jeudi 1 décembre 2016

103 - PEUT-ON APPRENDRE A REFLECHIR ?


 Peut-on enseigner la réflexion aux élèves de lycée ?

Récit d'un stage en classe de seconde.

En matière d’évaluation il y a un principe (sauf en évaluation diagnostique ) : on ne peut évaluer  que ce que l’on a enseigné ou formé. Or, au lycée, et même avant, qu’évalue-t-on dans les travaux des élèves ? Non pas une restitution de leurs connaissances (« ce n’est pas ce j’attends de vous ! »), mais une capacité à les mobiliser à bon escient. Et cette capacité est conditionnée par la qualité de leur réflexion dans la résolution d’un problème, activité purement mentale qui n'est évaluable que dans l'expression, notamment écrite, qui la suit. La réflexion, c'est dans la tête ; sur la copie, c'est seulement son expression, sa "communication à autrui".

Pourtant, l’enseignement et la formation à la pratique de la réflexion n’est jamais à l’ordre du jour, ni des programmes officiels ni des pratiques enseignantes… qui ne concernent que de vagues exhortations "Réfléchissez bien !"  ou l'évaluation de sa seule expression. D'où des difficultés sans solution pour certains élèves, toujours à la base de leur découragement, de leur perte de confiance en eux-mêmes et en leurs capacités et finalement, pour beaucoup, leur rejet plus ou moins déclaré du monde scolaire dans lequel leur intelligence se trouve si peu valorisée.

Mon objectif pour ce stage était donc d’initier les élèves à l’activité réflexive méthodique dans la résolution de problème, toujours suivie au lycée d’une communication élaborée, orale et écrite.

Après avoir réactualisé les acquis du stage précédent, dans lequel nous avions travaillé les activités mentales d’attention et de mémorisation, geste mental qui vise un avenir qui restait à identifier, j’ai demandé aux élèves de préciser quelles étaient leurs difficultés à l’heure actuelle. Comme je m’y attendais, les troubles liés à un manque de réflexion sont apparus sous diverses formulations : difficulté à réutiliser des connaissances pourtant apprises (au moins au jugement des élèves…), troubles de la mémoire au moment des contrôles, difficulté à organiser et à structurer sa pensée et à la communiquer clairement, tentation de fuite devant toute situation problématique…

Réflexion naturelle et réflexion culturelle.
J’ai introduit cette année une distinction entre
·         une réflexion « naturelle », à base de logique intuitive, appliquée à des objets concrets ou des situations familières (on pense à ces enfants si dégourdis hors l’école, parfois très experts dans certains jeux élaborés : échecs, rubik's cubes… mais qui se révèlent si maladroits dans les travaux scolaires dont ils finissent par se détourner à force d’y échouer),
·         et une réflexion « scolaire », méthodique et structurée, plus « culturelle », puisque faisant intervenir systématiquement des contenus abstraits et généraux : objet scolaires par excellence, eux aussi soumis à un apprentissage méthodique préalable.

De nombreux exercices ont permis aux élèves de mettre au jour leur démarche réflexive naturelle, et d'y reconnaître des "pannes" de fonctionnement. Et particulièrement, ils sont pu découvrir l’incontournable obligation de tenir compte de tous les éléments d’un énoncé ou d’une situation, aussi simple et concret soient-ils. Beaucoup ont signalé dans leur bilan qu'ils lisaient beaucoup trop vite les énoncés, ce qui provoquait blocage ou confusion dans leur activité mentale, même pour des problèmes très simples.

Ensuite nous avons abordé le geste mental de réflexion « culturelle », appliquée  à des situations scolaires, avec utilisation de règles et de connaissances générales (voir message numéro 18). Là encore l’étape de la lecture d’énoncé est apparue dans toute sa spécificité et son absolue nécessité. Et aussi l’incontournable obligation d’avoir en mémoire les énoncés des règles, des formules ou des définitions apprises au préalable, pour les « déstocker » au moment opportun, et cela à deux niveaux :
    pour s'assurer soi-même et s’appuyer sur des connaissances solides et rigoureusement mémorisées dont le seul "mode d'emploi", automatisé par la répétition d'exercices, ne suffit plus : s'il permet de trouver un résultat, même bon, il ne permet pas de le "justifier", ni pour soi ni pour les autres ;
  • pour pouvoir présenter un argumentaire solide à ses auditeurs ou à ses lecteurs lorsque l’on veut les convaincre en leur faisant « entendre raison ». Ce sont ces règles, définitions, formules, etc. qui sont les arguments qu’on attend qu'ils mobilisent dans leur communication orale ou écrite.

La communication orale ou écrite.
Dès les premiers exercices, lorsque les élèves, tirés au sort, ont été amenés à proposer leur solution, leur difficulté à s’exprimer clairement leur est aussitôt apparue dans toute sa cruauté : « A quoi ça sert d’être génial si personne n’en sait jamais rien ? » est devenu un slogan qui leur a permis de comprendre qu'après avoir trouvé une solution à un problème, il faut de nouveau réfléchir à savoir comment la transmettre à d'autres que soi.

Par la suite, des exercices résolus en petits groupes, ont amené les élèves à mettre en commun leurs moyens d’expression de façon à ce que chacun puisse présenter une communication orale à peu près correcte.

Enfin, l’habituel exercice de communication écrite et de co-correction a terminé le stage avec des prises de conscience très fortes de la part de beaucoup d’élèves sur le sens de l’expression écrite : se préoccuper des besoins de celui qui va lire au-delà de ce que l’on veut exprimer soi-même.

Extraits du bilan des élèves.

 J’ai trouvé des éléments de résolution à mes difficultés : moins de précipitation, prendre le temps dans la lecture des énoncés ; regrouper les informations et les connaissances, avec un peu plus d’ordre. J’ai découvert les étapes d’une bonne réflexion.

J’ai compris que je devais prendre du temps pour lire les consignes, les analyser, que je devais chercher dans ma mémoire et y choisir les connaissances à utiliser. Mes difficultés sont un peu résolues : je faisais des hors sujet, je ne comprenais pas les consignes, je n’allais pas chercher dans mes connaissances, je ne prenais pas aussi le temps de les comprendre car j’allais trop vite. J’ai compris qu’il fallait me faire des images pour mieux comprendre et mieux apprendre. Ma grande découverte c’est que je ne faisais pas d’images dans ma tête pour comprendre la question posée ni pour comprendre un texte, ni pour comprendre des règles de grammaire et mieux les retenir pour mieux réussir.

Ce stage m’a intéressé car j’ai appris à aborder un problème, à bien lire un énoncé, à bien m’exprimer. Vous avez réussi à nous faire travailler tout en nous amusant, par exemple lorsque nous avons dessiné. Je n’arrivais pas à m’exprimer correctement, et maintenant j’y arrive mieux. Lorsque je trouvais un résultat dans un problème, je n’arrivais pas à l’exprimer correctement à l’écrit et maintenant j’y arrive un peu mieux.

Le fait de faire des groupes pour résoudre des petits problèmes, le fait qu’on pouvait s’expliquer entre nous, ça me permettait de mieux comprendre en expliquant moi-même aux autres. Ensuite la situation à l’écrit m’a permis de faire comme si c’était une personne qui devait lire à ma place. J’ai appris à mieux m’exprimer et à prendre mon temps pour lire un énoncé, et aussi quand on a fait le dessin pour guider une autre personne. Je n’arrivais pas à m’exprimer de sorte que les autres ne comprennent : j’y arrive un peu mieux. Je vais prendre un peu plus de temps pour comprendre l’énoncé, l’imaginer dans ma tête, structurer mes idées. J’ai aussi vu qu’on pouvait travailler et comprendre tout en s’amusant.

Ce qui m’a surtout intéressé c’est pour résoudre les problèmes : j’ai appris à ne pas aller trop vite, à bien relire et à évoquer les consignes. Le fait d’avoir travaillé en groupe m’a beaucoup plu car quand je ne comprenais pas, les autres m’expliquaient. Se poser un problème, une question auquel il faudra répondre dans un problème m’a beaucoup aidé. Je n’arrivais pas à bien développer mes réponses, à bien expliquer : ce stage m’a permis de résoudre ces difficultés. J’ai appris à mieux m’expliquer, a bien mentaliser les consignes, mais je retiens surtout qu’il faut que j’aille moins vite.

La vitesse, la précipitation, l’expression difficile, trier les informations dans un problème, toutes mes difficultés ont été résolues. Durant ce stage ma principale découverte a été ma mauvaise lecture des consignes : j’ai oublié deux fois de suite le mot principal de l’énoncé. Cela m’a appris à ne pas me précipiter et à bien évoquer la totalité de l’énoncé.

Pendant ce stage j’ai découvert de nouvelles choses sur moi-même, et surtout j’ai compris pourquoi j’étais souvent hors sujet dans mes rédactions : c’est parce que je m’exprime mal. Mes difficultés ont en partie été résolues, surtout comment gérer mon temps lors des contrôles. Soit j’allais trop vite, donc je finissais trop tôt et j’avais une mauvaise note, soit je cherchais trop alors que c’était tout simple et du coup je ne finissais pas mon contrôle en entier. Je vais essayer de me mettre à la place des autres pour essayer de mieux m’exprimer, car avec certains exercices et certaines activités, je me suis rendu compte que je n’étais pas toujours très claire dans mes propos. Et aussi je vais utiliser la technique de lecture d’énoncés et de réflexion (évocation, problématique, mémoire…).

Ce que nous avons fait pendant ce stage ciblait bien mes difficultés. Elles ne sont pas entièrement résolues mais en mettant en pratique le maximum de ce que j’ai appris j’espère pouvoir les résoudre, surtout pour la lecture des énoncés. Cette méthode m’a beaucoup aidé et aussi de m’entraîner pour mieux m’exprimer et pour que les personnes autour de moi comprennent ce que j’ai à dire. Ma principale découverte a été que je peux mettre des énoncés dans ma tête et que cela m’aide pour résoudre des exercices ou des problèmes. Et aussi que je pouvais me servir de choses qui n’ont rien à voir avec le lycée pour résoudre des exercices et des problèmes scolaires.

J’ai appris comment mieux comprendre une question, souvent je ne prenais pas le temps de lire les énoncés. Je vais maintenant me mettre à la place des autres quand je rédige une réponse et prendre plus le temps de lire et de comprendre les questions.

Ce stage m’a ouvert les yeux sur la manière de lire un énoncé. La bonne technique à adopter pour bien le comprendre. Je me suis rendu compte que les règles étaient très importantes pour pouvoir bien me retrouver dans ma tête lorsque je dois résoudre un problème. Ces stages me donnent beaucoup de méthodes qui me sont très utiles pour mes années de lycée.

Ma principale découverte, c’est la méthode pour mémoriser les cours et aussi de bien pouvoir m’exprimer pour les autres. Ce stage est nourrissant car on se découvre beaucoup, je me rends compte que l’on ne se connaît pas vraiment.

J’ai été intéressé plus à certaines explications que d’autres. Par exemple, la lecture des consignes et la manière dont les élèves voient les choses et les mettent sur leur copie et la manière dont les professeurs les voient quand ils corrigent. J’ai des difficultés dans l’attention en classe, j’ai du mal à être attentif et à me concentrer. Aussi je me précipitais un peu et j’avais du mal à prendre le temps : je vais essayer d’employer les méthodes vues au stage pour corriger tout cela. Je décide d’approfondir la lecture des consignes et de les retenir pour mieux les comprendre.

J’ai appris à lire les énoncés, et surtout comment un exercice était différent d’un problème. Pendant les contrôles, les exercices ou les problèmes, j’utiliserai maintenant toutes les consignes pour ne pas oublier une information.

On a fait des activités et des petits problèmes qui nous ont montré que même si le résultat est juste on ne l’exprime pas correctement. Mes difficultés (avant) : comprendre correctement ce que le professeur attend de nous dans un énoncé et ne pas faire de hors sujet. Elles ont été résolues par ce stage.

Ce stage m’a beaucoup intéressé car il y a beaucoup de choses qui se sont débloquées et éclaircies dans ma tête. J’ai plus de confiance en moi et en mes capacités pour résoudre des problèmes et des exercices. Je décide d’appliquer la méthode de poser mon stylo et de prendre 10 minutes pour comprendre un énoncé et je décide de me mettre à la place de l’autre avant de faire quoi que ce soit pour être sûre de m’être fait comprendre. Ma principale découverte est de voir que je suis capable de faire tout un schéma dans ma tête pour arriver à une réponse correcte et à peu près bien formulée et de voir que je n’étais pas si nulle que ce que je pensais.

Ma principale découverte a été de voir que je suis tout à fait capable de bien travailler.

J’ai découvert la lecture d’énoncés et que je lisais trop vite et donc que je passais à côté des éléments importants. Mes difficultés ont diminué car je prends plus mon temps. Je décide de faire dès demain les étapes de la lecture d’énoncés et de me mettre à la place des autres lorsque je rédige.

Ce stage m’a permis de prendre conscience que je dois améliorer ma rédaction car « ça ne sert à rien d’être génial si personne ne le sait ». J’ai décidé d’essayer d’améliorer mon mode de rédaction afin d’être plus compréhensible.
PS. J’ai découvert que j’étais génial mais que personne ne le savait.



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