lundi 14 septembre 2015

88 - Se concentrer, oui. Mais sur quoi ?

Se concentrer, oui. Mais sur quoi ?

Les premiers stages de l’année dans « mes » classes de seconde dites « de méthodologie » viennent de se terminer. Cette année, j’ai pris la précaution de faire réfléchir les élèves à ce qu’ils mettaient sous le mot « méthodologie ». Les années précédentes, j’avais remarqué que certains entraient difficilement dans la démarche de découverte de soi-même que je leur proposais.  De plusieurs réflexions de la part de ces « réfractaires », j’ai compris qu’ils s’attendaient à « apprendre des méthodes », c’est-à-dire à ce que je leur donne de l’extérieur des conseils pour améliorer leur travail sans qu’ils aient à s’investir dans la découverte de leurs propres capacités et des véritables enjeux de la scolarité, sur lesquels leurs erreurs sont pourtant constantes. Cette petite mise au clair de leurs représentations erronées au sujet des stages a permis aux élèves d’être beaucoup plus rapidement et intensément partie prenante dans les activités qui ont suivi .

Après la découverte de la réalité du projet mental et des évocations, nous avons, comme d’habitude dans ce premier stage, travaillé les gestes mentaux d’attention, de compréhension de premier niveau et de mémorisation. J’ai particulièrement insisté sur l’attention, confondue souvent avec la concentration. Il me paraît utile de s’arrêter un moment sur le sens de ces deux mots et ce qui les distingue ou les rapproche.

L’origine latine de « attention » nous renseigne sur le sens de ce mot : AD -TENDERE = se diriger, se tendre vers quelque chose. Cela indique un mouvement vers un objet de la réalité environnante sur lequel une personne décide de « porter son attention ». Cet objet est donc extérieur à la personne. Comment va-t-elle se tendre vers lui ? En  privilégiant le sens de perception correspondant à la nature de l’objet visé et en dirigeant vers celui-ci son activité perceptive : par exemple en classe, la vue pour  ce qui est montré au tableau (je dirige mon regard vers le tableau…), l’ouie pour ce que dit le professeur (je tends l’oreille vers les paroles du professeur…), le sens tactile pour ce qui est des manipulations ou des mouvements (je tends la main vers l'objet, je le tâte, je le manipule…), et dans certaines autres activités, les sens olfactif (je hume...) pour l'œnologue, ou gustatif (je tends les lèvres...) pour le cuisinier... Cette activité est décrite par le neurologue comme l’inhibition des sens de perception qui ne participent pas à cette attention sélective. Pour le pédagogue, il s'agit plutôt de privilégier le sens le plus adapté à la tâche. Cela peut sembler la même chose : le choix (acte volontaire) d'un sens entraîne bien l'inhibition momentanée (acte involontaire) des autres. Mais, si le résultat de ces deux actions est le même au niveau des circuits de neurones, activés ou inhibés, le pédagogue, lui, est en mesure de donner des indications utiles aux élèves : regardez le tableau, écoutez moi. Il serait bien difficile de leur recommander « d’inhiber » (processus involontaire et inconscient) un ou plusieurs de leurs sens perceptifs ! Tout comme, d'ailleurs,  de "faire le vide dans leur tête" ! Les neurosciences et la neuropsychologie expérimentale peuvent être utiles pour comprendre les mécanismes cérébraux en jeu dans l’apprentissage ; il est néanmoins illusoire d’en attendre, du moins directement, des informations pédagogiques.  

 Mais est-ce aussi cela "se concentrer" ?

Que fait-on "dans sa tête" lorsque l’on tend son oreille vers la voix du professeur, ou que l’on pose son regard sur le tableau ou le texte à lire ? Une expérience rapide permet de se rendre compte que l’activité mentale correspondant à la perception choisie est d’une tout autre nature : je peux « me parler » dans ma tête ou former une image différente à propos de ce qui est montré au tableau pour le comprendre, ou « me faire un film » de ce que je lis sur un papier, je peux « voir » ou « me parler » dans ma tête à propos de ce que mon oreille perçoit des paroles entendues, etc. Et c’est bien sur ses « objets mentaux » (intérieurs) que je dois me concentrer, pour en prendre "pleine conscience", pour les « manipuler », les enrichir de mes propres souvenirs,  pour les comparer à l’ « objet de perception » (extérieur) et m’assurer ainsi de leur fidélité.

Ainsi l’attention et la concentration ne sont pas des activités identiques. L’une, la première chronologiquement, est physique et neuronale (même si elle elle dépend de la décision consciente du sujet "attentif"), l’autre, dans un deuxième temps, purement mentale (même si elle fait intervenir en arrière-plan et de façon inconsciente les réseaux neuronaux impliqués dans cette activité mentale). La seconde dépend étroitement de la première. Mais, au-delà de cette différence de nature et d'appellation, elles se combinent pour constituer cette première activité qu’un élève qui veut réussir ses études doit savoir pratiquer de façon prolongée, dès lors qu'il met son cerveau « au travail » : une attention soutenue et approfondie.

Les élèves de ces classes de « méthodologie » ont tous fait l’expérience qu’ils pouvaient ainsi être attentifs et concentrés trois jours durant, au cours de séances d’une heure et demie chacune (même si certains trouvent que c’est parfois un peu fatiguant…). À la fin du stage, la plupart des élèves font ce genre de constat : « je suis très fatigué mais je suis heureux et serein, j’ai repris confiance en moi ».










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