vendredi 27 novembre 2015

94 - Réussir au lycée : réfléchir et communiquer sa réflexion "aux autres".

Réveiller la « zone bleue » : réfléchir et communiquer sa réflexion.

CR du deuxième stage en classe de Seconde de Méthodologie. 

Deux vidéos sont projetées aux élèves.
Après la réactivation du premier stage, j’ai projeté deux courtes vidéos. La première vidéo (voir message 71) explique que toutes les publicités cherchent à activer dans notre cerveau les zones émotionnelles, en désactivant systématiquement les zones de la réflexion, présentées en bleu dans le reportage. Il en va de même de l’ensemble de notre société qui vise à susciter nos émotions davantage que notre réflexion: actualités, discours politique, réseau dits « sociaux »... Seule l’école fait de la résistance en demandant aux élèves de travailler systématiquement dans leur « zone bleue », en leur demandant de réfléchir pour réutiliser leurs connaissances dans des situations de problèmes et à communiquer une pensée construite en développant des moyens de langage de plus en plus élaborés.

La deuxième vidéo (voir message 68) présente la lauréate d’une évaluation nationale au Mexique. Paloma a été classée première aux épreuves de mathématiques. Elle n’est pas le fruit d’une sélection scolaire. Au contraire, elle étudie dans une pauvre petite école d’une banlieue défavorisée dans une région minée par les trafics de drogue. Elle explique comment elle fait  pour réussir si bien : « Un problème, c’est facile, d’abord je le regarde, je mets tous les chiffres dans ma tête et mentalement je trouve la réponse ». Après le premier stage, les élèves comprennent assez bien ce que veut dire « mettre l’énoncé dans sa tête ». Mais que veut dire « mentalement je trouve la solution » ? On voit bien qu’il ne s’agit pas d’une action visible de l'extérieur, mais d’une opération toute intérieure, "dans sa tête", exclusivement menée dans le cadre du cerveau et de l’activité mentale. Cette opération s'appelle la réflexion et elle concerne la "zone bleue" de notre cerveau.

Qu’est-ce que réfléchir ?
À cette question les élèves formulent des réponses souvent (partiellement) justes, mais chacun n’entrevoie qu’une petite partie de cette activité mentale complexe. Deux exercices les aident à découvrir la réalité du geste mental de réflexion dans sa complexité. Ce geste comporte en effet six étapes à réaliser successivement : mettre l’énoncé dans sa tête (évoquer-comparer), analyser l’énoncé (de quoi s’agit-il ?), reconnaître et formuler le problème posé (problématique), se remémorer les connaissances en lien avec le problème, choisir les connaissances les plus adaptées à la résolution du problème, appliquer les connaissances choisies (en utilisant les procédures préalablement automatisées par la pratique des exercices).

Mémorisation/réflexion/communication.
La découverte du geste mental de réflexion donne à l’activité de mémorisation le but qui lui manquait à la fin du premier stage. Les élèves ont jusqu’ici mémorisé leurs leçons avec le seul projet de les restituer aux professeurs. Une fois cette restitution  opérée, il n’y a plus de raisons à leur yeux de conserver ces connaissances en mémoire. C’est ce qui explique certains déficits de ces jeunes : ce n’est pas qu’ils ne travaillent pas ou n’ont pas de mémoire, simplement ils donnent à leur travail une perspective de sens erronée, un projet "trop court" qui les mène à l’échec et à un profond désintérêt pour ce type de travail. Rétablir le sens vrai de la mémorisation, qui est de pouvoir mieux réfléchir peut remettre en route l’activité d’intégration et de conservation des connaissances (le « métier d’élève »), à l’arrêt souvent depuis plusieurs années. Pour que les élèves consentent les efforts à fournir pour la mise en mémoire et l’entretien des connaissances qui leur sont transmises, il faut qu’ils comprennent qu’elles leur seront nécessaires pour réfléchir et résoudre des problèmes dans leur futur (scolaire tout d'abord), tout comme de pouvoir exprimer le plus justement possible le produit de leur réflexion. C’est là, en plus de l’acquisition d’une culture commune, la vraie préparation à leur vie citoyenne et professionnelle future. C’est leur rapport aux savoirs et à l’école qui s’en trouve profondément transformé et remis dans la bonne perspective. On peut en espérer la remise en route de leur activité mentale dans leur travail quotidien. Le troisième stage répondra à la question : comment comprendre ce que j'apprends en vue d'une réalisation "tous azimuth" ? Le but ultime : constituer une culture personnelle souple et aisément mobilisable.

Apprendre à bien lire les énoncés.
Toutes les étapes de la réflexion ont leur importance, il ne faut donc en n’omettre aucune. Mais l’étape la plus déterminante est la première : mettre l’énoncé dans sa tête (comme Paloma), afin que le cerveau puisse le traiter (mentalement, donc) en utilisant les connaissances mémorisées précédemment à cet effet. Or,  il est constant d’observer que les élèves négligent systématiquement cette étape, pressés (stressés) qu’ils sont d’une part par le temps limité des épreuves scolaires, mais aussi et surtout par deux faux projets : le projet de restituer signalé plus haut, et le projet  de résoudre, faux projet qui consiste à chercher un résultat directement à partir de l’énoncé (sans passer par les trois premières étapes de la réflexion). Cela est tout à fait impossible au lycée, et même bien souvent avant.

Dans un premier temps, plusieurs exercices ont fait comprendre aux élèves quelques-uns des obstacles qu'ils rencontrent habituellement pour effectuer une bonne lecture de leurs énoncés : déficit de vocabulaire, apparence inhabituelle de l’énoncé, précipitation dans le « faire » (n’importe quoi de préférence) au détriment d’une activité purement évocative (prise de recul), difficulté à  « traduire » un énoncé foisonnant ou un trop-plein d’informations (traduire un texte en tableau, ou en schéma, pour le simplifier sans le dénaturer)…

Ensuite, les élèves, en petits groupes, ont été invités à résoudre plusieurs petits problèmes de logique, ne faisant pas appel à des connaissances scolaires autres que basiques. Trois étapes sont imposées pour ce travail :

  • 1       mémoriser l’énoncé sans qu’ils puissent y revenir pendant la résolution elle-même (l’énoncé est projeté sur l’écran, ce qui permet de le cacher après le temps de mémorisation). Cela se passe en trois temps. Un : les élèves lisent l’énoncé. Deux : l’énoncé est caché, ils recueillent dans leur tête les évocations produites pendant leur première lecture. Trois : l’énoncé est de nouveau projeté pour que les élèves contrôlent leur lecture par une comparaison évocations/texte. Ils ont déjà appris cette méthode de lecture de vérification au premier stage, mais ils n’en ont pas encore pris l’habitude, notamment pour des énoncés « problématiques » des contrôles et examens.
  • 2       se reformuler mutuellement l’énoncé pour s’assurer qu’ils sont bien d’accord à son sujet.

Ensuite la résolution peut intervenir, d’abord chacun pour soi puis en s’aidant mutuellement. Le groupe se met d’accord sur la meilleure solution et la meilleure manière de l’exposer à l’ensemble de la classe (pédagogie de l’entraide).

Communiquer sa réflexion par oral.

  • 3     À l’issue du travail précédent, un élève est tiré au sort pour exposer la solution du problème devant toute la classe, en soignant l’argumentation et les justifications. Cet exercice répété plusieurs fois, a montré la nécessité de procéder à une deuxième réflexion, qui suit la résolution proprement dite du problème : comment vais-je faire présenter ma solution aux autres, de façon à ce qu’ils comprennent et approuvent mon raisonnement ?
Lors des dernières présentations, j’ai demandé aux élèves « auditeurs » de se retourner : les orateurs succcessifs, n’ayant plus que des dos devant eux, ont trouvé cet exercice inhabituel et bien difficile, tous les langages corporels étant alors inopérants. Mais la difficulté est encore plus grande lorsqu’on est séparé physiquement de son interlocuteur.

J’ai montré le schéma de la communication.  Toute communication consiste à ce que le contenu mental (évocations, émotions, pensée réfléchie…) d’une personne, l’  « émetteur », puisse être transmis de manière à ce que d’autres, les « récepteurs »,  puissent se représenter un contenu similaire : c’est pour ça que les hommes ont inventé (outre les moyens imagés) le langage, d’abord oral, puis afin de transcender le temps et l’espace, le langage écrit.

Communiquer avec un interlocuteur invisible.
Deux élèves sont devant la classe, de dos, séparés par un écran. L’élève « émetteur » a devant lui un dessin un peu complexe : il doit donner verbalement des consignes à l’élève « récepteur » pour que ce dernier, de l’autre côté de l’écran, reproduise le dessin aussi précisément que possible. Apparaît alors la nécessité de préciser son vocabulaire, d’organiser son discours avec le souci de guider le mieux possible la main du camarade invisible.

Communiquer sa pensée par écrit : l’expression « pour les autres ».
Un exercice a permis aux élèves de se confronter à cette difficulté : transmettre sa réflexion par écrit à des lecteurs inconnus. La classe est divisée en deux groupes, chaque groupe doit résoudre un problème différent. Après résolution (en réinvestissant les acquis des exercices précédents), chacun rédige son raisonnement à destination d’un camarade de l’autre groupe, sans savoir précisément lequel sera son lecteur. Les partenaires sont ensuite désignés et les copies échangées. Après lecture, chaque couple écrivain/lecteur se rencontre pour évaluer à tour de rôle la clarté du raisonnement et la précision de l’écriture.

L’accès à l’autonomie.
Le stage se termine sur la présentation du « Projet Global d’Apprentissage Scolaire » : Pégase (voir le schéma de Pégase). Les trois rouages de ce projet représentent les trois grands moments d’une scolarité réussie : ce qu’on attend d’un élève et qui va lui assurer « les bonnes notes » (qui sont  la trace visible de sa réussite) : l’intégration des savoirs, leur réutilisation par une réflexion méthodique, la communication écrite et orale de cette réflexion. Qu’est-ce que l’autonomie ? C’est, selon l’étymologie du mot, avoir « la loi en soi-même ». Quand on réfléchit, on utilise des lois (des règles, des définitions, des propriétés…), que l’on a mises « en soi » et mémorisées. Quand on veut réussir à l’école, on doit posséder la «  loi de l’école » c’est-à-dire connaître et réaliser Pégase. Mais au-delà, c’est avoir en soi la "loi de l’humanité" : l’homme n’est pas fait pour vivre seul, il est destiné à vivre en bonne harmonie avec les autres. C’est là le but de l’école. Ces jeunes sont désormais en mesure de développer leur autonomie et de surmonter les difficultés de cette croissance, s’ils en ont le désir.

Quelques extraits des bilans des élèves.
« J’ai appris à bien réfléchir et à bien me projeter dans le futur pour mémoriser. J’ai appris aussi qu’il ne faut pas que j’apprenne pour le prof mais pour réutiliser les connaissances. J’ai trouvé ce stage intéressant mais épuisant. »

« Ce deuxième stage m’a vraiment fait comprendre qu’il fallait prendre son temps avant de répondre. Je suis un peu surprise que tout ce qu’on a fait depuis le premier stage nous amène finalement à l’expression pour les autres. J’ai beaucoup appris sur le fonctionnement du cerveau pour la réflexion. Maintenant je prendrai mon temps grâce aux six étapes de la réflexion. J’ai toujours eu du mal à m’exprimer vers les autres pour expliquer les résultats. Toutes ces étapes m’ont ouvert les yeux au niveau de la mémoire. J’aime beaucoup les schémas, ils nous expliquent  vraiment comment on fonctionne mentalement. »

« Ce stage m’a beaucoup intéressé car cela m’a appris des méthodes que je ne connaissais pas et que je n’avais pas eu la chance de découvrir jusqu’ici. Maintenant je sais comment il faut réfléchir, apprendre une leçon, comment comprendre quelque chose. Je sais aussi que je ne travaille pas pour les professeurs mais pour moi, pour mon avenir et que j’apprends mes leçons pas pour les réciter aux professeurs mais pour que je sois libre et que je sache comment réfléchir plus tard. »

« Je vais garder que du bon de ce stage. Comment se projeter dans le futur pour une évaluation, comment réfléchir avec les six étapes, comment bien lire un énoncé, ne pas aller trop vite sans comprendre et ne pas écrire pour écrire. En écrivant il faut penser aux autres pour qu’ils nous comprennent. »

« Ce stage m’a permis d’améliorer ma confiance en moi. J’ai appris que si on faisait les devoirs et les contrôles pour les professeurs, cela faisait stresser. Avoir appris les étapes de la réflexion, cela m’a rassurée, car avant je stressais pour rien. Ça ne sert à rien d’apprendre pour les professeurs, de rabâcher et de restituer les connaissances aux professeurs. »

« La chose qui m’a le plus frappé, c’est qu’il faut, avant de commencer un devoir, lire intégralement le sujet et qu’il vaut mieux faire la moitié « bien » que l’intégralité du sujet « bâclé ». Je me sens rassuré par les différentes étapes de la réflexion. »

« Ce que j’ai gardé de ce stage :
– on n’apprend pas pour nous mais pour les autres
– les étapes de la réflexion et comment lire un énoncé
– que c’est important de pouvoir se faire comprendre à l’oral et à l’écrit
– que jusqu’ici je ne lisais pas trop les énoncés et maintenant j’en comprends l’utilité. »

« J’ai bien vécu ce stage et vous m’avez aidé à mieux comprendre comment réfléchir et penser, et je me dis que je pourrais le réutiliser pour plus tard. D’ailleurs en ce moment, je m’imagine en train de le réutiliser. »

 « J ’ai adoré ce stage, beaucoup de choses m’ont été utiles,. J’ai appris comment le cerveau travaillait, ou plutôt comment on peut l’utiliser. J’ai commencé à me projeter dans le futur pour mémoriser, mais cette fois-ci je ne vais pas le faire seulement pour les profs, mais pour que je puisse réutiliser ce que j’apprends dans la vie de tous les jours. Je ne me précipiterai pas sur les énoncés, je les lirai attentivement. J’évoquerai pour bien les comprendre et bien rédiger. »

« Grâce à ce stage je vais pouvoir essayer de réfléchir et surtout de prendre mon temps dans les contrôles même si je ne les finis pas. J’ai compris qu’il ne fallait pas apprendre pour le professeur mais pour moi et pour les autres. »

« Dans ce stage, ce que j’ai appris de vraiment nouveau, c’est la méthode pour réfléchir qui est plus claire maintenant. Le fait de ne pas travailler pour le professeur ni pour nous-mêmes mais pour les « autres », ainsi que de me mettre du point de vue du professeur et d’essayer de comprendre ce que l’élève a cherché à dire »

« Je suis un peu perdue et je ne sais pas si je vais arriver à appliquer les différentes choses apprises. Je ne sais pas trop par quoi commencer demain. J’ai peur de ne pas y arriver. »

« Ce que j’ai vraiment aimé dans ce stage c’est d’avoir appris à rédiger mes réponses à l’écrit et de me faire comprendre par les autres. »

« Ce que j’ai ressenti dans ce stage c’est l’étonnement et le stress. Ce stage m’a permis de bien comprendre les mécanismes de la réflexion et de la lecture de l’énoncé. »

« Grâce à ce stage j’ai compris que depuis le début je me suis trompée car j’ai toujours pensé qu’il fallait écrire, travailler pour les professeurs alors que c’est pour les autres. J’ai aussi compris qu’il faut savoir prendre le temps dans une évaluation afin de bien comprendre et de tout lire l’énoncé avant d’attaquer. Je vais également me souvenir du schéma de la mémorisation. Merci de m’avoir fait prendre conscience de mon « précieux » et du fait qu’il faut s’exprimer pour les autres. »

« Ce stage m’a beaucoup appris dans la manière de lire un énoncé. J’aurai dans ma tête les six étapes de la réflexion qui sont à mes yeux très importantes. Vous m’avez appris à mieux réfléchir et lors des contrôles je ne me dirai plus que c’est juste pour montrer aux professeurs que j’ai appris, Et ça me servira pour moi plus tard : ce sont mes connaissances et il faut penser aux autres quand j’écris. Je ne parle pas beaucoup mais j’écoute et j’enregistre tout cela. »

« J’ai découvert qu’il ne faut pas se précipiter et se faire des images dans notre tête ça nous aide beaucoup à comprendre un texte ou un énoncé. Je ne savais pas qu’il fallait se projeter dans le futur pour mieux s’imaginer le contrôle et moins stresser. Je ne savais pas que l’expression écrite était aussi dure et qu’il était aussi difficile de se faire comprendre par les autres. »

« Je suis un peu perdue avec tout ce que je viens de vivre. Je suis aussi contente car je sais que tout ce que je viens d’apprendre me servira énormément. Je vais également me souvenir que toutes nos connaissances nous aideront dans l’avenir, pour vivre dans notre société.»



mercredi 25 novembre 2015

93 - Découvrir mon précieux : bilan du premier stage 2015-2016

Je me rends compte que le bilan du premier stage de cette année n'a pas été enregistré. Il permet de mieux comprendre la problématique du second stage de Novembre (Messages 92 et 94). En effet,  il se termine sur cette phrase : " (Les élèves) ont aussi découvert les « actes de connaissance » que sont l’attention, la compréhension de premier niveau et la mémorisation ouvrant vers un avenir qu’il leur reste maintenant à mieux préciser, ce qui fera l’objet du second stage". Je le mets donc en ligne malgré le retard.

Classe de Seconde de méthodologie
Bilan du premier stage 2015-2016

Le stage débute par une petite séquence sur les représentations des jeunes : « qu’est-ce que c’est pour moi un stage de méthodologie » ? D’abord seuls,  puis à deux en comparant leurs représentations pour en extraire les similitudes, les élèves proposent les réponses suivantes (soulignées celles que j’ai reprise pour préciser ma proposition) :
·         mieux s’organiser dans son travail
·         améliorer ses méthodes de travail
·         permet de réussir nos études
·         apprendre de nouvelles méthodes pour réussir
·         apprendre plus facilement ses leçons
·         apprendre des techniques de travail et faire un travail sur soi
·         donner des réponses à nos questions
·         reprendre confiance en soi par des activités
·         apprendre comment travailler
·         ne pas avoir peur de se tromper
·         apprendre à apprendre, à comprendre comment je fais pour apprendre les leçons, pour comprendre, etc.…

Cette séquence avait pour but de lever un malentendu observé les années précédentes. En effet, plusieurs élèves imaginent qu’on va leur « donner des méthodes », comme on  leur a donné des conseils tout au long de leur scolarité, méthodes ou conseils « venus de l’extérieur » dont ils reconnaissentvolontiers qu’ils ne les ont pas beaucoup aidés. Ils ne trouveront rien de tout cela dans les stages de l’année. Je relève alors les réponses qui s’approchent le plus de ce que je compte leur proposer : un travail personnel pour découvrir en soi-même des capacités réelles mais ignorées, de façon à les mettre à la disposition des vrais buts à atteindre pour réussir, eux aussi à découvrir pendant les stages, et ainsi retrouver confiance en soi. La mise en place d’une nouvelle façon de travailler sera la conséquence de cette double découverte, mais cela suppose bien évidemment des essais et des erreurs, d’où l’importance d’accepter de se tromper. Ce dernier point sera souligné auprès des parents pour qu’ils adaptent leur accompagnement en conséquence.

Les représentations sur les « buts de l’école » indiquent les écarts habituels avec la réalité des attentes (voir message 19).

Le reste du stage a été particulièrement intense et tous les élèves ont découvert « leur précieux » (leur monde mental) et cheminé, chacun à son rythme, dans cette découverte de soi qui les a tous beaucoup intéressés. Ils ont aussi découvert les « actes de connaissance » que sont l’attention, la compréhension de premier niveau et la mémorisation ouvrant vers un avenir qu’il leur reste maintenant à mieux préciser, ce qui fera l’objet du second stage.

À la fin de ces trois jours, ils se sont tous dit fatigués mais heureux. Toutes les évaluations sont positives. Voici quelques extraits significatifs de leur témoignage de fin de stage.

"Tout ! Tout m’a intéressé ! Le cerveau, la lecture, la vision dans le futur… Tout ! Une re-découverte du corps, de ce qu’on est… Comment faire décoller un avion sans en connaître les commandes ? Ce stage est à refaire (au sens d’y donner une suite je suppose ?). Tout ce qu’il y a à dire, c’est Merci.  Je pense d’abord que c’est surtout Monsieur SONNOIS qui nous a « découverts » lors de ce stage. Mais je connais, désormais, le fonctionnement de ma tête. Lors de ce stage j’avais l'impression que je pourrai faire quelque chose « de bien » de ma scolarité. J’avais l’impression que je pouvais rendre fières les personnes qui en attendent de moi… J’ai eu du mal à suivre M. Sonnois toute la journée… Il sait (ce qui m’étonne) beaucoup de choses sur nous ! Je vais commencer par apprendre à mémoriser, et à soigner mon orthographe."

« J’ai découvert que mon cerveau avait extrêmement de capacités et qu’avec lui je pouvais faire de grandes choses. J’ai découvert que mon cerveau me permettait  de comprendre les textes et les leçons efficacement, et à mieux les retenir. Rien ne m’a gêné car c’était très intéressant et très constructif. Je compte me faire des images de ce que je dois comprendre, mettre et conserver dans ma tête

« Beaucoup de choses m’ont intéressée comme se faire des images dans la tête pour comprendre, anticiper pour réussir, faire des schémas. J’ai été surprise du fait que j’utilisais souvent « mon précieux » sans m’en rendre compte comme pour rentrer chez moi alors que je ne connais pas le chemin. J’ai beaucoup aimé le stage car cela m’a appris à avoir plus confiance et à avoir de bonnes méthodes. Par contre je suis très fatiguée  à la fin de la journée. Je suis sereine et heureuse. » 

« Ce qui m’a surpris, c’est que je ne savais pas lire. Ce que je ferai dès lundi : je lirai mieux les textes de l’école et je serai plus attentif en cours. Content de ce stage qui va sûrement m’aider. » 

« Je ne savais pas que le cerveau marchait comme vous nous l’avez montré. Pour mieux intégrer ses leçons il faut se faire des images, des films, se parler et se projeter dans le futur. Je vais mettre en pratique la technique de lecture que vous nous avez apprise. Ne pas apprendre par cœur mais savoir par cœur. Fatiguée, confiante, heureuse. »

 « Tout m’a intéressée. Je ne pensais pas que le cerveau avait autant de capacités et quand vous l’expliquez tout a l’air plus simple. Après, je sais qu’il va falloir faire beaucoup de travail sur moi mais je suis très contente. Ce qui m’a plu c’est de comprendre comment il fallait lire, être attentif, comment fonctionne la mémoire. Je suis heureuse mais inquiète pour la suite : est-ce que je vais arriver à pratiquer ce que j’ai appris, comme les images dans sa tête ou se faire des phrases pour apprendre des mots. Mais je suis de bonne volonté pour y arriver. Je me propose de mettre en pratique les images dans ma tête, de me projeter dans le futur en m’imaginant en train de pratiquer ce que j’ai appris. »

« J’ai été intéressée par le sujet sur le cerveau et la mémoire. Ça m’a beaucoup aidé. Je pense que maintenant j’organiserai mieux mes techniques de travail et aussi je pense mieux gérer mon stress, même si je sais que ça ne va pas marcher dès le début. Ce qui m’a surprise, c’est la façon dont les choses représentaient bien ce que je pensais et ce que je ressentais, et qu’elles ont réussi à m’aider. Dès lundi je vais me faire des images pour mémoriser, je vais anticiper, je vais réutiliser mon cahier pour voir ce qui marche vraiment le mieux. Je vais essayer de plus participer malgré ma peur car en fin de compte c’est pour apprendre. »

« J’ai trouvé très intéressant d’apprendre à comprendre la lecture. J’ai été surprise de voir toutes les méthodes de mémorisation que nous avons apprises. Et aussi comment fonctionne le cerveau. Je suis fatiguée mais très contente. J’ai un peu peur du futur mais je vais mettre en pratique toutes ces méthodes.»

 « Ce qui m’a intéressé c’est de savoir utiliser « mon précieux », rentrer dans ma tête pour me souvenir. Ce qui m’a gênée est de ne pas réussir à voir les images en lisant un texte ou quand vous donnez la liste de mots. Parce que, moi, je me répète les mots sans arrêt dans ma tête et je vois que ça ne marche pas. Je vais mettre en pratique la lecture en voyant les images dans ma tête, me parler quand je ne comprendrais pas une consigne. Trouver un but pour réussir et avoir la note qui montre mes efforts. Mais j’ai peur de ne pas forcément réussir à mettre des images en lisant ou en apprenant du vocabulaire. J’ai toujours répété les leçons et le vocabulaire et je ne me suis jamais mis des images sur le travail scolaire. » 

« Ce qui m’a le plus intéressée c’est de pouvoir me rendre compte que les images sont importantes à la mémorisation et à la compréhension. Ce qui m’a surprise c’est d’enfin me rendre compte de la raison pour laquelle je ne retenais pas les histoires quand je lis (je ne faisais pas d’images dans ma tête). Ce que je vais mettre en pratique c’est de plus me parler et de plus mettre en images les textes, avoir un but à chaque leçon. »


Septembre 2015 

mardi 10 novembre 2015

92 - Les clés de la réussite scolaire au Lycée : réfléchir et communiquer.

Compte rendu du deuxième stage de "méthodologie" - novembre 2015

Durant ce second stage avec la classe de seconde "méthodologie" de Bordeaux, nous avons abordé l’activité de réflexion en résolution de problème et la communication orale et écrite.

Une profonde réorganisation de l’activité mentale des élèves.
Après avoir réactivé les acquis du premier stage (projet mental, évocations, attention, compréhension  et mémorisation), j’ai montré aux élèves que l’enjeu à partir de maintenant n’était plus de restituer les connaissances apprises en les récitant aux professeurs, mais de les réutiliser pour résoudre des problèmes. Il ne s’agit pas d’un simple changement  de vocabulaire, c’est une profonde réorganisation de la perspective de sens qu’ils donnent à leur apprentissage et, en conséquence, un réajustement de leur activité mentale. Au détour d’un échange avec les professeurs présents, le désintérêt des élèves pour l’activité de restitution a été mis en évidence, alors même qu’ils ignorent quoi faire d’autre, d’où leur passivité intellectuelle. Certains professeurs, par souci de progressivité, leur demandent encore une simple récitation de ce qu’ils ont appris (vocabulaire, définitions…). Mais d’autres complètent  cette pure restitution par des tâches plus réflexives comme l’analyse d’un document ou la solution d’un petit problème ; et pour cette seconde évaluation, comme certains l’ont dit, « il n’y a plus personne ».

L’apprentissage de la réflexion méthodique.
 C’est donc bien à une activité systématique de réflexion que les élèves sont invités à partir de la classe de seconde et jusqu’à la fin de leurs études. Nous avons mis en évidence les six étapes d’une réflexion méthodique visant à la résolution d’un problème (voir message 18 de ce Blog). La formulation et la résolution d’une bonne « problématique » devient la compétence dorénavant évaluée (mais pour autant est-elle véritablement "formée" ?). Cela, bien sûr, ne supprime pas la nécessaire vérification de l’apprentissage des connaissances dont les élèves auront à se servir pour cette réflexion. Mais il s’agit de dépasser ce premier travail : s’il est toujours nécessaire de savoir avec précision ce que l’on apprend, c’est surtout pour s’en servir plus tard dans le cadre d’une problématique que ces mêmes connaissances aident d’ailleurs à bien poser. Le « projet » de mémorisation (la projection dans l’avenir)  s’en trouve profondément modifié. Ce saut cognitif est absolument indispensable, mais il a de quoi faire peur aux élèves les plus craintifs. Réfléchir est une activité pleine de risque d’erreurs, de prise de décisions et de choix à opérer : une vraie pédagogie de l’erreur est alors le meilleur des accompagnements (voir note en fin de message).

Toute réflexion débute par une bonne lecture de l’énoncé .
Plusieurs exercices ont montré aux élèves l’importance de cette première étape, que le plus souvent ils négligent « pour gagner du temps ». La plupart des bilans de fin de stage reviennent sur ce principe de méthode fondamental : prendre son temps au bon moment pour en gagner par la suite. Les élèves ont eu l’occasion de jouer à résoudre plusieurs petits problèmes de logique après en avoir à chaque fois mémorisé l‘énoncé projeté au vidéoprojecteur, selon le protocole suivant : l’énoncé  est projeté quelques dizaines de secondes pour lecture et évocation,  éteint pour un temps de réévocation,  reprojeté pour vérification,  puis de nouveau éteint pendant tout le temps de la résolution du problème.

Soigner son expression orale.
Mais à quoi bon bien réfléchir, si personne n’en est témoin ?  Nous ne vivons pas sur une île déserte et, à l’Ecole qui nous prépare à la vie en société (ou prétend le faire...), notre réflexion ne vise pas à une action solitaire. Après toute réflexion « scolaire », il faut en laisser « une marque », selon l’expression d’un des élèves.  Toute résolution d’un problème scolaire doit donc  être suivie d’une activité de communication orale ou écrite : c’est l'un des principaux enjeux de l’école, au moins française. Plusieurs exercices ont entraîné les élèves à cette obligation : après avoir trouvé un résultat (première réflexion), organiser (deuxième réflexion) sa communication  par oral à la classe : "comment présenter ma réflexion aux autres pour qu'ils me comprennent et m'approuvent ?". La nécessité de justifier et d’argumenter s’est alors révélée au cœur de ces exercices.

Communiquer sa pensée à quelqu’un d’absent (ou d'invisible).
Une situation particulière d’exercice a permis aux élèves d’éprouver la difficulté de communiquer sa pensée à quelqu’un que l’on ne voit pas. Deux élèves A et B  sont face au tableau, séparés par un écran qui les empêche de se voir. L’élève A a devant lui un dessin un peu complexe : il doit donner oralement des consignes à l’élève B,  de l’autre côté de l’écran, pour qu’il reproduise le dessin à l’identique. Les premiers essais, peu concluants, ont démontré la difficile nécessité de préciser son langage et son vocabulaire pour se faire bien comprendre. En revanche le dernier exercice a été parfaitement réussi. Interrogé sur ce qui s’était passé « dans sa tête » pendant qu’il donnait ses consignes,  l’élève A déclara : « j’ai imaginé mon camarade en train de dessiner et j’ai guidé sa main en lui donnant les consignes ». Cette déclaration a servi de transition avec la dernière séquence autour de l’expression écrite : communiquer sa pensée à quelqu’un qu’on ne voit pas, qui n’est pas physiquement présent devant nous, mais que l'on imagine et dont on "guide" la pensée à distance (temps et espace) par son écrit.

Communiquer sa pensée par écrit.  (Exercice décrit dans "Accompagner..." pages 191-192)
Un exercice « d’écriture en vrai » a permis aux élèves de découvrir l’enjeu de l’expression écrite : transmettre sa pensée à quelqu’un (qu’on ne voit pas, qu'on ne connaît pas ) qui nous lira ailleurs et plus tard,  et qui ne sait rien de ce qu’on lui transmet. Il s’agit alors de penser non seulement à ce qu’on va lui dire, mais surtout de prendre en compte son besoin de compréhension : « que faut-il que je lui dise pour qu’il comprenne bien, comment organiser mon écrit pour qu’il suive aisément mon raisonnement, pour qu’il soit convaincu ? ». Nécessité de précision, d’organisation, de clarté, d’argumentation, de justification… Les élèves ont éprouvé cette réalité de « la présence de l’autre » dans leur tête pendant leur exercice d’écriture après la résolution d’un petit problème. Les rédactions ont ensuite été échangées et commentées entre élèves à tour de rôle, écrivain et lecteur. L’évaluation de leur écrit par un camarade en direct représente pour ces jeunes une expérience tout à fait inhabituelle, alors qu’ils sont toujours dans la crainte paralysante  du jugement d’un professeur lorsqu’ils rédigent une copie. Les bilans font également ressortir l’impact de cette découverte sur la plupart d’entre eux.

Bien entendu, tout cela leur a déjà été dit cent  fois par leurs professeurs… sans que pour autant ils en soient éclairés et modifient leurs mauvaises habitudes. Comme le dit l’un d’entre eux dans son bilan : "je pense que je savais tout cela, mais je n’en avais pas encore pris conscience." Voilà qui maintenant est fait !

Grandir en autonomie.
En conclusion de ce deuxième stage, pleinement satisfaisant de mon point de vue, j’ai amené ces jeunes  à réfléchir à la notion d’autonomie. La racine grecque « autos » a été trouvée par l’un d’eux. J’ai rajouté la seconde, le « nomos », la Loi du genre humain : sortir du cocon douillet et déresponsabilisant de l’enfance pour affronter les turbulences mais aussi les profondes satisfactions de la relation avec les autres. En cela, l’expression écrite n’est pas qu’une affaire d’exigence scolaire, c’est l’accès à l’altérité, cette compréhension du besoin de l’autre qui guide ma conduite. Le silence pendant mon explication était particulièrement intense : ces jeunes ont bien senti que je leur parlais de quelque chose d'essentiel pour chacun d'eux. Ils ont bien compris, je crois, qu’il leur appartenait désormais de se saisir de tous ces éclairages sur eux-mêmes et sur leur formation scolaire, pour en faire le tremplin de leur « croissance en autonomie ». Ils ont désormais, selon la belle formule d’Antoine de LA GARANDERIE,  l’intelligence de leurs moyens et les moyens de leur intelligence (dont ils ne manquent assurément pas !) : à eux de s’en servir, s’ils le désirent vraiment.

Quelques extraits significatifs des bilans
« Ce stage fut pour moi un trésor. Je pense réellement que tout ce que vous nous dites est résonnant ( ?) de vérité. »
« J’ai très bien vécu ce deuxième stage dans la joie, l’apprentissage, la connaissance du travail mental et les petits secrets pour bien réussir à l’école »
« J'ai découvert sur moi-même que je pouvais mieux faire les exercices en réfléchissant mieux. Mais aussi de me mettre à la place de celui qui me lit. Ce que j’ai découvert sur l’école, c’est que je n’écrirai plus pour moi ou pour le professeur mais pour les autres. Ce qui va m’aider à grandir en autonomie est que je me tourne vers les autres. Je sors du cocon de l’enfance. Je n’ai pas envie de grandir mais je le ferai »
« J’ai pu découvrir que je ne lisais pas assez bien les énoncés et que je pouvais avoir une meilleure réflexion. J’ai découvert que, lorsque je m’exprime dans une expression écrite ou à l’oral, je devais penser aux autres pour qu’ils me comprennent et que je dois m’exprimer clairement »
« J’ai découvert comment répondre à un problème et toutes les étapes qu’il faut réaliser. Je me suis rendu compte que je ne savais pas lire un énoncé et qu’il fallait y répondre après l’avoir lu »
« Ce qui va m’aider à grandir en autonomie c’est de mieux m’exprimer pour moi, mes camarades, mes professeurs et mes amis et à mieux me poser lors des interros »
« J’ai appris à être plus précise dans mes arguments et à me mettre à la place des autres. Je pense que le fait de plus m’ouvrir aux autres m’aidera à grandir. »
« J’ai découvert qu’il y a plusieurs manières de lire auxquelles je n’étais pas habitué, et aussi qu’il faut toujours lire les énoncés en entier  et les mémoriser pour ne pas perdre de temps. »
« J’ai découvert que justifier n’était pas ce que je faisais, je fais toujours les choses trop vite. Durant toutes ces années on a eu des tonnes de choses que l’on a rabâchées mais qu’au final je ne sais plus, des « méthodes » qui étaient des fois totalement fausses »
« J’ai compris qu’il fallait que je me concentre plus sur les énoncés. Je suis plus motivée à travailler. J’ai compris que l’école nous faisait grandir. »
« J’ai découvert que les professeurs me donnaient les informations qu’il faut que j’utilise pour me faire comprendre »
« J’ai appris que je ne lisais pas correctement les énoncés et que j’étais persuadée de tout savoir. J’ai appris comment mieux réfléchir. »
Et enfin ce dernier qui résume bien tous les autres :
« Ce stage a été très éprouvant car nous avons appris des choses très importantes qui vont sûrement être dures à appliquer au début car ce ne sont pas encore des habitudes. Je vais essayer dès demain de mettre certaines de ces règles en application comme mettre les consignes dans ma tête pour gagner du temps, et faire en sorte que les autres puissent comprendre ce que je dis ou que j’écris. »

Note : une expérience récente en psychologie a montré qu'il y avait autant de plaisir ressenti dans le cerveau de quelqu'un qui, ayant commis une erreur, est en mesure de la corriger seul ou avec l'aide de quelqu'un, qu'il y en a à donner immédiatement une bonne réponse. Ce résultat devrait encourager les professeurs à pratiquer cet accompagnement de la correction des erreurs, trop souvent laissé aux aléas de l'accompagnement familial.

189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...