J'ai lancé il y a quelques temps un appel
à coopération en vue de la réalisation soit d'un site internet dédié
soit d'un ouvrage papier, en direction des enseignants de toutes disciplines *
et de tous les niveaux d'âge. Mon intention est de compléter les ouvrages déjà
édités, Accompagner le travail des adolescents (2009, pour les
adultes accompagnants en général) et J'apprends à travailler (2018, pour
les jeunes eux-mêmes), avec un troisième opus destiné spécifiquement aux
enseignants dans leurs pratiques de classe. N'étant pas enseignant moi-même,
j'ai fait appel à des ami(e)s professeurs dont je sais qu'ils utilisent la
gestion mentale dans leurs classes depuis plusieurs années - et avec
bonheur ! - et que cette approche mentaliste de la vie de la "conscience
connaissante" a profondément bouleversé leur regard sur leurs élèves
donnant à leurs pratiques professionnelles une tout autre visée de sens.
J'ai déjà publié le témoignage de l'une
d'entre eux dans mon message précédent 170 -Une séance d'accompagnement personnalisé en
lycée avec la gestion mentale. Mais, il s'agit là d'une aide à
l'apprentissage en dehors du cours lui-même, et donc pas d'une
pratique spécifique de transmission de savoirs. Il faut s'approcher encore
davantage du coeur même du métier d'enseignant : la transmission des savoirs.
Aujourd’hui, je mets en ligne deux autre
témoignages concernant directement la pratique en classe. Ils
émanent d’un enseignant d’histoire-géographie en collège, Mikel Erramouspé, et
de l’un de ses collègues en EPS.
Mikel Erramouspé, tout jeune retraité, a
été directeur de plusieurs collèges privés du Pays basque. Il a fortement
contribué à implanter la gestion mentale dans les établissements dont il a
animé les équipes professorales. Lui-même formateur labellisé et expérimenté en
gestion mentale, et toujours actif au sein de l’Institut Supérieur de Formation
de la Gironde, il est en effet un fervent défenseur de la réintroduction de la
conscience au cœur des apprentissages dans le lieu même de la classe.
Voici les deux témoignages qu’il m’a
envoyés (et qu'on pourra relier à tel ou tel point du texte du message 168 : La GM Attitude). Deux très beaux exemples
(et non modèles...) d'attitude professorale inspirée par la Gestion
mentale, à suivre sans modération et facilement adaptables à
toutes les disciplines :
1. En classe histoire-géographie,
sur le geste d’attention et de compréhension en classe... et
la motivation des élèves.
En début de cours. L’enseignant fait
rentrer les élèves en classe. Auparavant il a écrit une consigne au tableau.
Exemple : je fais exister la carte de l’empire romain dans ma tête pour
pouvoir la communiquer aux autres.
Le professeur se tait et attend
que les élèves s’installent à leur place ; il montre du doigt la consigne
écrite au tableau.
Peu à peu les élèves rentrent en
eux-mêmes. Les voilà en activité mentale. Les uns ferment les yeux et dessinent
mentalement la carte, d’autres se parlent intérieurement…
Pendant ce temps le professeur observe,
passe dans les rangs, encourage du regard ceux qui ont du mal à se lancer .
Un grand silence très habité s’est
installé. Le prof n’a toujours pas ouvert la bouche.
Lorsqu’il sent que les élèves sont prêts,
il leur donne la parole. Ceux-ci apportent le fruit de leur réactivation. Les
uns racontent, d’autres décrivent, d’autres encore posent des questions.
Le professeur accueille, suscite le débat,
encourage …
Puis il dit : "Je vais à
présent vous montrer la carte et vous allez comparer avec ce que vous aviez
dans la tête. Au bout de quelques minutes je vais l’enlever."
Le professeur se tait pour laisser les
élèves travailler, puis enlève la carte.
Il donne la parole aux élèves
qui commentent, complètent ….
Il peut à présent continuer le cours dans
un climat d’extrême attention, d’élèves actifs dans leur tête.
Il ménagera des pauses évocatives ** régulières pendant le cours et n’oubliera pas 5 mn avant la fin de laisser du temps pour une nouvelle mise en projet de réutilisation.
Cette activité ne se met pas en place facilement car les élèves n’y sont pas habitués. Mais il devient peu à peu un rituel. La mise au travail devient instantanée, le climat de classe paisible et surtout, les apprentissages deviennent efficaces ! L’enseignant doit accepter que cela prenne du temps. Il peut, au départ, avoir l’impression d’en perdre. Mais en fin d’année, le chemin parcouru est incomparable. Savoir perdre du temps pour en gagner.
Que l'on aimerait avoir (eu) de tels
professeurs ! Et quel formateur doit être Mikel !
+++++++
2. En cours d'EPS, sur l'ensemble des gestes mentaux, la communication à autrui et l'entraide...
et la gestion de l'hétérogénéité, la motivation des élèves, l'argumentation...
Dyades dissymétriques
Entendu au cours d’une journée d’échange de pratiques entre professeurs de Collège.
L’un des moteurs puissants des apprentissages est le projet de communication à et avec autrui. C’est le dernier rouage du "PEGASE"*** de Guy Sonnois. Comme lui, Patxi, professeur d’EPS en collège, a observé le manque de motivation de certains élèves, qu’ils soient bons ou moins bons. Ils travaillent ou font quelques efforts pour faire plaisir au prof … Le changement opéré par les dyades dissymétriques relève d’un changement de posture. Le projet est à présent de communiquer aux autres le fruit d’une expertise et, pour les autres, d’accepter de la recevoir.
Dans les 2 cas, les élèves doivent opérer un retour réflexif sur ses gestes à la fois mentaux et physiques. Il doivent faire travailler les gestes (mentaux) d’attention, de mémorisation, de compréhension… Pas de surprise donc qu'ils progressent.
Les binômes sont amenés à trouver des solutions. Pour cela il sont
obligés de clarifier leur propos, de négocier, d’argumenter, d’observer,
d'imaginer…
Patxi souligne à juste
titre les nombreux avantages de cette pratique. Il démontre que l’hétérogénéité
de la classe peut devenir un atout. Mis dans de telles situations tous les
élèves progressent.
En lisant le rapport de Patxi, on ne peut s’empêcher de penser aux obstacles qui se dressent à toutes les étapes des apprentissages, mais aussi aux solutions à inventer pour les surmonter.
+++++++++
* Plusieurs ouvrages ont déjà été publiés sur l'utilisation de la Gestion Mentale en classe, certains à partir de champs disciplinaires spécifiques : par exemple le Français à l'École avec Ch. Piganneau, les Mathématiques en Collège pour A. Géninet, la Physique en Lycée pour G. Gidrol ; d'autres plus généralistes : à L'École pour Ch. Pébrel, au Lycée et les grands Collégiens pour MF. Le Meignen (ouvrages épuisés mais on en trouve en occasion sur internet). On trouvera les références de ces ouvrages et de bien d'autres plus récents dans cette bibliographie exhaustive de l'IIGM .
** Voir mon message 62 : Pauses structurantes, pauses
évocatives, rythmes d'apprentissage.
*** PEGASE est un "modèle
pédagogique" qui décrit l'intégration de la GM dans la réalité des
exigences du système scolaire actuel . Après l'écriture d'Accompagner… qui le décrit en détail, je l'ai exposé lors d'une conférence au CRDP de Rouen dans
le cadre d'une Journée Interacadémique consacrée à l'Accompagnement
personnalisé des élèves, lycéens en l'occurence, mais ce modèle est transversal
- il vaut pour toutes les disciplines scolaires - aussi bien que vertical -
il vaut pour tous les âges.
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