lundi 13 mars 2017

108 - Redonnons le goût d’apprendre..


Redonnons le goût d’apprendre...

Au hasard d’une recherche sur le net, j'ai découvert le site d’Hélène Weber : "Donnez du sens à vos études". Consacré à l’accompagnement des lycéens et étudiants, ce blog m’a tout de suite paru pertinent et aller dans le même sens que ma propre démarche. Sa belle analyse de mon ouvrage « Accompagner… » acheva de me convaincre et j’entrais en contact avec elle au moyen d’un commentaire sur un de ses articles. Depuis, je lis avec attention toutes ses productions, toujours bien présentées et dans le droit fil de ce que j’aimerais faire moi-même. Je suis heureux de voir que des jeunes, pas spécialement formés à la gestion mentale, peuvent avoir des intuitions tout à fait convergentes avec notre approche humaniste. Dans le domaine de l’accompagnement scolaire, qui est devenu un véritable marché avec toutes les dérives mercantiles que l’on connaît, cela n’est pas aussi courant et vaut bien qu’on le souligne. Il y a tellement à faire et toutes les bonnes volontés sont à promouvoir ! Voici donc un lien qui vous donnera accès à l’ensemble de son site. Il fourmille de propositions, vous y trouverez surement des réponses à vos questions ou des pistes à explorer.

vendredi 10 mars 2017

107 - Orientation professionnelle et idéal de soi.

Pendant le stage sur la compréhension dont je rends compte dans mon message précédent, un élève a témoigné de ce qu’il était davantage motivé pour son travail quand il pensait à ce qu’il voulait faire de sa vie plus tard. Même si cette idée était vague encore pour lui, il savait qu’il avait l’ambition de faire quelque chose d’intéressant, même en sachant que ce serait sans doute difficile. J’ai, bien sûr, relevé cette intervention très pertinente, en montrant aux élèves que leur projet d’orientation professionnelle (et pas seulement le choix de la série du baccalauréat, qui n'est qu’une étape à très court terme d’un projet qui doit viser beaucoup plus large et plus loin), constitue comme l’étoile qui leur montre le chemin à suivre et justifie leurs efforts d’aujourd’hui. Mais il faut pour cela avoir le souci d’entretenir cette projection imaginaire de long terme. Et c’est bien un des enjeux de la classe de seconde que de travailler à concrétiser le mieux possible ce projet d’avenir, cadre plus global qui oriente et entretient leur projet d’apprendre au quotidien. J’ai d’ailleurs mis le professeur principal en contact avec l’antenne bordelaise de la fondation  JAE :   https://www.fondation-jae.org/
Cette fondation propose des outils très pertinents d’aide à la construction d'un projet professionnel pour les jeunes. J’ai longtemps travaillé, sans jamais le regretter, avec ses représentants girondins. Ils font vraiment un excellent travail en ce domaine.

Mais au-delà de l’aspect matériel de cette recherche (BDI, CIO, forum des métiers, logiciels divers…), il ne faut jamais oublier le projet de sens fondamental qui doit la conduire et lui donner sa juste finalité : l’idéal de soi que chacun est appelé à projeter dans l’avenir. Dans ma carrière professionnelle, j’ai longtemps fait fonction de conseil en orientation pour les jeunes de mon lycée. Cette question de l’idéal qui sous-tend toute démarche de construction d’un projet professionnel est, à mes yeux, au moins aussi importante que tout le matériel que l’on peut mettre à la disposition des jeunes (ce qui reste évidemment indispensable). « Qui veux-tu être ? » au moins autant que « Que veux-tu faire ? ». Le second doit découler du premier, en être comme l’incarnation, sans quoi la recherche va se baser exclusivement sur les limites, les imperfections actuelles (et tellement provisoires !), ou les difficultés ponctuelles constatées dans les conseils de classe… Bonjour l’ambiance ! Bonjour l'anticipation d'un avenir radieux !

J’ai donc été particulièrement heureux de retrouver cette approche dans un article du monde ce matin. Boris Cyrulnik y rappelle la dimension du rêve (je dit l’idéal…) indissociable de la question de l’orientation professionnelle, en la considérant dans le contexte actuel de notre société.





mercredi 8 mars 2017

106 -Périlleuse autonomie ! Le geste de compréhension pour aider les adolescents à y accéder !

Pendant le dernier stage sur la compréhension avec une classe de seconde de méthodologie, j’ai abordé le thème de l’autonomie intellectuelle. Cette année j’ai dû solliciter plus que d’habitude, et même provoquer ces jeunes pour leur faire prendre conscience de ce que l’on attendait d’eux. Tous les ans dans cette classe, on s’étonne de la passivité et du manque d’activité intellectuelle de ces jeunes. Je réalise à chaque fois combien ils demeurent dans une attitude de réception passive et dans un projet de stricte restitution enfantine de ce qui leur est transmis, dont au mieux ils ne comprennent qu’une très faible partie. Leurs copies sont le reflet de ce marasme et font la désolation de leurs professeurs. Voici donc comment je m’y suis pris cette année pour réveiller leurs « fonctions cognitives » endormies et les ouvrir à une véritable autonomie intellectuelle.

Dans les deux stages précédents j’avais montré aux élèves ce que « être attentif », « mémoriser » et « réfléchir » voulait dire, avec une application sur ce que « lire veut dire ». En somme je leur avais montré quelles étaient les véritables buts de leur scolarité lycéenne et en quoi ils différaient de ceux du collège. Je pensais les retrouver en ce début du mois de mars un peu dégourdis sur ces sujets. Les premiers échanges me ramenèrent à la réalité : ils n’avaient intégré que peu de choses de ce qu’ils avaient pourtant semblé découvrir avec intérêt depuis septembre. J’ai donc consacré beaucoup de temps à réactiver ces contenus et notamment le geste de réflexion.

Puis je me suis efforcé de leur faire découvrir progressivement les étapes d’une compréhension approfondie, celle qui permet de transférer ce qu’ils apprennent dans des réflexions et des expressions organisées telles qu’on les attend dans les productions lycéennes. Nous avons étudié en détail les quatre étages d’une fusée imaginaire destinée à l’exploration de l’univers du sens (j’ai rajouté un étage à la fusée modèle 2016 (message 84 et message 95), l’obsolescence survenant très vite dans l’industrie spatiale… : je voulais faire une place plus spécifique à l’activité de comparaison que, dans le modèle précédent, j’avais associée au premier étage de l’évocation. Il est vrai que ces deux actions sont très liées dans le geste de compréhension, mais on peut être tenté dans la précipitation de supprimer la seconde) :

1.       Le premier étage consiste à évoquer le mieux possible l’objet à comprendre, avec plusieurs allers-retours dehors – dedans.

2.       Le deuxième étage consiste à comparer (considérer une chose avec une autre) les évocations produites et la chose à comprendre, pour en tirer des similitudes et des différences. À ce stade, on peut également pratiquer des comparaisons avec un acquis mémorisé et qui paraît proche, avec qui on peut également établir des rapports de toutes sortes. On comprend une chose (on la « prend avec » une autre) en la confrontant à une autre déjà comprise, en effet  « nous ne savons pas penser une chose seule » (Michel Serres).

3.       Le troisième étage consiste à capter dans la chose à comprendre  « ce qui va dans notre sens » comme l’a dit si justement Agathe, une des stagiaires. Antoine de La Garanderie disait : « on n’entend que ce qu’on attend ». On ne comprend que ce que l’on s’attend à comprendre dans la chose considérée. En chacun de nous, cette attente de sens privilégiée est devenue une habitude, elle constitue une véritable « tendance » qui dirige inconsciemment notre compréhension. Les élèves ont alors découvert deux directions prioritaires de cette compréhension spontanée : l’explication ou l’application. L’explication, le « pourquoi » des choses, correspond à la démarche démonstrative, le raisonnement inductif, la recherche de causalité ou d’origine : elle est de nature abstraite. L’application correspond aux champs d’application, le « pour quoi » faire,  aux usages possibles dans un avenir (à imaginer), aux conséquences, à la démarche déductive : à ce niveau, elle aussi est abstraite ; mais l’application concerne aussi le « comment faire», le mode d'emploi, la manière de faire fonctionner la chose à comprendre. Elle est l'objet des exercices : elle est alors plus axée vers le concret et elle est plus immédiate.

On constate que ces demandes de sens n’ont pas la même intensité selon les personnes, et parfois même elles n’existent que de façon exclusive. La grande majorité des jeunes de cette classe se sont reconnus dans un unique projet d’application dans son aspect concret : en cours ils attendent patiemment que le professeur "en vienne enfin aux choses sérieuses", c’est-à-dire à la pratique des exercices, au "comment faire". Par ailleurs, la projection dans un imaginaire de réemploi, de finalisation, reste très éloignée de leurs préoccupations… On comprend mieux alors leur passivité pendant les démonstrations, toutes les explications données par leurs professeurs… et qui constituent souvent l’essentiel des cours dans certaines disciplines (ou des stages...).

4.       Enfin,  le quatrième étage est celui où l’on dépasse les limites des tendances ou habitudes spontanées de compréhension pour accéder à une compréhension plus consciente, plus complète, réfléchie, approfondie et volontaire, la seule qui permette des transferts réussis et donc la réussite au lycée. C’est la tête "pensante" de la fusée, celle qui permet une pleine possession du sens de l’objet à comprendre. Les cinq questions de la compréhension permettent en effet l’analyse, la séparation de l’objet à comprendre en ses éléments constitutifs, et par là l’extraction de la totalité de ses sens, de sa "teneur de sens" (selon Astrid, une autre stagiaire), c’est-à-dire son essence même. Certains élèves prétendent vouloir retenir l’essentiel de leurs cours, mais en donnant à ce terme un sens bien plus réducteur, en général "ce qui leur saute aux yeux", ce qui est le plus "évocateur" et concret le plus souvent... Avec les Cinq questions, ils trouvent  le moyen d’accéder au mieux au sens de ce qu’ils apprennent, bien sûr selon leur "niveau de développement actuel" (Vygotsky)... que la mission de l'Ecole est toujours d'aider à dépasser. Différents exercices ont permis aux jeunes d’accéder à ce dernier étage, le plus dense et le plus dérangeant pour eux.

Et c’est là que nous arrivons au point culminant de ce stage : l’accès à l’autonomie intellectuelle. Informés qu’ils sont désormais des étapes et des moyens de l’activité mentale nécessaire à leur compréhension, les élèves ne peuvent plus s’abriter derrière de faux prétextes pour éviter de passer à l’action. Ce ne sera plus la faute des autres si leur travail est improductif, s’ils n’obtiennent pas les résultats désirés et s’ils en viennent à baisser les bras. Ce ne sera pas non plus de leurs capacités dont ils auront à douter : ils connaîtront la nature de l’obstacle et ne pourront que constater, s’ils refusent de sauter, qu’ils en sont entièrement responsables. Cette connaissance nouvelle les confronte  à un choix difficile. Jusqu’à présent, ils pouvaient se voiler les yeux et se satisfaire, plus ou moins confortablement, d’un refus de grandir, de quitter la bulle douillette dans laquelle ils s’étaient habitués à vivre. Ils se trouvent d’ailleurs souvent encouragés dans cet état de marasme par un environnement familial inquiet et surprotecteur, ou quelques professeurs particuliers payés pour leur faire entrer dans la tête les contenus non compris, par petites bouchées le soir à la maison... : pourquoi alors faire des efforts dans la journée pour essayer de comprendre seuls ("ça prend la tête"...) pendant les cours ?

Pour les aider à réaliser l’état psychique dont je les appelais à sortir, je leur ai raconté un rêve fictif que j’aurais fait la nuit précédente. Un cauchemar en réalité. Je me trouvais dans une forêt profonde, au centre d’une clairière, entouré d’adolescents apparemment furieux et grimaçants qui me menaçaient de leurs longs crayons bien aiguisés ou de leur stylo bien pointus. Ils me reprochaient durement de les avoir instruits de ces réalités qui les délogeaient de leur confortable irresponsabilité. J’avais peur et je me disais : « De quoi te mêles tu donc de venir les déranger dans leur confortable endormissement ? Pourquoi donc leur as-tu révélé ces secrets qui les dérangent à ce point ? » Je leur expliquais alors que ce qui se passait en eux était très compréhensible. Ils étaient animés d’un double sentiment  : d’un côté l’envie de rester dans leur état d’enfance, protégés de tout risque et de toute responsabilité, de l’autre côté un attrait diffus pour le chemin escarpé mais combien plus épanouissant de la découverte intellectuelle et du risque de penser par soi-même. Ils étaient, en ce moment même du stage, placés devant ce choix vital qu’eux seuls pouvaient trancher :
-          Soit se lancer dans le long cheminement qui les amènerait à l’âge adulte (ad ultum = celui qui est arrivé au terme de ce cheminement).
-          Soit rester encore quelque temps dans leur illusoire tranquillité et continuer à se morfondre et à se désoler de la dégradation de leur propre image.

Le lourd silence qui régnait et leurs yeux rivés sur moi pendant que je leur parlais m’ont indiqué que mes paroles avaient un écho dans le cœur de ces adolescents. Le reste du stage a confirmé cette impression, par l’engagement et la qualité de l’activité mentale mise en œuvre dans la compréhension approfondie (le protocole de cette séance est détaillé dans le message 98) d’un cours sur le Romantisme, son analyse précise et complète, et la synthèse qui en a été la preuve apparente, dans un petit exposé rapide fait à la classe sur tirage au sort.

Quelques phrases significatives extraites des bilans de fin de stage :
Pour comprendre ; il faut comparer, analyser,  et ce n’est pas grave si l’on ne va pas vite, et retenir pour m’en resservir après. Ma motivation a changé.
J’éprouve de la fierté : je suis plus fier de moi. Je retiens qu’il faut synthétiser mes réponses et non mettre tout ce que je sais. J’ai envie de travailler, j’ai retrouvé la motivation.
Je veux plus travailler, je suis plus motivée pour continuer mes efforts. Je suis contente car j’ai appris beaucoup de choses que je ne connaissais pas sur moi-même. Oui ce stage a répondu à toutes mes difficultés pour le manque de concentration et de compréhension des énoncés.
Je me sens motivée pour y arriver et passer ma seconde en focalisant sur les cours et pas sur autre chose. J’ai plus de facilité pour apprendre et comprendre les textes et  les consignes.
Je pense être un peu plus claire, concentrée et avoir une meilleure réflexion. J’ai plus envie de travailler
J’ai retrouvé la motivation au travail,  j’ai compris que je travaillais pour apprendre à résoudre des problèmes. Pour m’améliorer je vais plus anticiper.
Pendant ce stage je me suis découverte intérieurement. J’étais une fille de moins en moins motivée dans mon travail car je ne comprenais pas à quoi ça me servait. Mais je me suis rendu compte que ça me servira pour mon futur mais aussi pour répondre aux questions demandées.
Je suis plus motivé pour travailler, réussir pour plus tard. Je pense que ce stage m’a aidé à ouvrir les yeux, et à me mettre au travail.
Motivation. Confiance. Je pense avoir un sentiment d’accompli et le sentiment d’avoir grandi. J’ai appris à évoquer, à ne faire qu’une chose à la fois, à moins me précipiter, à plus m’écouter. Ce stage répondait à mes difficultés car il m’a fait reprendre confiance en moi
Je retiens que pour comprendre il faut que je me pose les bonnes questions, et que si je suis lente c’est parce que comprendre est quelque chose de long. Je me sens plus capable de réfléchir et de comprendre.
Ce qui a changé c’est ma façon de penser, je sais maintenant comment je dois lire les textes, comment je dois les analyser pour les comprendre. Ce que je retiens pour m’améliorer c’est la façon dont il faut apprendre en se demandant à quoi va pouvoir resservir ce que j’apprends et comment le retrouver au bon moment.
J’ai de nouveaux moyens pour mieux comprendre, j’ai développé de nouvelles capacités. Je vais moins me précipiter, prendre du temps pour comprendre un cours et lors des devoirs à la maison.

Ce qui a changé c’est ma pensée, mes méthodes et ma confiance en moi-même. Je suis plus confiante, plus motivée. J’ai trouvé comment reprendre confiance en moi avec des méthodes de compréhension.

189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...