J’ai toujours été gêné par l’origine communément
admise du mot « travail » selon laquelle il viendrait d’un instrument de torture
des Romains, le « tripalium ». D’une part parce que l’étymologie proposée me
semblait assez éloignée de la forme du mot français (tra viendrait de tri… et vail de pallium…). D’autre part, parce que, pour moi, le travail est loin
d’être aussi négativement connoté. En cavalier assumé, j’avais trouvé plus
intéressant de rapprocher ce mot de l’appareil utilisé par un maréchal-ferrant
pour soigner ou ferrer un cheval un peu nerveux et qu’on
appelle également un travail. Dans « Accompagner le travail des
adolescents…» j’avais donc inséré un encadré sur le sens du mot travail accompagné de photos d’un tel appareil…comme on peut en rencontrer à l’occasion de
promenades à la campagne.
Aussi ai-je été très heureux de trouver un article de blog sur ce sujet qui allait dans mon sens. L’auteur y fait état de l'interprétation d'une chercheuse en linguistique qui va bien plus loin que je ne l’avais fait
moi-même (tout en signalant ma propre interprétation « cavalière »). Voici quelques extraits de cet article :
« En
effet, le passage du latin tripalium à l’ancien français travaillier,
proche ancêtre du verbe moderne travailler, via un verbe
hypothétique tripaliare, est hautement improbable »
« … d’autres éléments invitent à se tourner vers
une autre histoire génétique du verbe travailler, d’où découle le
nom travail. En particulier, l’étude faite par Marie-France Delport des mots
hispaniques médiévaux trabajo (= travail) et trabajar (=
travailler), dont elle montre qu’ils expriment une « tension qui se dirige
vers un but et qui rencontre une résistance ». L’auteure propose de
rapprocher cette description sémantique du préfixe latin trans-,
qui se réduit souvent à tra- (tramontane, traverser, traboule,
etc.), et qui exprime un principe de passage d’un état vers un autre. »
« On peut en déduire que travailler s’est
formé sur une base lexicale exprimant un mouvement, qui s’articule au
préfixe tra- exprimant la notion de passage assortie d’une
résistance »
« Il est préférable de rechercher une source qui
serait commune à l’anglais travel et au français travailler,
en imaginant une bifurcation vers l’idée du voyage – accompagnée de l’idée
d’effort ou d’obstacle à franchir – et une autre vers l’idée plus générale de
« tension vers un but rencontrant une résistance ».
Toutes les personnes intéressées par la gestion mentale ne peuvent qu’adhérer à cette nouvelle interprétation, bien plus cohérente par rapport à l’esprit des travaux d’Antoine de La Garanderie : « une tension qui se dirige vers un but et qui rencontre une résistance » et aussi « un mouvement ». N'a-t-on pas là une définition assez proche de ce que nous appelons "projet mental" ? Ce qui m’a amené à préciser dans « J’apprends à travailler » que pour « se mettre au travail » (leur problème récurrent…) il fallait que les jeunes apprennent à « se mettre en état de projet » par rapport à la tâche à entreprendre.
On note par ailleurs un rapprochement intéressant avec le mot anglais « travel », avec l’idée de voyage. Est-ce par pur hasard que j'appelle mes formations sur (le travail de) la compréhension approfondie "Voyage dans l'univers du sens" (message 117)...?
Alors, travailler, à l’école ou ailleurs, serait un voyage, un mouvement, une tension vers un but (désiré), le passage d’un état à un autre (croissance, développement) au prix de résistances ou d’obstacles à surmonter (efforts, obstacles "didactiques" ou "épistémologiques"). Si de telles conditions ne sont pas réunies, chez un élève, dans une classe ou dans une entreprise, alors il ne convient plus de parler de travail mais... de besogne, de "turbin", d’exploitation ou d’esclavage.
Alors, travailler, à l’école ou ailleurs, serait un voyage, un mouvement, une tension vers un but (désiré), le passage d’un état à un autre (croissance, développement) au prix de résistances ou d’obstacles à surmonter (efforts, obstacles "didactiques" ou "épistémologiques"). Si de telles conditions ne sont pas réunies, chez un élève, dans une classe ou dans une entreprise, alors il ne convient plus de parler de travail mais... de besogne, de "turbin", d’exploitation ou d’esclavage.
Que le passage paraît encore difficile d’une école où le travail est pour trop de jeunes synonyme de torture à une autre où il serait source de réalisation et d’épanouissement de soi, ce qui ne se réalise jamais dans l’oisiveté et la facilité... Ni seul... mais c'est là un autre aspect du problème.
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