vendredi 9 février 2018

116 - Léane a eu "le déclic". Ou le salut par la réflexion.

Entretien avec Léane.

Léane est en 1° STSS. C’est une jeune fille sérieuse qui travaille beaucoup et souhaite réussir. Mais elle n’obtient pas les résultats espérés et à la hauteur de son investissement. Elle sait beaucoup de choses, qu’elle comprend assez bien, mais le jour du contrôle elle ne sait plus quoi faire et tout se bloque. Et elle se désole. Tout le monde autour d’elle s’affole, et son orientation comme son maintien dans l’établissement sont même remis en question.

Après avoir précisé le contrat de notre entretien (pas de miracle, rien de secret ni de personnel, nécessaire sincérité des réponses, etc.) j’ai proposé à Léane de remplir le Q-sort (questionnaire sur les "croyances" relativement à l'école) que j’utilise dorénavant en début de toute nouvelle rencontre. Immédiatement le problème de Léane est apparu, encore plus clairement que je ne m’y attendais. Voici ce qu'il en ressort. Pendant un cours, elle a une attitude relativement active et juste, bien qu'imparfaite (ce qui confirme le diagnostic de ses professeurs : elle comprend généralement assez bien en cours mais elle ne sait pas réutiliser en contrôle, il lui manque comme un « déclic »…). Lorsqu’elle apprend un cours son projet reste très flou, formé de plates généralités ; elle n’a pas de projet particulier quant aux réutilisations futures de ce qu’elle apprend. Et surtout, le nœud du problème se situe en contrôle : ce qu’elle essaye de faire c’est, à égalité d’intensité
•             « prouver que j’ai travaillé en mettant tout ce que je sais sur le sujet »
•             « résoudre un problème en utilisant mes connaissances ».


L'important n'est pas que je comprenne son problème, mais qu'elle-même soit en mesure d'en prendre conscience, ce qui est la première étape, incontournable, à toute vraie remédiation. 

Léane a donc compris sa difficulté, qui peut s’énoncer ainsi : une hésitation entre la simple restitution de ses connaissances, ce qu'elle fait depuis toujours ("montrer que j'ai travaillé") et leur réutilisation réflexive, plus complexe, mais dont elle ne connaît pas les mécanismes (Voir message 82 :"Restituer ou réutiliser ses connaissances"). Cette hésitation entre deux buts aussi opposés explique son trouble de projection lors de l’apprentissage de ses cours : elle ne sait pas trop à quoi les destiner et remplit ce vide angoissant par des idées toutes faites et sans contenu opérationnel (comment fait-on concrètement pour "avoir de la culture générale" ?). Ne reste plus alors qu’une compréhension spontanée, a minima, signe d’une intelligence à l’œuvre, ce dont par ailleurs personne ne doutait, mais dont on sait aussi qu’elle ne suffit plus à ce niveau d’études. Intelligence du reste qui, en tout cas,  ne fait jamais l’objet des évaluations scolaires !

J’ai donc consacré le reste de l’entretien à la découverte de l’acte de réflexion (l'outil du transfert des connaissances, voir "Pour apprendre à réfléchir") puis à une meilleure compréhension des cours en utilisant les "Cinq questions"(préparation du transfert, voir message 56, "Comprendre et réutiliser ses connaissances".).

Une remarque faite incidemment par Léane nous a fait comprendre pourquoi elle était si sensible aux changements de professeurs. Cette année, l’enseignant de mathématiques lui plait plus que celui de l’année dernière. L’ancien faisait beaucoup d’exercices en les commentant en même temps qu'elle écrivait au tableau. Le nouveau écrit au tableau, puis explique dans un deuxième temps. Léane a besoin d’évocations visuelles comme toile de fond de sa compréhension verbalisante. Si elle doit fabriquer ces images en temps réel  uniquement sur des explications orales, l’effort est trop grand. Si un support perceptif visuel lui est fourni avant les explications, sa compréhension  va pouvoir se développer beaucoup plus aisément. Elle peut « photographier » mentalement ce qui lui est montré et intégrer ensuite les explications du professeur. Sa verbalisation intérieure peut alors s’activer sans "perdre de vue" ce qu’elle essaye de comprendre. Du coup elle "aime" bien ce professeur si facilitant pour elle ! Ne jamais confondre cause et conséquence. Ni affectif et cognitif.

J’étais inquiet des résultats de notre rencontre. Léane ayant un bac blanc dans la semaine suivante, j’attendais impatiemment les résultats de ce qu’elle avait paru comprendre et apprécier avec moi.  Je craignais que ce soit encore trop frais dans sa tête pour quelle puisse mettre en pratique une méthode si éloignée de ses (mauvaises…) habitudes installées en elle depuis si longtemps.

Je n’ai pas été déçu : 14 en maths et en physique, 16,5 en biologie. Seul le Français a posé problème encore. Nous y reviendrons lors d’une future rencontre. Bien sûr, notre entretien ne suffit pas à lui seul à expliquer ces heureux résultats. Les connaissances mobilisées par Léane dans ses réflexions étaient bien présentes, et c'était de son seul fait. Et elle seule était à la manœuvre pour les trier correctement. Mais la connaissance des étapes d'analyse et de problématisation du geste de réflexion a été décisive pour lui donner confiance en elle et chasser son stress habituel, en lui permettant de voir plus clairement ce qu'on attendait d'elle dans cette situation.

A l’heure où ne jure plus que par les « neurosciences », plus ou moins bien assimilées, pour sauver notre Ecole à la dérive, un peu de bon sens et de simple gestion mentale ne suffirait-il pas à réconcilier de nombreux élèves avec la « chose » scolaire  et leur réouvir les voies de leur réussite ?

189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...