Bilan du premier stage en seconde de
méthodologie.
Cette année, j’ai
beaucoup plus que d’habitude insisté sur le fonctionnement du cerveau et sur les
modalités de la mise en tête consciente et volontaire des contenus, scolaires
ou non, concrets ou abstraits, par le geste d’attention (« mentalisation »,
terme que les élèves ont particulièrement retenu) ainsi que sur le geste, assez
subtil et difficile à faire comprendre, de la mémorisation (se projeter, s’imaginer dans le futur, anticiper
l’utilisation de ce qu’on « mentalise » par l’évocation ). Nous avons
également bien dégagé les premières étapes de la compréhension de ces mêmes contenus (évocation, transformation,
vérification par comparaison dehors – dedans, etc.) De nombreux
exercices ont permis ces découvertes, surprenantes pour beaucoup d’élèves : « Ce que je retiens du stage, ce sont les capacités que l’on a dans notre cerveau, mais
que jamais personne ne nous a enseignées. »
Les élèves ont été particulièrement intéressés par la découverte que le cerveau ne pouvait soutenir leur attention de façon consciente et approfondie - celle qui est exigée à l'école - que sur une seule chose à la fois. Des exercices leur ont fait découvrir cette réalité cérébrale, mais on pourra en retrouver une démonstration "scientifique" dans cette vidéo d'une émission d'Arte :« Hyperconnectés, le cerveau en surcharge », notamment à partir de la 23° minute ce qui concerne l'attention "soutenue". Contrairement à une idée largement répandue, le cerveau n'est pas multitâche, pas plus le féminin que le masculin. Par ailleurs, pour que les informations que nous accueillons par notre activité évocative (mentalisation) dans une attention soutenue puissent être retrouvées et utilisées efficacement, il est nécessaire de ménager des pauses structurantes (voir message 62) pour que le cerveau puisse faire son travail de synthèse : cela aussi les élèves l'ont entendu et bien compris.
Des dialogues pédagogiques en petits
groupes.
Grâce à la
participation d'une praticienne en gestion mentale déjà présente lors
des deux dernières années et actuellement en formation de formateur, des dialogues pédagogiques approfondis ont
pu être menés en deux sous-groupes, ce qui a permis une verbalisation plus
aboutie et donc une meilleure stabilisation par chaque élève de la découverte de son fonctionnement mental
personnel. Les professeurs présents ont également participé à ces moments
très appréciés par les élèves. Ils pourront reprendre cette approche
« mentaliste » de l’apprentissage, en cours ou pendant les heures
d’accompagnement.
Tous dyslexiques ?
La
quasi-totalité des élèves de cette classe se déclaraient « dyslexiques ». Après
leur avoir fait travailler l’évocation d’un objet concret, avec plusieurs
allers-retours tête-objet de manière à l’évoquer avec tous les détails et sur
toutes les facettes, j’ai consacré plusieurs autres exercices à l’évocation de
symboles et particulièrement de mots, jusqu’à savoir « par cœur » (mais en l’apprenant chacun « à sa guise », voir mon message 42) une
liste de 15 mots, sans lien entre eux, avec leur numéro d’ordre. À leur grand
étonnement, tous ces élèves ont été capables de cette performance, et beaucoup
plus rapidement qu’ils ne l’avaient imaginé au début. Ils ont tous été capables
de répondre avec précision et rapidité aux questions les plus pointues (taquines ? quelle belle inventivité !)
de leurs camarades. Dans le dialogue pédagogique qui a suivi, ils ont reconnu qu’ils
n’avaient jamais pratiqué volontairement et consciemment cet acte d’évocation
des mots dans leur forme écrite. Un élève témoigne : « j’ai mis la liste dans ma tête comme un objet ». Le mot en tant
qu’objet
spécifique, à conserver pour lui-même, en plus de sa sonorité et de son
contenu de sens (voir "Accompagner..." pages 108-113), c’est cet effort que ces jeunes n’ont jamais consenti, n’en voyant pas la nécessité (pour la communication écrite, notamment...).
Quand ils
arrivent à l’école, les enfants savent déjà parler et désigner objets,
sentiments, relations ou situations simples. Cela leur a suffi jusqu’alors pour
communiquer convenablement avec leur entourage (avec des différences
importantes selon les environnements familiaux, source de grandes
inégalités à l’école…). Pour une raison quelconque, certains ratent leur entrée
dans l’univers symbolique du mot. Comme ils usent d’une cacahuète, ils
consomment le contenu (sonorité et sens) et rejettent l’enveloppe, la gousse.
Ils continuent d’utiliser le sens et la sonorité des mots dans l’expression
orale, mais négligent leur forme écrite et donc leur orthographe, et bien sûr
aussi une bonne partie de la grammaire quand elle ne concerne que l’écrit.
Plutôt que dyslexiques, ils sont dysorthographiques ; et souvent aussi
dyscalculiques : ils n’évoquent pas les chiffres pour eux-mêmes, et ne gardent,
là encore, que la forme orale et la quantité représentée. On comprend mieux alors leurs
difficultés dans l’expression écrite ou dans les calculs mêmes les plus simples. Et souvent aussi en lecture.
Découvrir ce que lire veut dire.
L’activité de lecture « évocative » (appelé aussi parfois « lecture cinéma ») qui a clôturé la dernière journée a permis la synthèse de toutes ces découvertes. Plusieurs élèves se sont dits étonnés de découvrir si tard le sens véritable du mot « lire » : transposer avec rigueur les mots lus en évocations de sens, en scénarios d’action, en ressentis d'émotions…. Cette définition est à rapprocher de la belle expression d’Alain Bentolila [1]: « Les élèves doivent comprendre qu’au-delà de leur alignement systématique, les mots se groupent pour porter sur la scène de la mise en sens des acteurs qui chacun joue un rôle ; ils doivent percevoir que des décors de lieux et de temps actualisent cette représentation ; ils réaliseront ainsi que cette grande mise en scène qu’est la compréhension est organisée avec précision par des indicateurs dont on ne doit jamais négliger l’importance.»
Un trésor caché mis au jour… mais qui peut déstabiliser.
J’avais
annoncé aux élèves que nous partions à la découverte d’un « trésor caché » dans
les profondeurs de leur propre cerveau. Ils ont ramené de cette exploration un « matériel
mental » très important et riche, à tel point que certains en ont été un
peu perturbés et déstabilisés. L’accompagnement des professeurs sera important
pour que tout cela se décante. Mais dans les bilans des élèves on s’aperçoit
que ce travail est déjà bien engagé.
Quelques « pépites » relevées
dans les bilans individuels des élèves.
« Beaucoup de choses m’ont intéressé
tout au long de ce stage, mais surtout de voir différentes méthodes pour
l’appréhension » (Il
est intéressant de voir apparaître ici cette forme désuète et ancienne du mot
« apprendre » : parfaitement bien adapté à l’étymologie du mot et à
sa compréhension fine)
« J’ai retenu que j’avais une
mauvaise technique pour apprendre : maintenant je sais comment faire (je
commence à savoir…) Je sais mentaliser et mémoriser et je sais ce que ça veut
dire. »
« Je retiens qu’il faut mentaliser un
texte pour le projeter sur le futur et que le cerveau ne peut pas faire deux
choses en même temps. »
« J’ai retenu que rien ne se gagne
sans travail »
« Mémoriser n’est pas la même chose
que mentaliser »
« Bien écouter les profs dans les
détails et ne pas faire deux choses à la fois. Bien relire les leçons et
surtout bien se remettre dans le bain avant chaque cours, sans regarder le
tableau »
« J’ai retenu que je devais faire
plus attention en classe et qu’il fallait me projeter dans le futur. Que quand
je lis il faut que j’essaye d’imaginer les images dans ma tête. Que j’arrive
plus à retenir visuellement donc il faut que je me fasse des fiches de
révision. Il faut que j’arrive à me focaliser sur une seule chose. »
« L'étude du fonctionnement de mon
cerveau » (plusieurs
fois cité par les élèves)
« Ce que j’ai retenu
principalement de ce stage c’est comment mémoriser une information (se
projeter
dans le futur en
anticipant une question et ma réponse). Ce qui m’a le plus plu c’est quand on a
comparé
les objectifs qu’on croyait être attendus de
nous au lycée avec ce qu’il fallait réellement faire »
« J’ai appris à mémoriser, à
imaginer, et à projeter dans un futur proche ce qu’on a mis dans sa tête ».
«Ce que je retiens c’est la capacité
que l’on a dans notre cerveau, mais que jamais personne ne nous a enseigné »
« Que pour mémoriser il faut voir
dans le futur, que pour apprendre il faut comprendre, que ça ne sert à rien de
répéter plein de fois si l’on comprend pas. J’ai compris que je fonctionne
beaucoup avec des images et des cartes mentales »
« J’ignorais, même si je lis
habituellement, la vraie définition de la lecture (évocation de ce qui est
écrit). Me concentrer sur le cours pour pouvoir me le mettre dans la tête, le
comprendre et le mémoriser pour pouvoir le ressortir en contrôle »
« Je retiens que apprendre par cœur
ne sert à rien, parce qu’il faut se l’imaginer, le mémoriser et faire des
schémas illustrés, et faire attention à chaque détail dans un texte : il faut
donc prendre son temps »
« Je retiens que l’on ne peut faire
qu’une seule chose à la fois, et aussi qu’il faut quasiment tout mettre en
images, qu’il faut tout mentaliser et que l’on ne peut pas apprendre sans
comprendre. Avec la liste de mots, j’ai découvert que je pouvais apprendre vite
si je mettais ce que j’apprends en images dans ma tête »
[1]
Extrait de son ouvrage : « De l'illettrisme
en général et de l'école en particulier » (Plon. 96)
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