vendredi 29 novembre 2013

72 - Un très bon conseil, mais… La pédagogie (oubliée) des moyens d'apprendre.

Encore une petite vidéo "vue à la télé". C'est un extrait de la série de petits témoignages d'enseignants
« Parlons passion » diffusée par la CASDEN. Une professeur de SVT raconte comment elle a donné un conseil  à l'une de ses élèves de 1° qui "travaillait beaucoup et n'arrivait pas à avoir de bonnes notes". Elle ajoute que ce conseil lui a permis de "doubler sa note". Quel est donc ce conseil "magique" ? Travaillez donc davantage ? Ayez plus de méthode ? Recopiez trois fois, répétez cinq fois votre leçon ? Non ! Elle lui a dit tout simplement  « de se faire un petit film dans sa tête du texte qu'elle était en train de lire »,  ce qu'elle n'avait jamais pensé à faire d'elle-même. Et le professeur, modestement, déclare que ce n'est là qu'un « tout petit truc », semblant s'étonner de son efficacité. Notons au passage qu'elle aurait pu tout aussi bien conseiller à son élève de « se raconter ce que le texte voulait dire », par exemple. Il n'empêche, le conseil, bien que n'ouvrant qu'une seule voie de solution, est tout à fait judicieux.

Voir la vidéo.

On voudrait féliciter chaudement ce professeur, d'abord de se pencher avec intérêt sur les élèves qui ne réussissent pas, ensuite de leur donner de si bons conseils. Pourtant, on aurait aussi envie de lui dire que, non Madame, ce n'est pas "un petit truc" que vous avez donné à votre élève, c'est beaucoup plus que cela : c'est une porte sur l'essentiel que vous lui avez ouverte. Une porte qui lui permet d'accéder à sa propre conscience, cette conscience que 60 ans de béhaviorisme a écartée des lieux d'apprentissage, avec tous les dégâts que l'on peut constater aujourd'hui dans notre école. Cette conscience qui est le lieu incontournable de toute compréhension, où s'élabore le sens du monde et de soi-même. Ce « petit truc », comme vous dites, est le seul chemin pour que cette élève accède à son "pouvoir être" un être humain, et non  un animal réagissant instinctivement à ses émotions brutes ou à des stimulations venant de l'extérieur et des autres, y compris ses professeurs. Vous lui avez permis d'accéder à cette instance d'elle-même où le "sens est senti" en tant que tel, où l'être humain "sent qu'il sent" et s'en réjouit (source de la motivation intrinsèque), ce qui le distingue radicalement de l'animal qui, lui, se contente de sentir au premier degré  (c'est vrai que c'est un être doué de sensibilité, comme cela est actuellement en débat en d'autres lieux, mais il ne peut aller plus loin que ce senti-réaction). Par cette capacité de "sentir le sens", l'être humain peut adapter librement sa conduite et son comportement, et ainsi échapper au déterminisme des réactions instinctives et strictement émotionnelles que nous partageons avec d'autres créatures. Il peut aussi entrer dans l'univers sans limite de la temporalité, ce qu'il est seul à pouvoir faire. Et accéder à toutes les "fonctions cognitives supérieures" qui sont à sa disposition : anticiper, raisonner, analyser, réfléchir, transposer ses émotions en sentiments et les exprimer, selon ses besoins, ses intérêts, les buts qu'il choisit librement. Vous avez guidé votre élève hors de la dépendance dans laquelle la maintenait l'ignorance de sa conscience et de la manière de l'utiliser. Vous le voyez, loin d'être un "petit truc", votre conseil n'est-il pas le "talisman" que tout éducateur devrait donner  à ceux qu'il éduque ? ( "éduquer" = mener hors de. Hors de la dépendance, particulièrement) 

Alors, si c'est ainsi, Madame, que vous envisagez votre mission, non seulement il faut vous féliciter, mais il faut aussi vous donner en exemple à tous les enseignants de France, à qui cette dimension de leurs élèves échappe trop souvent.

Il faut ajouter toutefois une petite remarque. Si vous êtes tellement étonnée de l'efficacité de votre "petit truc", c'est que vous ignorez sur quoi repose cette efficacité. Vous ignorez ce que vous avez touché chez cette élève. Et cette ignorance vous amène à imaginer des raisons extérieures à ce succès : comme vous le dîtes : "ce qui les touche, c'est qu'un professeur leur accorde une heure de son temps pour travailler avec eux, et que s'il le fait, c'est qu'il y croit" et vous ajoutez "avec l'expérience je crois que c'est un facteur important de la réussite de ces entretiens". J'ai, moi aussi, une certaine expérience de ce genre d'entretien que j'ai pratiqué abondamment dans toute ma carrière. Je sais tout l'intérêt qu'il y a à manifester de l'intérêt à la personne de chacun de nos élèves et les effets toujours positifs de ce type de relation. Mais ayant eu l'occasion d'expérimenter, dans un tel contexte de proximité affective, plusieurs contenus à mon aide individuelle, je peux vous assurer que  la plus efficace est bien celle qui vise et suscite explicitement la vie mentale intérieure des élèves. Et j'en connais la raison : la sollicitation de la conscience connaissante toujours prête à s'exprimer pour peu qu'on la sollicite. Il est évident qu'un contexte positif est un élément facilitateur de cette efficacité ; mais on peut dire tout aussi bien qu'il est la conséquence de ce que l'élève est reconnaissant à son professeur de lui avoir permis d'exploiter ses capacités propres. On retrouve ici les recommandations d'Antoine de la Garanderie dans Pédagogie de l'Entraide, p.37 : « Beaucoup d’élèves ne démarrent pas, faute de connaître les instruments pédagogiques dont ils doivent se servir, ni les modes de leur usage. …  L’élève manque d’assurance quand on lui demande de s’emparer d’un objet de connaissance, alors qu’on lui laisse ignorer avec quoi il peut le faire ». Et aussi p. 36 : « La réflexion, l’attention, la mémoire, etc. s’enseignent. Ce sont des valeurs culturelles et non pas seulement naturelles.  4 - Les actes qui mènent à la connaissance s’enseignentDans PE p.37 : « Beaucoup d’élèves ne démarrent pas, faute de connaître les instruments pédagogiques dont ils doivent se servir, ni les modes de leur usage. …  L’élève manque d’assurance quand on lui demande de s’emparer d’un objet de connaissance, alors qu’on lui laisse ignorer avec quoi il peut le faire ». Et aussi p. 36 : « La réflexion, l’attention, la mémoire, etc. s’enseignent. Ce sont des valeurs culturelles et non pas seulement naturelles. Trop souvent on a voilé une carence pédagogique sous le manteau de la lacune mentale, moyen commode de se dispenser d’un effort d’élucidation pédagogique. N’est-il pas curieux qu’on puisse se référer sans cesse à ces concepts principaux que nous venons d’énumérer et ne jamais les caractériser, encore moins les définir ? Réfléchissez donc, dit le maître. Et si l’élève demandait : « qu’est-ce que ça veut dire réfléchir ? » Ou encore : « comment faire attention ? Comment faire pour apprendre et retenir ? Comment faire pour comprendre ? » Le pédagogue hanté par le souci de l’acquisition du programme s’est fort peu penché sur le discernement des moyens. Il s’est attaché, presque exclusivement, à l’objet du connaître. Le pédagogue a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »N’est-il pas curieux qu’on puisse se référer sans cesse à ces concepts principaux que nous venons d’énumérer et ne jamais les caractériser, encore moins les définir ? Réfléchissez donc, dit le maître. Et si l’élève demandait : « qu’est-ce que ça veut dire réfléchir ? » Ou encore : « comment faire attention ? Comment faire pour apprendre et retenir ? Comment faire pour comprendre ? » Le pédagogue hanté par le souci de l’acquisition du programme s’est fort peu penché sur le discernement des moyens. Il s’est attaché, presque exclusivement, à l’objet du connaître. Le pédagogue a les mains pures, mais il n’a pas de mains. » Eh ! Oui, Madame ! Les actes qui mènent à la connaissance s’enseignent. Mais on n'a pas jugé bon de vous transmettre ces "vieilleries dépassées"  au temps de votre formation ! Cela n'enlève rien aux compliments précédents. Juste un petit conseil à mon tour : et si, à défaut des nombreux ouvrages d'Antoine de LA GARANDERIE lui-même, vous lisiez le livre "Accompagner le travail des adolescents..." ? C'est juste ce dont vous avez besoin pour rendre encore plus efficaces le temps que vous accordez si généreusement à vos élèves.

dimanche 24 novembre 2013

71 - Réveillez votre zone bleue !

 J'ai fait état  dans mon message 68 d'un reportage d'Antenne 2 qui relatait la manière dont une jeune élève mexicaine s’y prenait « dans sa tête » pour résoudre des problèmes. Et sa manière de faire, toute mentale, était si bonne qu'elle a été classée première des évaluations nationales de son pays. Une semaine plus tard, toujours au journal télévisé de 20 h de la deuxième chaîne, un reportage sur le "neuromarketing" nous montre, cette fois, comment des chercheurs en neurosciences à la solde des grandes marques et des publicitaires, peuvent à volonté  déconnecter la zone cérébrale de la réflexion (cortex frontaux), et au contraire activer et suractiver les zones non moins cérébrales de nos émotions (tronc cérébral, cerveau limbique). Les journalistes montrent un cerveau en activité, tout bariolé de couleurs vises ; ils appellent la zone de la réflexion la « zone bleue » par opposition à celle des émotions dénommées « zone jaune ». Ainsi, conduites par les seules émotions, nos décisions d'achat sont-elles manipulables à loisir et à distance…

D'un côté une jeune fille qui utilise le mieux possible sa « zone bleue » pour une bonne réussite scolaire et sociale ; de l'autre, des « scientifiques » qui cherchent par tous les moyens à la désactiver pour mieux manipuler les masses de consommateurs…


J'ai utilisé ces deux reportages dans ma dernière formation méthodologique avec des classes de seconde à Toulouse. Les élèves ont été immédiatement « percutés » par le rapprochement de ces deux situations si parlantes. Et ils ont montré au cours des journées suivantes un intérêt encore plus soutenu que d'habitude pour les explications et les exercices destinés à réactiver leur "zone bleue".

Cette expression est devenue le fil rouge de ce stage consacré aux activités de la réflexion dans la résolution de problème puis de la communication écrite. Je l'intitulerai désormais : « RÉVEILLEZ VOTRE ZONE BLEUE ! »

C'est amusant mais, en ville, en "zone bleue" on ne doit pas stationner ou alors pas trop longtemps... Du mouvement, toujours ! Comme dans toutes nos activités mentales...

Voir le reportage.

dimanche 17 novembre 2013

70 - Christopher ne comprend pas… La suite.

Avant de partir pour Toulouse rejoindre "ma" classe de méthodologie toulousaine, voici le mail que je viens de recevoir d'Helen, le professeur anglais qui ne comprenait pas que Christopher ne comprenne pas  (lire mon message précédent numéro 69) :

« Effectivement, le garçon dont je t'ai parlé est allé chercher dans sa mémoire et ses connaissances d'autres exercices plus banals qui lui demandaient de remplir les trous avec une connaissance déjà acquise. Ce que j'aurais dû faire c'était de lui demander de m'expliquer la consigne et le moyen dont il allait l'effectuer avant de le laisser continuer à faire des fautes. Merci d'avoir partagé tes réflexions avec moi. Bonne suite et continuation à Toulouse. »

Il serait intéressant à ce propos de lire ou de relire cette citation du grand philosophe G. Bachelard. Ce qu'il dit à propos des professeurs de sciences vaut tout autant pour tous les autres, bien sûr :

« Dans l’éducation, la notion d'obstacle pédagogique est également méconnue. J'ai souvent été frappé du fait que les professeurs de sciences, plus encore que les autres si c'est possible, ne comprennent pas qu'on ne comprenne pas. Peu nombreux sont ceux qui ont creusé la psychologie de l'erreur, de l'ignorance et de l’irréflexion. »  Lire le message 23 - Bachelard ,le conflit cognitif et le transfert.

 Bien sûr il est difficile de préparer son cours en s'interrogeant sur les effets provoqués chez les élèves par la forme des activités qu'on va leur proposer. Mais si l'on veut les aider à mieux comprendre et donc à mieux apprendre, et donc à se développer intellectuellement, comment faire autrement ?

samedi 16 novembre 2013

69 - L'activité mentale de l'élève... au coeur de tout apprentissage.

Hier soir à la chorale je rencontre une collègue anglaise, Helen, professeure dans une école internationale.  Elle connaît Pégase car elle a lu « Accompagner… » et elle a assisté à une conférence destinée à des parents d'élèves. Je lui raconte le reportage de France 2 sur Paloma, la lauréate des évaluations nationales mexicaines, (voir mon précédent message 68). Elle est intéressée par le témoignage de cette enfant qui « met les chiffres d'un problème dans sa tête et trouve mentalement la solution ». Mais elle doute que tous les élèves soient capables de ce type d'agilité mentale. Elle pense plutôt que cela est réservé aux bons élèves (« doués » pour l'activité mentale… ? ) et que d'autres n’y accèdent pas (les pas « doués »…), faisant preuve alors d’incompréhension devant certaines situations scolaires.

Elle me parle d’un de ses élèves, Christopher, qui ne comprend pas les consignes et qui d'une façon générale semble perdu dans le monde scolaire. Par exemple, on lui propose un exercice où, pour compléter un texte à trous, il convient de poser une question en employant le passé simple anglais. Cela donnerait à peu près ceci : une phrase est donnée comportant un vide « Alan est né en……… »  et la question à poser serait : « en quelle année est né Alan » ? Helen s'étonne de ce que Christopher, au lieu de poser une question, essaye de donner une réponse pour combler le trou du texte. Devant cette attitude peu cohérente par rapport à la consigne, Helen pense que Christopher manque de capacités intellectuelles. Elle me demande toutefois comment elle pourrait l’aider.

Je pars du principe que si Christopher propose une action, même si elle n'est apparemment pas pertinente, cette action a du sens pour lui. Quel sens lui donne-t-il ? Tant qu'on ne le lui a pas demandé, on n'est pas en mesure d'en tirer quelque conclusion que ce soit. Hypothèse : peut-être l'apparence du texte à trous lui rappelle-t-elle d'autres exercices du même type qu'il aurait faits dans le passé (ils sont tellement souvent employés...), exercices dans lesquels il s'agissait de remplir l'espace vide. Son mouvement habituel de chercher une réponse dans sa mémoire serait alors plus fort que celui, induit par la nouvelle consigne, de poser une question en transformant la phrase et en utilisant un acquis grammatical récent. Peut-être même se pose-t-il la question en lui-même, mais ne songe-t-il pas à la formuler de façon correcte puisqu'il pense que seule la réponse a de l'importance ? La seule façon de vérifier cette hypothèse est de lui poser la question : « Que cherchais-tu as faire dans cet exercice ? Comment t’y es-tu pris « dans ta tête » ? » On atteindrait alors la partie mentale interne et préconsciente de la préparation à l'action menée par Christopher et dont le seul résultat a été observée de l'extérieur par le professeur [1].

Plus largement, il me semble qu'il est ici question d'une dialectique concernant le lieu d'origine du sens. Le sens réside-t-il dans la chose à comprendre, donc à l'extérieur du sujet, ou bien se trouve-t-il dans le sujet, qui le projette alors sur la chose à comprendre ? D'une façon générale, dans un projet de sens, que projette-t-on : une demande de sens ou bien une certitude de sens ? Si l'on pense que le sens réside dans la chose, c'est en elle que l'on va le chercher : « Quel sens as-tu ? Que signifie exactement cette consigne ? Quelle action induit elle de ma part ? » Si au contraire l'on pense que le sens se trouve dans le sujet, alors c'est en lui qu'on ira le chercher, c'est le sujet qui décidera du sens à donner à la chose : « C'est un texte à trous, donc il faut trouver la réponse et remplir le vide. » Et la réponse bien sûr est aussi à chercher dans le sujet, dans sa mémoire, dans son stock de connaissances, et donc il ne comprend pas pourquoi il lui faudrait poser une question à quelqu'un d'autre… Par ailleurs, si le sens est dans le sujet, il risque fort d'être perverti par de mauvaises habitudes, des croyances, des représentations plus ou moins pertinentes de l'école, etc.…

On retrouve ici une autre problématique. L'école est-elle le lieu du « savoir » ou celui de « l'apprendre » ? Cette alternative est importante par les effets et les comportements qu'elle entraîne. Si l'élève pense qu’à l'école il doit montrer qu'il sait, il n'est plus dans une dynamique d'apprentissage : il craint les erreurs, n'ose pas participer en classe de peur de « dire des bêtises », tord le sens des consignes pour les faire coller avec son projet de simple "restitution" de ce qu'il sait ou sait faire, où ne les lit même pas, s’enferme dans ses certitudes, ses fausses croyances,  etc. C'est l'exact opposé des finalités de l'école. Si à l'inverse il est convaincu qu'il ne sait pas, alors il est ouvert à l'apprentissage : il admet de se tromper, il ne se ferme pas désespérément sur ce qu'il sait déjà, il entre sans crainte dans le conflit entre ses conceptions empiriques et les savoirs « savants » que son activité mentale lui permet alors d'assimiler, il développe harmonieusement son intelligence, etc.

Pour le professeur cette différence a aussi de l'importance : s'il pense que sa mission est seulement de transmettre un savoir et de modeler des savoir-faire répétitifs et mécaniques, ils oriente son enseignement dans cette seule optique, il évalue seulement la « restitution » de ce que ces élèves ont reçu de lui et la conformité de leurs productions à ce qu'il en attend. S'il pense qu'il est plutôt chargé de faciliter et d'accompagner l'apprentissage de ses élèves, il se soucie de la manière dont ceux-ci font leur profit des « savoirs » reçus et les aide à les transformer en « connaissances »,  puis à les réutiliser dans des situations de problème ; il se soucie de libérer leur potentiel mental individuel et leur imagination créatrice. Dans le premier cas, il s'agit d'une logique d'enseignement et de conditionnement : celle de l'école du XIXe siècle et du début du XXe, quand le besoin était d'élever le niveau d'instruction et de cohésion d'un peuple à unifier puis de répondre aux exigences de la société industrielle ; dans le second, il s'agit plutôt d’une logique de formation des intelligences et d’acquisition de compétences : celles dont la société postindustrielle d'aujourd'hui et celle qui viendra après ont le plus grand besoin.

Mon premier article pour la lettre de la Fédération Association Initiative de Formation, en 1995, s'intitulait : « Redonner du sens à l'école ». A-t-on beaucoup progressé depuis 20 ans ?





[1] L’école, et apparemment pas seulement l'école française, a du mal à sortir de plus de 50 ans de soumission de la pédagogie aux conceptions béhavioristes de la psychologie de l’époque. Pour celle-ci un stimulus est envoyé de l'extérieur vers un sujet qui produit alors une réponse qui est le seul objet d'observation autorisé, mesurable et quantifiable statistiquement. Impasse totale sur la partie intermédiaire, c'est-à-dire l'activité mentale produite par le sujet avant de produire sa réponse. Cette activité n'étant ni observable ni mesurable de l'extérieur, elle n'a pas à être prise en compte. L’introspection, qui est la seule manière d'atteindre cette zone mentale, ayant été rejetée parce que subjective et donc suspecte de non objectivité "scientifique", l'école a emboîté le pas et ne s'intéresse nullement à tout ce que les élèves peuvent faire « dans leur tête », mentalement, pour produire leurs réponses qui sont consciencieusement évaluées et notées… scientifiquement, bien sûr! Mais le vent commence à tourner. Des neurologues, et non des moindres, mènent des recherches prometteuses et déjà fécondes pour réhabiliter l'activité mentale comme appartenant à part entière à la nature biologique du cerveau humain. Prendre en compte dans la pédagogie cette zone un peu mystérieuse et, c'est vrai, pas très facile à atteindre, n’est donc plus une hérésie coupable mais au contraire une voie de salut pour sortir du marasme actuel.
On peut rapprocher cela de cette présentation du livre du professeur Marc Jeannerod,  La nature de l'esprit Odile Jacob, 2002 sur le site Sciences humaines.com : http://www.scienceshumaines.com/la-nature-de-l-esprit_fr_2732.html
 « Les phénomènes mentaux sont biologiquement fondés : ils sont à la fois causés par les mécanismes cérébraux et réalisés dans la structure du cerveau. Dans cette perspective, la conscience et l'intentionnalité relèvent de la biologie humaine au même titre que la digestion ou la circulation sanguine. » Ces propos du philosophe John Searle bousculent l'opposition classique esprit/monde physique. Ils résument la démarche de Marc Jeannerod, et au-delà, certaines ambitions des sciences cognitives : établir une « naturalisation » de l'esprit, et notamment montrer que la cognition ne consiste pas seulement dans la capacité de raisonner, de calculer et de produire des mots, mais qu'elle inclut des aspects intentionnels, relationnels et émotionnels. L'imagerie cérébrale a grandement contribué à cette mise en lumière d'un cerveau porteur de prédispositions à la fois rationnelles, affectives et sociales.
La notion de représentation mentale est au coeur de la révolution cognitive, rappelle l'auteur. Lorsque l'on saisit un objet avec les mains, les commandes nerveuses suivent les instructions d'une représentation de cet acte de saisie. La représentation de l'acte précède l'acte, elle est l'intermédiaire entre la vision de l'objet à saisir et le mouvement de saisie. Cet apport de la psychologie cognitive contredit notamment la théorie behavioriste qui se passe de la notion de représentation. La biologie de l'esprit, elle, s'appuie sur une science des productions mentales, esquisse une physiologie de l'intentionnalité, ce que l'auteur appelle « mouvement volontaire », et, par extension, une physiologie de la conscience.
Voir aussi sur ce sujet mon message numéro 67 : « Gestion mentale et neuroscience cognitives », où j’insiste sur les travaux récents d’Antonio DAMASIO et son hypothèse de l’équivalence entre les états mentaux et les états cérébraux associés.

mercredi 6 novembre 2013

68 - La clé de la réussite… au journal télévisé de 20 h !


Entendu ce reportage un peu inhabituel au JT de 20 h de La 2, ce mardi 5 novembre 2013 .

Au Mexique a eu lieu récemment un grand examen scolaire de toutes les écoles du pays. Surprise : la lauréate ne sort pas d'un collège huppé. Dans une classe de cinquième, Paloma, une enfant de 12 ans, qui excelle en mathématiques a terminé première de ces tests nationaux. Elle est orpheline de père et vit dans un bidonville dans un quartier miné par le trafic de drogue…. Une des régions les plus violentes, les plus pauvres du Mexique. C'est l'occasion de mettre en avant les méthodes d'un professeur particulièrement motivé. : « Notre école à très peu de ressources. On a un toit qui fuit. On n’a pas l'air conditionné. Mais ça ne nous empêche pas d'essayer de tirer le meilleur de nos élèves ». Dans sa classe,10 autres élèves atteignent un niveau d'excellence. Ce professeur ne donne jamais les solutions aux problèmes : il laisse ses élèves les trouver tout seuls. Une méthode qui fait des miracles. Paloma explique : « Un problème , c'est facile. D'abord je le regarde. Je mets tous les chiffres dans ma tête et mentalement je trouve la réponse ».


Faut-il en dire davantage ? C'est de négliger cette dimension mentale de l'apprentissage qui crée tant de problèmes dans nos écoles si confortables mais dramatiquement minées par les interdits scientistes et comportementalistes qui n'ont pas encore fini d'y faire des ravages. A moins que… Voir mon précédent message 67 : "Gestion mentale et neurosciences cognitives", sur les propositions novatrices de certains neurologues des plus en pointe. Voir aussi mon message  61 : "Enseigner avec la gestion mentale : Laissons-les apprendre !" Une méthode pas si utilisée que cela...malheureusement, mais dont ce reportage donne un bon exemple.  Voir le reportage



189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...