Voici un exemple d'un tel rapport, par une professeure de lycée professionnel. Il pourra donner une idée de ce qui peut être fait dans de telles formations bien d' actualité à l' heure des dispositifs d'"accompagnement personnalisé" des lycéens. Ce rapport de stage est ancien (1999), mais je ne vois rien à lui retirer pour coller à l'actualité : le contenu du livre "Accompagner..." était déjà dans ma tête, attendant patiemment le moment où je prendrai le temps de l'écrire... J'ai aussi placé ce texte, publié dans la Lettre IF en 2000, dans la page "SPECIAL ENSEIGNANTS".
Rapport de stage sur le thème "Accompagner des Lycéens en difficulté scolaire"
par une professeure de lycée professionnel.
Du 29 novembre au 1° décembre 1999, j'ai participé à un stage intitulé "Accompagner des Lycéens en difficulté scolaire". Ce stage réunissait une dizaine de professeurs d'établissements différents. Notre formateur nous a proposé d'utiliser les principes de la Gestion Mentale d’Antoine de La Garanderie pour appliquer des techniques propres à remédier aux difficultés d'apprentissage des élèves. Dans le compte-rendu qui suit, j'ai avant tout cherché à rester fidèle aux valeurs véhiculées par cette formation : l'écoute, l'accompagnement sans jugement, le souci d'aider sans empiéter sur la liberté de l'autre. Mon objectif a également été de restituer au mieux, dans un ensemble si possible cohérent, une multitude de notions relativement ardues. Je suis consciente, cependant, de la difficulté de rendre compte en quelques pages d'un stage de trois journées très denses. En guise de bilan provisoire, je retire de ce stage une grande satisfaction car de nouvelles pistes de réflexion se sont offertes pour moi. L'accompagnement proposé me paraît intéressant car il procède d'une démarche intellectuelle cohérente, structurée et riche en promesses. Il approfondit et érige en système un procédé que nous utilisions jusqu' à présent ponctuellement. Cependant, il faut savoir que cet accompagnement a un coût en termes de temps et d'investissement personnel. Son application éventuelle nécessite donc des aménagements dans la vie du lycée.
1 Apprendre qu'est-ce-que c'est? "Apprendre, c'est un projet, une opération mentale, un sujet". Cette phrase de PH. Meirieu nous a servi de fil conducteur.
1.1. Un Projet :
La connaissance du but est primordiale dans le processus d'apprentissage d'une notion : en effet, le projet donne du sens, et la mise en projet de l'élève est une condition indispensable pour favoriser sa concentration. Dès le début de toute activité d’apprentissage, le lycéen doit donc découvrir le but qu'il poursuit. Exemple : j'apprends à enregistrer des factures pour réussir le contrôle dans une situation imprévue, pour être reçu à l'examen, pour bien exercer mon futur métier. Cette connaissance du but dans chaque activité de l’élève peut faire l'objet d'une réflexion collective située en début de séquence ou même de cours : pour aider les élèves à conduire cette réflexion, on peut leur proposer de s'imaginer en train de faire un contrôle ou de passer l'examen, ou encore de présenter un exposé devant leurs camarades, l' essentiel étant de les aider à se projeter dans l' avenir. Ensuite, tout au long de l'apprentissage des notions, l'élève devra poursuivre cette démarche mentale en se replaçant dans une perspective de réemploi de ce qu' il est en train d' apprendre.
1.2. Une opération mentale.
Ou plutôt "un ensemble d'opérations mentales", d' ailleurs fort complexes comme on va le voir, mais qui sont globalement identiques pour tous les êtres humains : le processus d'apprentissage est désormais assez bien connu, notamment grâce aux recherches menées dans le domaine de la Gestion Mentale, même si le fonctionnement du cerveau reste encore en grande partie un mystère. Après une initiation à l'activité mentale, nouvelle et un peu surprenante pour l'ensemble des stagiaires, nous nous sommes plus spécialement centrés sur l' opération de réflexion, qui fait tant défaut aux lycéens en difficulté. L'opération mentale de réflexion suppose le déroulement successif de plusieurs étapes :
· 1.2.1 - La perception de l'énoncé : Cette perception est sensorielle, écoute d'un énoncé parlé, lecture de consignes.
· 1.2.2 - L'évocation de l’énoncé (ou saisie, ou encore image mentale de l'énoncé) : mentalement, le sujet se représente des images, ou des mots, ou des paroles intérieures qui lui procurent le sens de l' énoncé qu'il vient d' écouter ou de lire. Il s'autorise à traduire en objet mental ce qu'il entend ou voit. Cette phase est indispensable au bon traitement du problème posé. Elle est suivie de la part de l'élève d'une reformulation de la consigne, une "consigne pour moi", reformulation qui devra être fidèle et complète. On remarque à ce propos que plus le langage de la consigne est concret et précis, plus l'évocation sera facile et fidèle. Cette évocation première de l’énoncé va soutenir le sens du travail qui va être effectué par la suite.
· 1.2.3 - L'analyse : le sujet traduit les termes de l'énoncé en objets plus généraux, ou plus abstraits, utilisant pour cela des acquis qu’il « reconnaît » dans le contexte concret ou particulier où ils sont présentés. Il dégage les liens entre les différents éléments qui le composent. Cette étape sera d'autant plus facile à mener avec exactitude que l'évocation de l’énoncé perçu aura été riche. L'analyse consiste à généraliser un cas particulier. De la phase de perception à la phase d'analyse, le sujet sera ainsi passé du particulier au général.
· 1.2.4 - La problématique. Cette tâche, fruit de l'analyse correctement menée, est d'un haut niveau de conceptualisation. La problématique consiste à reconnaître le problème posé dans l'énoncé. Il s'agit d'un problème général, appartenant à une "classe de problèmes" déterminée. Cette opération sera d'autant plus facile que l'élève aura pu anticiper de tels problèmes au moment où il comprenait et mémorisait son cours.
· 1.2.5 - Le retour sur la mémoire et le tri des connaissances : Lors de cette étape, l'élève va faire appel à ses connaissances et choisir celles qui conviendront à la résolution du problème. Là encore, cette mobilisation des acquis sera d' autant plus rapide que ceux-ci, lors de leur propre processus d'apprentissage, auront été mémorisés en vue d'un réemploi futur. En effet, bien que présente dès le début de la réflexion, notamment pour l'analyse, c'est à ce stade qu'intervient la mémorisation, ou plutôt son produit. La mémorisation a pour préalable que l'élève se situe dans un projet, et suppose qu'au moment de l'apprentissage, le professeur indique au jeune dans quel cadre il aura à réemployer la connaissance ou la compétence concernée, dans quelles situations il aura à la rappeler. Car comme le dit Antoine de la Garanderie : "Nos acquis ont la destinée que nous leur avons donnée". Ainsi, lorsque l'élève apprend un cours ou effectue des exercices, il doit être dans deux « endroits » et deux « moments » à la fois : la salle de cours où il se situe sur l'instant et la salle de son futur examen ou toute situation de réemploi envisageable. La mémorisation est donc tournée vers l'avenir et non vers le passé comme on pourrait le croire. Au lycée, elle doit toujours viser une situation de réflexion et de résolution de problème.
· 1.2.6 - L'application : les connaissances ainsi dégagées vont permettre à l'élève de traiter la situation et de trouver la solution au problème. C'est à ce stade, et seulement là, qu'interviennent les automatismes créés par les exercices.
· 1.2.7- La transmission de la solution : L'élève est alors à même de fabriquer un support, écrit ou oral, destiné à lui permettre de communiquer sa réflexion "aux autres". En effet, le jeune doit savoir que le professeur n'est pas le destinataire de cette communication, mais seulement son évaluateur. A ce stade, le professeur recherche si le devoir répond aux critères d'une bonne communication. De même, il vérifie que, lors des phases précédentes, l'élève a fait preuve de compétences de raisonnement. Là encore, au moment de la production de son support de communication, l'élève pourra faciliter sa propre tâche en s'imaginant ses futurs lecteurs ou auditeurs, en anticipant leurs réactions. Ainsi, l'élève ne travaille pas "pour lui" (contrairement à ce qu' il entend souvent), mais pour communiquer avec les autres, pour vivre et travailler en société : il s' agit bien d'un apprentissage citoyen.
1.3. Un sujet.
Ce qui démotive l'enfant, c'est de se sentir atteint dans sa personne en cas d'erreur. Le pédagogue doit donc distinguer la personne et le sujet. La personne concerne tous les aspects affectifs, sociaux, historiques et relationnels d'un élève. Certes, chacun d'eux peut être une source de difficultés. Mais dans ce type d'accompagnement, il s'agit de se centrer sur le "sujet apprenant", de cerner ce qui est de la stricte activité d'apprentissage sans pour autant méconnaître les autres dimensions qui entrent en jeu dans l'apprentissage. Dans le cadre d'un entretien, il s'agit de mettre l'apprenant en situation de tâche, de l'aider à analyser ses propres démarches d'apprentissage, ses préférences évocatives (c' est la "métacognition" ou l'introspection). L'intervention de l'accompagnateur se situe donc dans un cadre strictement cognitif, et non psychologique ou social.
2. A quel moment peut survenir la "panne"?
Tout apprentissage suppose un bouleversement des connaissances précédemment acquises. C'est ce que l'on appelle "le conflit cognitif". Or, nos élèves, par suite d'échecs scolaires, sont très fragiles face au processus d'apprentissage : ils deviennent généralement extrêmement réticents lorsqu' ils se rendent compte que l' acte d' apprendre entraîne une prise de risques. On assiste alors à un refus, exprimé de façon différente suivant les individus, de remettre en cause les savoirs précédemment (et parfois chèrement) acquis. C'est là un des premiers obstacles qui se dressent sur la route de celui qui apprend. Par ailleurs, quand l'image de soi est mauvaise, l'individu ne peut pas se projeter dans l'avenir, ce qui, là aussi, le coupe de la dimension du projet préalable à l'apprentissage et d'une bonne mémorisation.
Cependant, le parcours qui, comme nous l'avons vu, est encore long jusqu'à la production d'un support de communication, est semé d'autres embûches. Chaque opération mentale ignorée ou mal menée représente une cause de panne spécifique ! L'intérêt de mieux les connaître est que l'on peut plus facilement aider les élèves à les pratiquer correctement et ainsi leur proposer une remédiation véritable.
3. Le dialogue pédagogique.
Commençons cette partie par une phrase forte : "C'est l'acceptation de notre impuissance sur l'autre qui est au cour de ce qui nous fait agir sur lui." D'un auteur dont j' ai oublié le nom, mais qui aurait mérité que je m' en souvienne, cette phrase évoque bien le comportement idéal du pédagogue lors de l' entretien individuel : attitude ouverte et réceptive, respectueuse, inconditionnellement positive et bienveillante, humble. Ne pas chercher à influencer le jeune par notre position "supérieure" mais lui laisser toute sa liberté, condition de son accès à l'autonomie intellectuelle. Il s'agit donc d'accompagner le lycéen (être à côté de lui, ni en avant, ni en arrière) dans la découverte de la "panne" et de la solution adaptée. Le pédagogue va dialoguer avec l'élève afin de comprendre à quel moment du processus d'apprentissage s'est produite l'erreur d'aiguillage. Le questionnement devra porter non pas sur le "pourquoi", mais sur le "comment" : il ne s'agit pas de dégager des causes, mais de décrire un processus mental.
Puis, par d'autres questions, il mettra progressivement le jeune sur le chemin de la solution car il est important que ce soit l'élève lui-même qui la découvre. L'échec est en général la conséquence d'une maladresse d'apprentissage. Il faut donc mettre le jeune dans la situation d'affronter cette maladresse. Il faut trouver un dispositif pour lui faire reconnaître lui-même à quel endroit il a dérivé par rapport à sa cible : "Comment t'y prends-tu pour ?" Il est également nécessaire de le confronter avec la visée finale : "Que veux-tu obtenir ?", "A quoi cela te sert-il ?" Lorsque l'élève bloque (« je ne veux pas ennuyer les autres avec mes problèmes ») ou ne sait pas dire, l'accompagnateur peut reformuler, ce qui signifie qu' il a bien reçu le message, et il est bien rare que le jeune, se sentant ainsi écouté, n' enchaîne pas sur la suite. Une autre technique consiste à utiliser des métaphores pour faire rectifier une erreur.
Pour que cet entretien soit profitable et atteigne son but d'accompagnement du lycéen en difficulté, le pédagogue devra éviter certaines erreurs : vouloir répondre à la place de l'élève, ne pas lui laisser assez de temps pour réfléchir et verbaliser, etc. L'élève se ré-approprie ainsi son vécu en le verbalisant, il le ressaisit pour travailler dessus. Tâche ardue et de longue haleine, mais fort rentable pour l'élève. En effet, au fur et à mesure du déroulement de l'entretien, le jeune se voit en train de comprendre. Il dispose ainsi des outils nécessaires et comprend que la tâche aura finalement un coût moins élevé qu'il ne le pensait, ce qui fait naître sa motivation pour ses apprentissages futurs.
Pour que cet entretien soit profitable et atteigne son but d'accompagnement du lycéen en difficulté, le pédagogue devra éviter certaines erreurs : vouloir répondre à la place de l'élève, ne pas lui laisser assez de temps pour réfléchir et verbaliser, etc. L'élève se ré-approprie ainsi son vécu en le verbalisant, il le ressaisit pour travailler dessus. Tâche ardue et de longue haleine, mais fort rentable pour l'élève. En effet, au fur et à mesure du déroulement de l'entretien, le jeune se voit en train de comprendre. Il dispose ainsi des outils nécessaires et comprend que la tâche aura finalement un coût moins élevé qu'il ne le pensait, ce qui fait naître sa motivation pour ses apprentissages futurs.
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