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lundi 27 septembre 2021

171 – La gestion mentale au cœur même de la classe. Témoignages.

J'ai lancé il y a quelques temps un appel à coopération en vue de la réalisation soit d'un site internet dédié soit d'un ouvrage papier, en direction des enseignants de toutes disciplines * et de tous les niveaux d'âge. Mon intention est de compléter les ouvrages déjà édités, Accompagner le travail des adolescents (2009, pour les adultes accompagnants en général) et J'apprends à travailler (2018, pour les jeunes eux-mêmes), avec un troisième opus destiné spécifiquement aux enseignants dans leurs pratiques de classe. N'étant pas enseignant moi-même, j'ai fait appel à des ami(e)s professeurs dont je sais qu'ils utilisent la gestion mentale dans leurs classes depuis plusieurs années - et avec bonheur ! - et que cette approche mentaliste de la vie de la "conscience connaissante" a profondément bouleversé leur regard sur leurs élèves donnant à leurs pratiques professionnelles une tout autre visée de sens.

J'ai déjà publié le témoignage de l'une d'entre eux dans mon message précédent 170 -Une séance d'accompagnement personnalisé en lycée avec la gestion mentale. Mais, il s'agit là d'une aide à l'apprentissage en dehors du cours lui-même, et donc pas d'une pratique spécifique de transmission de savoirs. Il faut s'approcher encore davantage du coeur même du métier d'enseignant : la transmission des savoirs.

Aujourd’hui, je mets en ligne deux autre témoignages concernant directement la pratique en classe. Ils émanent d’un enseignant d’histoire-géographie en collège, Mikel Erramouspé, et de l’un de ses collègues en EPS. 

Mikel Erramouspé, tout jeune retraité, a été directeur de plusieurs collèges privés du Pays basque. Il a fortement contribué à implanter la gestion mentale dans les établissements dont il a animé les équipes professorales. Lui-même formateur labellisé et expérimenté en gestion mentale, et toujours actif au sein de l’Institut Supérieur de Formation de la Gironde, il est en effet un fervent défenseur de la réintroduction de la conscience au cœur des apprentissages dans le lieu même de la classe.

Voici les deux témoignages qu’il m’a envoyés (et qu'on pourra relier à tel ou tel point du texte du message 168 : La GM Attitude). Deux très beaux exemples (et non modèles...) d'attitude professorale inspirée par la Gestion mentale, à suivre sans modération et facilement adaptables à toutes les disciplines :

1. En classe histoire-géographie, sur le geste d’attention et de compréhension en classe... et la motivation des élèves.

En début de cours. L’enseignant fait rentrer les élèves en classe. Auparavant il a écrit une consigne au tableau. Exemple : je fais exister la carte de l’empire romain dans ma tête pour pouvoir la communiquer aux autres.

Le professeur se tait  et attend que les élèves s’installent à leur place ; il montre du doigt la consigne écrite au tableau.

Peu à peu les élèves rentrent en eux-mêmes. Les voilà en activité mentale. Les uns ferment les yeux et dessinent mentalement la carte, d’autres se parlent intérieurement…

Pendant ce temps le professeur observe, passe dans les rangs, encourage du regard ceux qui ont du mal à se lancer .

Un grand silence très habité s’est installé. Le prof n’a toujours pas ouvert la bouche.

Lorsqu’il sent que les élèves sont prêts, il leur donne la parole. Ceux-ci apportent le fruit de leur réactivation. Les uns racontent, d’autres décrivent, d’autres encore posent des questions.

Le professeur accueille, suscite le débat, encourage …

Puis il dit : "Je vais à présent vous montrer la carte et vous allez comparer avec ce que vous aviez dans la tête. Au bout de quelques minutes je vais l’enlever."

Le professeur se tait pour laisser les élèves travailler, puis enlève la carte.

Il donne la parole aux élèves qui  commentent, complètent ….

Il peut à présent continuer le cours dans un climat d’extrême attention, d’élèves actifs dans leur tête.

Il ménagera des pauses évocatives ** régulières  pendant le cours et n’oubliera pas 5 mn avant la fin de laisser du temps pour une nouvelle mise en projet  de réutilisation.

Cette activité ne se met pas en place facilement car les élèves n’y sont pas habitués. Mais il devient peu à peu un rituel. La mise au travail devient instantanée, le climat de classe paisible  et surtout, les apprentissages deviennent efficaces ! L’enseignant doit accepter que cela prenne du temps. Il peut, au départ,  avoir l’impression d’en perdre. Mais en fin d’année, le chemin parcouru est incomparable. Savoir perdre du temps pour en gagner.

Que l'on aimerait avoir (eu) de tels professeurs  ! Et quel formateur doit être Mikel !

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2. En cours d'EPS, sur l'ensemble des gestes mentaux, la communication à autrui et l'entraide... 

et la gestion de l'hétérogénéité, la motivation des élèves, l'argumentation... 

Dyades dissymétriques

Entendu au cours d’une journée d’échange de pratiques entre professeurs de Collège.

L’un des moteurs puissants des apprentissages est le projet de communication à et avec autrui. C’est le dernier rouage du "PEGASE"*** de Guy Sonnois. Comme lui, Patxi, professeur d’EPS en collège, a observé le manque de motivation de certains élèves, qu’ils soient bons ou moins bons. Ils travaillent ou font quelques efforts pour faire plaisir au prof … Le changement opéré par les dyades dissymétriques relève d’un changement de posture. Le projet est à présent de communiquer aux autres le fruit d’une expertise et, pour les autres, d’accepter de la recevoir.

A la fin d’une séquence, Patxi met les élèves en binôme. Celui qui a eu la meilleure performance avec celui qui a eu la plus faible, etc … 

Dans les 2 cas, les élèves doivent opérer un retour réflexif sur ses gestes à la fois mentaux et physiques. Il doivent faire travailler les gestes (mentaux) d’attention, de mémorisation, de compréhension… Pas de surprise donc qu'ils progressent.

Les binômes sont amenés à trouver des solutions. Pour cela il sont obligés de clarifier leur propos, de négocier, d’argumenter, d’observer, d'imaginer…

Patxi souligne à juste titre les nombreux avantages de cette pratique. Il démontre que l’hétérogénéité de la classe peut devenir un atout. Mis dans de telles situations tous les élèves progressent. 

En lisant le rapport de Patxi, on ne peut s’empêcher de penser aux obstacles qui se dressent à toutes les étapes des apprentissages, mais aussi aux solutions à inventer pour les surmonter.

+++++++++

Plusieurs ouvrages ont déjà été publiés sur l'utilisation de la Gestion Mentale en classe, certains à partir de champs disciplinaires spécifiques : par exemple le Français à l'École avec Ch. Piganneaules Mathématiques en Collège pour A. Géninet, la  Physique en Lycée pour G. Gidrol ; d'autres plus généralistes : à L'École pour Ch. Pébrel, au Lycée et les grands Collégiens pour MF. Le Meignen (ouvrages épuisés mais on en trouve en occasion sur internet). On trouvera les références de ces ouvrages et de bien d'autres plus récents dans cette bibliographie exhaustive de l'IIGM 

** Voir mon message 62 : Pauses structurantes, pauses évocatives, rythmes d'apprentissage.

*** PEGASE est un "modèle pédagogique" qui décrit l'intégration de la GM dans la réalité des exigences du système scolaire actuel . Après l'écriture d'Accompagner… qui le décrit en détail, je l'ai exposé lors d'une conférence au CRDP de Rouen dans le cadre d'une Journée Interacadémique consacrée à l'Accompagnement personnalisé des élèves, lycéens en l'occurence, mais ce modèle est transversal - il vaut pour toutes les disciplines scolaires - aussi bien que vertical - il vaut pour tous les âges.

 

mercredi 8 septembre 2021

170. Une séance accompagnement personnalisé (AP) en classe de première avec la gestion mentale.

Il y a quelques jours, j'ai demandé à des amis enseignants de me communiquer le récit de quelques applications de la gestion mentale qu'ils auraient eu l'occasion de mener avec leurs élèves. Il s'agit de nourrir d'exemples concrets une éventuelle future publication destinée aux nouveaux enseignants (et qui ne nuira en rien aux anciens…). Nous n'en sommes qu'au début de cette contribution collective. 

Voici le témoignage, tout frais arrivé, d'un professeur d'anglais qui a participé au dispositif de classe de méthodologie dans un lycée privé de Toulouse pendant une douzaine d'années (dont j'ai été l'animateur et dont j'ai rendu compte assez souvent dans ce blog). Il s'agit d'une séquence d'accompagnement personnalisé.

Il est très représentatif de ce que peuvent proposer des enseignants dans ce type d'accompagnement qui vise à (re)mettre l'activité de la conscience des élèves au centre de leurs apprentissages. 

Il est remarquable également parce qu'il s'agit d'un enseignant spécialiste d'une discipline différente de celle qui sert de support dans ce dispositif spécifique mené avec des élèves qui n'étaient pas les siens. C'est bien là que l'on voit la transversalité des opérations mentales, quels que soit le cadre et le domaine disciplinaire dans lesquels on les exerce.


Cher Guy,

Je te livre une de mes expériences d’utilisation de la gestion mentale qui m’a particulièrement marquée, car il s’agissait pour moi d’assurer des heures d’étude dirigée de français ( AP : Aide personnalisée) avec des élèves de 1ère L que je ne connaissais pas, dans une matière qui n’étais pas la mienne, puisque j’étais alors professeur d’anglais.

Le professeur de français m’avait photocopié deux pages du manuel de français  traitant de l’humanisme. La consigne pour les élèves était de lire ce texte (un peu rébarbatif !) puis de rédiger une fiche qui permettrait de retenir les principales caractéristiques de ce mouvement.

·         La consigne a été écrite au tableau et les élèves ont mis cette consigne en "je" (qu’est-ce que "je" dois faire ?)

Des éclaircissements ont été apportés concernant la tâche à accomplir.

-           Lire : il faut faire des images mentales, dire ce qu’il y a dans le texte.

-          Rédiger une fiche implique que l’on a parfaitement compris de quoi il s’agit.

-          La fiche est personnelle, elle peut avoir la forme que vous voulez.

 

La lecture.  Nous avons employé la méthode des lectures successives.

·         Dans un premier temps, les élèves devaient lire le texte, une fois, puis dire ce qu’ils en avaient retenu. Plusieurs élèves étaient interrogés, mais s’il y avait des contradictions, aucune correction n’était donnée. Simplement on notait la contradiction. Il était parfois nécessaire d’élucider du vocabulaire.

·          La consigne pour la deuxième lecture était de comparer les deux lectures pour compléter, élucider les contradictions. A nouveau un dialogue a permis de confronter la compréhension du texte de chacun.

·         Lors d’une nouvelle/de nouvelles lectures les élèves devaient répondre aux 5 questions de la compréhension à propos de l’humanisme.  Les réponses étaient bien entendu dans le texte.  

C’est quoi ? (définition)

Pourquoi ? (origines. D’où vient ce courant de pensée ?)

Pour quoi ? (ce qui s'en est suivi, les conséquences)

Avec quoi ? A quoi peut-on le rattacher ?

Comment ? Les applications, comment s’en sert-on ?

Voici le travail produit par les élèves :

C’est quoi ?  (la définition)

C’est un courant de pensée qui a traversé l’Europe de la Renaissance  (XVIème siècle).

Ce mot désigne "l’ensemble des qualités intellectuelles, morales et physiques qui distinguent l’homme des autres créatures, dans ce qu’il a de plus accompli".

C’est un idéal :

-         Un monde de paix

-         Un monde de culture

-         Un monde libre

Pourquoi ? = d’où vient ce courant de pensée ?

En raison de découvertes qui jalonnent la fin du XVème siècle et qui révolutionnent la vision que l’on avait du monde.

-          Invention de l’imprimerie

-          Découvertes de manuscrits grecs inédits.

-          Explorations de nouveaux mondes.

-          Découvertes astronomiques.

Pour quoi ?  = Quelles sont les conséquences ?

-         L’homme capable de comprendre seul les textes et de penser par lui-même va s’interroger sur sa condition et le monde qui l’entoure. Il va remettre en question les dogmes et la politique officielle.

-        Eclatement de la chrétienté

-        Découverte de la relativité des valeurs.

Avec quoi ? = Avec quoi peut-on la rattacher ?

-          L’histoire littéraire en général : d’autres mouvements

-          Des auteurs : Rabelais, Montaigne, Pascal, Erasme.

Comment ? = les applications, comment s’en sert-on ?

-         Comme référence à la compréhension d’un auteur (comme Rabelais ou Montaigne)

-        Comme élément de comparaison entre divers auteurs.

-        Comme point de départ d’un devoir.


Puis chaque élève pouvait rédiger sa fiche, sous forme de liste, de schéma, etc.  selon la forme qui lui convenait le mieux. Bien sûr cette fiche peut être complétée et affinée lors des cours suivants avec le professeur de français.

Cette façon d’aborder cet exercice a constamment mis les élèves en activité et ils ont apprécié de découvrir peu à peu le sens d’un document très riche et un peu rébarbatif. Ils ont également compris l’utilisation qu’ils allaient pouvoir faire de cette connaissance et ainsi ils ont donné du sens à cet apprentissage.

Conclusion. 

Quant à moi, j’ai largement utilisé la méthode des lectures successives en anglais, pour la compréhension écrite (lecture de textes en anglais), et les élèves étaient à chaque fois surpris de constater comme leur compréhension s’affinait au cours des lectures successives, même en langue étrangère.

J’ai aussi beaucoup utilisé le schéma de la compréhension pour les sujets d’expression écrite. Ça marche aussi en anglais ! J’en ai gardé quelques exemples. ….

J’ai aussi utilisé les 5 questions de la compréhension en grammaire, par exemple à propos d’un temps, le présent. Puis d’un autre temps, le prétérit  et les élèves devaient ensuite comparer ces 2 fiches, noter les ressemblances et différences. etc. etc… 

La gestion mentale a largement alimenté ma façon d’enseigner !

 


lundi 30 août 2021

168 - La GM attitude. Pour aider à réintroduire la vie de la conscience dans les apprentissages scolaires.

En ce jour de rentrée des enseignants, je mets en ligne à leur intention un texte que j’ai enrichi et amélioré par rapport à sa précédente publication dans mon message 161 : « École sans conscience, ruine de l’homme ». Dans ce texte je faisais part de ma réflexion sur la nécessaire réintroduction de la conscience dans les apprentissages scolaires. J’y avais ajouté une annexe intitulée : « La GM attitude », dans laquelle je proposais une approche en raccourci de la pratique de la gestion mentale en classe par des professeurs "pour aider à réintroduire la vie de la conscience dans les apprentissages scolaires".

C’est donc cette annexe revue et enrichie qu’on trouvera dans mon message d’aujourd’hui. Ce texte est à considérer comme un complément plus détaillé du cahier d’exercices J’apprends à travailler, destiné à l’accompagnement des élèves dans leurs activités d’apprentissage. Ou, mieux encore, du livre Accompagner le travail des adolescents avec la pédagogie des gestes mentaux encore plus développé.

 

J’ai voulu proposer aux enseignants, qui sauront l’adapter à tous les niveaux d’âge, une sorte le "livre du maître", suggérant à l’occasion quelques pratiques ou protocoles valables pour tous niveaux. Ils ne veulent pas remplacer les habituels dispositifs pédagogiques, mais les compléter au niveau de l’activité mentale des élèves.. . si bien sûr c’est bien elle que l’on cherche à atteindre et à stimuler. C’est juste une visée de sens spécifique, quelques rituels à mettre en place et une gestion un peu différente du temps de l’enseignement.

 

J'ai lancé, auprés d'enseignants de mes amis ou que j'ai eu l'occasion d'initier à la gestion mentale, un appel à contribution. Je leur demande de me faire parvenir le bref récit d'une expérience, d'un protocole qu'ils ont mis en place avec leurs élèves, du primaire au supérieur. Cela permettra de donner un peu de chair à ce texte qui reste malgré tout un peu théorique. On trouvera dans le lien ci-dessous (qui ouvre un dossier), outre le texte d'origine "GM attitude", les différentes contributions au fur et à mesure qu'elles m'arriveront. On trouvera également ces contributions dans la page « Spécial enseignants ».

 


Lire le texte :

« Pour aider à réintroduire la vie de la conscience dans les apprentissages scolaires : la GM attitude »

 


vendredi 25 septembre 2020

155 – Ouvrir les élèves au sens de la dissertation.

Bien avant d'écrire Accompagner…, j'avais expérimenté le modèle Pégase dans des configurations variées avec des collègues enseignants dans plusieurs classes de lycée. Je retrouve aujourd’hui en rangeant des archives, le compte rendu que j’avais réalisé autour de 1995 après un module réalisé avec une enseignante d’histoire-géographie dans une classe de seconde. C’est une étape importante pour ces jeunes que d’aborder la "production écrite" qu’est la dissertation. En effet, ils en ont une conception le plus souvent erronée, jamais exactement la bonne, du genre : « Redire le cours du professeur d’une manière plus compliquée ». Et de fait, pour compliquer, ils savent le faire… . Mais plutôt que de le leur reprocher, il convenait de les éclairer sur le sens de cet exercice si particulier, complexe et difficile. Voici comment nous nous y sommes pris au cours de qu’on appelait à l’époque des "modules", c’est-à-dire un temps consacré à de la méthodologie en groupe restreint (1/2 classe le plus souvent). (Pardon pour la qualité de la numérisation...). 

Bilan d’un travail en gestion mentale dans un module de seconde sur le sens de la dissertation.

N.B. Je ne sais si cet exercice a toujours cours en 2020... mais le principe peut être adapté à d'autres types de productions écrite : avant de donner des indications pratiques de rédaction et des critères d'évaluation (ce qui n'est pas toujours le cas...), D'ABORD penser à régler la question du sens... soit éviter de mettre "la charrue avant les boeufs"".... principe intangible de toute méthode ! 


lundi 24 décembre 2018

137.Tout savoir sur une formation en gestion mentale en Lycée


La gestion mentale connaît actuellement un regain de popularité et de visibilité par sa convergence de plus en plus évidente avec les apports les plus récents des recherches en neurosciences cognitives. Certains livres ou articles de chercheurs sont écrits avec des termes qui frôlent le plagiat tellement ils sont proches d’une partie de la terminologie patiemment élaborée par Antoine de la Garanderie... sans que jamais il ne soit cité.... Ainsi,  Jean-Philippe Lachaux utilise-t-il, dans "Cerveau et psycho" de décembre 2018 (voir message 135), un vocabulaire très proche du nôtre en soulignant " le rôle fondamental de l’intention de l’enfant (que l'on doit inciter) à verbaliser ce qu’il s’apprête à faire avant d’aborder l’activité". Il précise même l'importance de l’interaction pédagogique du professeur ou de l'accompagnateur avec l’élève, destinée à lui faire valoir qu’il a à sa disposition tout un arsenal "dans sa tête" qui lui permet de :
  • utiliser des "gestes mentaux"(sic) qui lui réussissent dans la vraie vie, et (...) de les reconnaître dans d’autres situations, pour les utiliser notamment dans la résolution d'un problème de géométrie  (mais sans préciser la structure de ces "gestes"),
  • prendre l’habitude de produire des images mentales internes (mais sans préciser la nature de ces "images" qui peuvent être aussi bien visuelles, auditives ou verbales, tactiles, gustatives, etc...), 
  • convertir des mots lus en produisant des images mentales internes
Un vrai dialogue pédagogique  ! 

« Toutefois, ce type d’interaction avec l’enfant n’est possible qu’avec des enseignants et des formateurs ayant eux-mêmes acquis une culture métacognitive, et l’un des grands apports des neurosciences cognitives dans le domaine de l’éducation sera sans doute de leur apporter cette culture. »
Tout ceci est bien joliment dit, et si modernement !,  mais les neurosciences sont encore loin d’avoir élaboré les moyens d’apporter cette culture métacognitive aux enseignants, ce que fait la gestion mentale depuis plus de 40 ans… dans l’ombre et désormais loin des médias simplificateurs.

Pour étayer cette idée, je mets en ligne aujourd’hui  (et avec la permission de la formatrice) une émission de RCF Côte d’Azur dans laquelle sont détaillées très précisément toutes les facettes d’une formation en Gestion Mentale donnée par Joëlle Murgia en 2017 dans un Lycée professionnel public de cette douce région. Pour la commodité de l’écoute, j’ai découpé l’émission en plusieurs passages, selon les thèmes abordés et en excluant musiques et autres intermèdes. On peut les choisir en fonction de son intérêt premier, mais l’ensemble est à écouter car chaque morceau complète les précédents.


On peut entendre l'émission intégrale sur le site de RCF (il y a deux séquences).

jeudi 20 décembre 2018

136 -La gestion mentale, une métapédagogie : un exemple !

Dans son dernier livre, dont je fais état dans le message 134, Yves Lecocq situe la gestion mentale non comme une méthode, non comme une pédagogie en soi, mais comme une "métapédagogie" (au-delà, au-dessus, en amont de la pédagogie), c'est-à-dire un éclairage, un "supplément d'âme", une visée de sens qui peut finaliser en les dynamisant toutes les pratiques pédagogiques déjà élaborées par l'expérience et l'observation de "l'artisan du faire apprendre" qu'est tout enseignant.

Dans les années 1990, j'ai animé beaucoup de formations dans les collèges ou des lycées, notamment au sein de la MAFPEN (l'organisme de formation continue des enseignants de l'Éducation nationale de l'époque), dans laquelle la gestion mentale avait (encore) droit de cité.

L'une des stagiaires d'un collège public de Niort, à l'issue de quatre journées de stage dans son établissement, avait pris la peine de mettre en forme la façon dont elle avait intégré la gestion mentale dans ses pratiques déjà instituées en les prolongeant, en leur donnant encore plus de sens et d'efficacité, illustrant bien par-là l'apport "métapédagogique" de la gestion mentale.

À la lecture du livre d'Yves, j'ai repensé à ce témoignage. Il n'a rien perdu de son intérêt et il est toujours d'une grande actualité. Je le remets donc "au dessus de la pile" : il pourra peut-être éclairer certains enseignants ou formateurs sur la manière de recevoir ou de transmettre cette métapédagogie qui n'est décidément pas la "vieille dame moribonde" (voir N. Bouin, à la fin du message 134) que certains voudraient qu'elle soit. Bien au contraire !

Consulter l'article "Passage à la pratique après une formation". (C'est aussi le message 33 de ce blog)


mardi 31 juillet 2018

126 - La problématique, clef de toute réussite scolaire.

Je publie aujourd’hui ce message trouvé lors d’une navigation sur Internet non seulement parce que les mots employés par son auteure, Anne-Marie Blessig,  caoch en entreprises,  me touchent particulièrement, mais surtout parce qu’elle pointe un élément essentiel de mon ouvrage : la problématique. C’est une notion difficile à cerner, bien sûr par les élèves qui n’en ont qu’une très vague idée, mais pas seulement eux (je n'ai trouvé en son temps qu'un seul ouvrage traitant explicitement de cette "problématique"... et encore était-il  publié très confidentiellement : "La problématique d'une discipline à l'autre", Adapt Editions, 1997). 

C’est pourtant une notion fondamentale présente dans toute évaluation sérieuse particulièrement en  fin de collège au lycée et bien sûr dans le supérieur. Elle est au cœur même de Pégase. En amont, parce que dès le départ l’élève doit l’avoir en point de mire de sa visée de sens d’attention (avec les « 5 questions » de la compréhension, qui constituent  une véritable  « problématique de recherche » ouvrant à la future « problématique de réutilisation » de ses acquis). C’est elle en effet qui donne sens à son acquisition par l’anticipation de la suite des opérations ; c’est-elle aussi qui doit motiver une mémorisation qui vise à autre chose que la seule répétition/restitution des acquis : d’une manière ou d’une autre  l’élève sera toujours confronté à la résolution d’un problème lors de la réutilisation de ce qu’il apprend, c’est-à-dire à un geste de réflexion qui doit donc être anticipé bien longtemps avant les contrôles ou les examens. En aval, c’est encore la problématique, correctement résolue, qui fonde une expression orale ou écrite aboutie. Merci donc à Anne-Marie d'avoir relevé cet aspect si important de Pégase et de l'avoir transmis à son propre public avec des mots si justes. Voici son texte :

« Guy Sonnois, dans son formidable livre “Accompagner le travail des adolescents”, nous explique que dans chaque consigne se cache un problème. Cela peut paraître évident pourtant c’est fondamental. Tout l’enjeu est justement de transformer une consigne en problème à résoudre. C’est la clé du succès. Un problème mal identifié ou un moyen pour trouver une solution mal choisi conduit au même mauvais résultat.
Votre première mission est d’identifier le problème. Ensuite vous chercherez dans votre mémoire les moyens de trouver une solution. Enfin vous choisirez parmi eux le meilleur.

Les erreurs à ne pas commettre :

·                 Dire tout ce que l’on sait, laissant au professeur le soin de faire sa sélection. Il vous en voudra pour cette lâcheté et sanctionnera d’une piètre note cet étalage et votre peur de trier.

·                 Croire que ce problème ressemble à un précédent exercice et appliquer la même recette. Chaque problème est nouveau et demande un traitement adapté. Faites toujours du neuf !

Donc réfléchir, c’est choisir parmi ses connaissances et parmi ses compétences celles qui conviennent le mieux à un problème clairement identifié. Je vous souhaite d’y parvenir à chaque exercice qui vous sera proposé tout au long des épreuves à venir.

Prenez le temps de lire la consigne et transformez-la en problème à résoudre !
Beau succès à chacun et à chacune d’entre vous 

 


mardi 20 mars 2018

119 - Quand l’Ecole anesthésie l’intelligence des élèves !


J’ai fait part dans mon message 117 de mon étonnement, de ma tristesse et d'une certaine colère, en constatant combien les jeunes que j’accompagne en début de lycée se sont depuis longtemps détournés de l’activité de compréhension lorsqu’il s’agit d’objets scolaires à apprendre, ce qu’ils font (quand ils le font encore …) sans aucun  plaisir, et bien sûr sans aucune efficacité. On comprend mieux alors qu’ils se détournent d’un apprentissage qui  leur procure aussi peu de satisfaction intellectuelle.

Je raconte comment ces ados de 15 -16 ans ont été surpris et très intéressés par l’exemple que je leur ai donné en guise d’ introduction du stage consacré à la compréhension approfondie (les 5 questions), nécessaire à tout transfert ultérieur de leurs connaissances. Je leur ai cité l’explication de la règle d’orthographe* « m devant m-b-p », que j’avais trouvée dans l'excellent blog « Azraelle au CE2 » (azraelle.eklablog.com/m-devant-m-b-p-a127198034#comment-87145520). Leur réaction a été immédiate et unanime, presque agressive : « Pourquoi ne nous a-t-on pas expliqué ça plus tôt ? J’aurais tellement aimé travailler de cette façon ! ». Et aussi : « J’ai pris l’habitude d’apprendre sans chercher à comprendre, mais ça ne m’intéresse pas du tout ! ».

Du comportement si naturel du jeune enfant avec ses « pourquoi ? », les années d’école et de collège les auraient ainsi fait passer à un « comportement appris » d’application sans questionnement ni discussion de ce qu’ils apprennent (si mal, du coup).  « Fais ce qu’on te dit, ne cherche pas à comprendre ! Tu m’ennuies avec tes questions ! » Et l’enfant s’habitue à ne plus chercher à comprendre… à l’école.  « Une règle c'est une règle point ! Il n'y a qu'à l'appliquer ! *», me rétorque-t-on chaque fois que j’aborde cette question en stage d’adultes. Ou " Ils sont trop jeunes pour comprendre ces explications !" Surtout si l’adulte les ignore lui-même ! Alain, le philosophe également enseignant, ne disait-il pas  : «  Pour enseigner il faut supposer chez l’enfant toute l’intelligence du monde » ?

Le reste du stage a été pour ces jeunes  une découverte vraiment « révolutionnaire », la découverte qu’ils  pouvaient investir leur intelligence dans leur apprentissage, qu’ils  pouvaient s’autoriser à comprendre ce qu’ils apprenaient, sans forcément attendre que la lumière leur soit donnée de l’extérieur. Bien sûr la "machine à comprendre" est encore un peu rouillée, mais leurs témoignages de fin de stage, la lumière dans leurs yeux, leur redressement physique même, étaient des signes évidents que ces jeunes s’étaient réveillés et remis en route après tant d’années d’anesthésie intellectuelle.

J’ai voulu en savoir un peu plus sur les raisons d’un tel marasme et je me suis demandé comment on apprenait aujourd’hui ce genre de règles en primaire et au collège, en partant de l’exemple d’Azraelle,  de niveau CE2. J’ai donc consulté sur Internet tous les sites qui en faisaient état. Je n’ai pas été déçu : on trouve en abondance, sur les blogs spécialisés ou les sites officiels, des fiches-leçon, des exemples, des exercices et même des évaluations.  Le résultat est à la hauteur de mes craintes : AUCUN de ces sites (hors celui d’Azraelle) ne fournit ne serait-ce qu’une tentative d’explication rationnelle de cette règle.

 Pourtant, leurs auteurs rivalisent d’imagination, de couleurs (Ah ! Les couleurs …ça explique tellement bien !), de schémas avec des flèches, des ronds et des carrés, de dessins, de figurines plus ou moins humoristiques, de fiches standard  ou « à manipuler » (géniales certaines !), de jeux, de moyens mnémotechniques les plus insolites… jusqu'à  des vidéos et même un film d'animation...Quel boulot ! Ces professeurs des écoles, ou leurs formateurs, sont vraiment admirables,  d’acharnement, d’inventivité et de temps passé ... bénévolement bien sûr... pour essayer de faire entrer cette règle dans le crâne de leurs jeunes élèves. Mais quand l'essentiel est perdu de vue, les moyens, même les plus sophistiqués, s'accumulent sans fin (au sens de finalité, pas de finitude...) ! Voici une petite sélection  de mes trouvailles (j’ai conservé les plus élaborées) :

Des fiches de leçons, données en modèles…

Des jeux…

Des poissons et des monstres

Des fiches animées , appelées « lecons à manipuler (LAM) »  (quel travail !) :

Des exemples à profusion…

Des efforts « d’innovation » (Ah ! Ah ! mon intérêt s’éveille !) pour « donner du sens » : la famille à la rescousse… Papa-Maman-Bébé …

Des vidéos, avec grands sourires enjôleurs…, voix lentes…, syllabes bien détachées (on doit mieux comprendre quand c’est lent…), des « je m’explique » mais sans l'explication annoncée…, Jusqu’au recours à « l’allergie » qu’éprouverait le « n » pour ses voisines « m-b-p »…et même une petite attention pour les « visuels »  (Ah ! la gestion mentale…c’est si simple !) On trouve vraiment de tout, avec des feutres, des tableaux, des petites ampoules (la lumière…ça aide à comprendre, non ? Euréka !):

Même un petit film d’animation (quelle patience !…pour le regarder jusqu’au bout...dans l'attente - vaine - de l'explication tant espérée...) :

Jusqu’à la presse qui s’en mêle (ou qui « s’emmèle », même avec m devant m…) !

Et le poMpon (mais pas le boNbon… ! Tiens au fait, pourquoi ?) :
On trouve aussi à profusion des modèles d’exercices et d’évaluations : de toutes les sortes, de tous les formats, de toutes les longueurs, avec même des dictées spéciales…

Là, je trouve un modèle d’évaluation dont la première question débute par: « Explique pourquoi… : » Ça y est ! Je suis enfin au bout de mes peines ? Je vais voir la fiche-leçon  qui correspond  pensant y trouver enfin l’explication tant espérée… Déception ! Il n’y a rien…. L’explication (en fait il s’agît plutôt d’une « justification »….mais on na va pas chipoter sur les mots, n’est-ce pas ? on est à l’école quand même, et c'est juste des enfants... !) est à la seule charge de l’élève… à qui l’on n’a pourtant rien expliqué ! Et cela,  à 7- 8 ans… dans le stress d’un de ces moments forts de l’apprentissage si prisés des Inspecteurs… Chapeau ! Il fallait y penser !


La leçon (à visée pas expliquante du tout) :

Poursuivant  ma recherche je tombe quand même sur une page intitulée : « La langue française et ses caprices » :

Chance ! Ça démarre très bien. L’auteur semble aller dans mon sens avec sa première phrase : «Si jamais votre enfant vous demandait pourquoi il doit écrire certains mots avec un N et d’autres avec un M, que lui répondriez-vous? » Je crois tenir enfin mon Graal ! Las ! D’explication, d’origine, il n’est nullement question. L’auteur énumère un certain nombre de recherches dans de vieux manuels savants avant de donner sa langue au chat : « Il doit pourtant y avoir une raison pour laquelle ces  n sont devenus des m.  Mais personne n’en souffle mot. » Ça c’est bien vrai et j’en fais foi ! Et ça  ne date donc pas aujourd'hui  ! Et l’auteur de se contenter d’expliquer… toutes les exceptions à la règle !

Je me tourne alors vers des sites « extrascolaires ».  Peut-être seront-ils plus explicites sur "le pourquoi du comment"… Un début d’explication m’est aussitôt fourni par « Pourquois.com » (intéressante, l’orthographe de ce mot... invariable ! Heureusement les enfants ne lisent pas ce genre de site...ils ont tellement d'autres occupations sur internet...). On y trouve un début d’explication par le passage du latin au français,  et la transformation de syllabes latines en diphtongues françaises…mais ça reste un peu vague et surtout difficile à exploiter en CE2.

Enfin, un site, québécois (c’est vrai que vis-à-vis de leur langue d’origine, nos amis canadiens ont su garder un certain respect et peut-être conserver quelques secrets que, trop sûrs de nous, nous aurions perdus dans "la Mère Patrie"…). J'y trouve une explication plus explicite à partir de la phonétique,  lui aussi faisant référence au latin avec la distinction des consonnes nasales et labiales :

Et c’est tout !

Finalement, la seule fiche-leçon qui fournisse à la fois l’origine exacte et simple de la règle et son exploitation  judicieuse avec des enfants, c’est donc Azraelle qui la propose au prix d’une recherche personnelle… que tous les autres auraient pu mener en s’en donnant juste la peine : il m’a fallu deux clics ( en tout cas c'est bien  moins chronophage et plus efficace que des vidéos ou des films d'animation, tous ces supports soi-disant "pédagogiques"...).  Azraelle précise ainsi la raison qui l’a poussée à aller plus loin que ses collègues: « Voilà, tous les ans je me prends la tête sur cette règle que tous les élèves connaissent par cœur... sans jamais l'appliquer !»  

Et elle indique plus loin, dans les commentaires : «  Mes élèves ont été très réceptifs à ces explications, ils se sont appliqués à prononcer les lettres en faisant attention à la position des lèvres. Ils avaient l'air convaincus » et encore : « Je peux vous confirmer que mes élèves ont non seulement été capables toute cette année de rappeler l'origine de la règle, mais que son application a été plus facile pour eux ! CQFD ! » Tant il est vrai, aujourd’hui comme hier, qu’"un ordre (ou une règle…) dont on a compris et approuvé les raisons sera appliqué avec conscience et efficacité. Un ordre (une règle, un théorème…) subi à contrecœur, sera saboté inconsciemment ou non ! » Vieux principe parfaitement applicable à nos "chères têtes blondes...ou pas".

On notera que la fiche d’Azraelle n’est pas surchargée de schémas, de couleurs, de personnages plus ou moins drôles **, pas d’animaux bizarres, ni de poissons ou de méchants monstres, pas non plus de trains et de chef de gare, toutes choses destinées à séduire plutôt qu’à convaincre. Une explication rationnelle, facilement assimilée par des enfants, lui suffit pour atteindre son objectif, avec en prime l’intérêt et l’amusement de ses élèves (et de mes ados, donc). Elle "prend" ses élèves  par l'intelligence***, pas par la séduction. 

Bravo à vous, Azraelle ! Il ne reste plus qu’à souhaiter que vous fassiez largement école dans votre futur métier de formatrice. Certes, il y a toujours eu des professeurs qui, comme vous, cherchent à éveiller, à stimuler la curiosité naturelle de leurs élèves. Mais il faut qu'ils soient de plus en plus nombreux. A quelques réactions portées à ma connaissance, ils semble que d'autres professeurs expliquent comme vous la règle à leurs élèves… quand ils en connaissent eux-mêmes la raison (après avoir consulté votre fiche ?). Certains me disent qu'ils le font, mais qu'ils ne pensaient pas nécessaire de l'indiquer dans les fiches qu'ils mettent en ligne. Je m'en  réjouis. Mais alors pourquoi abonder autant dans l'application, les exemples, les évaluations… et si peu, voire pas du tout dans l'explication ? Serait-ce considéré comme secondaire, inutile, superflu, superfétatoire (on a si peu de temps...) ? Alors que c'est si fondamental pour tant de personnes ! Et si, pour certains, "cela va sans dire"... disons leur que "ça va aussi bien (et même beaucoup mieux...) en le disant"...surtout aux élèves !

A l'heure où l'intelligence artificielle s'annonce comme la prochaine révolution de nos vieilles civilisations, il est plus que jamais nécessaire de stimuler et de développer, en premier lieu à l'École,  celle si naturelle de nos enfants. 

En tout cas, en attendant,  vous m’avez bien aidé à débloquer une classe de seconde qui s’est remise, en partie grâce à vous, à espérer atteindre le sens de ce qu’on apprend au lycée. Et de cela, je tiens à vous remercier tout particulièrement.

* Une règle à toujours une histoire ou une explication. Il n'y a que les postulats qui n'en aient pas. Et il n'y en a pas tant que ça dans les programmes scolaires...

** Généralement , je donne aussi d'autres exemples, comme celui de l'origine de l'orthographe du mot "bathyscaphe" (il y en a tellement d'autres de ces mots bizarres à l'étymologie pourtant très éclairante...), celui de la règle d'accord des participes passés employés avec les auxiliaires être ou avoir, celui du théorème de Pythagore ou encore celui des identités remarquables... On les trouvera détaillés dans "Accompagner le travail des adolescents...", pages 212-228. Mais celui d'Azraelle, que j'utilisais pour la première fois, est plus rapide et son effet est immédiat ! En plus, il est plus "ancien" que les autres dans l'histoire personnelle de ces jeunes et il les renvoie au plus loin de leurs souvenirs de difficulté scolaire... Et donc il est bien plus "percutant" !

***Juste une image d’Astérix… Normal pour une règle qui nous vient des Romains… Mais notre petit gaulois national ne l’a donc pas  envoyée en l’air d'une pitchenette négligente, comme il le faisait si allègrement des malheureux  légionnaires de Jules César ! Dommage, penseront  peut-être quelques écoliers… ou d’autres.

**** Dans " La formation de l'esprit  scientifique" G.Bachelard cite un auteur ancien : "Un homme qui raisonne, qui démontre  même, me prend pour un homme, je raisonne avec lui, il me laisse la liberté de jugement et ne me force que par ma propre raison. Un homme qui crie " voilà  un fait " me prend pour un esclave".

mardi 13 mars 2018

117 - Apprendre à comprendre. Voyage dans l’univers du sens.


Apprendre à comprendre. Voyage dans l’univers du sens.

Je rentre d’un stage sur la compréhension approfondie avec les élèves de seconde que j’accompagne dans des stages répartis au long de l’année. Je mesure une fois de plus combien ces jeunes sont démunis vis-à-vis d’une activité aussi importante que la compréhension.

On pense généralement que la compréhension est une faculté très complexe liée à l’intelligence, et que comme cette dernière, elle n’est pas donnée à tous de la même façon et surtout qu’elle ne s’apprend pas. On comprend ou on ne comprend pas, c’est tout ! Lorsqu’un élève ne comprend pas, ses professeurs ou ses proches, et bien sûr lui-même, commencent à douter de son intelligence : « Il rencontre ses limites… ! » dira-t-on avec résignation. Et pourtant il n’en est rien. Comprendre peut s’apprendre comme tout le reste. Reste à savoir comment, et c’est vrai que ce n’est pas une mince affaire. Voici le récit de ce dernier stage et la façon dont les élèves ont réagi à mes propositions.

Mais tout d’abord il faut se rappeler que lorsque l’on propose des méthodes de travail inspirées de la gestion mentale, il faut se garder de plaquer des modèles qui viendraient de l’extérieur, comme imposés par quelque autorité. Voici ce qu’en dit Antoine de la Garanderie dans Plaisir de connaître, Bonheur d’être, Une pédagogie de l’accompagnement, Chronique Sociale, 2004, page 46 – 47 (c’est moi qui souligne quelques expressions et en rajoute quelques autres en italique) :

« Il y a donc deux missions pour l’enseignant (ou le formateur) :
-          faire découvrir  à l’élève la qualité de l’acte cognitif dont il a fait usage à son insu pour qu’il lui soit rendu présent,
-          lui proposer  des actes cognitifs dont il n’a jamais pensé qu’ils pouvaient être à sa disposition, l’aider à faire ces actes vraiment siens, afin qu’il vive la teneur de plaisir qui les habite. C’est, en effet, en l’invitant à les mettre en œuvre qu’il en saisira les qualités épanouissantes et, en même temps, révélatrices du sens qu’il a à leur donner pour qu’ils atteignent leur fin.

Nous estimons que l’enseignant aura beaucoup à insister, car l’élève en situation d’échec ou de sentiment de doute à l’égard de ses capacités est très, très loin de lui-même et de pouvoir imaginer qu’il en recèle ; (nous estimons) qu’il faudra du temps non pour le convaincre car ce n’est pas de cela qu’il s’agit, mais pour qu’il consente à se reconnaître dans les actes qui ont à être les siens. L’enseignant est en effet tenté de penser que l’éclairage donné, le conseil proposé devrait avoir des effets immédiats… Il n’en sera rien. L’élève a pris l’habitude d’aller chercher dans les lointains de quelque transcendance des potentialités qui sont, en fait, trop proches de lui pour qu’il les voie ! Le travail qui est demandé à l’enseignant est d’une autre forme que celui auquel il s’est accoutumé : rapprocher l’élève des capacités qu’il possède à son insu… lui permettre d’apprendre ce qu’intuitivement il a les moyens de réaliser.

Ce n’est pas un placage de modèle que l’enseignant a à déployer… c’est à puiser dans l’intelligence de sa propre intériorité les propositions que l’élève aura à s’adresser à lui-même ! L’enseignant a à décrire l’acte de connaissance  tel que la conscience du moi vivant a à l’inscrire pour que la chose prenne sens en elle. L’élève peut commencer par penser qu’il n’est pas en mesure d’accomplir cet acte si simple. La suggestion qui lui est faite, il la ressent comme n’étant pas susceptible d’apporter la réponse à ses échecs : "ce n’est pas cela qui me permettra de comprendre… la règle de trois !" La pensée de l’élève que la conscience de l’échec assiège est la proie d’arguments négatifs qui le détournent de la prise en compte des moyens cognitifs et positifs dont il dispose naturellement et donc il n’imagine pas qu’ils sont ceux grâce auxquels, à l’avenir, il connaîtrait le plaisir de comprendre. »

Loin, donc, d’un plaquage de modèle, l’apprentissage de la compréhension doit passer par "l'épreuve par soi", par l’expérience personnelle de l’élève qui doit reconnaître "ce qu’intuitivement il a les moyens de réaliser" et, s’il ne l’a déjà fait spontanément mais inconsciemment, qu’il pourrait mettre au service de son travail scolaire. Il peut ensuite s’inspirer des témoignages de ses camarades et des descriptions qu’on peut lui faire, pour aller au-delà de ses capacité naturelles et acquérir des moyens auxquels il n’aurait pas pensé pour parfaire sa compréhension. Mais il y aura des obstacles à surmonter car l’élève commencera bien souvent « par penser qu’il n’est pas en mesure d’accomplir cet acte si simple ». Il faut donc ménager une progression qui permette à l’élève non seulement de prendre conscience
-          de ce qu’il fait déjà lui-même, "intuitivement", dans sa tête pour comprendre (bien qu’il ne l’utilise pas forcément à l’école),
-          mais aussi de ce qu’il pourrait faire et qu’il ne se connaissait pas,
-          tout en surmontant la croyance qu’il ne pourra pas y arriver.

Voir le détail du contenu du stage sur la compréhension dans le message 95 - Comprendre "comme un pro". Troisième stage en Seconde de méthodologie.

Un grand chamboulement intérieur.
Ce stage a débuté par un bilan de l'état actuel des élèves vis-à-vis des acquisitions méthodologiques travaillées depuis Septembre, soit les étapes de Pégase (être attentif, comprendre au premier niveau, mémoriser ce que j'apprends, réfléchir et réutiliser mes connaissances, exprimer ma pensée correctement à l'écrit ou à l'oral).  Puis j'ai introduit le travail des journées suivantes autour de cette question : « Pour réaliser tout cela le mieux possible, comment faudrait-il dès le départ que je comprenne de façon plus approfondie ce que j'apprends ? »

A suivi l'habituel débat autour de la question : « Où est le sens ? ». La plupart des élèves ont répondu sans hésitation, : « En nous ! ». Cette croyance justifie les expressions inexactes : « Donner du sens… Faire du sens… » En réalité, le sens réside dans les choses que nous nous efforçons de comprendre, dans le monde qui nous entoure, dans les situations que nous vivons, et bien sûr dans les objets scolaires que nous apprenons. Mais si le sens est hors de nous, il nous appartient, nous les êtres humains, d'aller le chercher, de nous efforcer de le conquérir pour le combiner avec celui nous avons déjà constitué en nous : c'est ce qu'on appelle "comprendre". C'est dans l'interface dehors/dedans, dans l'interaction du sujet comprenant et de l'objet de sens à comprendre que se joue notre accès au sens. Pour cela la nature nous a dotés des « outils intellectuels intérieurs » (A. Jacquard) nécessaires, et ce sont eux que nous utilisons lorsque nous cherchons à comprendre. Ce sont ces "outils" que le reste du stage a proposé à ces jeunes d'abord de découvrir en eux-mêmes, puis de perfectionner pour les porter à leur meilleur niveau d'efficience.

Tout d'abord, j’ai introduit les notions de compréhension appliquante et expliquante, cette dernière à l’aide de la fiche trouvée sur le blog d’Azraelle (azraelle.eklablog.com/m-devant-m-b-p-a127198034#comment-87086090) dont j’ai déjà fait état dans mon message 115 - Compréhension expliquante : une fiche de grammaire  originale et stimulante !

Puis, après avoir exploité la métaphore de la barque, j'ai montré qu'il y avait cinq directions principales à toute recherche de sens, correspondant aux 5 questions fondamentales : C'est quoi ? Avec quoi ? Pourquoi ? Pour quoi ? Comment ? (Voir Comprendre et réutiliser ses connaissances, article publié en  1994 dans la revue de Gestion Mentale n°6)

À la fin de la journée les élèves étaient dans un état de grand trouble manifesté par un comportement inhabituellement agité de certains d’entre eux.  Je savais qu’il traduisait le grand chamboulement intérieur qu’ils vivaient, et que plusieurs ont pu exprimer à peu près ainsi : « Je me rends compte que depuis l’école primaire j’ai pris l’habitude d’apprendre sans chercher à comprendre. J’aurais tellement aimé connaître le pourquoi de ce que je devais appliquer ! ». Cela en effet a de quoi  provoquer quelques rancœurs rétroactives, et le constat de leur « anesthésie intellectuelle » (apprise) était quasi insupportable pour beaucoup. Jusqu’à en vouloir à celui qui leur avait révélé cet état en leur ouvrant une perspective «aveuglante» sur la recherche du sens, désormais de leur seule responsabilité.

Platon à la rescousse.
Le lendemain matin, j’ai proposé aux élèves un temps de relecture de leur ressenti de la veille et je leur ai proposé de l’analyser à la lumière de l’allégorie de la caverne de Platon. Ils se trouvaient dans un état comparable à celui des hommes enfermés dans la caverne, victimes d’une vision déformée et illusoire de la réalité de l’école ainsi que des mauvaises habitudes de travail que cela avait entraîné. Et voilà que quelqu’un les appelait à une autre vision de l’apprentissage et à une autre manière d’apprendre, plus complexe et plus exigeante, sans doute plus efficace et "libérante", mais aussi très dérangeante par rapport à leur « zone de confort » habituelle. Ils avaient de quoi, en effet, en vouloir à cet initiateur qui les dérangeait si fort.

La recherche autonome du sens.
Maintenant, ils étaient placés devant un choix décisif pour eux : ou bien continuer à avancer dans ce nouveau monde de la recherche autonome du sens qui s’ouvrait devant eux, ou bien revenir à leur état  antérieur (ou se laisser rattraper par ce qui les retenait prisonniers jusque-là). Le tour de table qui a suivi fut d’une profondeur et d’une sincérité peu communes. Seuls deux élèves ont fait état de leur hésitation à passer la porte de la caverne et à affronter l’aventure de la recherche du sens…

Dans la « zone proximale de développement ».
Cette prise de conscience individuelle et collective s’est traduite par un engagement et une maturité nouvelle dans les exercices qui ont suivi autour du modèle des « 5 questions » de la compréhension. Ce modèle n’a pas été imposé de l’extérieur par une «autorité », comme un comportement plaqué de façon artificielle. Nous l’avons construit ensemble à partir de ce que les élèves reconnaissaient être en capacité de comprendre déjà par eux-mêmes : les questions qu’ils se posaient spontanément, même si beaucoup ont cessé -certains depuis très longtemps - de le faire pour les objets scolaires. Apprendre sans chercher à comprendre n’est pas un comportement naturel, c’est un « comportement appris » comme on dit en psychologie, comportement façonné par des années de scolarité où ils s‘étaient interdits (où on les avait empêchés ?) d’exercer leur capacité naturelle de compréhension, leur recherche naturelle de sens. Voir message 119 - Quand l’Ecole anesthésie l’intelligence des élèves !

Bien sûr cette capacité naturelle est forcément limitée aux seules questions qu’ils se posent habituellement, à leurs projets de sens naturels, fruit de choix inconscients souvent hérités de l’environnement familial, et qui spécifient leur personnalité cognitive toujours singulière. Le but du jeu était donc de leur montrer non seulement qu’ils avaient le droit de se servir de leurs questions personnelles, mais qu’ils pouvaient aussi s’en poser d’autres auxquelles ils ne pensaient pas (mais que certains de leurs camarades se posaient tout aussi naturellement qu'eux…), et que cela leur ouvrait une qualité de compréhension bien plus large et plus approfondie, couvrant la totalité du sens de ce qu’ils ont à apprendre.

C’est donc à partir de l’existant et par des mises en situation de difficulté progressive (dans la « zone proximale de développement » de Vigotsky : d’abord avec mon aide, puis avec les copains en petits groupes, puis seul dans de petits exposés) que le modèle des cinq questions a été décrit et intériorisé petit à petit par les élèves. Beaucoup d’entre eux ont alors changé radicalement de comportement vis-à-vis du travail et même vis-à-vis de moi. Je pense donc avoir atteint mon objectif de les aider à quitter leur état d’irresponsabilité intellectuelle, inefficace bien que confortable, pour accéder à celui d’une vraie autonomie intellectuelle dans le travail, plus risquée et dont les résultats ne se verront qu’au prix d’efforts et de persévérance de leur part.

Deux témoignages qui reflètent assez bien la tonalité générale des bilans des élèves.
"Actuellement, j’ai l’esprit tout chamboulé. Je ne sais plus si dans ce que je faisais avant tout était mauvais ou si je peux garder certaines choses. Mais une partie de mon esprit s’est éclairé, j’ai compris certaines choses : se poser les bonnes questions, avoir un but, que pour comprendre il faut comparer… Merci d’avoir mis la lumière dans notre potentiel. Je vais essayer d’appliquer cette gymnastique de cerveau. "

"Ce stage a été le plus compliqué (très philosophique) mais le plus intéressant ! C’était très instructif et formateur car pour moi, avant, il n’y avait rien à comprendre à tout ce que l’on m'apprenait ! L’image de la caverne, l’idée d’en sortir, m’a beaucoup marquée car ça me fait prendre conscience qu’il faut encore plus partir à la découverte du monde et éveiller sa pensée. Les 5 questions vont beaucoup m’aider car j’ai du mal à me faire comprendre à l’écrit et à expliquer ma pensée. En tout cas, de mettre des mots sur ce qui n’était pas forcément explicite m’a permis de réaliser que je faisais déjà des choses automatiquement et d’autres non ! Donc celles que je ne fais pas automatiquement, je vais les mettre en place pour encore mieux réussir le troisième trimestre. Merci beaucoup".

Ajout de 2022. La quasi totalité de ces élèves, jugés à leur sortie de troisième inaptes aux études supérieures, ont eu, certains au prix d'un redoublement, des scolarités de lycée "normales",  avec un taux de réussite au Bac identique à celui du reste de leur promotion ; ils ont fait des carrières professionnelles conformes à leur souhait, plusieurs avec des réussites inespérées même de leur entourage : ingénieurs de toutes disciplines, psychologues, orthophonistes, carrières juridiques, médicales ou sociales...

193. Notes de (re)lecture du livre "Les Profils pédagogiques - Discerner les aptitudes scolaires" d'Antoine de La Garanderie (1980)

  Fascinante actualité des premières intuitions d'un « enfant à besoin particulier » du siècle dernier… Pour préparer un podcast avec An...