dimanche 13 mars 2011

27 - UNE SI BELLE INTELLIGENCE... AU VESTIAIRE !

Je rencontre Vincent pour la première fois. Il a 16 ans et redouble sans éclat  une seconde générale. Il est intelligent : son quotient intellectuel a été évalué à 140. Il parle facilement, avec des phrases bien construites et un vocabulaire choisi. Il est en difficulté scolaire relative depuis la quatrième, dit-il. Ses parents s'inquiètent de ses difficultés de synthèse (au sens scolaire) et de son niveau irrégulier en mathématiques, insuffisant pour l'instant pour entrer en premier S, ce qui paraît être leur projet plus que le sien. Lui, ne paraît pas trop s'inquiéter. Il aime jouer aux jeux vidéo sur internet (ils sont en anglais, ce qui lui assure une certaine maîtrise de ce vocabulaire…), ou rêver en laissant libre cours à une imagination, assez vive semble-t-il . Lorsqu'il fait un effort pour apprendre ses cours, il les lit et les  répète plusieurs fois jusqu'à pouvoir les reproduire presque mot à mot, puis il les récite à sa mère. Mais il les oublie vite... Lorsqu'il fait des exercices en mathématiques, il essaye d'en repérer la démarche. Mais il se plaint de ne pas pouvoir en retrouver les configurations dans les énoncés de ses contrôles. Il aime bien l'histoire.

Vincent utilise de préférence des évocations visuelles, claires et mobiles, sur l'ensemble des paramètres (les différents registres de la gestion mentale). Il semble peu familier du discours intérieur. Il fait preuve d’une « intuition » certaine…. mais dont il peut difficilement rendre compte (comme cela est exigé à l’école). Il ne retient pas « la lettre » des règles, dont il comprend pourtant les raisons (à condition qu’on les lui transmette…) ; et donc elles lui font défaut au moment des justifications. Pour lui « apprendre, "c’est pouvoir retenir ".

Avant d'entrer dans une information sur les possibilités qu'il aurait d'utiliser au mieux un pouvoir évocatif  tout à fait au point, je consacre un temps à l'aider à faire émerger ses représentations sur l’apprentissage. Je lui propose de remplir le Q- sort (Message 19, et Q-Sort lycée) sur ses croyances relativement aux finalités de sa scolarité. Voici ses réponses :
A -6 :  les études au lycée, ça sert à faire des études supérieures intéressantes ;
B -7 :  pendant les cours en général, je cherche à montrer au professeur que je fais un effort pour être attentif ;
C - « ou encore » :  lorsque j'apprends une leçon ce que j'ai en tête c'est de terminer le plus vite possible ;
D -1 :  dans une copie, j'essaie de montrer au professeur que j'ai compris le cours.

Il s'agit soit de représentations qui remontent à la petite enfance (dépendance affective vis-à-vis des adultes) soit de représentations inexistantes (C - apprentissage des leçons). Rien d'étonnant à cela, une majorité d'élèves se positionnent ainsi (voir message 19, les résultats sur 215 lycéens). 

Comment, avec un tel niveau  de ses « connaissances empiriques déjà constituées » (message 23), Vincent pourrait-il investir sa si belle et vive intelligence dans un univers aussi dénué de sens ? Ce que refuse le plus une personne intelligente, c’est le non-sens. Elle le combat ou le fuit par tous les moyens possibles, réels ou imaginaires. Combien d'élèves, même plus jeunes que Vincent, se retirent-ils d'une école dont ils ne saisissent pas le sens, une école qui les contraint à des activités dont les vraies finalités sont si difficilement déchiffrables ? Ils refusent tout bonnement d'y risquer leur intelligence.

La suite de l’entretien a été consacrée à la découverte du geste de réflexion, activité susceptible de retenir l’intérêt de Vincent (et urgente pour lui), comme c’est le cas de tous les lycéens, et particulièrement des EIP (enfants à intelligence précoce ou à haut potentiel). Le reste (compréhension, mémorisation, communication) viendra plus tard, éclairé par ce geste central de Pégase.

C’est à une restauration du sens de l’apprentissage scolaire qu’il s’agit en priorité d’inviter Vincent. C'est la seule façon de l'aider à ne pas laisser son intelligence en dehors du Lycée..., au vestaire.
Il sera temps après, s'il n'y arrive pas de lui-même, de lui proposer  des « méthodes » de travail, peut-être performantes en elles-mêmes, mais qui n’auraient, on le comprend bien, aucune chance de lui être utiles pour le moment. 




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