Se mettre au travail (en projet) avec les cinq questions.
Le modèle des cinq questions appliquées à la compréhension
approfondie a été repris par plusieurs auteurs dans leurs ouvrages pédagogiques
ou didactiques. Je le trouve également mentionné dans plusieurs blogs consacrés
à l’apprentissage scolaire, dans des applications depuis les classes primaires (voir aussi message 115), jusqu'à celles du lycée et même au-delà (voir ici ou là, ou encore là). Évidemment, je suis très heureux de
cette audience et de l’aide que ce modèle pédagogique, inspiré de la Gestion
mentale, peut apporter aux élèves comme à leurs enseignants, sans oublier tous les accompagnants qui se penchent sur
les problématiques de l’apprentissage scolaire et de ses difficultés.
Lorsqu’il est utilisé par un enseignant dans son action de
transmission, quelle qu’en soit la forme, ce modèle permet de satisfaire les
différents projets de sens de
compréhension de tous les élèves d’une classe, sans se préoccuper davantage
des « variables-sujets » : chacun d’entre eux trouve alors de
quoi répondre à ses demandes intimes de sens, plus ou moins conscientes mais
toujours exigeantes et principale source de sa motivation intrinsèque pour
l’apprentissage. Bien sûr, si on le peut ou si on en prend le temps (qui n’est
jamais du temps perdu !), il est encore plus efficace, par un petit dialogue pédagogique collectif, de les aider à reconnaître, en eux-mêmes et par eux-mêmes, les mouvements de recherche de sens qui animent leur activité mentale au moment de leur compréhension. Et de les aider à les élargir, à les compléter avec d'autres qu'ils ne pensent pas à satisfaire. Mais cela
exige, outre une formation spécifique relativement longue, un savoir-faire particulier pour mener ces petits dialogues en grand groupe, ou une disponibilité conséquente pour des entretiens individuels ou en tout petit groupe que beaucoup
d’enseignants n’ont pas... ou ne veulent pas prendre... pensant ainsi gagner du temps pour une transmission de contenus ... qui a de plus en plus de mal à s'opérer... Et pour cause ! Par contre, c’est évidemment un des « passages
obligés » d’un accompagnement individuel hors de la classe (en plus du
repérage de tous les autres « projets de sens » à l’œuvre dans
l’apprentissage. )
Personnellement, en stage de méthodologie sur la
compréhension, je le propose à mes élèves, en leur montrant l’intérêt qu’il y a
à élargir leur projet habituel, le plus souvent incomplet (voir messages 77, 84, 95, 98, 117) En effet, seuls de
très bons élèves ont un projet de compréhension qui recouvre justement ces cinq
directions de questionnement, avec des priorités et des intensités diversifiées, bien entendu.
J’avais progressivement formalisé ce modèle après avoir lu les ouvrages
d’Antoine la Garanderie disponibles à l’époque, autour des années 1985-1990. Je
l’ai explicité dans mon premier livre Découvrez Votre Méthode De Travail (1991, Le Rocher), page 80 et suivantes. On retrouve notamment ces questions
dans l’entretien qui constitue la cinquième partie de ce livre, page 145-173.
On y voit comment cet excellent élève avait un projet de compréhension complet,
avec une priorité pour l’explication (la théorie…) et une moindre intensité de la
question concernant l’application (la pratique…). Je l’ai également repris, de
façon plus détaillée encore dans la revue Gestion Mentale- n° 6, (Centurion,1994),
avec un exemple d’application dans une résolution de problème de géométrie. (voir Message 56)
Par la suite, j’ai retrouvé une version approchante de ce
modèle sous la plume de Tony Buzan dans Dessine-moi l’intelligence ( 1996). L’auteur mentionnait ces questions sous
une forme assez voisine pour aider à la prise de décision. J’étais assez
content de cette convergence, même si la situation
« cognitive » où appliquer ce modèle était légèrement différente.
Et bien sûr, il occupe une place de choix dans « Accompagner… »,
avec des développements encore plus approfondis et étendus aux activités
fondamentales de la vie intellectuelle, pages 197-251.
J’en étais resté là lorsque, ce mois d’août 2018, je me suis
lancé dans un travail soutenu de découverte de certains logiciels (très
efficaces, mais fort complexes…) de traitement de son pour fabriquer des
fichiers d’apprentissage à partir de la
partition papier de la Messe en Ut de Beethoven. J’étais aux premières loges pour analyser
en direct tous les processus, tous les projets de sens que je
mettais en œuvre dans ce type d'apprentissage très proche de celui des « nouveaux
apprenants » si bien décrits par Yves Lecocq dans son dernier ouvrage (avec les
conseils d’accompagnement adaptés à ce nouveau public !): (Re) penser l’acte d’apprendre. La gestionmentale : une réponse aux défis éducatifs (Chronique sociale, 2018). Voir aussi mon compte-rendu dans mon message 134.
J’ai alors pris
conscience qu’avant d’aborder ce gros travail ( trois bonnes semaines devant
mon ordi du matin au soir… avec prolongations imagées dans mon sommeil...), j’avais formé un solide projet…autour de ces mêmes
cinq questions ! Et que ce projet, dans ses diverses facettes, avait
soutenu ma motivation - plutôt ma mobilisation- , surtout lorsque
je désespérais de résoudre les difficultés si nombreuses et si variées que je
rencontrais ! Voici à peu près ce qu’il s’est passé dans ma tête, en
reprenant chacune des cinq questions.
Quoi ? Réaliser des fichiers d’apprentissage, pour chaque pupitre, de
l’œuvre à partir de la partition papier, en utilisant de nouveaux et puissants
logiciels achetés à cet effet, le premier pour scanner la partition et opérer
une première transformation en fichiers sonores génériques, le second pour retravailler
ces fichiers avec les paroles et des voix numériques soigneusement paramétrées
pour les rendre le plus semblables possible à la voix humaine.
Pourquoi ? Parce
que dans ma chorale (comme je pense dans beaucoup d’autres constituées en
grande partie d’amateurs non lecteurs de musique), les temps de déchiffrage sont longs et
fastidieux et que la partie consacrée à l’interprétation de l’œuvre est trop
souvent réduite à la portion congrue…quelques semaines avant les concerts. Les
supports d’apprentissage sont donc très importants pour favoriser le travail
personnel entre les répétitions collectives et donc un meilleur équilibre de
ces deux temps d’apprentissage. C'était là le coeur de ma motivation, ce qui me "mobilisait" pour un tel travail.
Pour quoi faire ?
Sensible aux critiques de mes amis choristes sur la qualité
très médiocre des fichiers habituels pêchés sur internet, je voulais leur fournir cette fois des
fichiers de qualité, avec des paroles chantées. Je pensais que des supports plus agréables à
écouter les inciteraient à un travail personnel plus régulier.
Avec quoi comparer ? A de rares exceptions près
et toujours coûteuses (car réalisées par des chanteurs professionnels), les fichiers qu’on trouve sur internet (quand il y en a)
sont rarement de bonne qualité, beaucoup sans les paroles, ou alors avec des voix mal réglées, trop mécaniques, et des accompagnements souvent peu mélodieux, voire même gênants… Ceux que j’avais
trouvés pour cette œuvre de Beethoven étaient criards avec beaucoup de défauts
dans l’exécution vocale, sans possibilité de correction. Et donc je voulais absolument éviter d'y avoir recours en cas d'échec de mon projet.
Comment ? C’est la question à laquelle habituellement
on se réfère le plus spontanément : c’est la seule en effet qui amène une
réponse concrète. Concrètement donc, je
me suis lancé dans l’apprentissage des logiciels et de leurs innombrables
fonctionnalités pas toujours évidentes à découvrir, par un apprentissage de type
« construction personnelle » fait d’heuristique, de tâtonnements et essais-erreurs avec réponse immédiate, avec l’aide de fichiers d’aide et de forums d’utilisateurs
consultés au fur et à mesure de l’avancée du travail et de la rencontre de difficultés insolubles intuitivement. C’est-à-dire l’apprentissage préféré des « nouveaux
apprenants » d’Yves ! Mais ne le sommes-nous pas tous, à tous les
âges, lorsque nous n’avons pas un "maître d’apprentissage"
(professeur, formateur…) sous la main, avec une méthode bien rationnelle, une
progression et un guidage explicite (pour lui…), etc ? Dans notre nouvel
environnement où logiciels, didacticiels, savoirs et savoir-faire sont
disponibles instantanément sur un clic de souris, cet type d'apprentissage devient vite incontournable... sous peine d'exclusion du monde numérique... ou du travail... !
J’ai aussi remarqué que tout au long des longues heures de
ce travail, lorsque ma motivation faiblissait devant les difficultés, les
erreurs qui m’obligeaient à recommencer ce qui était déjà réalisé, les incompréhensions multiples auxquelles je me heurtais, devant tout cela, j'étais soutenu par la pensée plus ou moins explicite de ma finalité, de mes
expériences déjà réussies, des autres possibilités que j’avais rejetées et
auxquelles je ne voulais pas recourir, le challenge que je m'étais donné et que je tenais à réussir, et surtout le plaisir anticipé de mes
camarades, comme du reste la légitime fierté que j’en tirerai (pourquoi pas ?). Toutes ces pensées positives, avec des intensités différentes
selon les moments, ravivaient ma motivation et me poussaient à me
remettre au travail. Un peu comme autrefois, l'écrivain retrempait sa plume dans l'encrier pour commencer une nouvelle page d'écriture...
Ainsi donc ce modèle des « cinq questions », avant
même d’être le support d’une compréhension élargie et approfondie (en permanence à l’œuvre au cours du travail lui-même), est également un bon moyen, dès le départ, de
constituer un projet complet et motivant, tout comme un soutien multidimensionnel et dans la durée d’une
motivation totalement intrinsèque.
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