vendredi 21 mars 2014

76 – Comment faire faire des exercices en classe ?

Voici un échange de courrier avec un professeur de mathématiques, utilisateur dans son quotidien du modèle Pégase. Il remonte à trois ans, mais n'a rien perdu de son actualité. Il constitue un bon complément à mon message numéro 15 : « De la meilleure manière de faire des exercices »,  extrait d' "Accompagner...".


Bonjour Guy,
Ce n'est pas parce que je ne donne pas de nouvelles que je t'oublie ; c'est souvent d'ailleurs quand PEGASE est en cause que je pense à toi et à tes précieux conseils.

Si je me permets de t'envoyer ce mail, c'est pour la raison suivante : dans ton livre, tu décris très bien p.215 une méthode pour faire utilement des exercices. On peut penser l'utiliser efficacement au moment de leur découverte aussi bien en classe qu'individuellement.

A ton avis, peut-on l'exploiter à la maison avec des exercices déjà faits et corrigés en cours. L'avantage est que les élèves peuvent se corriger et donc maîtriser la méthode en autonomie ?

Même si les exercices ont déjà été cherchés en cours,  cela me paraît être important de les reprendre pour une bonne compréhension "application" au service d'une bonne réflexion. C'est bien parce qu'il y aura réflexion que ces reprises ont du sens.  

Amitiés. Claude

Bonjour Claude,

Merci de ton intérêt pour le modèle Pégase. Je vais tâcher de répondre à ta question.

Toute connaissance abstraite (théorèmes, règles, concepts, formules ou lois, etc.) comporte un « volet applicatif » qui consiste en une manière de l'utiliser, un « mode d'emploi », c'est-à-dire une « procédure générale » qui peut être donnée à appliquer directement (déduction), ou qu’il s'agit d’abstraire de la pratique d'exercices concrets ou particuliers (induction).

Donc on remarque en premier lieu que l'élève qui fait les exercices connaît la loi qu'il applique (bien qu'on remarque souvent qu'il déconnecte les exercices de la règle ou la loi qu'il applique, premier écueil). C'est en cela que l'exercice se différencie fondamentalement de la réflexion en résolution de problème, dans laquelle l'énoncé n'indique pas directement la règle à utiliser (ce que cherchent désespérément les élèves qui ne savent pas réfléchir), puisque justement c'est à eux de la choisir dans leurs connaissances mémorisées et de l’adapter et de l’appliquer au problème qu'ils ont à résoudre. On voit que les exercices préparent exclusivement la dernière étape de la réflexion, lorsque la règle a été choisie et qu'il faut  l'appliquer au cas proposé par l'énoncé. C'est comme quelqu'un qui voudrait sauver une personne de la noyade et qui chercherait le meilleur moyen pour cela : en voyant une barque il déciderait que c'est le moyen qui convient le mieux, parce que la barque est justement l'outil adéquat à la situation, mais encore faudrait-il qu'il sache la manœuvrer pour être un sauveteur efficace. Connaître les qualités d'une barque, c'est l'apprentissage de la notion abstraite (objet du cours), apprendre à la manœuvrer c'est le but des exercices (qui font aussi partie du cours…). On ne se met pas à apprendre à manier les avirons au moment où une vie est en jeu (ou le redoublement, ou la bonne note espérée...) et que chaque seconde compte...

Donc en classe, le professeur aide l'élève à s'approprier les moyens d'utiliser la notion transmise, il lui montre comment s'y prendre en pratiquant avec lui certains exercices. C'est à ce moment-là bien sûr que l'abstraction de la procédure généralisable doit se faire. Le professeur doit conduire cette "extraction" par des retours évocatifs après chaque exercice et un dialogue pédagogique avec la classe pour faire apparaître sous les éléments particuliers de l'exercice la procédure générale qui va ainsi progressivement apparaître. Elle va ensuite être expérimentée dans toute une série qui va viser à automatiser son application. L'élève doit sortir de la classe avec la connaissance non seulement du volet « explicatif » ("pourquoi" de la démonstration et "pour quoi faire" de la finalité, du domaine d'application) de la notion transmise par le professeur mais aussi de son volet « applicatif », c’est-à-dire la procédure de son utilisation et les moyens de l'automatiser en autonomie.

Ensuite il fera à la maison des exercices d'entraînement (d'automatisation) pour parfaire son habileté à faire fonctionner la procédure. Mais s’il ignore celle-ci, il aura bien du mal à la découvrir seul. Ou s'il le fait à la maison, c'est en retrouvant mentalement (avec son cahier pour vérifier) ce qu'il a fait en classe avec l'aide de son professeur. Il s'agit là de l'application de la « zone proximale de développement » de Vygotsky. D'abord faire avec l’aide de quelqu'un (le professeur, ou des camarades plus avancés), puis ensuite faire seul, pour s'entraîner et se préparer ainsi à la sixième étape de la réflexion.

Ce serait comme quelqu'un qui apprend à manier les avirons au club, puis fait des kilomètres en ramant pour s'entraîner, en se souvenant des consignes découvertes avec l'aide de l'entraîneur et de la manière dont il les a intégrées de façon généralisable : d'abord positionner le buste et les jambes, puis comment tenir les avirons, puis la façon de les enfoncer dans l'eau ni trop ni pas assez, puis enfin la manière de les tirer vers soi, etc.

Est-ce que tu vois mieux apparaître les différences entre ce qui peut être fait en classe avec le professeur, et ensuite à la maison ?

Bien à toi, Guy




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