mardi 10 mai 2011

34 - Plombier pédagogue et inventeur didacticien.

Retour d’un petit séjour décontractant dans les Landes… avec deux sujets de réflexion tout frais que je ne résiste pas à vous soumettre !

Ce matin j’avais rendez-vous avec mon plombier habituel pour la révision annuelle de la chaudière à fuel. Ce professionnel d’une quarantaine d’années a pour habitude de recevoir en stage des élèves de son ancien lycée technique. Il considère que c’est un devoir pour lui de transmettre ainsi ce qu’il a lui-même reçu dans cet établissement, et nous avons déjà souvent échangé à ce sujet. Cette fois, j’ai assisté en direct à une séquence que j’aurais souhaité enregistrer tellement elle fut exemplaire. Après avoir procédé aux diverses formalités d’entretien et de nettoyage de la chaudière, et le mécanisme ayant été dument remonté, il demande à son apprenti de redémarrer la chaudière. Après les premiers ronflements voila que tout s’arrête subitement et qu’il prend l’air ennuyé : que se passe-t-il ? Je commence à m’inquiéter, ayant escompté une intervention rapide avant de repartir pour déjeuner à Bordeaux. Il demande alors à son stagiaire : dis-moi, à ton avis  pourquoi la chaudière s’est-elle arrêtée? Je comprends alors que mon plombier s’est mué subitement en pédagogue. Le jeune jette alors un regard perplexe au mécanisme muet. Voyant son incompréhension, le « maître » aide son élève par quelques questions du genre : as-tu entendu le bruit que fait l’électrovanne ? que faudrait-il qu’il se passe ensuite ? quelle étape du processus est en cause ? Il renvoie systématiquement le jeune homme à son apprentissage scolaire supposé. Celui-ci en effet doit connaître la totalité du processus, les diverses étapes qui mécaniquement s’enclenchent les unes après les autres pour assurer le bon fonctionnement d’une chaudière. Mais la démarche employée par son supérieur semble le dérouter profondément. Qu’a-t-il appris à l’école ? Sans doute, lui a-t-on enseigné, de façon théorique, un fonctionnement-type de chaudière. Mais il semble désorienté par les questions et la situation à laquelle on le soumet. Progressivement, le plombier l’amène à se poser les bonnes questions et à vérifier l’une après l’autre les étapes successives à considérer et les mécanismes à vérifier. Un peu plus tard, l’apprenti ayant été envoyé chercher quelqu’objet à l’extérieur, le plombier modifie encore une ou deux éléments du processus, et le jeu continue ainsi jusqu’à ce que l’élève comprenne que ce qu’on lui demande est une projection de ses connaissances théoriques sur les situations qu’il a devant lui, de façon à les analyser et à les interpréter, énoncer des hypothèses puis à en déduire l'action à mener. Cette situation me rappelait la description que j’ai faite dans « Accompagner » d’Adrien et de sa panne de mobylette. J’expliquais alors à mon ami plombier qu’il venait, à sa façon si naturelle, de faire faire à son apprenti un apprentissage du raisonnement hypothético- déductif. Il ne connaît ni Piaget ni Vygotski  ni La Garanderie… Mais il pratique une pédagogie du sens et du bon sens comme on aimerait la voir pratiquer plus souvent à l’école… si on en avait (prenait ?) le temps… !

Peu après dans la voiture qui nous ramène à Bordeaux, nous écoutons les nouvelles : un informaticien anglais va mettre sur le marché, à moins de 20 €, des mini-ordinateurs possédant en réduction toutes les capacités d’un plus gros. Quelle est son intention en développant un produit si accessible ? Il constate ceci : tout le monde sait se servir d’un ordinateur, tout le monde sait le manœuvrer, mais très peu de gens connaissent le langage qui permet de construire des programmes. Il pense qu’il faut que tous les élèves apprennent à écrire des programmes pour bien comprendre l’informatique de l’intérieur et maîtriser ainsi vraiment cette technologie de notre temps. Son ordinateur bon marché pourrait permettre cet apprentissage d’un nouveau genre.
J’ai toujours été frappé par le fait que beaucoup des EIP que j’ai rencontrés étaient de fervents « programmeurs »… Ils ne se contentaient pas d’être des « appliquants » dociles, il leur fallait comprendre aussi le « pourquoi » de ce qu’ils appliquaient … en bons « expliquants » qu’ils étaient. Pourquoi cette connaissance serait-elle réservée à une élite ?

Voilà donc une initiative qui pourrait contribuer à faire évoluer notre école dans le bon sens…. Mais quand ?

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