vendredi 2 février 2024

189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "VM attitude", la conviction fondamentale, profonde et intime qui orientait mes pratiques d'accompagnement, autant individuel que collectif. Il fait partie, outre les livres d'ADG eux-mêmes, de ces témoignages oraux (et donc plus rares) qui ont bien inspiré certains passages de (Re)trouver le sens au coeur de la classe, surtout ceux concernant le dialogue pédagogique collectif en classe (DPC) .

La médiation est un concept assez galvaudé vers la fin du XXe siècle. Détourné de son sens profond par une pédagogie essentiellement béhavioriste, exclusivement "sensorimotrice" dans laquelle le couple perception-action ne laisse aucune place à l'intériorité des élèves, à ce troisième temps (ou plutôt second temps… intercalaire, intérieur, d'intensité et de durée variable) qui leur permet de se reconnaître en tant que sujets et de trouver en eux-mêmes et par eux-mêmes, avec notre aide au besoin, leurs moyens personnels d'entrer dans l'exigence si humaine de connaître bien plus satisfaisante et épanouissante que le seul devoir d'apprendre.

On notera également qu'on est assez loin de la métacognition prônée aujourd'hui. Cette fausse médiation qui voudrait, de l'extérieur, comme avec de longues baguettes, gérer l'apprentissage d'un enfant selon les critères de réussite d'une société qui ne le reconnait pas en tant que "personne"*.

* Ce mot, personne, on ne l'emploie plus guère que négativement, pour "nier" sa présence, comme lorsque, dans une classe  non résonnante, "il n'y a personne qui répond" (comme pour le téléphone du Gaston de Nino Ferrer...) Avec la pédagogie de la vie mentale, "IL Y A personne" dans la classe, tant du côté du professeur que des élèves, et alors ça répond du côté des élèves pour le grand bonheur de leur professeur.  

Et la résonance (selon Rosa) s'installe durablement dans la classe.

Loin de cette extériorité distante, dépersonnalisante, qui provoque souvent chez les élèves des réactions "d'encontre" (refus, fuite, violence… ), la médiation que propose La Garanderie est une véritable "rencontre" humaine. Mieux que la béate bienveillance, fausse empathie que l'on redécouvre subitement aujourd'hui (elle est certes nécessaire, mais elle demeure bien souvent superficielle, artificielle), il s'agit plutôt d'une "r(é)assurance" bien plus à même de soulager à sa racine, en profondeur et durablement, l'anxiété éprouvée par tant de jeunes aujourd'hui : 

 « Pour cela, il faut que, d’une part, l’action du formateur ou de l’enseignant soit rassurante, et, d’autre part, qu’elle ouvre au sens des efforts à faire : « Tu as à te rencontrer toi-même, tu n’as pas à te fuir en cherchant à répondre tout de suite à la question, en cherchant éperdument un modèle dans la tête de ton enseignant, tu n’as pas à te fuir en refusant le travail. Tu as à t’accepter en ayant foi en toi, et tu vas voir que si tu t’acceptes de l’intérieur, tu vas pouvoir te trouver, te rencontrer et tu vas pouvoir progresser ». Extrait de l’allocution d'Antoine de la Garanderie en clôture du Colloque de l'IIGM de 1996 . En voici le texte entier :



Extrait de l’allocution finale d’Antoine de la Garanderie

au Colloque de gestion mentale de 1996.

 Nous communiquons ici un extrait de l’allocution finale consacrée à une réflexion sur le rôle de la médiation et de l’introspection en gestion mentale comme moyen de développement de la personne de l’élève.

« Le souci, l’exigence de cette introspection que nous pratiquons permet d’être proche de l’autre et c’est ce qui est au cœur de la médiation que nous établissons.

Le sens du mot « médiation » doit être approfondi. Il y a quelque chose à vivre au cœur de la médiation : c’est la rencontre. Lorsque nous interrogeons des sujets sur leur manière de s’y prendre dans une situation de tâche, nous ne souhaitons pas tellement être médiateurs, nous voulons aller à leur rencontre, pour qu’ils puissent se rencontrer eux-mêmes.

Le « R » du début du mot rencontre est très important parce que, quand on ne va pas à la rencontre de quelqu’un, j’ai très peur que l’on ne se trouve être à son encontre. Ces sujets ont besoin de se rencontrer eux-mêmes, du fait même qu’ils sont en situation d’insécurité, dans une exigence d’effort et de dépassement. Ils ne doivent pas se trouver dans une situation où il y a de l’encontre. Et ce « R » de réconciliation, cette aire (ou ère ?) de communication va leur permettre de s’accepter, de se trouver eux-mêmes. Dans tout ce travail de dialogue pédagogique (…), nous avons ce souci, cette exigence, de communiquer avec le sujet auquel nous parlons. Pour cela, il faut que notre voix, que notre questionnement lui permette d’aller à la rencontre de lui-même. Il est inquiet ce qu’il va rencontrer. Il a besoin d’être rassuré sur lui-même, par un regard prometteur de progrès.

Le point le plus important du dialogue pédagogique est l’éveil du sujet à lui-même dans ses tâches ; il s’éveille par rapport aux façons dont il peut s’y prendre mentalement pour s’adapter aux tâches à accomplir. Il est donc absolument nécessaire qu’il puisse vivre dans un climat d’harmonie avec lui-même, qui sache que l’harmonie peut se faire, va se faire. Pour cela, il faut que, d’une part, l’action du formateur ou de l’enseignant soit rassurante, et, d’autre part, qu’elle ouvre au sens des efforts à faire : « Tu as à te rencontrer toi-même, tu n’as pas à te fuir en cherchant à répondre tout de suite à la question, en cherchant éperdument un modèle dans la tête de ton enseignant, tu n’as pas à te fuir en refusant le travail. Tu as à t’accepter en ayant foi en toi, et tu vas voir que si tu t’acceptes de l’intérieur tu vas pouvoir te trouver, te rencontrer et tu vas pouvoir progresser ».

Toute activité d’acquisition de connaissances réunit dans la conscience d’un sujet l’objet qu’il a à conquérir, les gestes qu’il a à faire et lui-même. Cette mise en examen nécessite un travail d’intériorité. Or, il est certain que la pédagogie a souvent négligé l’intériorité de l’être humain. On a fait une pédagogie de type sensorimoteur : tâche et adaptation à la tâche. Les lois de la grammaire, les théorèmes, les règles sont considérés comme quelque chose d’extérieur, comme si le sujet avait purement et simplement à s’y adapter. On oublie que le sujet a à s’adapter à lui-même par une réflexion qui devrait lui permettre justement de conquérir ces objets d’étude.

Au lieu d’une pédagogie à deux temps : perception et action, il nous faut une pédagogie à trois temps ; il faut que le sujet lui-même se prenne en compte entre la perception et l’action. Il a tout un effort à faire sur lui-même d’adaptation à la tâche, à la connaissance de l’objet. C’est un effort de prise de conscience des moyens mentaux qu’il peut employer pour s’adapter aux tâches.

Telle est la raison profonde de tout le travail que nous avons entrepris. Il n’y aura pas d’acquisition et de développement de connaissances d’une façon démocratique, si on ne met pas le sujet en face d’une régulation par lui-même de ses procédures ; s’il n’y a pas de prise de conscience des moyens d’opérer, il n’y aura pas de développement de connaissance. C’était là, en effet, ma préoccupation : si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne. J’étais préoccupé par le désarroi et l’échec de tant d’enfants malheureux parce qu’on laissait un vide au-dedans d’eux entre l’objet et l’acte à faire (pour l’appréhender) ! 

Antoine de la Garanderie. 31 mars 1996

jeudi 1 février 2024

188 - La gestion mentale au risque de la vérification expérimentale.

Je publie ici un article que je n'avais pas terminé en son temps, autour de 2018, et que des lectures postérieures m'ont permis de clore aujourd'hui, bien que de façon toujours provisoire comme l'est toute réflexion en ce domaine du lien entre neuronal et mental. Il complète une série d'articles qui ont inspiré la base théorique de mon prochain livre (Re)trouver le sens au cœur de la classe, Une pédagogie de la vie mentale. Voir mon message 182 - Deux articles récents pour un nouveau livre à paraître en Janvier 2024. 

Dans son livre Le code de la conscience Stanislas Dehaene relate de façon très détaillée la façon expérimentale dont il a traqué le cheminement neuronal qui mène un sujet à la prise de conscience d'une de ses perceptions physiques. Cette prise de conscience est très proche de ce que la Garanderie a appelé l'évocation mentale, dont il réclamait, en vain jusqu'ici, que l'on en vérifie la réalité en laboratoire de psychologie. En 1994, il proposait pour cela un protocole très élaboré… que j'ai retrouvé presque à l'identique dans la démonstration de Dehaene, 20 ans après.

Cette concordance ne pouvait me laisser indifférent. J'ai donc rapproché ce protocole de l'expérimentation scientifique que nous livre Dehaene. C'est tout à fait éclairant : bien que les scientifiques divergent encore sur quelques points quant à l'origine de la conscience humaine, celle-ci n'est donc pas un fantasme, elle existe bien et l'on peut donc tabler sur elle pour proposer une pédagogie de la vie mentale. CQFD.


Lire l'article : Critères de la gestion mentale vs Code de la conscience.

mardi 16 janvier 2024

187 - Pour l'éveil et l'accompagnement de la vie mentale : Le dialogue pédagogique collectif (DPC) en classe.

 "Gestion mentale", c'est ainsi que l'on nomme maladroitement l'ensemble des concepts issus des travaux du pédagogue Antoine de la Garanderie, également psychologue et philosophe. Cet ensemble théorique fortement structuré est le fruit de sa patiente et féconde recherche sur la vie mentale, manifestation de la conscience cognitive de l'être humain, en particulier dans les apprentissages scolaires. Cette vie mentale, invisible de l'extérieur, n'est observable qu'au moyen de l'introspection expérimentale. Cette méthode d'investigation psychologique  a été abandonnée à l'aube du XXe siècle lorsque la psychologie s'est voulue une "science pure et dure" (mais certains chercheurs bien actuels la réhabilitent un peu). Contre vents et marées, ce chercheur a poursuivi son travail à la suite de tout le courant humaniste de la psychologie qui a survécu à bas bruit, en Amérique davantage qu'en Europe. L'outil de l'introspection appliquée à la pédagogie a donné lieu à un dispositif simple et très performant : le dialogue pédagogique, pratiqué en relation individuel ou en groupe, notamment en classe. 

Devant le véritable tsunami que représentent les innovations les plus récentes comme Chat GPT ou toutes les IA qui envahissent nos activités en tous domaines,  philosophes, sociologues, psychologues, ou simples pédagogues appellent en chœur à remettre "la conscience à l'ordre du jour" pour contrer leurs effets déshumanisants. Ce sursaut, cette résistance, comment vont-ils concrètement se manifester dans le cadre de notre École en plein désarroi, comment pourraient-ils l'aider à se remettre sur la "bonne voie" ? Tout simplement, et malgré les obstacles, en remettant la vie mentale au cœur des activités quotidiennes de la classe

C'est en pratiquant en toute occasion le dialogue pédagogique "collectif" que cela sera possible. J'y ai consacré une grande partie de mon prochain livre (Re)trouver le sens au cœur de la classe - Une pédagogie de la vie mentale.

En attendant sa sortie en librairie, le  22 février, voici un protocole qui vient compléter mon ouvrage.

Proposition de protocole : https://drive.google.com/file/d/1pxes_ThS3I3zduh4re5PrZxFlAjVuDWV/view?usp=sharing

Avec de grands adolescents(à partir de la 3°), on peut leur proposer une grille d'auto-analyse qui les aidera à mieux contacter leur "monde mental" (expression qui leur plaît bien), cela facilitera d'autant les dialogue collectifs qui suivront les exercices d'initiation. Cela leur facilitera aussi le repérage des constantes dans leur activité mentale :

Proposition d'un exemple de grille d'auto-observation :

https://drive.google.com/file/d/14eXzfUXH_I5gT_ee3bT85fv0pEafongB/view?usp=sharing

vendredi 12 janvier 2024

186 . Une expérience bien déconcertante, mais pleine d'enseignements : quand cerveau et conscience ne correspondent plus....

 

Je viens de faire une expérience un peu surprenante. J’ai été opéré récemment du canal carpien de mon poignet gauche. Opération banale, mais nouvelle pour moi. Le procédé est d’une grande simplicité : on pratique à la base du poignet une petite incision de quelques millimètres par laquelle on introduit une fibre optique ainsi qu’une lame microscopique, le tout commandé par une sorte de revolver actionné par le chirurgien qui visualise l’opération sur un écran (que l’opéré peut voir également). Vraiment l’expérience est intéressante (en plus de bien soulager le patient).

Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est l’anesthésie (loco-régionale, comme ils disent). Il s’agit d’insensibiliser totalement le bras à partir de l’épaule. Le résultat est qu’on ne sent absolument plus rien dans l’ensemble du membre qui ne peut effectuer volontairement aucun mouvement : exactement comme le bras d’une marionnette désarticulée.

En attendant le chirurgien dans la salle d'opération, j’ai eu l’occasion de regarder mon bras et j’ai alors éprouvé une sensation étrange : je regardais cette "chose", que pourtant je savais être mon bras (conscience), comme s’il était un objet étranger. N’ayant pu aucune sensation émanant de lui, mon cerveau ne le reconnaissait pas ; il ne faisait plus partie de moi.

À cela s’ajoutait une autre étrangeté. Même si mon bras ne m’envoyait plus aucun signal, j’avais cependant des sensations, de lui-même ou de mes doigts (sensations fantômes, simples réminiscences, comme après une amputation). Mais ces sensations imaginaires ne correspondaient absolument pas à ce que je voyais : mon bras était soigneusement posé à plat sur la table d’opération alors que je le pensais redressé comme pour un salut. Impression très dérangeante.

Puis, lorsque l’opération fut terminée, l’infirmière a maintenu mon bras replié par une sorte d’écharpe si bien que mes doigts étaient proches de mon visage ( alors que je les imaginais beaucoup plus bas...). À un moment, un mouvement de ma tête les mit en contact avec mon menton. Ce contact d’un corps étranger avec ma peau, mes doigts sensibles comme des bouts de bois, je fus saisi d’une sorte d’effroi qui provoqua un mouvement de recul de ma part, comme on en éprouve dans le "couloir de la mort" dans les fêtes foraines et que des mannequins invisibles nous touchent au passage.

 Ce sentiment d’effroi fut encore renforcé lorsque, plus tard, une fois rentré chez moi, je laissais échapper ce bras que je tenais fermement de mon autre main pendant que l'on m'aidait à me déshabiller : il tomba alors lourdement comme une partie morte, le coude ne jouant plus son rôle et étant devenu totalement inefficace.

Ainsi, je me trouvais dans une situation où une partie de mon corps m’était devenue totalement étrangère et cette sensation était fort déconcertante. L’impression de ne plus commander à mon bras était même éprouvante. Privé des sensations remontant par les nerfs sensitifs jusqu’à ses aires spécialisées, mon cerveau était tout désorienté et ma conscience en éprouvait des sentiments d’étonnement, de désappointement, de légère frayeur. 

S’il me fallait une preuve que la conscience et le cerveau ont partie liée et que l’une ne va pas sans l’autre, avec le trouble qui en résulte pour elles lorsqu'on les separe, je l’ai trouvée à l’occasion de cette petite opération bien banale. 

mercredi 27 décembre 2023

185 - Ateliers de lecture d'énoncé et d'écriture en séances de "méthodologie" (réveil de l'activité mentale) : les exercices que j'utilise.

Voici les exercices que j'utilise dans ces deux ateliers.

Atelier de lecture d'énoncé.  (Voir Accompagner le travail des adolescents avec la pédagogie des gestes mentaux, pages 164 et suivantes)

Cet atelier a pour but de faire prendre conscience aux élèves de leurs erreurs habituelles dans la lecture des énoncés  avant toute résolution de problème (toute phrase entendue ou lue est un "énoncé", oral ou écrit, mais le terme est souvent attaché à l'exposé des données d'un problème à résoudre).

Dans un premier temps, je demande aux élèves de me dire ce que veut dire "le cheval galope dans la prairie accompagné par le chien qui aboie joyeusement à ses côtés". Ils le font aisément et un petit dialogue collectif fait rapidement apparaître les manières différenciées qu'ils ont utilisées pour me comprendre. Je leur fais remarquer que pour le comprendre ils ont tous "traduit" l'énoncé (image mentale concrète, commentaires verbalisés intérieurement, image auditive des aboiements, ressentis du mouvement du galop...). De même, toute lecture d'énoncé est donc une traduction en "objets mentaux" personnalisés. Mais il y a à cela des obstacles qu'ils rencontrent régulièrement au moment de leurs évaluations. Lesquels sont-ils ?

Premier exercice. À la recherche du diamant vert.

Objectif : nous avons des habitudes de lecture qui sont parfois des obstacles à une bonne compréhension d'un énoncé.

Il s'agit d'un exercice tiré d'un dispositif destiné au passage CM2-6°, ce qui est indiqué dans le coin droit (mais les élèves n'y prêtent aucune attention jusqu'à ce que je le leur indique après qu'ils ont bien séché pour trouver le bon sens de lecture, qui est ici en diagonale alors que nous lisons habituellement horizontalement et de gauche à droite). Effet garanti ! 

Deuxième exercice. Les directives.

Objectif : lorsque le travail est en temps limité, la tendance à la précipitation est le principal obstacle à la réflexion des élèves.

J'annonce aux élèves que cet exercice devra se faire rapidement et que je le chronomètre (ce que j'affecte de faire ostensiblement au début, avant qu'ils ne se mettent au travail après mon "top départ"). C'est un exercice très connu, mais dont l'effet est toujours aussi percutant.  Les élèves qui le connaissent prennent des "airs entendus". Je leur demande de ne rien en laisser paraître et de faire l'exercice comme s'ils le découvraient pour ne pas priver leurs camarades de l'expérience de leur pire ennemi : la précipitation dans l'action immédiate (projet de résolution et non de réflexion). L'exécution des consignes saugrenues au cours de l'exercice donne lieu à des situations cocasses qui déclenchent quelques fou-rires difficilement dissimulables... On apprend aussi bien en s'amusant.

Immanquablement, les élèves se rendent compte à la fin qu'ils n'ont pas bien "lu" la première directive qui leur demandait seulement de lire les autres consignes et non de les exécuter. L'ambiguïté du mot "accomplir" dans la première phrase est assez proche de l'imprécision de certaines de leurs consignes scolaires habituelles…

Troisième exercice.  La semaine rouge à Chicago. (Exercice tiré des Ateliers de Raisonnement Logique (ARL) d'Higelé qui fournissent beaucoup de mes mises en situation, notamment celles de l'atelier d'écriture )

Objectif : lorsque les informations sont trop nombreuses, il faut les réduire, les "traduire" sous une forme simplifiée,  en schéma ou en tableau (cela vaut aussi bien pour la mémorisation de cours volumineux). Dans cet exercice, c'est un tableau à double entrée qui permet la simplification, la classification de données particulièrement touffues et volontairement compliquées et alambiquées. Les premiers élèves à trouver la solution ne sont pas toujours les habituels "premiers de la classe". Il est important de  mettre en valeur leur manière originale de penser, plus globalisante, spatialisante, habituellement prise en défaut par la linéarité discursive de la plupart des disciplines et de la façon habituelle de les enseigner.

L'atelier se termine avec la lecture d'un énoncé tiré de l'une des disciplines scolaires de leur programme actuel. Ils sont invités à y investir (transférer) les découvertes qu'ils viennent de faire sur leurs défauts habituels. La réussite est généralement au rendez-vous, confirmation qu'ils ont commencé à changer quelque chose dans leurs (mauvaises) habitudes de lecture d'énoncé au moment des évaluations. 

Atelier d'écriture.

J’ai décrit le détail de cet atelier dans « Accompagner le travail des adolescents avec la pédagogie des gestes mentaux », pages 191 – 192. Je rappelle brièvement le principe : l’atelier se déroule en quatre temps ; la classe est séparée en deux groupes de même nombre (en cas de nombre impair, un adulte présent pourra remplacer l’élève manquant ; chaque groupe reçoit un énoncé de problème à résoudre. Je mets ici ceux que j’utilisais dans les dernières années après en avoir expérimenté d’autres moins performants :

- premier groupe : la pesée des chatons.

- deuxième groupe : les carrés magiques.

 Dans les deux cas, il s'agit des mêmes opérations : comparer deux objets  les plus proches d'apparence (tous sont égaux en quantité, poids ou somme), en éliminer les aspects identiques et substituer des valeurs concrètes ou abstraites au restant (comparaison, élimination, substitution). On retrouve ces opérations dans les résolutions d'équation en sciences. Pour l'attribution des énoncés aux 2 groupes, je demande qui sont les meilleurs en maths pour leur donner les "carrés magiques"...

Chaque groupe reçoit un problème. Chaque élève doit d’abord le résoudre avant de rédiger quelques lignes pour aider un futur lecteur (dans l’autre groupe, mais qu’il ne connaît pas encore) à comprendre comment il pourrait atteindre la solution.

Premier temps : résolution . Au début les élèves travaillent seuls. Si certains ont des difficultés, on invite ceux qui ont trouvé la solution à aider ceux qui sèchent encore. Au besoin, par quelques indications, on aide le groupe qui serait en difficulté dans son ensemble.

Deuxième temps : rédaction . Lorsque tout le monde a trouvé la solution, on propose aux élèves de ressaisir mentalement leur démarche (pause évocative) puis, de rédiger un raisonnement à l’intention d’un lecteur inconnu. Dans les deux groupes, chaque élève est à ce moment-là rédacteur- écrivain.

Troisième temps : lecture-compréhension. Lorsque les deux groupes sont prêts, on échange chaque rédaction avec un élève de l’autre groupe (non désigné à l’avance, pour conserver jusqu’au bout l’anonymat du lecteur). Chaque élève devient alors « lecteur- évaluateur » du travail d’un camarade de l’autre groupe, dont les indications sont censées lui faciliter la résolution du problème.

Quatrième temps : évaluation-discussion. Lorsque tout le monde a fini de lire et de résoudre le problème à l’aide des indications plus ou moins claires du camarade, on réunit les deux groupes chaque écrivain-lecteur rencontrant son homologue lecteur-écrivain. Chacun à tour de rôle fait alors les remarques sur ce qu’il a lu et la plus ou moins grande clarté des indications, si elles ont ou pas aidé à la résolution du problème, etc. Cette dernière étape est particulièrement réjouissante pour les observateurs : la sévérité des élèves envers leurs camarades est beaucoup plus réelle que celle (supposée) de leurs correcteurs habituels ! Et ils s'en souviendront quand ils écriront "pour de vrai"... 


 

mardi 19 décembre 2023

184 – Un entretien inédit avec Antoine de la Garanderie où il est question du sens, sa promotion et l'accompagnement de sa recherche.

 Au détour des années 2000, un certain nombre de formateurs et praticiens de la Gestion mentale se réunissaient régulièrement autour d'Antoine de la Garanderie pour échanger avec lui sur ses recherches et lui poser les questions issues de leur pratique de terrain. Ils en ressortaient toujours avec beaucoup d'idées et des pistes de travail ou d'expérimentation, qu'ils partageaient ensuite avec lui lors de la rencontre suivante. C'est ainsi que le 30 janvier 2000, la question portait sur le "sens" : qu'est-ce que le sens ? Qui en est le détenteur ? Comment et où le trouve-t-on ?... 

J'avais enregistré une grande partie de cette rencontre. Depuis, beaucoup d'eau avait coulé sous mes ponts ... ou de sable sous les sabots de mon cheval... et j'avais oublié la microcassette au fond d'un tiroir… Tout dernièrement, lors de l'écriture de mon livre, (Re)trouver le sens au cœur de la classe, et à l'occasion de la recherche d'un document qui avait rien à voir, je suis tombé sur cette cassette...N'ayant plus le dictaphone approprié, je me demandais ce que je pourrais bien en faire mais, assez peu consciemment, quelque chose en moi  me disait  que ce serait peut-être intéressant d'aller y voir de plus près. Quelque temps après, au hasard d'une conversation, j'en parle avec mon fils… qui justement venait d'acheter en brocante un de ces lecteurs-enregistreur de microcassette d'un autre temps... Il n'y a pas de hasard ! Je me suis donc mis à réécouter cet enregistrement… et j'y ai trouvé ce qui convenait très exactement à ma première partie : les paroles d'Antoine, vieilles de plus de 20 ans, complétaient à merveille ma réflexion sur la brûlante et très actuelle nécessité du retour de la conscience et du sens dans nos vies et à l'École. 

On trouvera donc de larges extraits de cet entretien dans mon livre. Mais l'ensemble de l'enregistrement est intéressant et j'ai donc décidé de faire numériser cette cassette, fort bien conservée par ailleurs (la poussière d'un fonds de tiroir est un excellent conservateur de bandes magnétiques…). J'en recevrai le résultat au moment de la sorte du livre en librairie.

Je mettrai ici la totalité de cet entretien, auquel par ailleurs je renvoie le lecteur de mon livre. Affaire à suivre, donc...

jeudi 14 décembre 2023

183. Conférence pour le Colloque IIGM 2023 et la suite.

 L'IIGM (Institut international de Gestion mentale) est un organisme qui regroupe, au-delà de la France seule, des personnes qui ont accompagné de son vivant le créateur de cette approche humaniste de la conscience, Antoine de la Garanderie, mais aussi des praticiens, des formateurs, des enseignants ou simplement des personnes intéressées par la prise en compte de la conscience humaine dans les activités de la vie quotidienne,  particulièrement dans les apprentissages scolaires. Cet organisme génère des activités de tous ordres destinées à promouvoir cette approche humaniste de la société et de l'éducation (on en trouvera le détail sur son site : iigm.org.) Il coordonne également des activités d'organismes de formation répartis dans l'ensemble du pays et de la communauté francophone.  L'IIGM organise régulièrement des regroupements, des "colloques", qui permettent aux adhérents ou aux sympathisants de se tenir informés des évolutions de la recherche en ce domaine, de réfléchir à leurs pratiques ou de partager des expérimentations de terrain.

Pour le 15e colloque de l’IIGM , les 9 et 10 décembre 2023, les organisateurs m’avaient demandé de présenter ce que j’appelle la « VM (vie mentale) attitude », c’est-à-dire la visée de sens, l'intention particulière qui doit présider à toutes les utilisations de la Gestion mentale d’Antoine de la Garanderie. Dans un monde dominé par un modèle capitaliste de rentabilité immédiate, un consumérisme effréné et l’irruption d’innovations technologiques qui mettent en danger notre humanité, notre École a totalement chassé de ses pratiques la vie mentale, expression de la conscience "cognitive" des élèves. En cela, elle a été bien aidée  par la psychologie béhavioriste (comportementalisme) qui depuis le début du XX° siècle a écarté cette conscience de ses recherches et préconisations. Prise au dépourvu et sérieusement déstabilisée lors de sa (juste) démocratisation-massification des années 1960, notre Ecole s'est, malheureusement,  raccrochée à cette psychologie pour s'en inspirer dans des pratiques pédagogiques "de masse". Il en résulte une perte de sens généralisée chez les élèves, et par contre-coup chez les enseignants (qui par ailleurs, hélas, ont d'autres raisons plus "administratives" de se détourner du "plus beau métier du monde"). Plus largement, cette perte de sens est constatée également dans d’autres secteurs de nos sociétés occidentales européennes.  C'est pour cela que des philosophes, des sociologues, des écrivains célèbres appellent de tous côtés à remettre la conscience humaine à l’ordre du jour.

La Gestion mentale proposée par Antoine de La Garanderie est le (seul) moyen de la prise en compte explicite dans les apprentissages de la conscience de l’homme et de la vie mentale qui en est la substance. Mais son utilisation  suppose une attitude profonde, une conception humaniste qui éclaire et « justifie » (au sens d’aligner) nos différentes postures d’accompagnement : c’est la VM attitude que je propose. Elle est une conception de l’homme qui vise à mettre sa conscience, sa vie mentale, au cœur de son rapport au monde. En particulier dans les apprentissages, la VM attitude permet d’utiliser la Gestion mentale avec nos élèves, avec les enfants que nous accompagnons, pour en faire un moyen de libération de leurs potentialités de promotion du sens. Cela permettra de remettre notre école et, à travers elle, notre société, sur les voies d’un rapport au monde plus authentique et plus libérant.

Voici les deux volets de cette conférence de pré-colloque et leur suite lors du Colloque le 9 décembre. Dans ces trois interventions je livre un peu du contenu de mon prochain livre à paraître le 25 janvier 2024 :

1.          1.    Mon exposé du 16 novembre (j’étais aphone depuis plusieurs jours et j'avais retrouvé un peu de voix le matin même de la conférence… d’où quelques difficultés à être très audible) :

Conférence de pré-colloque 1. Mon exposé.

2.             2.  Les questions que m’a posées Laure Duteil, (comme Claudie Berckmans et Mikel Erramouspé, elle a suivi de près la préparation de cette conférence à travers nos échanges à propos de l’écriture toute récente de mon prochain livre qui paraîtra le 25 janvier 2024).

Conférence de pré-colloque 2. Echange avec Laure.

3.   Lors du colloque lui-même, le 9 décembre, un moment était consacré à la réponse à des questions qui auraient été posées entre ces deux dates. Ici encore, Laure s'en est fait l'interprète.

Réponse aux questions lors de la première matinée du colloque, Samedi 9 décembre 2023

 

vendredi 3 novembre 2023

182 - Deux articles récents pour un nouveau livre à paraître en Janvier 2024.

 

Vous l’avez peut-être déjà vu annoncé dans quelques sites de librairies en ligne : mon nouvel ouvrage «(Re) trouver le sens au cœur de la classe - Une pédagogie de la vie mentale » paraîtra en effet en janvier prochain (pour mon 85e anniversaire… joli cadeau de mon éditeur !).

Le 16 novembre prochain, dans une conférence en Visio, prélude au colloque de l’IIGM (Institut International de Gestion mentale), je donnerai quelques éléments qui permettront de découvrir un petit coin du contenu de cet ouvrage. Mais sans en dévoiler l’essentiel, on peut dire déjà qu’il est essentiellement consacré à  l'éveil à la vie mentale des élèves, à tous les âges de leur scolarité, par des pratiques adaptées dans la classe même

Ce livre est le résultat d'un travail d'écriture, fruit d’une  réflexion de plusieurs années. Cette réflexion a été particulièrement marquée par trois articles que je veux partager ici. Le premier, très élogieux, est une recension par le Président de l’IIGM de l’époque,Yves Lecocq, de mon livre « Accompagner le travail des adolescents avec la pédagogie des gestes mentaux » édité en 2009. 13 ans après sa parution, ces éloges sur mon travail m’ont beaucoup touché… et sans doute réveillé mon envie de prolonger ce partage d’expérience et de réflexion avec des lecteurs, qu'ils soient proches ou plus éloignés de la pensée d'Antoine de la Garanderie.

Le deuxième article est ma réponse à Yves : « Ce livre que je n’ai pas écrit avec Antoine ». Dans ce texte, j’exprime la conviction que 13 ans après la disparition de son fondateur, la GM est toujours d’une urgente actualité et qu’elle a encore beaucoup de choses à apporter à une société en perte de sens. Je développe l'idée que la vie mentale non seulement appartient à tout le genre humain et non à ses seuls initiés, mais aussi qu’il est de plus en plus nécessaire de la réveiller chez tous nos contemporains. Et cela commence en famille, certes, mais plus particulièrement à l’Ecole d'où elle a malencontreusement disparu.

Par ailleurs, j'avais partagé pour mes amis professeurs mon sentiment sur l'état de cette École et proposé des voies possibles de son redressement dans un autre article publié dans mon Blog : 161 - Ecole sans conscience, ruine de l'Homme et du sens ! La GM attitude.


Ce livre est en cours de préparation chez mon éditeur. Il veut retracer l'histoire de cette disparition et appeler à un redressement de la perspective éducative en replaçant la conscience et la vie mentale au cœur de nos classes. 

Voici la quatrième de couverture et un résumé de cet ouvrage.


mardi 5 septembre 2023

181 - Petits problèmes pour rire (et s'entraîner à la réflexion).

Aujourd'hui je mets en ligne un PowerPoint contenant les petits problèmes que je proposais à mes élèves de seconde lors du stage d'initiation à la réflexion. Ils sont extrascolaires, ce qui évite la barrière du stress par rapport à un contenu redouté comme un problème de chimie, de physique ou de mathématiques. L'important dans ces exercices est de montrer aux élèves qu'il y a une activité mentale dans leur tête quand ils cherchent une réponse. N'ayant pas la barrière de l'apparence scolaire, ce contenu mental apparaît plus facilement dans le dialogue pédagogique collectif qui suit chaque exercice. Les élèves se prennent vite au jeu, et au fur et à mesure de la séance ils deviennent de plus en plus précis dans leur auto observation. Ces exercices mettent bien en évidence la nécessité d'évoquer l'énoncé avant toute autre activité mentale. Les projeter avec le PowerPoint permet de bien gérer ce temps de lecture d'énoncé : 

- projecteur allumé, production des évocations nécessaires à une bonne lecture de l'énoncé ;

- puis, projecteur éteint, temps de travail mental pour ressaisir les évocations produites et les organiser en retenant l'impatience du projet de résolution (inhibition du système 1 de pensée) ;


- puis projecteur rallumé pour un temps de vérification/correction des évocations ;

- enfin, projecteur éteint, les élèves sont invités à traiter l'énoncé… comme ils le peuvent (pas de prise de notes pendant la lecture et sa vérification... "tout dans la tête"!) .

Répétée plusieurs fois dans une même séance, cette procédure fait bien comprendre aux élèves la nécessité de retenir leur impulsivité  (inhibition des "heuristiques" inconscientes) et l'avantage de ce temps suspendu du côté de l'action (ou de la résolution) mais cependant rempli de leur activité mentale.

- Après chaque résolution, un élève est tiré au sort pour exposer au grand groupe sa solution et ses justifications  .

Après un premier temps de résolution strictement individuelle de quelques problèmes, je proposais qu'elle soit réalisée en petits groupes de trois. Cela permet aux élèves d'enrichir leur procédure réflexive de celles de leurs camarades.

La séance se termine, bien sûr, par un exercice purement scolaire pour assurer le transfert.

Voir le PowerPoint "Petits problèmes pour rire".

lundi 12 juin 2023

180. 100.000 pages lues ! Juste pour ma fête ! Merci à mes lectrices et lecteurs !

 

Aujourd'hui, mon blog a passé la barre des 100. 000 pages lues ! En plus c'est ma fête...😇 Bien sûr, c'est moins que si je parlais de mes chats (je n'en ai pas... 😉) ou de quelque chose de plus fun ou sexy... Juste des recensions de lectures, des compte-rendus d'expérience, des exemples de pratiques, des réflexions sur l'actualité ... concernant la pédagogie de la conscience à l'école... Alors ce n'est pas si mal pour un tel ensemble si peu "dans le vent" ... ! Merci à tous mes visiteurs, en espérant qu'il auront pu trouver dans l'un ou l'autre de mes près de 180 messages des moyens de ramener le sourire sur le visage des jeunes qu'ils accompagnent et la confiance dans leur cœur !🥰

mercredi 24 mai 2023

179 - Un livre pédagogique... qui semble lever (un peu) le voile sur la conscience à l'école : Pédagogies de la nouvelle chance - Le cœur et l'écorce.

Voulant me tenir au fait des actuelles propositions pédagogiques matinées de neurosciences, j'ai parcouru avec intérêt quelques-uns des livres récents sur le sujet. Particulièrement Pédagogies de la nouvelle chance - Le cœur et l'écorce. (Horemans et Schmidt. Chronique sociale 2022). La particularité des auteurs est qu’ils se disent anciens cancres alors qu’ils sont bardés de diplômes dans des disciplines sociales ou neuropsychologiques, plutôt chercheurs et formateurs d’adultes qu’enseignants de collège ou de lycée. Néanmoins c’est de pédagogie qu’ils traitent - fort doctement d’ailleurs - dans cet ouvrage, notamment de pédagogie appliquée à des élèves décrocheurs ou en perte d’image positive et de confiance en eux. Cela n’en rend pas moins intéressantes leur propositions qui sont applicables à tous les publics « d’apprenants » comme l’on dit dans les livres savants.
Comme dans la plupart de ces ouvrages, outre une connaissance approfondie des classiques et de bons auteurs de la pédagogie et des neurosciences, ce livre respire la bonne volonté, la positivité, la bienveillance, le souci d'aider le mieux possible des enfants en difficulté parfois lourde. Ils se placent dans la perspective de Boris Cyrulnik dont ils sont des collaborateurs et qui signe la préface. Après un balayage de grands principes éducatifs avec lesquels on ne peut qu’être d'accord, les auteurs proposent des situations pédagogiques intéressantes pour une éventuelle utilisation de la gestion mentale (dont ils se gardent bien de parler sauf vers la fin avec des termes étranges mais qui s’en approchent un peu tout de même, dans un chapitre intitulé « plaidoyer pour une pédagogie ipsative (! ) ». C’est vrai que côté jargon on est servi dans ces pages où quasiment chaque phrase contient un mot qui renvoie à une note simplement pour expliciter ce dont on parle. Quoi qu’il en soit, cela vaut la peine de s’accrocher. J’ai relevé quelques phrases qui, une fois traduites, peuvent nous intéresser. Par exemple :
Page 103 : Serait-il inconcevable que toute évaluation, peu importe qu’elle soit rehaussée du préfixe auto- ou co -, réserve une place privilégiée non à la bonne réponse, non pas seulement à l’expression détaillée de son esthétique de résolution mais plus encore à l’identification du sens, la description du cheminement intellectuel, des hésitations et des difficultés que l’apprenant a affrontées puis résolues ainsi qu’au bilan ipsatif ( !) établi et le mieux objectivé possible… de ce qui a été compris/appris et de ce qui reste à comprendre/apprendre. » Ipséité, ipsatif, sont des termes qui renvoient à soi-même (en latin ipse), un discours ipsatif est ainsi un discours « sur soi », ou si l’on veut un récit en première personne. Autre désignation possible (mais pas beaucoup plus claire…) « une pédagogie du récit de soi en auto construction des savoirs »… ça sonne quand même mieux n’est-ce pas que « dialogue pédagogique » dont c’est une manière comme une autre de parler (je préfère la nôtre…). Bien qu’elle soit incomplète puisqu’on ne va pas jusqu’à la notion de projets de sens, elle dépasse tout de même une simple métacognition de surface. Il faudra cependant s’habituer à ce type de vocabulaire et de langage si l’on veut établir des ponts avec ces chercheurs pour lesquelles toute proposition neuro-quelque chose n’est pas fermée sur elle-même et qui font des ponts avec d’autres aspects de notre humanité… dont la gestion mentale, conduite de sa propre vie mentale,  fait encore partie
jusqu’à preuve du contraire.


Cette pédagogie est par ailleurs très proche de celle de l’« entraide » de la Garanderie comme cela transparaît sous ce genre de paragraphe : «… la mise en place d’une pédagogie du récit de soi en auto construction des savoirs peut et devrait aisément trouver, outre une place évidente dans le travail du groupe-classe puis de l’apprenant révisant ses cours à domicile, un temps institutionnalisé dans chaque étape de tout apprentissage. » Après décryptage, on s’y croirait presque. D’autant plus avec ce qui suit : « Ce temps pourrait, à tout prendre, mobiliser les longues minutes trop souvent perdues tant en énoncés et rappels de consignes maladroites ou incomplètes à la classe qu’en formulations de sanctions et autres invitations répétées à maintenir une attention qu’une surcharge cognitive affaiblit inéluctablement. » Ben tiens… !


Surtout quand on ajoute un peu plus loin : « (Ce temps) serait un investissement à haute valeur ajoutée dans le parcours ultérieur autonome de tous les membres de la classe, mais aussi dans une citoyenneté soutenue à jamais par l’habileté fondamentale qui consiste à s’interroger non sur ce que l’on croit savoir mais sur notre compétence à vérifier et à comprendre fondamentalement les éléments constitutifs d’une information avant de la tenir pour vraie. » Et ce n’est pas le seul moment où cette compréhension fondamentale faisant appel à des questionnements multiples m’a fait irrésistiblement penser au « modèle des cinq questions »… Il est dommage que ce livre n'ait pas été publié avant le Colloque de l’IIGM sur l’esprit critique…


Enfin pour terminer sur ce sujet : « Cette inclination valorisée à l’ipséité, pour égoïste qu’elle puisse paraître a priori, pourrait être de nature à renforcer chez tout apprenant l’intersubjectivité grâce à laquelle le vivre ensemble trouverait enfin la pleine dimension humaniste qui lui fait encore trop souvent défaut. Pédagogie de l’entraide – revisitée - vous dis-je… 
J’arrête là parce que mon logiciel de dictée commence à éprouver une sorte de surcharge cognitive numérique avec un tel vocabulaire…


Pour en terminer avec cette lecture qui a haussé mon niveau d’abstraction linguistique à un niveau rarement atteint ces temps-ci, j'ai relevé quelques propositions pédagogiques qu’il pourrait être intéressant de réinterroger à la lumière de la gestion mentale. Entre autres, la pédagogie majorative  (pour proposer un "plus-être" , plutôt que de toujours relever les "moins-être" et les défauts, spécialité des pédagogies péjoratives) ; la pédagogie de la réespérance dont je n'ai pas besoin de dire qu'elle m'a plu, celle de la double ignorance qui parlerait bien à Yves Lecoq * , et aussi celle de l'explicitation qui me parle bien lorsqu'elle souligne qu'elle « permet aux étudiants de rester pilote du développement de leur attention » ou encore « d'identifier toujours l'algorithme exact de la réflexion qui permet de résister à des heuristiques (cf. Houdé) et de ne pas se laisser prendre au jeu trompeur des apparences (les vessies et les lanternes ?)  ; ou encore la pédagogie par plateaux avec une bonne proposition de travail en groupe (il y en a d'autres tout le long du livre), basée sur quelques idées fortes dont je retiens celle d'Edgar Morin qui rappelle que «l'extraordinaire richesse humaine est un tronc commun à partir duquel il existe des possibilités inouïes de diversité individuelle » ou encore celle de Françoise Dor qui veut que l'on permette à chaque élève « de trouver ce qui lui convient le mieux, selon son rythme, ce qu'il est et ce qu'il vit… dans la recherche de son propre cheminement », ou « de ses capacités insoupçonnées » ; sans oublier la pédagogie des petits gains rapides pour une évaluation qui forme, informe et motive davantage qu'elle ne sanctionne, stresse et finalement démobilise. 

Tout cela est bel et bon et l’on trouvera certainement dans cet ouvrage matière à initier des pratiques favorables à l'éveil et au développement de la vie mentale des élèves. Mais ce serait tellement plus efficace (et plus simple aussi parfois…) si on leur indiquait clairement comment chacun doit ou peut s'y prendre dans sa tête, avec ses habitudes de projets de sens, pour profiter au mieux de toutes ces pratiques pédagogiques, pas toujours si innovantes que ça au demeurant ! Que de temps perdu, que de bonnes volontés parfois si peu opérantes au regard des efforts consentis ! La profusion de ces conseils, propositions, protocoles souvent très élaborés et coûteux en temps et en énergie… leur prolifération sans limite peut donner le tournis, alors qu'il serait souvent si simple (et combien plus rapide et efficace) de donner le renseignement judicieux au bon moment comme le décrit si bien cette maîtresse de CE2 dans son blog « Azraelle au CE2 » à propos de la règle d'orthographe de « m devant m, b, p »… (voir  mes messages 115- Compréhension expliquante :une fiche de grammaire  originale etstimulante ! et 119 -Quand l’Ecole anesthésie l’intelligence des élèves ! ).


Alors, chers lecteurs et lectrices habitués de mon blog, j’essaye de mettre mes idées au clair pour un nouvel ouvrage qui traitera justement de la capacité de la gestion mentale à s’insérer concrètement dans n’importe quelle démarche pédagogique pour autant qu’elle ne s’oppose pas dans ses finalités ou protocoles au développement ce qu’il y a de plus précieux chez nos élèves : leur vie mentale, expression de leur conscience cognitive toujours à l’affût d’une recherche de sens à satisfaire ou d'une relation "résonante" avec un fragment du monde que représente toujours un contenu scolaire **. Et cela certainement partout ailleurs, mais certainement aussi et tout particulièrement dans la classe elle-même.


*voir Message 61 - Enseigner avec la Gestion Mentale : Apprendre à "faire apprendre" ! Je cite un article des Cahiers Pédagogiques dans lequel Yves Lecocq écrit notamment ceci à propos de la mise en place dans ses cours du modèle Pégase : « Ce qui m'est apparu comme le changement le plus important et le plus lourd de conséquences, par rapport à ma pratique antérieure, a été ma décision de ne plus être source des savoirs à apprendre par les élèves. Dans ma discipline, histoire-géographie, si propice à des péroraisons sans fin, il s'agit d'un renoncement qui peut sembler étrange, voire suicidaire, mais qui m'a, en fait ouvert un espace de liberté extraordinaire. »


** Je viens de lire de Harmut Rosa, Pédagogie de la Résonance, et Accélarons la Résonance, avec son sous-titre exlicie et motivant : Pour une éducation en Anthropocène. J'ai trouvé dans ces ouvrages quantité des liens positifs et dynamisants avec la Gestion mentale, celle-ci étant le moyen pratique (que Rosa n'investigue pas) de cette ouverture résonante et responsive au monde qu'il préconise comme antidote à l'accélération aliénante de nos sociétés occidentales. Affaire à suivre de très près !

189 - "Si l’on veut permettre à un être humain d’être reconnu comme une personne, il faut lui donner les moyens pour qu’il y parvienne"

Je publie aujourd'hui un autre texte, déjà ancien, extrait de mon fond documentaire personnel. Un de ces textes qui ont nourri ma "...