lundi 7 août 2017

114 - Relations parents-profs...en 1909 : le bon sens vous dis-je !

Poursuivant ma lecture du petit carnet noir à l'écriture serrée de l'aïeule de mon amie, maîtresse d'école de son état en ce début de XX° siècle, je tombe sur cette conférence pédagogique du 18 octobre 1909, dont le sujet est la relation du maître avec les parents. Elle vaut son pesant de bon sens et de brûlante actualité. On y trouvera pêle-mêle : l'absentéisme comme une des sources du décrochage scolaire, le besoin d'utilité des savoirs transmis aux plus âgés, l'absolue nécessité "d'unité de conscience" (sic) entre les parents et les enseignants, de franche collaboration, et même de cordialité entre eux, avec cette image forte et tellement représentative de cette époque disparue, de "la main blanche et fine" (re-sic) de l'instituteur serrant avec estime  "la main calleuse du travailleur" (re-re-sic). On notera la création d'associations de "pères de famille"... les temps ont changé...Sans oublier l'appel au patriotisme : cinq ans après éclate la première guerre mondiale qui scellera la réconciliation de l'instituteur, du curé et du travailleur dans la fraternité cimentée par les souffrances et la boue des tranchées. Mais pour combien de temps ?


Conférence pédagogique du 18 octobre 1909

Rapport du maître avec les parents

Les associations des Pères de famille qui se fondent un peu partout ont donné l’idée du sujet de la conférence.
Les associations créées dans le but de soumettre l’instituteur à une surveillance étroite, tant au point de vue de son enseignement que des livres qu’il emploie, et de lui créer des difficultés, si possible, ne doivent pas nous effrayer outre mesure.
Si nous avons su gagner, conserver et fortifier la confiance et la sympathie les familles, les associations ne sont pas bien à craindre.

Moyens pour gagner cette confiance.
Pour cela, plusieurs moyens sont à notre portée :

1.    Réclamer le concours des parents dans le but que nous poursuivons. Mais cela avec mesure. Nous ne devons pas les laisser s’ingérer dans notre façon d’enseigner, dans notre manière d’appliquer des méthodes. Pour accomplir sa tâche, l’instituteur a fait des études spéciales et très longues que les parents n’ont pu faire. Ils ne peuvent donc ni surveiller, ni contrôler le maître. Sur ce point là, n’admettre ni discussion ni explication, elles ne sont pas possibles.
Mais on peut leur demander de veiller au travail que l’enfant fait à la maison. Ils doivent se rendre compte si l’enfant sait ou ne sait pas ses leçons ; s’il a accompli le travail à lui imposé : problèmes, cartes, etc.… Et s’il est fait d’une façon convenable.

2.    Les entretenir souvent de la fréquentation scolaire. Un petit nombre de parents comprennent le mal qu’ils font à leurs enfants en leur faisant manquer la classe. Leur expliquer que l’enseignement est un enchaînement qu’il faut suivre d’un bout à l’autre. La leçon de la veille explique celle du jour comme celle-ci expliquera celle du lendemain. Si l’enfant perd un jour, c’est un chaînon qu’il perd et qu’il ne remplacera pas. Ne pouvant comprendre la leçon le jour où il sera à l’école, il se dégoûtera, fera un mauvais élève.
Nous savons tous qu’il est des conditions économiques contre lesquelles il est difficile de lutter : besoin qu’a la famille du travail de l’enfant,  misère, etc.… Contre cela, utilité des cantines scolaires, des fournitures gratuites, etc.
Mais l’instituteur surtout peut beaucoup pour assurer la bonne fréquentation de son école. C’est lui qui doit faire comprendre à l’enfant le tort qu’il se fait à lui-même en manquant la classe. Et si les enfants prennent intérêt aux leçons faites, ils seront nos meilleurs avocats auprès de leurs parents. Et ces derniers regretteront davantage d’être obligés de les garder s’ils voient le chagrin de l’enfant à manquer l’école.

3.    Cours d’adultes. Les cours d’adultes nous sont aussi un bon moyen de gagner la confiance des parents. Mais pour ces cours, utilité qu’il y a à faire collaborer les jeunes gens à l’emploi du temps. Ils demandent que toutes les connaissances qu’on veut leur faire acquérir aient une valeur pratique, utilisable. Il faut donc leur apprendre à arpenter, à cuber… il faut leur montrer la manière de dresser un bail, d’écrire un reçu, une lettre d’affaires, etc.…

4.    Communication avec les parents. Il existe dans certaines écoles un carnet de correspondance à peu près inutile dans les écoles rurales. les enfants le font signer ou non, par leurs parents ou des étrangers, etc. Le travail demandé à l’instituteur n’est plus en rapport avec le bénéfice qu’on peut en retirer. On peut se servir du cahier mensuel. À la fin du mois, l’envoyer chez les parents avec une note particulière sur l’application, le travail de l’enfant. L e mois où la note sera trop mauvaise, se dispenser d’envoyer le cahier, tout en prévenant l’enfant qu’on le montrera à ses parents. Cela pour ne pas l’exciter à user d’ une supercherie, etc.

5.    Il doit encore chercher à obtenir unité de conscience dans l’école et dans la famille. Ce qui a été blâmé par le maître doit l’être par les parents.
Un enfant a un défaut. Les parents et les maîtres doivent s’entendre pour le punir. Un enfant est menteur. Retirons- lui notre confiance. S’il s’aperçoit qu’on ne le croit plus, même lorsqu’il dit la vérité, s’il voit qu’il n’a plus l’estime de ceux qui l’entourent, il fera tout pour la regagner.
Un autre manque de courage, d’énergie. Le jour où nous aurons besoin du concours d’un élève, refusons lui de nous aider et demandons l’aide d’un autre de ses camarades qui aura su se montrer plus énergique. Et cet enfant fera encore son possible pour se corriger

Il faudrait enfin pouvoir obtenir que dans la famille, jamais un mot ne soit dit contre l’instituteur. Mais à son tour, celui-ci ne doit pas avoir l’air de dédaigner le travailleur. Par sa tenue, ses actes, ses paroles, il doit lui montrer qu’il estime. Il faut qu’il règne entre les parents et le maître une franche allure de cordialité.
Qu’un courant de cordialité s’établisse quand  la main douce et fine serre la main calleuse de l’ouvrier.


6.    Il faut encore avoir le souci de l’opinion. Les instituteurs sont accusés d’antipatriotisme, d’antimilitarisme sans doute les soupçonne-t-on partisans des doctrines d’Hervé. Eh bien, cette opinion est injuste, et il faut que l’on sache que le maître aime et respecte la Patrie.

1 commentaire:

  1. Bonjour Guy,

    J'ai participé à l'une de vos formations en gestion mentale au Puzzle à Mérignac

    JE veux poursuivre cette transmission.

    Vous aviez parlé d'une petite fille en difficulté face à l'enseignant, et aux professeurs... et vous n'avez pas donné la fin de l'histoire que je veux connaître.

    n'ayant pas vos coordonnées
    voici les miennes
    Farzad Felezzi
    0664803881
    felezzif@gmail.com

    RépondreSupprimer

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