mercredi 4 septembre 2013

65 - Comment travailler la compréhension en stage de méthodologie ? (ou en séance d’accompagnement personnalisé)

 Voici, avec l'autorisation de son auteur, un deuxième article de Georges GIDROL, Professeur de Physique et Formateur chevronné en Gestion Mentale. Ce texte est susceptible d'intéresser plus d'un professeur ou accompagnateur. On trouvera son premier article dans le message 48 de ce blog.

Comment travailler la compréhension en stage de méthodologie ? 
(ou en séance d’accompagnement personnalisé)

Chaque jeune vient en stage avec des attentes différentes, et souvent, il privilégie la compréhension à la mémorisation et estime qu’il n’a pas de problème pour comprendre. D’autres annoncent clairement que souvent, ils ne comprennent rien à des documents, aux questions qu’on leur pose, ou à ce qui est dans leur livre. Depuis pas mal d’années, je tente de faire faire un pas vers la compréhension aux jeunes qui viennent me voir.

Je propose ici de montrer en quoi ma pratique a évolué au cours des ans.

Si je reprends les caractéristiques du geste de compréhension, j’aligne :
l’évocation de la chose, sa traduction dans ma langue, le cadre espace ou temps dans lequel je place cette chose mentalement, les liens logiques entre les parties de cette chose, ou entre cette chose et mes acquis situés dans ma bibliothèque mentale, le tout en tenant compte de ce qu’on nomme mes projets de sens. Cela m’est nécessaire pour que j’aie des chances de pouvoir advenir à la compréhension.

Voici concrètement les éléments que j’ai introduits petit à petit dans les stages ou les entretiens  avec des jeunes, éléments que j’ai tirés de mes lectures ou des rencontres avec des formateurs, intégrés sans en prendre conscience forcément, ce qui ne me permettra pas de rendre à chaque César ce qui lui revient.

Evoquer pour traduire.
              
Pour donner du sens, il faut avoir l’information en soi, et je renvoie à ce qui a été fait à propos de l’attention. L’évocation permet une traduction intérieure en images fixes ou animées (spatialité), en discours ou commentaires (linéarité), en film (le film contient des images, des sons, provoque des ressentis dans des proportions propres à chacun selon sa langue pédagogique).
              
Avant ou après ou simultanément, on peut traduire extérieurement c’est à dire transformer des documents donnés sous une forme linéaire en une forme spatiale et globale ou réciproquement (ex : texte en schéma, schéma en histoire, etc.). Trop souvent, celui qui ne comprend pas reste avec l'objet à comprendre, y vient et y revient, espérant que le sens va venir tout seul. Bien sûr qu’il viendra, mais de son intérieur et personne ne pourra le lui donner.  Néanmoins il peut préparer sa venue, déblayer le terrain, retourner l’objet, le palper mentalement, l’éloigner ou le rapprocher, chercher à le comparer à un autre, etc.

Aussi, en atelier, pour commencer, je donne le petit texte suivant :

« La bile, secrétée par le foie et emmagasinée dans la vésicule, est déversée ensuite dans le premier segment de l’intestin en même temps que le suc pancréatique venant du pancréas. »

Je demande de raconter la même chose autrement, par exemple avec un schéma. Et je constate que certains font un dessin du tube digestif, et d’autres construisent un organigramme. Les uns évoquent le concret, les autres l’organisation des organes. Ils repèrent au passage que les acquis culturels sont bien utiles !

Un autre exercice permet de passer à l’opération inverse. Je présente une courbe donnant la position d’une voiture en fonction du temps, et je demande de raconter ce qui a dû se passer. Certains assimilent la forme de la courbe à la forme de la route. D’autres sont bloqués à priori par le spectre des mathématiques associé à cette courbe. Je propose à celui qui a du mal de regarder une portion de courbe, de raconter comment évolue la position en fonction du temps, puis de détourner les yeux du document et de repenser à ce qu’il vient de dire. En s’appuyant alors seulement sur ce discours repensé, il va trouver la signification de cette portion de courbe. Ainsi, déconnecté de la perception de la courbe (et de la confusion entre code et réalité), il peut mieux approcher cette réalité. Il s’est agit ici d’une traduction d’un langage (perçu et symbolique) en un autre (évoqué dans son paramètre favori).

Plus tard,  j’ai découvert la métaphore de la barque racontée par Guy Sonnois dans son premier livre.
Voici en gros le dialogue que j’instaure alors avec les jeunes :
moi : je n’aime pas les escargots.    … Vous avez compris ce que je viens de vous dire?
eux : oui
moi : …et bien il n’y a plus de problème…
un : les escargots vivants ou les escargots en chocolat ?
moi : les vivants
un : vous n’aimez pas les manger ou vous n’aimez pas les voir ?
moi : les manger
un autre : ça vous fait quoi de les manger ?
moi : avez-vous encore d’autres questions, parce qu’il semble que ce ne soit pas si clair que ça ?
eux : qu’est ce qui a déclenché cette aversion ?
moi : savez-vous si cette répulsion est aussi là avec les huîtres ? Si l’un d’entre vous m’invite plus tard et m’offre à diner des feuilletés aux escargots, pourrai-je dire qu’il m’avait compris ?

Puis je pose au tableau les 5 mots  explication, application, relation, finalisation et reformulation.
J’associe leurs questions à l’une de ces portes de la compréhension, puis je demande qui a besoin de l’une en premier, qui a besoin de l’autre, etc. Je décline ensuite les avantages de chaque porte, et ce qui peut manquer dans le cas contraire.
Pour tout objet de connaissance, l’élève s’interroge en fonction d’un projet intérieur spontané.

Je donne donc le tableau suivant, pour préciser, les projets que l’on peut associer à chaque porte afin que chacun puisse élargir sa compréhension :

Mon projet à propos de la connaissance
Question favorite
Les portes
Chercher comment elle s'énonce       
C'est quoi  ?  
Formulation
Chercher d'où elle vient                         
Pourquoi   ?  
Explication
Chercher à quoi elle sert                        
Pour quoi  ?  
Finalisation
Chercher à quoi on peut la rattacher
Avec quoi  ? 
Relation
Chercher comment on s'en sert             
Comment ?   
Application

Autre exemple : le «  s » du pluriel décliné avec les 5 questions :

Explication : Parfois, si le  s  n'est pas écrit, on ne sait pas si on parle d'une ou de plusieurs choses.
                     (Une exposition de voitures.  Une explosion de bombe).

Application : On ajoute   s  chaque fois que le mot est au pluriel.
                      Exemple : un chat, des chats.
                      Mais il faut se méfier des exceptions.
                      C'est vrai pour les noms et les adjectifs, jamais pour les verbes.

Relation    :    Certains mots prennent un  x   (choux)
                      Certains mots changent de forme (cheval-chevaux)
                      Certains mots ont déjà un  s  au singulier ( puits,  corps ).Ils sont invariables.
                      La 2° personne du singulier du présent est marquée d'un  s  mais c'est une conjugaison.

Finalisation : En dictée, j'y penserai dès qu'on parlera de plusieurs choses.
                      Quand  j'entendrai parler du pluriel.
                      Chaque fois que j'inventerai un texte, que j’en recopierai un.

Reformulation :   Le ................
                            Les ...............s
                            De nombreux mots ( noms commun, adjectifs) prennent un  s  à la fin s'ils sont au 
                            pluriel.
Ensuite, je demande aux jeunes de penser à un concept étudié en classe et de trouver du contenu pour les 5 portes ci-dessus.

Faire des liens.
  Plus tard, j’ai proposé des exercices qui mettaient en évidence que comprendre, c’est faire des liens.
Il y a d’abord l’approche la plus simple qui consiste à donner deux photos ou deux schémas (de cellules, par exemple l’une d’oignon et l’autre de grenouille) et de demander de les comparer. Je leur fait remarquer ensuite qu’ils ont été  plus sensibles aux différences, ou au contraire aux similitudes. Je fais de même avec un tableau des caractéristiques des particules fondamentales de la matière, et je demande de faire de courtes phrases qui permettent de comparer deux particules. Mais quand on sait ce qui est prépondérant pour chacun, on n’a pas fini d’explorer les liens. Et ce travail étant fastidieux en groupe, je passe directement à la recherche de liens systématiques, avec un texte sur le brachyptérolle écaillé, vivant à Madagascar, texte qui décrit l’aspect,  les habitudes, l’habitat et la nourriture de cet oiseau.

Je fais lire ce texte, et demande s’ils l’ont compris.  Si un mot est inconnu, j’en donne le sens.
Puis, je demande de prendre une feuille format paysage, et d’écrire dans des bulles, toutes les informations que l’on découvre dans ce texte. Ensuite on cherche quel lien peut relier l’une et l’autre des informations citées ( ex : le bec épais peut lui servir pour creuser son nid dans le sol). On relie les bulles concernées. Un échange entre les membres du groupe permet de compléter la feuille de chacun. Ces liens n’apparaissent pas si facilement qu’on pourrait le croire. Lorsque ce travail est achevé, je demande si la compréhension est meilleure qu’à la première lecture. Ils valident alors que leur compréhension est devenue plus profonde grâce à ces liens.
Pour parachever, je demande, autour de l’ensemble des bulles, d’écrire des questions ou des thèmes pour lesquels ces informations serviraient de réponse, d’illustration ou de justification. (Cet oiseau est un exemple d’adaptation au milieu, …). Cette dernière activité ouvre à une compréhension plus large et à l’anticipation.

S’appuyer sur les paramètres.
Le dernier exercice en date pour comprendre un texte, je le dois à Béatrice Glickmann. Elle s’appuie sur les paramètres pour balayer le champ de ce qui est nécessaire pour posséder un texte.
Je propose de lire un texte pour le comprendre.
Puis chacun  prendre une feuille, trace 4 cases et les numérote de 1 à 4.
Sans document,
-        dans la 1°case, chacun va noter les événements qu’il connaît et qui se rattachent à ce texte, l’expérience qu’il a, les situations de sa vie  auxquelles ce texte fait penser.
-        Dans la deuxième case, chacun note les mots techniques du texte, les définitions, les conventions, les codes attachés à ce texte.
-        Dans la troisième case, on cherchera des liens logiques à établir entre des éléments du texte ou avec d’autres connaissances. On tentera de faire un schéma de l’essentiel du texte, d’en faire une traduction en mot ou en symboles.
-        Enfin, la quatrième case sera occupée par des prolongements, des hypothèses, des rapprochements inédits. (Doutes).
Ce travail permet de comprendre le texte plus en profondeur, de préparer l’évaluation future, avec la case 2, et le devoir, grâce à la 4° case.

Les projets de sens.
Quant aux projets de sens qui orientent le mouvement intérieur de chacun lorsqu’il pense, ils émergeront par le dialogue pédagogique. L’exploration ne doit pas se faire uniquement sur les projets de sens répertoriés. On découvre que chacun est tendu vers quelque chose qui lui semble important, qui est premier, qui est passage obligé.
En voici quelques exemples : avoir fini le plus vite possible, montrer que j’ai bien travaillé, faire plaisir ou plaire, recevoir l’admiration des autres, respecter rigoureusement la forme de l’information reçue, ne pas tricher en imaginant à l’avance les questions du professeur, etc.
Si certains projets cachés, mis à jour par le dialogue risquent de ralentir l’apprentissage, il sera possible d’en prendre conscience, de les compléter. ou parfois de les corriger.
Et il arrive souvent que c’est surtout pour cela qu’il valait la peine de se rencontrer.

Conclusion.
Ce travail s’accompagne le plus souvent d’une prise de conscience de la nécessité d’apprendre pour nourrir sa bibliothèque mentale afin de comprendre plus tard. Il favorisera aussi la réflexion par une meilleure saisie des lois, des protocoles, des énoncés et notamment des documents à partir desquels, en devoir, il faut de plus en plus analyser, commenter, argumenter.


Georges Gidrol 2011

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