en le distinguant nettement de la simple répétition "mécanique" auxquelles on assimile trop souvent cet acte de connaissance qui est par nature en totale intériorité. J'y joins la fiche que je donne à mes stagiaires après leur avoir fait découvrir dans leur propre expérience la réalité de ce mouvement de pensée qui s'ouvre à l'avenir.


Extrait de la conférence donnée par ADLG à Lyon en 2008 : « Pour une pédagogie de l’intériorité ».

« Si je prends la mémorisation, vous allez me dire : « eh bien ! la mémoire à partir du moment où on a fait exister dans sa tête, si on a exprimé les choses, on a dû mémoriser. » Que nenni ! Que nenni ! Je connais des sujets, et qui font exister dans leur tête les choses, et qui vont regarder cette bouteille dix fois, puis la faire émerger dans leur conscience dix fois, sans rien mémoriser. Alors même qu’ils l’auront fait dix fois. Mais pourquoi cela ? Normalement le pli devrait se prendre puisqu’il le répète ! Mais la répétition est un acte simplement mécanique, ce n’est pas un geste de sens d’avenir. Faute de pénétrer l’intériorité du sujet, on en reste uniquement à des constats du genre « c’est mécanique. » Mais ce n’est pas un geste mécanique, un geste d’intériorité est nécessaire. Quel est le geste d’intériorité qui permet la mémorisation ? « Quand tu regardes cette bouteille, ou avec des mots, ou avec des images, ou en la dessinant, pense que quand tu ne la verras plus elle peut te revenir dans l’avenir, que tu vas pouvoir la faire exister dans ton avenir ». Ceci est un geste d’intériorité : faire exister dans l’avenir c’est le geste qui permet la mémorisation. Sans intériorité vous n’avez pas de pédagogie de la connaissance. Voyez-vous les gestes les plus simples, celui de l’attention et de la mémoire, sont des gestes d’intériorité. Mets dans l’avenir ce que tu acquières, c’est un avenir d’intériorité que tu vas pouvoir mettre dans l’extériorité de la vie ; c’est intérieurement que tu fais ce geste, c’est dans ton intériorité que tu le vis et c’est dans cette intériorité que tu vas pouvoir l’exprimer. C’est une nouvelle forme d’expression de l’acte de connaissance. »

Pour une pédagogie de l’intériorité. Conférence, Lyon, mai 2008





samedi 1 février 2014

74 - Pour bien réviser avant un contrôle.

Sur Facebook, un jeune fait état de son week-end de révisions avant des contrôles groupés importants pour lui en cette période de son année de Seconde « à projet méthodologique ». Réviser est une action toujours difficile. Le sentiment de « déjà vu » n'est pas très motivant. On peut se contenter de relire avec ses yeux, et non « avec sa tête » des cours pourtant déjà en grande partie oubliés. On peut refaire des exercices de façon un peu mécanique, en s’intéressant davantage au résultat qu’au processus de pensée que l’on utilise… Réviser ainsi n’assure pas forcément le succès. Damien, actuellement brillant élève d’une Ecole supérieure d’Ingénieur, témoignait ainsi de la manière dont il effectuait ses révisions lorsqu'il était en classe de Seconde. Voici son témoignage extrait de « Accompagner le travail des adolescents… » :

* Les révisions de Damien
Dans une classe de Seconde que j’avais formée quelques temps auparavant au Geste de Réflexion, nous faisons le bilan des contrôles groupés qui ont donné des résultats divers. Des progrès importants ont été enregistrés chez presque tous les élèves. Mais certains ont réussi mieux que d’autres. Damien, un peu rougissant  annonce un 17,5 en Maths. Après m’être assuré de la qualité de sa réflexion au moment du contrôle, je lui demande : « Comment t’étais-tu préparé à ce contrôle ? » - « J’ai revu mon cahier de cours le Dimanche précédent. » Me tournant vers ceux qui ont eu de moins bonnes notes  : « Avez-vous fait cela ? » - « Oui, bien sûr ! » Revenant à Damien :  « À quoi pensais-tu lorsque tu révisais ainsi ton cahier ? » - « J’essayais de comprendre ce que je lisais et de mémoriser pour le contrôle. » – « Et c’est tout ? N’y avait-il pas autre chose dans ta tête à ce moment-là ? » - « Bien sûr je pensais aussi à ce que je pourrais faire avec ce que je révisais. » - « Et vous, les autres, y pensiez-vous aussi ? » Les réponses négatives correspondaient aux moins bonne notes… CQFD, comme disent les matheux.

lundi 5 décembre 2011

47 - Neurologie et apprentissage. Mémorisation, compréhension, réflexion...quels liens ?



Neurologie et apprentissage. Mémorisation, compréhension, réflexion...quels liens ?

Compte rendu du deuxième stage avec la classe de méthodologie toulousaine.

Avant le stage, les professeurs étaient inquiets parce que les élèves semblaient ne pas avoir bien assimilé les contenus du premier stage et confondaient les gestes mentaux qui avaient été étudiés. Particulièrement ils semblaient avoir des difficultés à mémoriser, et notamment des définitions contenant des mots abstraits. J’étais donc un peu préoccupé en préparant ma venue (voir message 45 : « Au risque de la réflexion »).

Après avoir entendu les élèves me décrire dans quel état ils étaient et ce qu'ils avaient retenu du précédent stage, mon sentiment a été un peu plus positif. Une majorité des élèves disait avoir mis en place les structures d’un travail quotidien plus organisé, ce qui pour autant ne veut pas dire plus efficace. Ils disaient cependant rencontrer encore des difficultés importantes qu’ils énonçaient ainsi :

-        « Je comprends mais je ne retiens pas » = Pas de différence entre compréhension et mémorisation.
-        « Tout se mélange quand je veux retrouver ce que j'ai appris » = Difficulté de réutilisation des acquis.
-        « Je suis dans le stress lorsque j'anticipe le contrôle ».
-        « Je suis dans la peur des réactions des professeurs ».

Ainsi, il me fallait reprendre les contenus du premier stage sans trop de redondance, tout en introduisant la suite du « programme » de l’année : approfondir la réflexion et mettre en place le projet de communication orale et écrite

J’ai donc organisé ce deuxième stage autour de deux sources :
         -   un article d'Antoine de la Garanderie, relu (par hasard ?) pendant la préparation de ce stage [1]. Dans cet article,  Antoine souligne le « risque » qu'il y a pour l'être humain,  seule créature vivante à pouvoir le faire, d'utiliser sa conscience « réfléchissante » pour constituer le sens du monde. Pour cela, il lui faut se mettre « hors abri », prendre le risque d’un investissement personnel dans la compréhension des choses : «  il ne s'agit plus par obscur désir d'éviter d'être puni, parce qu'on ne saura pas sa leçon ou qu'on aura mal fait son devoir. Il s'agit d'être heureux de comprendre, d'être maître de sa leçon  ou de son devoir, parce qu'on aura eu la maîtrise de leur sens ; on en aura l’intuition. Le désir en sera personnellement éclairci. Il sera lumineux pour soi. » Et c'est bien cet « obscur désir » qui envahit les élèves tant qu’ils n'ont pas reçu l'éclairage sur les « forces pures » qui les habitent : c’est en lui  que s'origine leur peur. L’enjeu est donc de les éclairer sur leurs ressources personnelles et sur la façon de les mettre en jeu pour comprendre ce qu’ils apprennent trop souvent « mécaniquement ».

         -  un article d'un neuropsychologue, Bernard Croisile[2], qui synthétise les dernières découvertes concernant la mémoire (dans le hors série de la revue « Sciences humaines » de novembre - décembre 2011),  de façon à faire apparaître de manière plus claire, de façon « scientifique », le lien entre comprendre, mémoriser et réfléchir. J’en ai extrait ici certaines parties en soulignant quelques passages.

J’ai commencé par reprendre le geste de mémorisation à la lumière des découvertes actuelles sur le cerveau.




mercredi 2 novembre 2011

42 - Apprendre par coeur ? Savoir par cœur ? Quelle différence ?


Beaucoup de personnes, et pas seulement des élèves, sont en difficulté  lorsqu’on leur demande d’apprendre quelque chose par cœur.  Et cela à tous les âges. Pourquoi ?

Je recevais il y a quelques jours deux anciens stagiaires de Poisy, Sylvain et Raphaël,  déjà bacheliers lors du stage IF/ANPEIP de  2007, tous deux EIP s'il en est, poursuivant malgré quelques difficultés des études supérieures, l’un en droit, l'autre en informatique. J'ai déjà eu  l'occasion de parler de Raphaël et de ses problèmes de mémorisation (message 12). Cette fois-ci, la conversation en vint à la manière d'apprendre les cours. Le juriste en tenait pour un apprentissage par cœur, ce qui se comprend,  l'informaticien faisant chorus, ce que je comprenais moins. J'interrogeai donc Raphaël : « tu penses vraiment que dans ce genre d'études, il  faut savoir ses cours par cœur ? ».  « Oui, me répondit-il, pas pour tout bien sûr, mais mon professeur inisiste pour que l'on apprenne par cœur certains passages. Et j'ai beaucoup de mal pour apprendre de cette façon. J'ai beau me les répéter aussi souvent que possible, je ne les retiens pas. » Et Sylvain d’abonder dans ce sens, lui-même ayant du mal avec ses  textes et définitions juridiques.

Connaissant leur profil d'expliquants et de reformulateurs verbalisants, avec un projet de compréhension prioritaire et incoercible,  j'imaginais bien les difficultés qu'ils pouvaient rencontrer dans cet apprentissage mécanique et répétitif. Je me demandai alors comment les aider à sortir de cette impasse.

Ces deux étudiants étaient confrontés à l’exigence de connaître mot pour mot, à la virgule près, « automatiquement », certains contenus de leur cours aussi bien en droit où toute déformation d’un texte de loi est redoutable, qu'en informatique : tout utilisateur d'un ordinateur sait combien la précision est exigée dans cette discipline où "l'à-peu-près" est ravageur.

Mais en les écoutant parler j'ai réalisé qu’il y avait une confusion au niveau des mots. Je demandai à mes deux visiteurs : « Vos professeurs  veulent-ils que vous « appreniez » ou que vous  « sachiez » vos cours par cœur ? ».  Ils ne voyaient pas la différence…  En réalité, leurs professeurs leur demandaient de « savoir » par cœur et eux, faisant preuve d'une docilité  que je ne leur connaissais guère jusque-là, s'obligeaient à « apprendre » par cœur. De fait, il est fréquent d’entendre ces  mots utilisés l'un pour l'autre. Et pas seulement chez les élèves … Et pourtant ces deux réalités sont très différentes...

« Savoir » est un état, un résultat observable. « Apprendre » est une action mentale complexe, un processus intérieur, difficilement observable. On peut considérer que  le résultat « savoir » est  l'aboutissement du processus « apprendre ». Lorsqu’un professeur exige que l'on sache un contenu par cœur,  il ne s'agit en rien d'une exigence portant sur la méthode d'apprentissage qui mène à ce résultat. Mais la confusion est permanente : « vous apprendrez ces définitions par cœur pour le prochain cours », dit-on aux élèves aussi bien que « vous devrez savoir ces définitions par cœur pour le prochain cours ».

 Je rassurai mes visiteurs en leur faisant valoir qu'ils n'avaient nullement à se conformer à ce que leurs professeurs n'avaient pas le droit d'exiger d’eux : qu'ils « apprennent » textes et formules par cœur.  En revanche,  ils  avaient parfaitement le droit d'exiger qu'ils les « sachent » mot à mot, sans erreur et sans hésitation. À eux maintenant de trouver les moyens les plus adaptées à leur profil, en exploitant toute la richesse de leurs projets de sens de compréhension, toujours prêts à les emporter dans des digressions pas toujours bienvenues, mais en gardant à l'esprit le but à atteindre : connaître textes et  formules avec la plus grande fidélité possible, en rapprochant progressivement leurs commentaires intérieurs de la formulation originelle.

 Poussant plus loin la discussion nous nous sommes interrogés  sur le sens de cette expression : « par cœur ». Communément, on pense à un apprentissage mécanique, répétitif, à un rabâchage indigeste, phrase après phrase …  Apprendre par coeur est souvent synonyme d'apprendre bêtement, sans comprendre comme apprendrait un perroquet (le "psittacisme" tant critiqué par Montaigne !). Mais  pourquoi mêler le cœur, organe source de vie, lieu mythique de nos sentiments, à une activité aussi dénuée de sens et d'intérêt, aussi éloignée de toute expression poétique ou sentimentale ? Si savoir par cœur peut se satisfaire d'être rapproché du « mot à mot », d’une reproduction fidèle et immédiate,  de la création d’un automatisme, n'est-il pas plutôt question, pour apprendre, de le faire « avec le cœur », « de tout son cœur » ? Cette approche permettrait éventuellement de réintégrer quelque part les émotions dans l'apprentissage... On sait combien elles sont des alliées puissantes de la mémorisation... lorsqu'elles sont positives. Mais est-ce seulement avec le cœur que l'on apprend ? Il est vrai que pour les grecs anciens, le coeur était le siège symbolique de l'intelligence comme celui du courage ou des émotions. Depuis, on a un peu progressé dans la connaissance de l'anatomie humaine... et le cerveau a (re)conquis ses droits légitimes (tout en restant étroitement associé, comme "embrassé", par nos sentiments, sans lesquels il n'y a pas d'intelligence créatrice, sentiments eux-mêmes issus de systèmes nerveux archaïques créateurs d'émotions, mais encore puissamment à l'oeuvre en chacun de nous en tant qu'êtres "conscients" ** ; dans ce cas apprendre "avec le coeur" prend tout son sens !).

Mais si c’est bien avec sa tête qu’on apprend, alors il pourrait s’agir d'apprendre « à cœur », « jusqu'au cœur » de la chose à apprendre (comme on parle d’un rôti « cuit à cœur »…).  Il s’agirait donc plutôt de comprendre, d'aller « jusqu'au cœur » du sens de ce que l'on apprend. Et comment aller au cœur du sens de ce que l'on apprend ? Mais avec les « cinq questions » *, cher Sylvain, cher  Raphaël. Ce sont elles (que vous avez un peu oubliées ?) qui vous mèneront au cœur du sens de ce que vous avez à apprendre. "Avec le cœur" et "jusqu'au cœur", donc avec et par l'intelligence (comme pour les grecs) plutôt que bêtement et mécaniquement. Curieux renversement du sens d'une expression trop ancienne..?

En n’oubliant pas que répondre à la question « c’est quoi ? » vous permet de conserver la chose à apprendre/comprendre dans sa forme exacte, dans son « mot-à-mot », exigé parfois par des professeurs prévoyants …parce qu' indispensable pour votre propre sécurité aux moments de la réflexion et de sa communication (argumentation, justification…)  surtout écrite. A condition bien sûr d'anticiper ces objectifs… ce que vous ne faites pas, rendant du coup  peu compréhensibles les exigences de vos professeurs, qui eux les anticipent et veulent ainsi vous préparer aux utilisations à venir de vos acquis !  Sans doute serait-ce plus clair s’ils vous l’expliquaient mieux….

En conclusion, pour « savoir » un élément de cours "par (le) cœur", il convient d’abord de s’autoriser ** à le comprendre « à cœur », à le déformer/transformer, à le traduire dans sa « langue pédagogique » (évocation, à partir de son atmosphère de sens), à le transposer dans son propre « lieu de sens » (espace, temps, mouvement), à lui poser les "5 questions" de la compréhension approfondie en cherchant les réponses à ces différents projets de sens, puis, dans un second travail, à le remettre, à le "re(con)stituer" dans sa forme d’origine qu'il faudra alors mémoriser telle quelle, au besoin par des répétitions tout à fait légitimes à ce stade…  On sera ainsi capable d’utiliser cette nouvelle "connaissance" en toutes occasions, sous toutes ses formes de sens (d’application, d’explication, de finalisation, de relation)… y compris dans sa forme de sens d'identité (sa formulation à l'"identique"), pour en redonner certains éléments « par cœur », ou mot pour mot, ou automatiquement,  en cas de besoin. 

Vu comme cela, on le voit bien, apprendre "par coeur" est assez éloigné d'apprendre "bêtement".

* Voir le message 56 "Comprendre et réutiliser ses connaissances", avec le '"Schéma des 5 questions". Et aussi la dernière partie d’ « Accompagner ...», sur les opérations de la compréhension approfondie.

** Voir L"Ordre étrange des choses - La vie, les sentiments et la fabrique de la culture" d'Antonio Damasion, O. Jacob, 2019.

*** … se « rendre auteur » de son apprentissage, ce qui n’est nullement le cas d’un rabâchage mécanique, mais qui se réalise dans une recherche de sens approfondie.


lundi 3 janvier 2011

14 Toujours sur la mémorisation...

Je reçois ce matin des voeux illustrés par cette phrase de Saint-Exupéry :

"Pour ce qui est de l'avenir, il ne s' agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible."


Je trouve que cette pensée correspond  bien à mes derniers messages sur la mémorisation.  En effet, à l'inverse d'un "bon élève", l'élève en difficulté qui  se borne à "prévoir" son avenir scolaire, n'a-t-il pas tendance à imaginer toutes sortes de désagréments en puissance : mauvaises notes, reproches et réprimandes, dégradation de son image... jusqu'à fuir par tous les moyens ces sombres prévisions... s'interdisant alors toute mémorisation.

En s'efforçant de mémoriser de la bonne manière le fruit de son travail, ne peut-il pas "renverser la tendance" et s'attacher plutôt à "rendre possible" un avenir plus souriant ? En projetant dans son futur de réutilisation les réponses aux questions qui ont conduit son effort de compréhension élargie, n'a-t-il pas les moyens de mettre en scène sa réussite à venir, pour peu que quelqu'un l'aide à peindre une  "toile de fond" cohérente avec les attentes professorales (la réflexion dans la résolution de problèmes) ? Ainsi, assuré à l'avance de son "pouvoir être à la hauteur" de la situation future, pourra-t-il dans son présent constituer un "stock" plus efficace, dûment "consolidé" et anticiper sa "récupération" dans les meilleures conditions. Cet avenir rendu ainsi "positif" par son action, son "travail", sera rendu non seulement possible (source de pouvoir être),  mais également source de plaisir et de fierté anticipés et donc de motivation.
Encore une fois, merci Saint-Ex, patron des accompagnateurs (?) !

jeudi 30 décembre 2010

12 « J’ai la mémoire qui flanche, je m’souviens plus très bien… » Comprendre n'est pas mémoriser !

…comme chantait si bien Jeanne Moreau. Dans un téléfilm récent, une réplique : « Je le sais ! Mais je ne m'en souviens pas ». On peut ainsi « savoir » quelque chose mais ne pas s’en souvenir au moment opportun, alors qu’un peu plus tard « cela » nous revient sans effort… et souvent sans qu’on en ait besoin… Que se passe-t-il dans ces moments où notre mémoire nous fait défaut ?

Raphaël, stagiaire de Poisy (stage d’EIP) en 2007, actuellement en licence d’informatique, à propos d'un contrôle qu'il n'a pas réussi : «J’avais fait de nombreux exercices pour me préparer, je « savais » faire, et lors du contrôle j'ai eu à traiter certains de ces mêmes exercices, mais je ne me souvenais plus de ceux que j’avais faits, les images que j'en avais étaient floues et elles ne me servaient à rien. Pourtant j'avais pris la précaution de réactiver plusieurs fois ce que j’avais fait ». Vous avez tous, sans aucun doute, d’autres exemples de ces témoignages où une personne a travaillé, a correctement fait ce qu'elle avait à faire, et dans un contrôle ne se souvient plus de rien. Disons cela autrement : elle a peut-être compris, mais elle n'a pas mémorisé. Refrain connu… Mais elle a compris quoi ? Et elle aurait dû mémoriser quoi ? Est-ce que « réactiver » est l'équivalent de « mémoriser » ?

193. Notes de (re)lecture du livre "Les Profils pédagogiques - Discerner les aptitudes scolaires" d'Antoine de La Garanderie (1980)

  Fascinante actualité des premières intuitions d'un « enfant à besoin particulier » du siècle dernier… Pour préparer un podcast avec An...