samedi 23 avril 2011

33 - Passage à la pratique après une formation

Quel formateur n'a jamais déploré que ses stagiaires hésitent à mettre en pratique ce qu'ils avaient pourtant découvert avec intérêt, et même enthousiasme au cours des journées de stage ? Voici, encore, un article "recyclé" de la Lettre IF. Il s'agit, là aussi, d'un rapport après une formation en Gestion Mentale que j'avais animée dans un collège charentais, dans le cadre de la MAFPEN. Ce texte, empreint d'un certain humour et qui n'a rien perdu de son intérêt, témoigne d'un réel "passage à la pratique" après seulement quatre journées de stage. Cette professeure commet certes quelques erreurs (qui n'en fait pas, même parmi de plus confirmés ?) Pourtant dans l'ensemble l'esprit de la Gestion Mentale se retrouve bien dans ces "nouvelles potions qui n'ont rien de magique" qu'elle propose à ses classes. 


 Les "jeunes" professeurs pourront  trouver auprès de cette enseignante confirmée des indications pour la conduite de leurs cours, avec quelques uns des éclairages que permet ce regard "mentaliste" sur l'apprentissage. Ce texte est également consultable et téléchargeable dans la page "Spécial Enseignants".


Passage à la pratique après une formation en Gestion Mentale.

Gestion mentale ? Vous avez dit Gestion Mentale ? Moi, j'ai dit Gestion Mentale ? Peut-être ! A ma façon ! J'ai regroupé, sous cinq rubriques, certains aspects de "ma potion de base" élaborée en 12 ans d'enseignement de l'Anglais en collège, auxquels la Gestion Mentale pouvait s'intégrer en leur donnant un goût nouveau. Ce "nouveau mélange" est en construction et les journées de stage à venir me donneront sûrement envie d'enlever certains ingrédients et d'y ajouter quelques épices nouvelles. Garder sa "potion de base", prendre quelques uns des ingrédients proposés par notre formateur, y ajouter des épices glanées lors de nos discussions, saupoudrer d'une pincée de poudre de perlimpinpin et mélanger le tout !

Quelques cuillerées par heure du nouveau mélange pour : mettre et essayer de maintenir les élèves en projet, donner aux élèves plus de moyens différenciés de "stocker" des connaissances dans leur mémoire et du temps pour les organiser, les classer, les faire ressortir au moment voulu. "Ouvrir leur appétit" : Les mettre en situation de "questionneurs" avant de leur proposer une connaissance nouvelle. Les mettre en situation de "diagnostic" avant un test sommatif. Faire sortir des connaissances fausses de leur mémoire en les évoquant, en les visualisant au tableau pour que, par une correction collective, ils puissent corriger leurs erreurs.

Et l'anglais dans tout ça ? J'y ai retrouvé un regain de plaisir à l'enseigner et pour l' instant aucun élève n'a refusé la potion, même ceux qui sont tombés dedans quand ils étaient tout petits. Affaire à suivre.

1-a  Mise en projet à long terme.

     "Potion de base"
J'utilise la métaphore de la construction d'une maison pour parler des objectifs, programmes et mises en œuvre en classe de l'apprentissage de l'Anglais. En 6°, on creuse les fondations et on prépare le sol, en 5°, on commence à monter les murs en laissant de la place pour les portes et fenêtres, en 4° on finit les murs : on pose les ouvertures, on commence le toit, en 3° on fait toute la toiture et au lycée devra se faire la décoration intérieure. Cette métaphore a du succès auprès des élèves déjà "demandeurs ", mais le problème est qu'un nombre variable d'élèves ne sont que spectateurs, qu' ils ne pensent pas avoir les moyens de s' impliquer dans la construction.

"Nouveau mélange"
Afin de mettre et de maintenir plus d' élèves dans le projet de construction, de relier les objectifs proposés au but final, j'utilise la même métaphore, mais y reviens plus souvent en m'en servant de façon ponctuelle pour expliquer ou faire évoquer :
·         la nécessité d'un travail très répétitif en 6° / 5°
·         qu'il est possible de se remettre à niveau et consolider les bases
·         que la leçon nouvelle fait partie d'un ensemble
·         qu'apprendre c'est "stocker" du matériel et des outils dont on devra se servir plus tard.

1-b  Projet à moyen ou court terme.

"Potion de base"
Selon l'importance du contenu et la clarté des supports de la leçon ou de l'unité, je choisis soit de donner le thème (ex : nous allons apprendre à parler d'actions habituelles) soit de demander à la fin de la leçon : "qu'avons-nous appris à exprimer ?"

"Nouveau mélange"
J'essaie de faire les deux. Je donne le thème et demande aux élèves de le retrouver à la lin du cours et de l'illustrer en relevant des phrases de la leçon.

Remarque : Il me semble que plus d'élèves s'impliquent dans cette phase du cours et que cela permet d'éviter à certains de partir sur de fausses pistes, que l'attention est plus soutenue et que le gain de temps est appréciable.

2-a Stockage d'une leçon en classe.

"Potion de base"
En 6° / 5°, la première séance consacrée à une leçon nouvelle à partir d'un enregistrement, des images du livre et des figurines du tableau de feutre permet d'élucider la situation et le vocabulaire, de mettre en valeur une ou deux structures nouvelles que les élèves peuvent manipuler et exploiter en utilisant des situations antérieurement apprises. Les élèves qui s'impliquent en classe savent la leçon par cœur en sortant du cours, il ne leur reste qu'à recopier la leçon ou les phrases modèles et à faire l' auto-dictée à la maison.

"Nouveau mélange"
Je demande aux élèves peu impliqués de dire à la classe ce qu'il est nécessaire d'observer sur les images du livre : lieux, différents personnages, indications de temps, signes grammaticaux. Je raccourcis la première phase de production orale ou écrite à partir du tableau de feutre afin de donner du temps en classe pour stocker les connaissances nouvelles. Je laisse du temps aux élèves après la toute première grande leçon étudiée en 6° ou 5° pour qu'ils l'apprennent comme s'ils étaient chez eux.

J'essaie de leur faire découvrir ce qui se passe dans leur tête et les laisse décrire leur méthode, échanger leurs opinions et leurs problèmes à ce sujet. Ils s'écoutent et se conseillent et nous essayons ensemble de dégager des méthodes pouvant leur permettre d'atteindre l'objectif fixé de mémorisation. Au cours de l'année, je laisse parfois à certains élèves en difficulté du temps en classe pour "stocker", les autres font un travail écrit, préparent pour la classe des mots mêlés ou croisés ou lisent un magazine.

Remarque : Je ne suis pas toujours satisfaite de cette différenciation car je manque parfois de support matériel pour diversifier les activités écrites. Les élèves qui ont besoin de temps en classe pour apprendre se sentent un peu frustrés quand les autres font des jeux de vocabulaire, certains élèves en difficulté dans deux classes de 5° ne s'intéressent pas plus à cette phase là qu'aux autres.

2-b  Vérification du stockage.

 "Potion de base" :
Lorsque que la leçon a été apprise, le début de la séance suivante est consacré à une mise au point phonologique, à une répétition collective ou individuelle de la leçon guidée par le magnétophone. Quelques élèves doivent ensuite retrouver la leçon ou quelques phrases oralement ou toute la classe par écrit. Oral ou écrit, le travail le plus important consiste ensuite à utiliser, manipuler, transformer l'essentiel de la leçon, répondre ou poser des questions, faire intervenir des personnages nouveaux, imaginer une suite en se servant des structures étudiées. Sont dégagés, selon les contenus, des tableaux récapitulatifs (ex : transformation singulier/pluriel, construction du présent simple.)

"Nouveau mélange"
Dès le début de l'année, j'ai demandé aux élèves de "surveiller" ce qui se passait dans leur tête lorsque qu'il leur fallait transformer la leçon : " je vois les phrases du livre, je vois les phrases et les images, je m'entends dire les phrases, je ne vois que quelques mots, que des images, j' écris les phrases, rien".

J'ai été très surprise tout d'abord de la qualité de la participation et de l'écoute ; même dans une 5° où quelques habituels bavards et agités n'ont pas profité de la situation. Les élèves ont discuté entre eux des aides possibles, des conseils à donner à leurs camarades qui disent ne pas arriver à "retenir". En 6°, nous parlons maintenant de prendre des photos, ou de s'entendre les décrire, de vérifier dans le livre ou le cahier si elles correspondent bien à celles que l'on devait prendre, de les mettre dans sa tête comme dans un album afin de pouvoir les ressortir lorsqu' on en a besoin pour une transposition ou un exercice d'application. En 5° s'ajoute le besoin de "l'étiquetage" des photos et des albums au fur et à mesure qu'il y a un nouveau cliché. En 4°, je trouve plus facile de parler de la sauvegarde comme sur l'ordinateur, de classement de fichiers.

Remarque : Certains élèves ont la photo de leur leçon du livre tellement présente en eux qu'ils "mettent en page" la transposition écrite sur leur feuille ou leur cahier comme si une partie de celle-ci était réservée aux images. Beaucoup ont pris l'habitude de se réciter leur leçon, ou les phrases "types" avant de se lancer dans la transposition ou la manipulation.

3/  Ouvrir l'appétit.

"Potion de base"
Lors de l'étude d'un temps nouveau (Simple Past en 5°, Présent-Perfect en 4°, par exemple) j'annonce aux élèves que je leur demanderai, à la fin de la première séance, d'expliquer eux mêmes sa construction et son utilisation en fonction des éléments travaillés en classe.

"Nouveau mélange"  
Avant de commencer l'étude du temps nouveau, je leur demande de formuler les questions qu'ils peuvent se poser avant de l'étudier (avec certaines classes cela va très vite) : Quel est son nom ? à quoi sert-il ? comment se construit-il ? à quel autre temps peut-on le comparer (similitudes ou différences) ? Avec des classes plus faibles, ces mêmes questions viennent lorsque je leur donne des repères du genre : auxiliaire, terminaison, actions habituelles, présent continu. Je note dans un coin du tableau la liste suivante : Nom ? Construction ? Emploi ? Comparaison ? La phase suivante du cours (travail oral question-réponses à partir d'images et d'un texte plus des phrases type produites par les élèves et notées au tableau) leur permet de répondre à la fin du cours à toutes les questions préalables, sauf " l'étiquette " (l'appellation officielle). Ils écrivent les phrases modèles et doivent ensuite organiser leur prise de notes dans leur cahier, dans l'ordre qui leur parait le plus important, pour présenter le temps nouveau.

Remarque : La participation des élèves est très intéressante et plus "fournie" car ceux qui ont des difficultés d'expression en Anglais peuvent participer au questionnement préalable et donner des réponses. Ils prennent aussi la parole lors des exercices d'application pour rappeler les règles et parviennent plus rapidement à faire ressortir les "outils" nécessaires. Certains m' ont dit que cette façon d' aborder le point de grammaire leur avait permis d'avoir dès le début une idée plus précise de ce qu'il leur faudrait retenir et l'évolution de leurs résultats tend à le confirmer. Les élèves qui réussissent bien sans cette démarche sont par contre parfois gênés, même un peu agacés et n'aiment pas trop s'exprimer sur ce que cela a pu leur apporter ou leur enlever.

4/  Le diagnostic.

"Potion de base"
Les élèves sont habitués à deux types d'évaluation : "les surprises" sur une leçon et les "bilans". Avant un test sommatif (évaluation globale en fin de séquence), je leur donne la liste des révisions.

 "Nouveau mélange"
Une demi heure de cours toutes les 6/7 séances en 6°et 5° est consacrée à faire un plan de révision. Le point de départ étant une unité précise, je leur demande de faire la liste de ce qui y a été étudié, de ce qu'ils devront faire pour réviser, et les différents types d'exercice possibles, sous les trois rubriques :
·       j'ai appris à…
·       je me prépare en faisant…
·       je m'attends à…

Ils disposent de tous leurs documents et nous mettons les remarques en commun.

Remarque : Retrouver ce qui a été étudié les oblige à relire leurs notes du cahier (ce qui n'est pas évident du tout pour un bon nombre), la mise en commun au tableau permet d'éliminer des points de révision suggérés par des élèves mais non étudiés (mélange d'unités ? erreurs d' étiquette ? confusion pour les redoublants ? élèves absents aidés à la maison ?) Lors de la première discussion sur la façon de réviser à la maison, des élèves en difficulté ayant écrit ou dit : "je vais apprendre les leçons" ils ont reçu cette réponse de leurs camarades : "C' est trop tard, ce serait trop long, il faut apprendre au fur et à mesure, maintenant il faut vérifier ce que l' on sait, refaire des exercices, relire les leçons". Leur air désemparé a confirmé que les remarques des camarades portaient plus que les miennes, je les ai aidés à faire un plan de travail minimum en se fixant un objectif de progrès sur un ou deux points précis par rapport aux évaluations ponctuelles. Imaginer les exercices possibles les oblige à reprendre les exercices déjà faits (démarche qui n'est pas très évidente pour certains) et à "se voir" en train de faire le test. Même si cette phase se déroule en français, nous sommes bien au cœur de l'étude de l'Anglais. Certains élèves ont dit que cela leur permettait d' avoir comme "des gros titres" en tête et de moins paniquer juste avant le contrôle et  les élèves qui se situent en général dans la zone floue des notes entre 8 et 10 ont amélioré leurs résultats. Ils pensent pouvoir faire la même chose tout seul pour d'autres matières mais souhaitent le faire encore une ou deux autres fois en Anglais.

5/  Effacer les fausses connaissances.

 "Potion de base"
Je demande aux élèves de faire assez souvent des  auto-corrections de tests et essaie de les entraîner à la lecture ou relecture critique. Ils vont écrire au tableau et d'autres élèves soulignent ou corrigent les erreurs si besoin. Mais il reste encore de nombreuses fautes dans les cahiers et dans les têtes après correction complète au tableau.

 "Nouveau mélange" 
J’utilise maintenant des craies de couleurs différentes : blanche lorsque c'est correct et peut être recopié, orange (soit toute la phrase, soit uniquement ce qui pose problème) et les élèves regardent au tableau lorsque j'efface ou qu'un élève le fait, la correction est ensuite écrite en vert.

Remarque : Lorsque j'ai proposé cette technique de correction, je ne savais pas trop quelles couleurs prendre. Des élèves de 5° ont trouvé que le jeu de l’orange et du vert les aiderait car cela leur ferait penser au code de la route. Au début, certains élèves "muets" en Anglais (uniquement!) se sont amusés à dire n' importe quoi, il leur arrive maintenant de jouer le jeu car seules les phrases cohérentes sont écrites. Les élèves moyens semblent avoir moins peur de participer et les "bons" ont dit que cela les rendait encore plus attentifs et moins sujets aux étourderies. Ils me rappellent à l'ordre lorsque j'oublie les craies ! Deux ou trois exercices en moins sur quatre ou cinq heures de cours me permettent de garder le même rythme. (Mais est-ce une obligation ?) Resteront-ils vigilants ? Feront-ils un jour naturellement l'effort d'effacer leurs fautes dans leur tête ? Supporterai-je longtemps d'avoir de la craie verte ou orange partout ?
Martine V.  Professeur certifié de Collège

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