Se concentrer, oui. Mais sur quoi ?
Les premiers stages de l’année dans « mes » classes de
seconde dites « de méthodologie » viennent de se terminer. Cette
année, j’ai pris la précaution de faire réfléchir les élèves à ce qu’ils
mettaient sous le mot « méthodologie ». Les années précédentes,
j’avais remarqué que certains entraient difficilement dans la démarche de
découverte de soi-même que je leur proposais. De plusieurs réflexions de
la part de ces « réfractaires », j’ai compris qu’ils s’attendaient à
« apprendre des méthodes », c’est-à-dire à ce que je leur donne de
l’extérieur des conseils pour améliorer leur travail sans qu’ils aient à
s’investir dans la découverte de leurs propres capacités et des véritables
enjeux de la scolarité, sur lesquels leurs erreurs sont pourtant constantes.
Cette petite mise au clair de leurs représentations erronées au sujet des
stages a permis aux élèves d’être beaucoup plus rapidement et intensément
partie prenante dans les activités qui ont suivi .
Après la découverte de la réalité du projet mental et des
évocations, nous avons, comme d’habitude dans ce premier stage, travaillé les
gestes mentaux d’attention, de compréhension de premier niveau et de
mémorisation. J’ai particulièrement insisté sur l’attention, confondue souvent
avec la concentration. Il me paraît utile de s’arrêter un moment sur le sens de
ces deux mots et ce qui les distingue ou les rapproche.
L’origine latine de « attention » nous renseigne sur le
sens de ce mot : AD -TENDERE = se diriger, se tendre vers quelque chose. Cela indique un mouvement vers un
objet de la réalité environnante sur lequel une personne décide de « porter son attention ». Cet objet est donc extérieur à la personne. Comment va-t-elle se
tendre vers lui ? En privilégiant le sens de perception correspondant à la nature de l’objet visé et en dirigeant vers celui-ci son activité perceptive : par exemple
en classe, la vue pour ce qui est montré
au tableau (je dirige mon regard vers le tableau…), l’ouie pour ce que dit le professeur (je
tends l’oreille vers les paroles du professeur…), le sens tactile pour ce qui est des manipulations ou des
mouvements (je tends la main vers l'objet, je le tâte, je le manipule…), et dans certaines autres activités,
les sens olfactif (je hume...) pour l'œnologue, ou gustatif (je tends les lèvres...) pour le cuisinier... Cette activité est décrite par le neurologue
comme l’inhibition des sens de perception qui ne participent pas à
cette attention sélective. Pour le pédagogue, il s'agit plutôt de privilégier le sens le plus adapté à la tâche. Cela peut sembler la même chose : le choix (acte volontaire) d'un sens entraîne bien l'inhibition momentanée (acte involontaire) des autres. Mais, si le résultat de ces deux actions est le même au niveau des circuits de neurones, activés ou inhibés, le pédagogue, lui, est en mesure de donner
des indications utiles aux élèves : regardez le tableau, écoutez moi. Il
serait bien difficile de leur recommander « d’inhiber » (processus involontaire et inconscient) un ou plusieurs de leurs
sens perceptifs ! Tout comme, d'ailleurs, de "faire le vide dans leur tête" ! Les neurosciences et la neuropsychologie expérimentale peuvent être utiles pour comprendre les mécanismes cérébraux en jeu dans l’apprentissage ; il est
néanmoins illusoire d’en attendre, du moins directement, des informations pédagogiques.
Mais est-ce aussi cela "se concentrer" ?
Mais est-ce aussi cela "se concentrer" ?
Que fait-on "dans sa tête" lorsque l’on tend son oreille vers la
voix du professeur, ou que l’on pose son regard sur le tableau ou le texte à
lire ? Une expérience rapide permet de se rendre compte que l’activité mentale
correspondant à la perception choisie est d’une tout autre nature : je peux
« me parler » dans ma tête ou former une image différente à propos de
ce qui est montré au tableau pour le comprendre, ou « me faire un film » de ce que je lis
sur un papier, je peux « voir » ou « me parler » dans ma
tête à propos de ce que mon oreille perçoit des paroles entendues, etc. Et
c’est bien sur ses « objets mentaux » (intérieurs) que je dois me concentrer,
pour en prendre "pleine conscience", pour les « manipuler », les
enrichir de mes propres souvenirs, pour
les comparer à l’ « objet de perception » (extérieur) et
m’assurer ainsi de leur fidélité.
Ainsi l’attention et la concentration ne sont pas des activités
identiques. L’une, la première chronologiquement, est physique et neuronale (même si elle elle dépend de la décision consciente du sujet "attentif"), l’autre, dans un deuxième temps, purement mentale (même si elle fait intervenir en arrière-plan et de façon inconsciente les réseaux neuronaux impliqués dans cette activité mentale). La seconde dépend étroitement de la première. Mais, au-delà de
cette différence de nature et d'appellation, elles se combinent pour constituer
cette première activité qu’un élève qui veut réussir ses études doit savoir
pratiquer de façon prolongée, dès lors qu'il met son cerveau « au
travail » : une attention soutenue et approfondie.
Les élèves de ces classes de « méthodologie » ont tous
fait l’expérience qu’ils pouvaient ainsi être attentifs et concentrés trois
jours durant, au cours de séances d’une heure et demie chacune (même si certains
trouvent que c’est parfois un peu fatiguant…). À la fin du stage, la plupart des
élèves font ce genre de constat : « je
suis très fatigué mais je suis heureux et serein, j’ai repris confiance en
moi ».
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