Julie est en seconde. Selon ses professeurs elle a quelques
difficultés en « raisonnement » et en expression écrite. Elle souffre
d’une dyslexie ancienne, maintenant peu évidente. Elle complique ses
productions, est maladroite dans sa prise de notes, répugne aux exercices…. Rien d’extraordinaire au demeurant, mais
suffisamment gênant pour que les parents, médecins tous les deux, s’en
inquiètent… depuis longtemps déjà. En plus de leur accompagnement très présent,
ils ont eu recours à plusieurs aides extérieures: orthophonie bien entendu,
médecine de la mémoire ( !), professeurs-répétiteurs divers…
Julie vient avec sa maman. Je reçois une jeune fille au
regard éveillé, se tenant droite, le sourire rayonnant… Assez loin de ce que j’avais imaginé après
l’entretien téléphonique avec sa mère. Après un échange préliminaire, et avec
l’accord explicite de Julie et de sa maman, j’ai tenté une expérience à partir
du Q-Sort sur les représentations lycéennes (voir message 19).
Habituellement, je reçois
les adolescents de cet âge sans leurs parents. Mais la proximité mère-fille
évidente et apparemment non contrainte m’a incité, cette fois, à leur proposer
de remplir le Q-Sort chacune de leur côté. Premier résultat : si quelques
rares choix étaient identiques, le plus gros des réponses manifestaient des
écarts de conception assez importants. La discussion qui suivit sur chaque
point fut l’occasion pour Julie de
prendre conscience de cette partie ignorée d’elle-même, et de lui montrer qu’elle
avait droit à cette différence avec sa mère, à cette autonomie de pensée.
Prise de conscience aussi pour la maman qui a réalisé
combien l’aide qu’elle apportait à sa fille était inadaptée tant à sa fille
elle-même qu’aux vrais enjeux scolaires... qu’elle méconnaissait, comme tant de
parents de bonne volonté ! Les souvenirs de sa propre scolarité étaient
son seul guide… Et, de surcroît, il
apparût très vite que le fonctionnement mental de Julie était à l’opposé du
sien, qu’elle découvrait en même temps que sa fille.
Mais ce qui m’a surpris, c’est qu’à partir de nos échanges
sur ses choix de réponses, nous avons pu faire émerger très rapidement les
grandes lignes de son profil cognitif : visuelle - globalisante -
expliquante - opposante - intuitive… La réflexion est pour elles deux un geste
tout à fait inconnu (dans sa formulation) et Julie ne le pratique jamais de
façon explicite, se fiant à son intuition, souvent juste d’ailleurs. Mais du
coup ses difficultés en expression écrite, ses raisonnement alambiqués, les
« détours» contre-productifs de sa pensée s’éclairaient d’un
nouveau jour.
Le reste de nos deux entretiens, le second sans la maman,
fut consacré à poursuivre la résolution du conflit entre les représentations empiriques érronées qui
faussaient l’activité intellectuelle de Julie, et celles que Pégase permet de
leur substituer, en toute conscience et en faisant appel à son « esprit
critique ». Je ne sais ce qu’il adviendra de Julie, mais je suis sûr
maintenant que si des difficultés persistent, ce ne sera plus du fait de ce « complexe
impur de ses intuitions premières », pour reprendre l’expression
bachelardienne (cf message 23).
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