Peut-on enseigner la
réflexion aux élèves de lycée ?
Récit d'un stage en classe de seconde.
En matière d’évaluation il y a un principe (sauf en évaluation diagnostique ) : on ne peut
évaluer que ce que l’on a enseigné ou formé. Or, au lycée, et même avant,
qu’évalue-t-on dans les travaux des élèves ? Non pas une restitution de leurs
connaissances (« ce n’est pas ce
j’attends de vous ! »), mais une capacité à les mobiliser à bon escient.
Et cette capacité est conditionnée par la qualité de leur réflexion dans
la résolution d’un problème, activité purement mentale qui n'est évaluable que dans l'expression, notamment écrite, qui la suit. La réflexion, c'est dans la tête ; sur la copie, c'est seulement son expression, sa "communication à autrui".
Pourtant, l’enseignement et la formation à la pratique de la
réflexion n’est jamais à l’ordre du jour, ni des programmes officiels
ni des pratiques enseignantes… qui ne concernent que de vagues exhortations "Réfléchissez bien !" ou l'évaluation de sa seule expression. D'où des difficultés sans solution pour certains élèves, toujours à la base de leur découragement, de leur perte de confiance en
eux-mêmes et en leurs capacités et finalement, pour beaucoup, leur rejet plus
ou moins déclaré du monde scolaire dans lequel leur intelligence se trouve si
peu valorisée.
Mon objectif pour ce stage
était donc d’initier les élèves à l’activité
réflexive méthodique dans la résolution de problème, toujours suivie au
lycée d’une communication élaborée,
orale et écrite.
Après avoir réactualisé les acquis du stage précédent, dans lequel nous avions travaillé les activités mentales d’attention et de mémorisation, geste mental qui vise un
avenir qui restait à identifier, j’ai demandé aux élèves de préciser quelles
étaient leurs difficultés à l’heure actuelle. Comme je m’y attendais, les
troubles liés à un manque de réflexion sont apparus sous diverses formulations
: difficulté à réutiliser des connaissances pourtant apprises (au moins au
jugement des élèves…), troubles de la mémoire au moment des contrôles, difficulté
à organiser et à structurer sa pensée et à la communiquer clairement, tentation
de fuite devant toute situation problématique…
Réflexion
naturelle et réflexion culturelle.
J’ai introduit cette année une distinction entre
·
une
réflexion « naturelle », à base de logique intuitive, appliquée à des
objets concrets ou des situations familières (on pense à ces enfants si
dégourdis hors l’école, parfois très experts dans certains jeux élaborés : échecs,
rubik's cubes… mais qui se révèlent si maladroits dans les travaux scolaires dont ils finissent par se détourner à force d’y échouer),
·
et une
réflexion « scolaire », méthodique et structurée, plus « culturelle », puisque faisant intervenir systématiquement des
contenus abstraits et généraux : objet scolaires par excellence, eux aussi soumis
à un apprentissage méthodique préalable.
De nombreux exercices ont permis aux élèves de mettre au
jour leur démarche réflexive naturelle, et d'y reconnaître des "pannes" de fonctionnement. Et particulièrement, ils sont pu découvrir l’incontournable obligation
de tenir compte de tous les éléments
d’un énoncé ou d’une situation,
aussi simple et concret soient-ils. Beaucoup ont signalé dans leur bilan qu'ils
lisaient beaucoup trop vite les énoncés, ce qui provoquait blocage ou confusion
dans leur activité mentale, même pour des problèmes très simples.
Ensuite nous avons abordé le geste mental de réflexion « culturelle »,
appliquée à des situations scolaires,
avec utilisation de règles et de connaissances générales (voir message numéro 18). Là
encore l’étape de la lecture d’énoncé est apparue dans toute sa spécificité et son
absolue nécessité. Et aussi l’incontournable obligation d’avoir en mémoire les
énoncés des règles, des formules ou des définitions apprises au préalable, pour les
« déstocker » au moment opportun, et cela à deux niveaux :
• pour s'assurer soi-même et s’appuyer sur des
connaissances solides et rigoureusement mémorisées dont le seul "mode d'emploi", automatisé par la répétition d'exercices, ne suffit plus : s'il permet de trouver un résultat, même bon, il ne permet pas de le "justifier", ni pour soi ni pour les autres ;
- pour pouvoir présenter un argumentaire solide à ses auditeurs ou à ses lecteurs lorsque l’on veut les convaincre en leur faisant « entendre raison ». Ce sont ces règles, définitions, formules, etc. qui sont les arguments qu’on attend qu'ils mobilisent dans leur communication orale ou écrite.
La communication orale ou écrite.
Dès les premiers exercices, lorsque les élèves, tirés au
sort, ont été amenés à proposer leur solution, leur difficulté à s’exprimer
clairement leur est aussitôt apparue dans toute sa cruauté : « A quoi ça sert d’être génial si personne n’en
sait jamais rien ? » est devenu un slogan qui leur a permis de comprendre qu'après avoir trouvé une solution à un problème, il faut de nouveau réfléchir à savoir comment la transmettre à d'autres que soi.
Par la suite, des exercices résolus en petits groupes, ont
amené les élèves à mettre en commun leurs moyens d’expression de façon à ce que
chacun puisse présenter une communication orale à peu près correcte.
Enfin, l’habituel exercice de communication écrite et de
co-correction a terminé le stage avec des prises de conscience très fortes de
la part de beaucoup d’élèves sur le sens de l’expression écrite : se préoccuper
des besoins de celui qui va lire au-delà de ce que l’on veut exprimer soi-même.
Extraits du bilan
des élèves.
J’ai trouvé des éléments de résolution à mes
difficultés : moins de précipitation, prendre le temps dans la lecture des
énoncés ; regrouper les informations et les connaissances, avec un peu plus
d’ordre. J’ai découvert les étapes d’une bonne réflexion.
J’ai compris que je
devais prendre du temps pour lire les consignes, les analyser, que je devais
chercher dans ma mémoire et y choisir les connaissances à utiliser. Mes difficultés
sont un peu résolues : je faisais des hors sujet, je ne comprenais pas les
consignes, je n’allais pas chercher dans mes connaissances, je ne prenais pas
aussi le temps de les comprendre car j’allais trop vite. J’ai compris qu’il
fallait me faire des images pour mieux comprendre et mieux apprendre. Ma grande
découverte c’est que je ne faisais pas d’images dans ma tête pour comprendre la
question posée ni pour comprendre un texte, ni pour comprendre des règles de
grammaire et mieux les retenir pour mieux réussir.
Ce stage m’a intéressé
car j’ai appris à aborder un problème, à bien lire un énoncé, à bien
m’exprimer. Vous avez réussi à nous faire travailler tout en nous amusant, par
exemple lorsque nous avons dessiné. Je n’arrivais pas à m’exprimer
correctement, et maintenant j’y arrive mieux. Lorsque je trouvais un résultat
dans un problème, je n’arrivais pas à l’exprimer correctement à l’écrit et
maintenant j’y arrive un peu mieux.
Le fait de faire des
groupes pour résoudre des petits problèmes, le fait qu’on pouvait s’expliquer
entre nous, ça me permettait de mieux comprendre en expliquant moi-même aux
autres. Ensuite la situation à l’écrit m’a permis de faire comme si c’était une personne qui devait lire à ma place. J’ai appris à mieux
m’exprimer et à prendre mon temps pour lire un énoncé, et aussi quand on a fait
le dessin pour guider une autre personne. Je n’arrivais pas à m’exprimer de
sorte que les autres ne comprennent : j’y arrive un peu mieux. Je vais prendre
un peu plus de temps pour comprendre l’énoncé, l’imaginer dans ma tête,
structurer mes idées. J’ai aussi vu qu’on pouvait travailler et comprendre tout
en s’amusant.
Ce qui m’a surtout
intéressé c’est pour résoudre les problèmes : j’ai appris à ne pas aller trop
vite, à bien relire et à évoquer les consignes. Le fait d’avoir travaillé en
groupe m’a beaucoup plu car quand je ne comprenais pas, les autres
m’expliquaient. Se poser un problème, une question auquel il faudra répondre
dans un problème m’a beaucoup aidé. Je n’arrivais pas à bien développer mes
réponses, à bien expliquer : ce stage m’a permis de résoudre ces difficultés.
J’ai appris à mieux m’expliquer, a bien mentaliser les consignes, mais je
retiens surtout qu’il faut que j’aille moins vite.
La vitesse, la
précipitation, l’expression difficile, trier les informations dans un problème,
toutes mes difficultés ont été résolues. Durant ce stage ma principale
découverte a été ma mauvaise lecture des consignes : j’ai oublié deux fois de
suite le mot principal de l’énoncé. Cela m’a appris à ne pas me précipiter et à
bien évoquer la totalité de l’énoncé.
Pendant ce stage j’ai
découvert de nouvelles choses sur moi-même, et surtout j’ai compris pourquoi
j’étais souvent hors sujet dans mes rédactions : c’est parce que je m’exprime
mal. Mes difficultés ont en partie été résolues, surtout comment gérer mon
temps lors des contrôles. Soit j’allais trop vite, donc je finissais trop tôt
et j’avais une mauvaise note, soit je cherchais trop alors que c’était tout
simple et du coup je ne finissais pas mon contrôle en entier. Je vais essayer
de me mettre à la place des autres pour essayer de mieux m’exprimer, car avec
certains exercices et certaines activités, je me suis rendu compte que je
n’étais pas toujours très claire dans mes propos. Et aussi je vais utiliser la
technique de lecture d’énoncés et de réflexion (évocation, problématique,
mémoire…).
Ce que nous avons fait
pendant ce stage ciblait bien mes difficultés. Elles ne sont pas entièrement
résolues mais en mettant en pratique le maximum de ce que j’ai appris j’espère
pouvoir les résoudre, surtout pour la lecture des énoncés. Cette méthode m’a
beaucoup aidé et aussi de m’entraîner pour mieux m’exprimer et pour que les
personnes autour de moi comprennent ce que j’ai à dire. Ma principale
découverte a été que je peux mettre des énoncés dans ma tête et que cela m’aide
pour résoudre des exercices ou des problèmes. Et aussi que je pouvais me servir
de choses qui n’ont rien à voir avec le lycée pour résoudre des exercices et
des problèmes scolaires.
J’ai appris comment
mieux comprendre une question, souvent je ne prenais pas le temps de lire les
énoncés. Je vais maintenant me mettre à la place des autres quand je rédige une
réponse et prendre plus le temps de lire et de comprendre les questions.
Ce stage m’a ouvert
les yeux sur la manière de lire un énoncé. La bonne technique à adopter pour
bien le comprendre. Je me suis rendu compte que les règles étaient très
importantes pour pouvoir bien me retrouver dans ma tête lorsque je dois
résoudre un problème. Ces stages me donnent beaucoup de méthodes qui me sont
très utiles pour mes années de lycée.
Ma principale découverte, c’est la
méthode pour mémoriser les cours et aussi de bien pouvoir m’exprimer pour les
autres. Ce stage est nourrissant car on se découvre beaucoup, je me rends
compte que l’on ne se connaît pas vraiment.
J’ai été intéressé
plus à certaines explications que d’autres. Par exemple, la lecture des
consignes et la manière dont les élèves voient les choses et les mettent sur
leur copie et la manière dont les professeurs les voient quand ils corrigent.
J’ai des difficultés dans l’attention en classe, j’ai du mal à être attentif et
à me concentrer. Aussi je me précipitais un peu et j’avais du mal à prendre le
temps : je vais essayer d’employer les méthodes vues au stage pour corriger tout cela. Je décide d’approfondir la lecture des consignes et de les retenir pour
mieux les comprendre.
J’ai appris à lire les
énoncés, et surtout comment un exercice était différent d’un problème. Pendant
les contrôles, les exercices ou les problèmes, j’utiliserai maintenant toutes
les consignes pour ne pas oublier une information.
On a fait des
activités et des petits problèmes qui nous ont montré que même si le résultat est
juste on ne l’exprime pas correctement. Mes difficultés (avant) : comprendre
correctement ce que le professeur attend de nous dans un énoncé et ne pas faire
de hors sujet. Elles ont été résolues par ce stage.
Ce stage m’a beaucoup
intéressé car il y a beaucoup de choses qui se sont débloquées et éclaircies
dans ma tête. J’ai plus de confiance en moi et en mes capacités pour résoudre
des problèmes et des exercices. Je décide d’appliquer la méthode de poser mon
stylo et de prendre 10 minutes pour comprendre un énoncé et je décide de me
mettre à la place de l’autre avant de faire quoi que ce soit pour être sûre de
m’être fait comprendre. Ma principale découverte est de voir que je suis capable
de faire tout un schéma dans ma tête pour arriver à une réponse correcte et à
peu près bien formulée et de voir que je n’étais pas si nulle que ce que je
pensais.
Ma principale
découverte a été de voir que je suis tout à fait capable de bien travailler.
J’ai découvert la
lecture d’énoncés et que je lisais trop vite et donc que je passais à côté des
éléments importants. Mes difficultés ont diminué car je prends plus mon temps.
Je décide de faire dès demain les étapes de la lecture d’énoncés et de me mettre
à la place des autres lorsque je rédige.
Ce stage m’a permis de
prendre conscience que je dois améliorer ma rédaction car « ça ne sert à rien
d’être génial si personne ne le sait ». J’ai décidé d’essayer d’améliorer mon
mode de rédaction afin d’être plus compréhensible.
PS. J’ai découvert que
j’étais génial mais que personne ne le savait.
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