Réveiller la « zone bleue » : réfléchir et communiquer sa
réflexion.
CR du deuxième stage en classe de Seconde de Méthodologie.
Deux vidéos sont projetées aux élèves.
Après la réactivation du premier stage, j’ai projeté deux
courtes vidéos. La première vidéo (voir message 71) explique que toutes les
publicités cherchent à activer dans notre cerveau les zones émotionnelles, en
désactivant systématiquement les zones de la réflexion, présentées en bleu dans
le reportage. Il en va de même de l’ensemble de notre société qui vise à
susciter nos émotions davantage que notre réflexion: actualités, discours
politique, réseau dits « sociaux »... Seule l’école fait de la
résistance en demandant aux élèves de travailler systématiquement dans leur
« zone bleue », en leur demandant de réfléchir pour réutiliser
leurs connaissances dans des situations de problèmes et à communiquer une pensée
construite en développant des moyens de langage de plus en plus élaborés.
La deuxième vidéo (voir message 68) présente la lauréate
d’une évaluation nationale au Mexique. Paloma a été classée première aux
épreuves de mathématiques. Elle n’est pas le fruit d’une sélection scolaire. Au
contraire, elle étudie dans une pauvre petite école d’une banlieue défavorisée
dans une région minée par les trafics de drogue. Elle explique comment elle fait pour réussir si bien : « Un problème, c’est facile, d’abord je le regarde, je mets tous les chiffres dans ma
tête et mentalement je trouve la réponse ». Après le premier stage, les
élèves comprennent assez bien ce que veut dire « mettre l’énoncé dans sa
tête ». Mais que veut dire « mentalement je trouve la solution » ? On
voit bien qu’il ne s’agit pas d’une action visible de l'extérieur, mais d’une opération
toute intérieure, "dans sa tête", exclusivement menée dans le cadre du cerveau et de l’activité
mentale. Cette opération s'appelle la réflexion et elle concerne la "zone bleue" de notre cerveau.
Qu’est-ce que
réfléchir ?
À cette question les élèves formulent des réponses souvent (partiellement) justes,
mais chacun n’entrevoie qu’une petite partie de cette activité mentale complexe.
Deux exercices les aident à découvrir la réalité du geste mental de réflexion
dans sa complexité. Ce geste comporte en effet six étapes à réaliser successivement : mettre l’énoncé dans
sa tête (évoquer-comparer), analyser l’énoncé (de quoi s’agit-il ?), reconnaître et
formuler le problème posé (problématique), se remémorer les connaissances en
lien avec le problème, choisir les connaissances les plus adaptées à la
résolution du problème, appliquer les connaissances choisies (en utilisant les
procédures préalablement automatisées par la pratique des exercices).
Mémorisation/réflexion/communication.
La découverte du geste mental de réflexion donne à l’activité
de mémorisation le but qui lui manquait à la fin du premier stage. Les élèves
ont jusqu’ici mémorisé leurs leçons avec le seul projet de les restituer aux
professeurs. Une fois cette restitution opérée, il n’y a plus de raisons à leur
yeux de conserver ces connaissances en mémoire. C’est ce qui explique certains
déficits de ces jeunes : ce n’est pas qu’ils ne travaillent pas ou n’ont pas de
mémoire, simplement ils donnent à leur travail une perspective de sens erronée, un projet "trop court" qui les mène à l’échec et à un profond désintérêt pour ce type de travail.
Rétablir le sens vrai de la mémorisation, qui est de pouvoir mieux réfléchir peut remettre en route l’activité d’intégration et de conservation des
connaissances (le « métier d’élève »), à l’arrêt souvent depuis
plusieurs années. Pour que les élèves consentent les efforts à fournir pour la
mise en mémoire et l’entretien des connaissances qui leur sont transmises, il
faut qu’ils comprennent qu’elles leur seront nécessaires pour réfléchir et
résoudre des problèmes dans leur futur (scolaire tout d'abord), tout comme de pouvoir exprimer
le plus justement possible le produit de leur réflexion. C’est là, en plus de
l’acquisition d’une culture commune, la vraie préparation à leur vie citoyenne
et professionnelle future. C’est leur rapport aux savoirs et à l’école qui
s’en trouve profondément transformé et remis dans la bonne perspective. On peut
en espérer la remise en route de leur activité mentale dans leur travail
quotidien. Le troisième stage répondra à la question : comment comprendre ce que j'apprends en vue d'une réalisation "tous azimuth" ? Le but ultime : constituer une culture personnelle souple et aisément mobilisable.
Apprendre à bien
lire les énoncés.
Toutes les étapes de la réflexion ont leur importance, il ne
faut donc en n’omettre aucune. Mais l’étape la plus déterminante est la
première : mettre l’énoncé dans sa tête (comme Paloma), afin que le
cerveau puisse le traiter (mentalement, donc) en utilisant les connaissances mémorisées
précédemment à cet effet. Or, il est
constant d’observer que les élèves négligent systématiquement cette étape,
pressés (stressés) qu’ils sont d’une part par le temps limité des épreuves scolaires, mais aussi et surtout par deux
faux projets : le projet
de restituer signalé plus haut,
et le projet de résoudre, faux projet qui consiste
à chercher un résultat directement à partir de l’énoncé (sans passer par les trois premières étapes de la réflexion). Cela est tout à fait
impossible au lycée, et même bien souvent avant.
Dans un premier temps, plusieurs exercices ont fait
comprendre aux élèves quelques-uns des obstacles qu'ils rencontrent habituellement
pour effectuer une bonne lecture de leurs énoncés : déficit de
vocabulaire, apparence inhabituelle de l’énoncé, précipitation dans le « faire » (n’importe quoi de préférence) au
détriment d’une activité purement évocative (prise de recul), difficulté
à « traduire » un énoncé foisonnant ou un trop-plein
d’informations (traduire un texte en tableau, ou en schéma, pour le simplifier
sans le dénaturer)…
Ensuite, les élèves, en petits groupes, ont été invités à
résoudre plusieurs petits problèmes de logique, ne faisant pas appel à des connaissances
scolaires autres que basiques. Trois étapes sont imposées pour ce travail :
- 1 mémoriser l’énoncé sans qu’ils puissent y revenir pendant la résolution elle-même (l’énoncé est projeté sur l’écran, ce qui permet de le cacher après le temps de mémorisation). Cela se passe en trois temps. Un : les élèves lisent l’énoncé. Deux : l’énoncé est caché, ils recueillent dans leur tête les évocations produites pendant leur première lecture. Trois : l’énoncé est de nouveau projeté pour que les élèves contrôlent leur lecture par une comparaison évocations/texte. Ils ont déjà appris cette méthode de lecture de vérification au premier stage, mais ils n’en ont pas encore pris l’habitude, notamment pour des énoncés « problématiques » des contrôles et examens.
- 2 se reformuler mutuellement l’énoncé pour s’assurer qu’ils sont bien d’accord à son sujet.
Ensuite
la résolution peut intervenir, d’abord chacun pour soi puis en s’aidant
mutuellement. Le groupe se met d’accord sur la meilleure solution et la
meilleure manière de l’exposer à l’ensemble de la classe (pédagogie de
l’entraide).
Communiquer sa
réflexion par oral.
- 3 À l’issue du travail précédent, un élève est tiré au sort pour exposer la solution du problème devant toute la classe, en soignant l’argumentation et les justifications. Cet exercice répété plusieurs fois, a montré la nécessité de procéder à une deuxième réflexion, qui suit la résolution proprement dite du problème : comment vais-je faire présenter ma solution aux autres, de façon à ce qu’ils comprennent et approuvent mon raisonnement ?
Lors
des dernières présentations, j’ai demandé aux élèves « auditeurs » de
se retourner : les orateurs succcessifs, n’ayant plus que des dos devant eux, ont
trouvé cet exercice inhabituel et bien difficile, tous les langages corporels
étant alors inopérants. Mais la difficulté est encore plus grande lorsqu’on est
séparé physiquement de son interlocuteur.
J’ai
montré le schéma de la communication. Toute communication consiste à ce que le
contenu mental (évocations, émotions, pensée réfléchie…) d’une personne, l’
« émetteur », puisse être transmis de manière à ce que d’autres, les
« récepteurs », puissent se
représenter un contenu similaire : c’est pour ça que les hommes ont inventé
(outre les moyens imagés) le langage, d’abord oral, puis afin de transcender le
temps et l’espace, le langage écrit.
Communiquer avec
un interlocuteur invisible.
Deux élèves sont devant la classe, de dos, séparés par un écran. L’élève « émetteur »
a devant lui un dessin un peu complexe : il doit donner verbalement des
consignes à l’élève « récepteur » pour que ce dernier, de l’autre
côté de l’écran, reproduise le dessin aussi précisément que possible. Apparaît
alors la nécessité de préciser son vocabulaire, d’organiser son discours avec
le souci de guider le mieux possible la main du camarade invisible.
Communiquer sa
pensée par écrit : l’expression « pour les autres ».
Un exercice a permis aux élèves de se confronter à cette
difficulté : transmettre sa réflexion par écrit à des lecteurs inconnus. La
classe est divisée en deux groupes, chaque groupe doit résoudre un problème
différent. Après résolution (en réinvestissant les acquis des exercices précédents),
chacun rédige son raisonnement à destination d’un camarade de l’autre groupe,
sans savoir précisément lequel sera son lecteur. Les partenaires sont ensuite désignés
et les copies échangées. Après lecture, chaque couple écrivain/lecteur se
rencontre pour évaluer à tour de rôle la clarté du raisonnement et la précision
de l’écriture.
L’accès à
l’autonomie.
Le stage se termine sur la présentation du « Projet
Global
d’Apprentissage
Scolaire »
: Pégase (voir le schéma de Pégase). Les trois rouages de ce projet représentent les
trois grands moments d’une scolarité réussie : ce qu’on attend d’un élève et
qui va lui assurer « les bonnes notes » (qui sont la trace visible de sa réussite) :
l’intégration des savoirs, leur réutilisation par une réflexion méthodique, la
communication écrite et orale de cette réflexion. Qu’est-ce que l’autonomie ?
C’est, selon l’étymologie du mot, avoir « la loi en soi-même ». Quand on
réfléchit, on utilise des lois (des règles, des définitions, des propriétés…),
que l’on a mises « en soi » et mémorisées. Quand on veut réussir à
l’école, on doit posséder la « loi de l’école » c’est-à-dire
connaître et réaliser Pégase. Mais au-delà, c’est avoir en soi la "loi de
l’humanité" : l’homme n’est pas fait pour vivre seul, il est destiné à vivre en
bonne harmonie avec les autres. C’est là le but de l’école. Ces jeunes sont
désormais en mesure de développer leur autonomie et de surmonter les
difficultés de cette croissance, s’ils en ont le désir.
Quelques extraits
des bilans des élèves.
« J’ai appris à bien
réfléchir et à bien me projeter dans le futur pour mémoriser. J’ai appris aussi
qu’il ne faut pas que j’apprenne pour le prof mais pour réutiliser les
connaissances. J’ai trouvé ce stage intéressant mais épuisant. »
« Ce deuxième stage m’a
vraiment fait comprendre qu’il fallait prendre son temps avant de répondre. Je
suis un peu surprise que tout ce qu’on a fait depuis le premier stage nous
amène finalement à l’expression pour les autres. J’ai beaucoup appris sur le
fonctionnement du cerveau pour la réflexion. Maintenant je prendrai mon temps
grâce aux six étapes de la réflexion. J’ai toujours eu du mal à m’exprimer vers
les autres pour expliquer les résultats. Toutes ces étapes m’ont ouvert les
yeux au niveau de la mémoire. J’aime beaucoup les schémas, ils nous expliquent vraiment comment on fonctionne mentalement. »
« Ce stage m’a
beaucoup intéressé car cela m’a appris des méthodes que je ne connaissais pas
et que je n’avais pas eu la chance de découvrir jusqu’ici. Maintenant je sais
comment il faut réfléchir, apprendre une leçon, comment comprendre quelque
chose. Je sais aussi que je ne travaille pas pour les professeurs mais pour
moi, pour mon avenir et que j’apprends mes leçons pas pour les réciter aux
professeurs mais pour que je sois libre et que je sache comment réfléchir plus
tard. »
« Je vais garder que
du bon de ce stage. Comment se projeter dans le futur pour une évaluation,
comment réfléchir avec les six étapes, comment bien lire un énoncé, ne pas
aller trop vite sans comprendre et ne pas écrire pour écrire. En écrivant il
faut penser aux autres pour qu’ils nous comprennent. »
« Ce stage m’a permis
d’améliorer ma confiance en moi. J’ai appris que si on faisait les devoirs et
les contrôles pour les professeurs, cela faisait stresser. Avoir appris les
étapes de la réflexion, cela m’a rassurée, car avant je stressais pour rien. Ça
ne sert à rien d’apprendre pour les professeurs, de rabâcher et de restituer
les connaissances aux professeurs. »
« La chose qui m’a le
plus frappé, c’est qu’il faut, avant de commencer un devoir, lire intégralement
le sujet et qu’il vaut mieux faire la moitié « bien » que l’intégralité du
sujet « bâclé ». Je me sens rassuré par les différentes étapes de la réflexion.
»
« Ce que j’ai gardé de
ce stage :
– on n’apprend pas
pour nous mais pour les autres
– les étapes de la
réflexion et comment lire un énoncé
– que c’est important
de pouvoir se faire comprendre à l’oral et à l’écrit
– que jusqu’ici je ne
lisais pas trop les énoncés et maintenant j’en comprends l’utilité. »
« J’ai bien vécu ce
stage et vous m’avez aidé à mieux comprendre comment réfléchir et penser, et je
me dis que je pourrais le réutiliser pour plus tard. D’ailleurs en ce moment,
je m’imagine en train de le réutiliser. »
« J ’ai adoré ce stage, beaucoup de choses
m’ont été utiles,. J’ai appris comment le cerveau travaillait, ou plutôt
comment on peut l’utiliser. J’ai commencé à me projeter dans le futur pour
mémoriser, mais cette fois-ci je ne vais pas le faire seulement pour les profs,
mais pour que je puisse réutiliser ce que j’apprends dans la vie de tous les
jours. Je ne me précipiterai pas sur les énoncés, je les lirai attentivement.
J’évoquerai pour bien les comprendre et bien rédiger. »
« Grâce à ce stage je
vais pouvoir essayer de réfléchir et surtout de prendre mon temps dans les
contrôles même si je ne les finis pas. J’ai compris qu’il ne fallait pas apprendre
pour le professeur mais pour moi et pour les autres. »
« Dans ce stage, ce
que j’ai appris de vraiment nouveau, c’est la méthode pour réfléchir qui est
plus claire maintenant. Le fait de ne pas travailler pour le professeur ni pour
nous-mêmes mais pour les « autres », ainsi que de me mettre du point de vue du
professeur et d’essayer de comprendre ce que l’élève a cherché à dire »
« Je suis un peu
perdue et je ne sais pas si je vais arriver à appliquer les différentes choses
apprises. Je ne sais pas trop par quoi commencer demain. J’ai peur de ne pas y
arriver. »
« Ce que j’ai vraiment
aimé dans ce stage c’est d’avoir appris à rédiger mes réponses à l’écrit et de
me faire comprendre par les autres. »
« Ce que j’ai ressenti
dans ce stage c’est l’étonnement et le stress. Ce stage m’a permis de bien
comprendre les mécanismes de la réflexion et de la lecture de l’énoncé. »
« Grâce à ce stage
j’ai compris que depuis le début je me suis trompée car j’ai toujours pensé
qu’il fallait écrire, travailler pour les professeurs alors que c’est pour les
autres. J’ai aussi compris qu’il faut savoir prendre le temps dans une
évaluation afin de bien comprendre et de tout lire l’énoncé avant d’attaquer. Je
vais également me souvenir du schéma de la mémorisation. Merci de m’avoir fait
prendre conscience de mon « précieux » et du fait qu’il faut s’exprimer pour
les autres. »
« Ce stage m’a beaucoup
appris dans la manière de lire un énoncé. J’aurai dans ma tête les six étapes
de la réflexion qui sont à mes yeux très importantes. Vous m’avez appris à
mieux réfléchir et lors des contrôles je ne me dirai plus que c’est juste pour
montrer aux professeurs que j’ai appris, Et ça me servira pour moi plus tard :
ce sont mes connaissances et il faut penser aux autres quand j’écris. Je
ne parle pas beaucoup mais j’écoute et j’enregistre tout cela. »
« J’ai découvert qu’il
ne faut pas se précipiter et se faire des images dans notre tête ça nous aide
beaucoup à comprendre un texte ou un énoncé. Je ne savais pas qu’il fallait se
projeter dans le futur pour mieux s’imaginer le contrôle et moins stresser. Je
ne savais pas que l’expression écrite était aussi dure et qu’il était aussi
difficile de se faire comprendre par les autres. »
« Je suis un peu
perdue avec tout ce que je viens de vivre. Je suis aussi contente car je sais
que tout ce que je viens d’apprendre me servira énormément. Je vais également
me souvenir que toutes nos connaissances nous aideront dans l’avenir, pour
vivre dans notre société.»
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