Compte rendu de la journée de
formation
Centre Social le PUZZLE - 10 février
2017
Le thème :
accompagner à la scolarité
Introduction.
L’accompagnement scolaire consiste souvent à « apprendre à
apprendre » aux enfants que l’on accompagne.
Pourquoi faut-il apprendre à apprendre ?
Apprendre est une capacité de tout être humain depuis le
début de la vie. Mais cet apprentissage « naturel » s’exerce sur des
contenus concrets et familiers. Les processus qui y sont mis en jeu sont
implicites.
Dans l’apprentissage scolaire les contenus sont
essentiellement abstraits : codes, symboles, vocabulaires spécifiques, mots et
définitions abstraits… Cela représente un seuil
important pour beaucoup d’enfants, par ailleurs intelligents mais dont les
processus « naturels » peuvent être pris en défaut, surtout si un
accompagnement familial préscolaire ne les y a pas préparés. Il est donc
important de pouvoir aider ces enfants à prendre conscience des capacités d’apprendre qu’ils possèdent
mais qu’ils ne connaissent pas, de les aider à les découvrir et de les rendre
explicites tout en les adaptant aux
contenus scolaires sur lesquels ils éprouvent des difficultés.
Avec quoi apprend-on ? Avec son cerveau. Que savons-nous
actuellement du cerveau et de ses capacités d’apprentissage ?
Bref historique du cerveau humain. Notre cerveau a conservé des éléments toujours actifs des
différentes étapes de notre évolution : reptile (survie), mammifère
(affectivité), homo sapiens (connaissance)... avec le stade le plus récent, le « 4° cerveau » : celui où
se forment, plus ou moins consciemment, nos intentions, nos anticipations. Ces différentes couches cérébrales travaillent toujours ensemble et il ne faut jamais les
négliger, surtout les plus anciennes qui font parfois de la résistance devant
l’apprentissage.
Le cerveau et l’apprentissage.
Par différents exercices, nous avons mis en évidence quatre notions fondamentales
indispensables pour comprendre ce qui se passe dans un apprentissage scolaire :
- Nous avons tous la possibilité de former dans notre tête des images, comme des photos ou des petits films, d’entendre des sons et de nous parler à nous-mêmes, également d’effectuer des mouvements comme par exemple dessiner ou écrire « en pensée ». Pour la commodité du langage nous appellerons ces productions mentales, des évocations. Nous ne pouvons pas observer directement l’activité des neurones (activité neuronale). Mais nous pouvons « récupérer » et mettre à jour l’activité mentale qui y est associée et dont les évocations sont les contenus.
- La partie avant de notre cerveau (le cortex préfrontal) est le siège de nos intentions. C’est là que nous anticipons et programmons les actions que nous projetons de mener. J.Ph. Lachaux[i] appelle les neurones de cette partie du cerveau : les « neurones-chefs ». Ils organisent dans les autres parties du cerveau le travail des différents réseaux neuronaux nécessaires à la réalisation de nos projets. Cette activité de programmation de l’action n’est pas toujours consciente dans l’apprentissage naturel. Dans l’apprentissage scolaire, il vaut mieux qu’elle soit explicitée. Elle peut prendre du temps à se former et peut faire l’objet d’un accompagnement spécifique, d'une pédagogie adaptée. On pourrait rapprocher ce qui précède de l’étymologie du mot apprendre, formé de deux racines latines : AD qui signifie « pour un but … », et « prendre » qui signifie effectuer le travail nécessaire pour atteindre ce but (« mettre dans sa tête » des objets ou un dessin, prendre connaissance d’un texte, prendre des notes dans un cours pour les retrouver plus tard…). AD correspond à l’intention, au projet formé plus ou moins consciemment (mais explicitable), dans le cerveau préfrontal (le but indiqué par un « neurone-chef »), et « prendre » correspond à l’activité des autres réseaux de neurones (activité inobservable directement, mais explicitable au niveau de l’activité mentale associée).
- Mais nous ne pouvons mener efficacement qu’une seule intention à la fois.
Ø Intention
fausse, projet inadéquat = travail inefficace = échec.
- Notre activité mentale change en fonction de nos intentions : lire un texte pour compter les voyelles ou pour le comprendre n’entraîne pas la même production mentale.
Ø Il
est donc important de s’assurer que l’intention formée par un enfant dans son
travail est bien formée et qu’elle est le plus possible en rapport avec la tâche à réaliser ou l’attente
du professeur (qu’il faut donc connaître…).
Description de ce
que l’on appelle « le projet mental ». Le terme intention
est vague, et ne suffit pas toujours à définir ce qui est à faire concrètement
dans une tâche. Celui de projet
mental convient mieux à
l’apprentissage : il s’agit d’avoir une conscience précise et concrète du but
que l’on se donne (but pour soi) et de la façon dont dans on se propose de
l’atteindre : « Qu’est-ce que je me
propose de faire ?» Et aussi «
comment je me propose de le faire ? ».
Remarque : Si l’enfant bute sur la question : « pourquoi faut-il que je le fasse ? » et
qu’il ne peut y donner de réponse valable à ses yeux, il faudra passer du temps
à l’aider sur ce point. La question du sens de l’école fait
partie de l’accompagnement à la scolarité. Ne pas chercher toujours des
réponses dans la vie concrète (« faire des maths ça sert à faire ses
courses… »). Chaque tâche scolaire a une finalité dans l’ordre de la
scolarité elle-même, à court ou moyen terme, telle que l'enfant peut se la représenter concrètement. Exemple : j’apprends cette poésie pour pouvoir la réciter
correctement en classe et avoir ainsi une bonne appréciation du professeur.
Bien sûr, au-delà, c’est pour meubler ma mémoire de textes qui feront « culture
», c’est-à-dire un stock de références littéraires, de structures de phrases,
de vocabulaire… qui me permettront d’augmenter mes moyens d’expression dans la
langue française. Au-delà encore, la
discussion sur les finalités de l’école pourra porter sur le perfectionnement
de ses moyens de communication orale, écrite, l’apprentissage des langages
codés des différentes disciplines, sa compréhension du monde, son intérêt pour
mieux vivre en société, augmenter ses capacités d’intelligence, de réflexion
= augmenter les capacités de son
cerveau… C’est un sujet délicat mais que l’on a toujours intérêt à ne pas
éluder si la question est posée par l’enfant. Le demande de sens est prioritaire chez tout être humain, particulièrement chez les enfants .
Apprendre à « parler l’explicite ».
Le but de l’accompagnement de l’apprentissage scolaire pourrait
donc se résumer à aider l’enfant à former des projets mentaux ajustés le mieux
possible aux attentes de l’école.
Chaque acte de la scolarité doit pouvoir être décrit de façon explicite pour que
l’enfant puisse former convenablement son projet dans son travail :
- Être attentif = évoquer = former des images mentales, ou se faire des commentaires, ou les deux manières combinées (non, ça ne mène pas dans la lune !)… etc. à partir de ce qui est donné à voir, à entendre ou à toucher, etc. Transformer un objet extérieur en objet mental « dans ma tête ».
- Comprendre = préciser, compléter ce contenu évocatif jusqu’à sa parfaite fidélité à l’objet perçu (extérieur), ce qui se réalise par des comparaisons successives entre ce qui est évoqué (dans ma tête) et ce qui est perçu (dehors). Au-delà de cette première étape, incontournable, la chose à comprendre peut être questionnée de différentes façons : pourquoi est-elle comme ça ? Comment fonctionne-t-elle ? Avec quoi puis-je la comparer que je connais déjà ? Etc. nous étudierons ces différents projets de sens dans la suite de la formation.
- Mémoriser = transporter par la pensée dans un avenir de réutilisation ce que l’on a mis dans sa tête par l’attention et la compréhension. Par exemple, un enfant étudie une poésie. L’accompagnateur vérifie qu’il l’a bien « mise dans sa tête » en la lui faisant réciter « ici et maintenant ». Mais il faudra aussi l’aider à la transporter par la pensée dans le scénario de la récitation en classe : « peux-tu imaginer la classe, la maîtresse, les camarades etc…. Et dans ce cadre imaginaire tu te récites la poésie comme si tu étais en classe. » Une certaine excitation peut gagner l’enfant qui vit ainsi à l’avance une situation de réussite : sa mémoire en sera bien évidemment renforcée (émotion positive).
Conclusion de la journée.
Chaque participant a été invité à
revisiter ses pratiques à la lumière de ces notions fondamentales. Lesquelles
visent à susciter l’activité mentale des
enfants ? Lesquelles ne s’adressent qu’à leur activité externe ? Un participant a donné un exemple où il a lui-même appris la poésie sous la direction et le
contrôle de l’enfant qui renâclait à le faire : à la fin du travail l’enfant
savait sa poésie. Pendant tout l’exercice, il était en activité mentale de comparaison entre ce que disait l'adulte et le
texte à apprendre.
Proposition toute simple. Au début d’une séance
d’accompagnement, on fait raconter un événement de la journée par un enfant, ce
qui est très bon. Mais MIEUX ENCORE : en faire un véritable rituel en lui donnant un enjeu amusant (une sucette, un
« premier prix », une médaille en chocolat…). Sachant qu’il aura à raconter avec des détails
un événement de sa journée, l’enfant fera plus attention et mémorisera ce qu’il
fait en classe pour pouvoir le raconter plus fidèlement. Toujours un « pour... » qui donne une ouverture, une perspective, un sens à ce que l’on fait maintenant… par rapport à ce qu’on se propose d’en faire après.
Lors de la prochaine journée, le
31 mars, nous passerons un moment à analyser la manière dont chacun s’est
approprié cette première journée de formation avec des exemples de mise en
pratique. Nous étudierons ensuite l’activité mentale consistant à réutiliser des connaissances apprises
précédemment dans les activités d’exercices ou de résolution de problème,
c’est-à-dire lors des contrôles.
14 février 2017. Guy
Sonnois
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