vendredi 27 novembre 2015

94 - Réussir au lycée : réfléchir et communiquer sa réflexion "aux autres".

Réveiller la « zone bleue » : réfléchir et communiquer sa réflexion.

CR du deuxième stage en classe de Seconde de Méthodologie. 

Deux vidéos sont projetées aux élèves.
Après la réactivation du premier stage, j’ai projeté deux courtes vidéos. La première vidéo (voir message 71) explique que toutes les publicités cherchent à activer dans notre cerveau les zones émotionnelles, en désactivant systématiquement les zones de la réflexion, présentées en bleu dans le reportage. Il en va de même de l’ensemble de notre société qui vise à susciter nos émotions davantage que notre réflexion: actualités, discours politique, réseau dits « sociaux »... Seule l’école fait de la résistance en demandant aux élèves de travailler systématiquement dans leur « zone bleue », en leur demandant de réfléchir pour réutiliser leurs connaissances dans des situations de problèmes et à communiquer une pensée construite en développant des moyens de langage de plus en plus élaborés.

La deuxième vidéo (voir message 68) présente la lauréate d’une évaluation nationale au Mexique. Paloma a été classée première aux épreuves de mathématiques. Elle n’est pas le fruit d’une sélection scolaire. Au contraire, elle étudie dans une pauvre petite école d’une banlieue défavorisée dans une région minée par les trafics de drogue. Elle explique comment elle fait  pour réussir si bien : « Un problème, c’est facile, d’abord je le regarde, je mets tous les chiffres dans ma tête et mentalement je trouve la réponse ». Après le premier stage, les élèves comprennent assez bien ce que veut dire « mettre l’énoncé dans sa tête ». Mais que veut dire « mentalement je trouve la solution » ? On voit bien qu’il ne s’agit pas d’une action visible de l'extérieur, mais d’une opération toute intérieure, "dans sa tête", exclusivement menée dans le cadre du cerveau et de l’activité mentale. Cette opération s'appelle la réflexion et elle concerne la "zone bleue" de notre cerveau.

Qu’est-ce que réfléchir ?
À cette question les élèves formulent des réponses souvent (partiellement) justes, mais chacun n’entrevoie qu’une petite partie de cette activité mentale complexe. Deux exercices les aident à découvrir la réalité du geste mental de réflexion dans sa complexité. Ce geste comporte en effet six étapes à réaliser successivement : mettre l’énoncé dans sa tête (évoquer-comparer), analyser l’énoncé (de quoi s’agit-il ?), reconnaître et formuler le problème posé (problématique), se remémorer les connaissances en lien avec le problème, choisir les connaissances les plus adaptées à la résolution du problème, appliquer les connaissances choisies (en utilisant les procédures préalablement automatisées par la pratique des exercices).

Mémorisation/réflexion/communication.
La découverte du geste mental de réflexion donne à l’activité de mémorisation le but qui lui manquait à la fin du premier stage. Les élèves ont jusqu’ici mémorisé leurs leçons avec le seul projet de les restituer aux professeurs. Une fois cette restitution  opérée, il n’y a plus de raisons à leur yeux de conserver ces connaissances en mémoire. C’est ce qui explique certains déficits de ces jeunes : ce n’est pas qu’ils ne travaillent pas ou n’ont pas de mémoire, simplement ils donnent à leur travail une perspective de sens erronée, un projet "trop court" qui les mène à l’échec et à un profond désintérêt pour ce type de travail. Rétablir le sens vrai de la mémorisation, qui est de pouvoir mieux réfléchir peut remettre en route l’activité d’intégration et de conservation des connaissances (le « métier d’élève »), à l’arrêt souvent depuis plusieurs années. Pour que les élèves consentent les efforts à fournir pour la mise en mémoire et l’entretien des connaissances qui leur sont transmises, il faut qu’ils comprennent qu’elles leur seront nécessaires pour réfléchir et résoudre des problèmes dans leur futur (scolaire tout d'abord), tout comme de pouvoir exprimer le plus justement possible le produit de leur réflexion. C’est là, en plus de l’acquisition d’une culture commune, la vraie préparation à leur vie citoyenne et professionnelle future. C’est leur rapport aux savoirs et à l’école qui s’en trouve profondément transformé et remis dans la bonne perspective. On peut en espérer la remise en route de leur activité mentale dans leur travail quotidien. Le troisième stage répondra à la question : comment comprendre ce que j'apprends en vue d'une réalisation "tous azimuth" ? Le but ultime : constituer une culture personnelle souple et aisément mobilisable.

Apprendre à bien lire les énoncés.
Toutes les étapes de la réflexion ont leur importance, il ne faut donc en n’omettre aucune. Mais l’étape la plus déterminante est la première : mettre l’énoncé dans sa tête (comme Paloma), afin que le cerveau puisse le traiter (mentalement, donc) en utilisant les connaissances mémorisées précédemment à cet effet. Or,  il est constant d’observer que les élèves négligent systématiquement cette étape, pressés (stressés) qu’ils sont d’une part par le temps limité des épreuves scolaires, mais aussi et surtout par deux faux projets : le projet de restituer signalé plus haut, et le projet  de résoudre, faux projet qui consiste à chercher un résultat directement à partir de l’énoncé (sans passer par les trois premières étapes de la réflexion). Cela est tout à fait impossible au lycée, et même bien souvent avant.

Dans un premier temps, plusieurs exercices ont fait comprendre aux élèves quelques-uns des obstacles qu'ils rencontrent habituellement pour effectuer une bonne lecture de leurs énoncés : déficit de vocabulaire, apparence inhabituelle de l’énoncé, précipitation dans le « faire » (n’importe quoi de préférence) au détriment d’une activité purement évocative (prise de recul), difficulté à  « traduire » un énoncé foisonnant ou un trop-plein d’informations (traduire un texte en tableau, ou en schéma, pour le simplifier sans le dénaturer)…

Ensuite, les élèves, en petits groupes, ont été invités à résoudre plusieurs petits problèmes de logique, ne faisant pas appel à des connaissances scolaires autres que basiques. Trois étapes sont imposées pour ce travail :

  • 1       mémoriser l’énoncé sans qu’ils puissent y revenir pendant la résolution elle-même (l’énoncé est projeté sur l’écran, ce qui permet de le cacher après le temps de mémorisation). Cela se passe en trois temps. Un : les élèves lisent l’énoncé. Deux : l’énoncé est caché, ils recueillent dans leur tête les évocations produites pendant leur première lecture. Trois : l’énoncé est de nouveau projeté pour que les élèves contrôlent leur lecture par une comparaison évocations/texte. Ils ont déjà appris cette méthode de lecture de vérification au premier stage, mais ils n’en ont pas encore pris l’habitude, notamment pour des énoncés « problématiques » des contrôles et examens.
  • 2       se reformuler mutuellement l’énoncé pour s’assurer qu’ils sont bien d’accord à son sujet.

Ensuite la résolution peut intervenir, d’abord chacun pour soi puis en s’aidant mutuellement. Le groupe se met d’accord sur la meilleure solution et la meilleure manière de l’exposer à l’ensemble de la classe (pédagogie de l’entraide).

Communiquer sa réflexion par oral.

  • 3     À l’issue du travail précédent, un élève est tiré au sort pour exposer la solution du problème devant toute la classe, en soignant l’argumentation et les justifications. Cet exercice répété plusieurs fois, a montré la nécessité de procéder à une deuxième réflexion, qui suit la résolution proprement dite du problème : comment vais-je faire présenter ma solution aux autres, de façon à ce qu’ils comprennent et approuvent mon raisonnement ?
Lors des dernières présentations, j’ai demandé aux élèves « auditeurs » de se retourner : les orateurs succcessifs, n’ayant plus que des dos devant eux, ont trouvé cet exercice inhabituel et bien difficile, tous les langages corporels étant alors inopérants. Mais la difficulté est encore plus grande lorsqu’on est séparé physiquement de son interlocuteur.

J’ai montré le schéma de la communication.  Toute communication consiste à ce que le contenu mental (évocations, émotions, pensée réfléchie…) d’une personne, l’  « émetteur », puisse être transmis de manière à ce que d’autres, les « récepteurs »,  puissent se représenter un contenu similaire : c’est pour ça que les hommes ont inventé (outre les moyens imagés) le langage, d’abord oral, puis afin de transcender le temps et l’espace, le langage écrit.

Communiquer avec un interlocuteur invisible.
Deux élèves sont devant la classe, de dos, séparés par un écran. L’élève « émetteur » a devant lui un dessin un peu complexe : il doit donner verbalement des consignes à l’élève « récepteur » pour que ce dernier, de l’autre côté de l’écran, reproduise le dessin aussi précisément que possible. Apparaît alors la nécessité de préciser son vocabulaire, d’organiser son discours avec le souci de guider le mieux possible la main du camarade invisible.

Communiquer sa pensée par écrit : l’expression « pour les autres ».
Un exercice a permis aux élèves de se confronter à cette difficulté : transmettre sa réflexion par écrit à des lecteurs inconnus. La classe est divisée en deux groupes, chaque groupe doit résoudre un problème différent. Après résolution (en réinvestissant les acquis des exercices précédents), chacun rédige son raisonnement à destination d’un camarade de l’autre groupe, sans savoir précisément lequel sera son lecteur. Les partenaires sont ensuite désignés et les copies échangées. Après lecture, chaque couple écrivain/lecteur se rencontre pour évaluer à tour de rôle la clarté du raisonnement et la précision de l’écriture.

L’accès à l’autonomie.
Le stage se termine sur la présentation du « Projet Global d’Apprentissage Scolaire » : Pégase (voir le schéma de Pégase). Les trois rouages de ce projet représentent les trois grands moments d’une scolarité réussie : ce qu’on attend d’un élève et qui va lui assurer « les bonnes notes » (qui sont  la trace visible de sa réussite) : l’intégration des savoirs, leur réutilisation par une réflexion méthodique, la communication écrite et orale de cette réflexion. Qu’est-ce que l’autonomie ? C’est, selon l’étymologie du mot, avoir « la loi en soi-même ». Quand on réfléchit, on utilise des lois (des règles, des définitions, des propriétés…), que l’on a mises « en soi » et mémorisées. Quand on veut réussir à l’école, on doit posséder la «  loi de l’école » c’est-à-dire connaître et réaliser Pégase. Mais au-delà, c’est avoir en soi la "loi de l’humanité" : l’homme n’est pas fait pour vivre seul, il est destiné à vivre en bonne harmonie avec les autres. C’est là le but de l’école. Ces jeunes sont désormais en mesure de développer leur autonomie et de surmonter les difficultés de cette croissance, s’ils en ont le désir.

Quelques extraits des bilans des élèves.
« J’ai appris à bien réfléchir et à bien me projeter dans le futur pour mémoriser. J’ai appris aussi qu’il ne faut pas que j’apprenne pour le prof mais pour réutiliser les connaissances. J’ai trouvé ce stage intéressant mais épuisant. »

« Ce deuxième stage m’a vraiment fait comprendre qu’il fallait prendre son temps avant de répondre. Je suis un peu surprise que tout ce qu’on a fait depuis le premier stage nous amène finalement à l’expression pour les autres. J’ai beaucoup appris sur le fonctionnement du cerveau pour la réflexion. Maintenant je prendrai mon temps grâce aux six étapes de la réflexion. J’ai toujours eu du mal à m’exprimer vers les autres pour expliquer les résultats. Toutes ces étapes m’ont ouvert les yeux au niveau de la mémoire. J’aime beaucoup les schémas, ils nous expliquent  vraiment comment on fonctionne mentalement. »

« Ce stage m’a beaucoup intéressé car cela m’a appris des méthodes que je ne connaissais pas et que je n’avais pas eu la chance de découvrir jusqu’ici. Maintenant je sais comment il faut réfléchir, apprendre une leçon, comment comprendre quelque chose. Je sais aussi que je ne travaille pas pour les professeurs mais pour moi, pour mon avenir et que j’apprends mes leçons pas pour les réciter aux professeurs mais pour que je sois libre et que je sache comment réfléchir plus tard. »

« Je vais garder que du bon de ce stage. Comment se projeter dans le futur pour une évaluation, comment réfléchir avec les six étapes, comment bien lire un énoncé, ne pas aller trop vite sans comprendre et ne pas écrire pour écrire. En écrivant il faut penser aux autres pour qu’ils nous comprennent. »

« Ce stage m’a permis d’améliorer ma confiance en moi. J’ai appris que si on faisait les devoirs et les contrôles pour les professeurs, cela faisait stresser. Avoir appris les étapes de la réflexion, cela m’a rassurée, car avant je stressais pour rien. Ça ne sert à rien d’apprendre pour les professeurs, de rabâcher et de restituer les connaissances aux professeurs. »

« La chose qui m’a le plus frappé, c’est qu’il faut, avant de commencer un devoir, lire intégralement le sujet et qu’il vaut mieux faire la moitié « bien » que l’intégralité du sujet « bâclé ». Je me sens rassuré par les différentes étapes de la réflexion. »

« Ce que j’ai gardé de ce stage :
– on n’apprend pas pour nous mais pour les autres
– les étapes de la réflexion et comment lire un énoncé
– que c’est important de pouvoir se faire comprendre à l’oral et à l’écrit
– que jusqu’ici je ne lisais pas trop les énoncés et maintenant j’en comprends l’utilité. »

« J’ai bien vécu ce stage et vous m’avez aidé à mieux comprendre comment réfléchir et penser, et je me dis que je pourrais le réutiliser pour plus tard. D’ailleurs en ce moment, je m’imagine en train de le réutiliser. »

 « J ’ai adoré ce stage, beaucoup de choses m’ont été utiles,. J’ai appris comment le cerveau travaillait, ou plutôt comment on peut l’utiliser. J’ai commencé à me projeter dans le futur pour mémoriser, mais cette fois-ci je ne vais pas le faire seulement pour les profs, mais pour que je puisse réutiliser ce que j’apprends dans la vie de tous les jours. Je ne me précipiterai pas sur les énoncés, je les lirai attentivement. J’évoquerai pour bien les comprendre et bien rédiger. »

« Grâce à ce stage je vais pouvoir essayer de réfléchir et surtout de prendre mon temps dans les contrôles même si je ne les finis pas. J’ai compris qu’il ne fallait pas apprendre pour le professeur mais pour moi et pour les autres. »

« Dans ce stage, ce que j’ai appris de vraiment nouveau, c’est la méthode pour réfléchir qui est plus claire maintenant. Le fait de ne pas travailler pour le professeur ni pour nous-mêmes mais pour les « autres », ainsi que de me mettre du point de vue du professeur et d’essayer de comprendre ce que l’élève a cherché à dire »

« Je suis un peu perdue et je ne sais pas si je vais arriver à appliquer les différentes choses apprises. Je ne sais pas trop par quoi commencer demain. J’ai peur de ne pas y arriver. »

« Ce que j’ai vraiment aimé dans ce stage c’est d’avoir appris à rédiger mes réponses à l’écrit et de me faire comprendre par les autres. »

« Ce que j’ai ressenti dans ce stage c’est l’étonnement et le stress. Ce stage m’a permis de bien comprendre les mécanismes de la réflexion et de la lecture de l’énoncé. »

« Grâce à ce stage j’ai compris que depuis le début je me suis trompée car j’ai toujours pensé qu’il fallait écrire, travailler pour les professeurs alors que c’est pour les autres. J’ai aussi compris qu’il faut savoir prendre le temps dans une évaluation afin de bien comprendre et de tout lire l’énoncé avant d’attaquer. Je vais également me souvenir du schéma de la mémorisation. Merci de m’avoir fait prendre conscience de mon « précieux » et du fait qu’il faut s’exprimer pour les autres. »

« Ce stage m’a beaucoup appris dans la manière de lire un énoncé. J’aurai dans ma tête les six étapes de la réflexion qui sont à mes yeux très importantes. Vous m’avez appris à mieux réfléchir et lors des contrôles je ne me dirai plus que c’est juste pour montrer aux professeurs que j’ai appris, Et ça me servira pour moi plus tard : ce sont mes connaissances et il faut penser aux autres quand j’écris. Je ne parle pas beaucoup mais j’écoute et j’enregistre tout cela. »

« J’ai découvert qu’il ne faut pas se précipiter et se faire des images dans notre tête ça nous aide beaucoup à comprendre un texte ou un énoncé. Je ne savais pas qu’il fallait se projeter dans le futur pour mieux s’imaginer le contrôle et moins stresser. Je ne savais pas que l’expression écrite était aussi dure et qu’il était aussi difficile de se faire comprendre par les autres. »

« Je suis un peu perdue avec tout ce que je viens de vivre. Je suis aussi contente car je sais que tout ce que je viens d’apprendre me servira énormément. Je vais également me souvenir que toutes nos connaissances nous aideront dans l’avenir, pour vivre dans notre société.»



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