mercredi 6 octobre 2010

3 - MISE EN PROJET ET LUTTE CONTRE LE VERTIGE

Vertige et mise en projet.


Lors du stage de Septembre avec la Classe de méthodologie de Toulouse, les professeurs et moi, nous emmenons les élèves pratiquer l’activité d' "accrobranches"  (appelée ici « T’es pas cap », http://www.tepacap.fr/p7-le-monde-vertical.html ). Le matin, je leur avais fait découvrir la réalité du projet mental et la manière dont chacun a la possibilité de « se mettre en projet » dans toute activité, physique autant que mentale. J'avais aussi présenté le geste mental d’attention.  Deux élèves, Vincent et Nicolas, déclarent qu’ils ne souhaitent pas participer à l’activité « parce qu’ils ont le vertige ». Dans le car qui nous emmène, je parle avec chacun d’eux. Que se passe-t-il en toi lorsque tu as le vertige ? Après la description du trouble physique éprouvé, on en vient au « matériel » mental : « dans ma tête je vois le vide et j’ai peur de tomber » ou « je me vois tomber et cela me paralyse »… Moi : « Ne pourrais-tu former volontairement d’autres images, plus positives, comme tu l’as découvert ce matin ? » Vincent arrive rapidement à dire : «  je pourrais peut-être m’imaginer arrivé au but au lieu de voir le vide devant moi ? » Nicolas ne voit pas bien où je veux l’amener.

Plus tard, après avoir entendu, très concentrés, les explications de l’animateur (« vous avez là un groupe particulièrement attentif », appréciation entendue tous les ans…), les deux garçons font le premier jeu qui est une mise en application directe des indications techniques et des consignes de sécurité à respecter. Un peu hésitants certes, mais assez rapidement ils sautent dans le vide… Les autres les regardent et les encouragent. Puis les jeunes se dispersent par petits groupes d’affinité, les adultes parcourent les lieux d’un groupe à l’autre (bonne occasion d’observation de l’évolution de chacun…). Vincent fait vite partie d’un petit groupe qui « s’éclate » dans les jeux les moins impressionnants (mais quand même…) et ne montre plus aucune réticence. Pour Nicolas, c’est moins évident, mais il suit un groupe de copains plus téméraires et s’efforce d’y faire bonne figure. Le groupe en arrive au dernier jeu, récemment créé, qui consiste à se lancer d’une hauteur d’une quinzaine de mètres, en tenant des deux mains un petit trapèze coulissant le long d’un long câble (une « tyrolienne ») et à se laisser glisser sur 150 mètres jusqu’à une toile de corde dans laquelle on s’agrippe avant de se libérer des sécurités. On est bien tenu par un solide harnais sous les cuisses et plusieurs gros mousquetons : il n’y a raisonnablement pas de risque. Pourtant, Nicolas reste bloqué sur la plate-forme, un pas en avant, un pas en arrière… Il est le dernier et c’est l’heure de repartir… Exhortations, encouragements, injonctions impatientes…  Cela dure un long moment. On imagine aisément les sentiments qui animent Nicolas… objet des regards de toutes les personnes présentes. Enfin comprenant que, sous l’effet de la peur, les bras de Nicolas refusent de le soutenir sur le trapèze, l’animateur lui précise depuis le sol qu’il peut se lancer en « s’asseyant » dans le harnais et en se tenant simplement aux cordes de sécurité. Nicolas hésite encore un peu puis dans un cri se lance dans le vide…  et réussit fort bien le reste de « l’épreuve ».
Le lendemain, retour sur les activités de la veille. Nicolas et Vincent témoignent de ce qui leur est arrivé et de leur activité mentale au moment du stress. Vincent précise : « Quand j’imaginais le saut à partir du début, je paniquais. Mais quand j’ai pu m’imaginer accroché dans la toile, c'est-à-dire le but du saut, je n’avais plus peur et j’ai sauté ». Pour Nicolas, ce fut plus compliqué, mais « je me suis forcé à me voir à la fin du  trajet, et à partir de là j’ai « remonté » jusqu’au départ et quand j’ai pu tout imaginer du parcours, j’ai pu sauter ».

Dans « Accompagner… », j’avais déjà décrit ce « pouvoir » du projet mental sur la peur du vide. Mais cette année, le « vertige » déclaré de façon si affirmée m’avait fait un peu douter de l’efficacité de mon « truc » (comme ils disent…). Mais force est de constater qu’il n’en est rien. Vincent et Nicolas, et grâce à eux les autres élèves de la classe, ont trouvé ce jour-là le secret de leur concentration et mieux encore le moyen de dépasser le stress qui les envahit si souvent dans la vie scolaire. Ils appellent cela aussi « retrouver confiance en eux »… Tant il est vrai qu’on va si souvent la chercher, cette confiance, en dehors d’eux, dans une vaine « transcendance » de pratiques extérieures alors qu’elle est « immanente » à leur pouvoir mental retrouvé, comme aurait dit Antoine...

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