jeudi 6 avril 2017

109 – L'imagination au vestiaire !

Dans mon message 101, je relatais un dialogue pédagogique avec un enfant de primaire doué d'une grande imagination, et la manière dont je l'avais amené à l'utiliser dans ses activités scolaires. Voici aujourd'hui un entretien mené avec Arthur, un enfant de 13 ans, en classe de quatrième, en train de perdre pied au collège, malgré une intelligence dont l'évidence crève les yeux. C'est l'aîné d'un couple ami, et la première rencontre s'était déroulée avec sa sœur et ses parents. Par différents exercices j'avais montré que chaque membre de la famille avait un fonctionnement mental très différent avec peut-être une certaine correspondance pére-fils qui s'opposait presqu'en tous points  à celui du couple mére-fille. Et c'est sa maman qui faisait travailler Arthur... avec les incompréhensions et les conflits qu'on imagine  ! Outre ces différences individuelles, j'avais mis en évidence la nécessité d'avoir une intention très précise dans une activité, et le fait que l'on ne peut en gérer deux simultanément de façon efficace.
Déjà très impressionné par cette première rencontre, Arthur s'était très rapidement mis à gérer son travail de façon beaucoup plus autonome, et les relations en famille avaient retrouvé un cours plus normal.
Dans une deuxième rencontre, j'ai aidé Arthur à mettre en pratique ces premières découvertes. En voici le récit.

Deuxième entretien avec Arthur.

Cette rencontre a porté principalement sur trois sujets :
·         
·       approfondissement du fonctionnement mental personnel d’Arthur;
- exercice de mémorisation d’un texte anglais en utilisant ce fonctionnement mis au jour ;
- lecture approfondie d’un énoncé H.G. dans un contrôle raté.

Exercice de mémorisation d’un texte anglais.
Arthur éprouve peu d’attirance pour le travail scolaire. D’où cela vient-il ? Il s’est remémoré un texte anglais  appris il y a quelque temps (d'Agatha Christie sur Hercule Poirot) Pour cet apprentissage, il avait appliqué  "la méthode de Tatie", dite "méthode des cinq barres" : Lire 5 fois une phrase, la répéter une fois dans sa tête, puis passer à la suivante et ainsi de suite. À chaque lecture mettre une barre devant la phrase. Arthur semble ne pas avoir une grande attirance pour une telle méthode, mais à défaut d’autre chose…

À la fin d’un tel travail, Arthur retrouve une image très précise de l’illustration qui accompagnait le texte anglais, bien qu’il n’ait pas eu l’intention volontaire de la photographier mentalement (le détective, son habillement, le bateau sur le Nil, en arrière-plan les pyramides et des paliers … etc.), évocation visuelle concrète qui lui donne le sens du texte,  qu’il pouvait exprimer en français de manière très convenable. À côté de cette image mentale se trouve une deuxième image globale de la forme générale du texte anglais mais dont les mots sont « floutés », si bien qu’il ne peut pas le lire mentalement distinctement.

J’ai demandé à Arthur ce qu’il faisait dans sa tête pendant qu’il apprenait ainsi ses phrases en les lisant plusieurs fois. Il a soudain réalisé ce qu’il se passait réellement dans son esprit à ce moment-là : des petits bonshommes imaginaires saisissaient les mots du texte pour les amener dans sa tête. Mais une fois dans sa tête, les mots tombaient comme dans un grand trou.

Une imagination, très vive.
Il est apparu alors qu’Arthur possède une imagination très vive, à l’œuvre dans les activités autres que scolaires. Malheureusement (comme tant d’autres élèves doués d’imagination…), il ne pense pas à se servir de ce vrai pouvoir dans les activités scolaires.

Nous avons alors travaillé à remettre en place ce fonctionnement naturel et très personnel. Ce qui manquait aux petits bonshommes pour aller jusqu’au bout de leur travail, c’était une mission donnée par un chef. Le fait d’avoir orienté Arthur vers une méthode inadaptée de rabâchage oral, l’a détourné de son fonctionnement naturel : il n’était pas réellement « à la manœuvre » dans sa tête et ne pouvait donc pas commander « ses petits bonshommes » en leur donnant une mission précise (on ne peut se concentrer sur deux choses en même temps…). Arthur a alors demandé à ses petits bonshommes de poursuivre leur action en plaçant les mots saisis sur le texte flou de manière à le rendre lisible. Très vite le texte lui est apparu distinctement dans sa tête et il a pu le lire comme s’il l’avait réellement sous ses yeux. Après quelques vérifications, Arthur a pu ensuite écrire ce texte intégralement avec juste quelques petites erreurs.

Nous avons ensuite travaillé à « mémoriser » réellement ce texte qui pour l’instant n’était que « mentalisé », c’est-à-dire évoqué avec précision (il était bien transposé dans la tête d’Arthur, mais sans mission particulière quant à une réutilisation dans le futur, ce qu’il fait spontanément lorsqu’il apprend une technique nouvelle au football, en s’imaginant la pratiquer sur le terrain dans le prochain match). Arthur s’est alors souvenu que lorsqu’un contrôle lui était annoncé, il lui arrivait d’en avoir une image très précise pendant son sommeil, la nuit suivante. Il se voyait lui-même dans la classe devant une feuille blanche. Nous avons repris cette production imaginaire en la précisant, et en y associant le texte anglais qu’il évoquait maintenant distinctement comme décrit plus haut. Arthur s’est alors imaginé en train de se réciter ou d’écrire sur la feuille blanche le texte qu’il avait dans la tête. Cela fut un effort important pour Arthur, peu habitué  à ce type de « travail » dans le cadre scolaire.

Exercice de lecture.
Nous avons ensuite passé un moment sur un contrôle d’histoire-géo raté. Le professeur reprochait à Arthur un manque d’analyse. En fait, il s’agissait tout simplement d’une mauvaise lecture d’énoncés. J’ai donc invité Arthur à « apprendre à lire » un texte scolaire. Je remets ici le descriptif de cette « méthode des cinq lectures »  qu'on retrouvera aussi dans '"Accompagner...", p. 128-131(rien à voir avec la « méthode des cinq barres de Tatie »…). Arthur a réalisé que sa lecture habituelle de texte scolaire était totalement insuffisante. Il se contente des éléments concrets, anecdotiques, facilement imaginables du texte : marins Chinois, tortues, prix de l’amende, nombre d’années de prison, etc. Rien des contenus abstraits n’était intégré : revendications territoriales, relations bilatérales envenimées, souveraineté indiscutable, etc. J’ai invité Arthur à relire plusieurs fois le texte en remettant en jeu systématiquement ses évocations premières, en les comparant au texte : « est-ce que le texte dit la même chose que ce que j’ai mis dans ma tête ? ». Petit à petit les choses incomprises la première fois lui sont apparues. Le texte était relativement difficile pour un enfant de cet âge, et quelques explications ont dû être apportées pour quelques éléments plus difficiles.

J’ai remarqué qu’une autre « antiméthode » venait polluer chez Arthur la lecture des énoncés : surligner les mots importants dès la première lecture. Vue la qualité de cette lecture première où Arthur  recueille essentiellement  les aspects concrets facilement imaginables,  ceux qui lui sautent littéralement à la tête, les « mots importants » qu’il sélectionne n’ont strictement rien à voir avec les véritables mots clés du texte, les mots porteurs du sens du texte. Il faudra donc, là encore, qu’Arthur se déshabitue de cette manière de faire qui ne peut que le conduire à un contournement de l’effort d’analyse (opération d’abstraction) qui lui est demandé.


Nous aborderons la prochaine fois une méthode pour réaliser les synthèses, par la pratique des schémas qui semble particulièrement adaptée au fonctionnement mental d'Athur.

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