Je trouve ce passage dans Le code de la conscience de Stanislas Dehaene à propos de la découverte mathématique et du rapport conscient/inconscient
dans le cerveau humain.
On peut en tirer quelques conseils méthodologiques pour nos « apprentis
sages » lycéens ou étudiants, en toutes disciplines. Et aussi réhabiliter
(en partie) la « procrastination »… qui n’est peut-être pas toujours le défaut aussi vilain qu’on le dit (à une certaine condition quand même)…
« Jacques
Hadamard (mathématicien émérite, 1945) proposait de décomposer le processus de
la découverte mathématique en quatre étapes successives : la préparation,
l’incubation, l’illumination et la vérification. La préparation recouvre toute la phase d’exploration délibérée d’un
problème. Cette attaque frontale, hélas, demeure souvent vaine – ce qui ne
signifie pas qu’elle soit inutile, car c’est elle qui déclenche la réflexion
inconsciente. La phase d 'incubation
peut alors démarrer – une période de maturation invisible durant laquelle
l’esprit reste vaguement préoccupé par le problème, sans toutefois montrer le
moindre signe d’une ardente cogitation. L’incubation demeure invisible mais son
impact est immense. Soudain, après une nuit de sommeil, une bonne marche ou une
douche, survient l’illumination : la
solution apparaît dans toute sa splendeur. Elle est souvent juste, mais il
reste encore à la soumettre au crible de la
vérification consciente, qui en dissèque chaque détail. » (CC p 117).
Je note que pour une fois on ne nous parle pas du seul cerveau ou des neurones, mais bien de "l'esprit vaguement préoccupé". Dont acte ! Nous sommes donc validés pour en parler en utilisant le vocabulaire de la Gestion mentale. En résumant, cela pourrait alors donner :
La phase de préparation/exploration délibérée est consciente et volontaire, organisée, à base d’évocations à visée d'analyse précises et détaillées : ce sont les premières étapes de lecture et d'analyse de l'énoncé (ou de la situation) du geste mental de réflexion, suivies de la formulation d'une problématique claire et bien cernée ;
La phase d’incubation
est inconsciente, l’esprit est "vaguement
préoccupé" par le problème dégagé par la phase de préparation : retour d'acquis anciens et d'automatismes, sélection d'évoqués se rapportant de près ou de loin à la problématique, invention plus ou moins consciente de liens inédits et originaux, dans une visée de sens de découverte ;
L’illumination est
une phase soudaine de retour non volontaire à la conscience : le "tri" des acquis et des liens effectués par la claire conscience de la problématique, aboutissant à l'intuition d'une solution;
La vérification
est consciente et volontaire, organisée, elle aussi
à base d’évocations analytiques précises et détaillées, d'activité de comparaison par différences et similitudes : c'est l'étape de la mise en forme rationnelle et communicable d'une solution au problème.
Et Dehaene de conclure : "Plusieurs expériences récentes ont validé
cette théorie ancienne. D’ailleurs "la sagesse populaire n’a pas complètement
tort lorsqu’elle affirme que laisser reposer un problème conduit souvent à de meilleurs
résultats que de suer sang et eau pour le résoudre immédiatement." (p.
119)
Moralité :
Ces études permettent de tirer quelques enseignements de méthode pour le travail scolaire.
S'il ne s'agit pas à proprement parler de "découverte mathématique" (tous les élèves ou étudiants ne sont pas Poincarré, dont l'exemple est cité par Dehaene pour introduire la théorie d'Hadamard), on peut élargir la théorie à tout problème de compréhension approfondie d'un cours ou d'un texte un peu ardu, ou d'une situation nouvelle et complexe. Ou à un problème donné à résoudre en travail personnel sur une certaine durée. L'organisation du travail de l'élève doit tenir compte des quatre étapes et de leur "moment" privilégié.
Par ailleurs, ces expériences semblent éclairer d’un jour inhabituel la procrastination (remettre un travail au lendemain) qui ne serait plus dans ce cas un si "vilain défaut". On pourrait même imaginer une organisation du travail dans laquelle elle pourrait trouver sa place, mais à une condition importante : procéder à l’analyse et à la formulation d'une problématique (exploration) le plus tôt possible après en avoir pris conscience de l'énoncé ou de la situation (donc le jour même). Puis on pourrait "donner du temps au temps" (notamment par une bonne nuit de sommeil... qui toujours "porte conseil"...) pour mener les opérations inconscientes (incubation) qui mènent à l’illumination du lendemain matin, pour ensuite se consacrer, de nouveau consciemment, à la vérification des résultats obtenus ... ou la relecture de l'énoncé, du cours difficile ou de la situation de départ. Cette "bonne" procrastination permettrait ainsi d’utiliser au mieux l’imbrication conscient/inconscient, toujours à l’oeuvre dans toutes nos actions mentales, même les plus élaborées.
S'il ne s'agit pas à proprement parler de "découverte mathématique" (tous les élèves ou étudiants ne sont pas Poincarré, dont l'exemple est cité par Dehaene pour introduire la théorie d'Hadamard), on peut élargir la théorie à tout problème de compréhension approfondie d'un cours ou d'un texte un peu ardu, ou d'une situation nouvelle et complexe. Ou à un problème donné à résoudre en travail personnel sur une certaine durée. L'organisation du travail de l'élève doit tenir compte des quatre étapes et de leur "moment" privilégié.
Par ailleurs, ces expériences semblent éclairer d’un jour inhabituel la procrastination (remettre un travail au lendemain) qui ne serait plus dans ce cas un si "vilain défaut". On pourrait même imaginer une organisation du travail dans laquelle elle pourrait trouver sa place, mais à une condition importante : procéder à l’analyse et à la formulation d'une problématique (exploration) le plus tôt possible après en avoir pris conscience de l'énoncé ou de la situation (donc le jour même). Puis on pourrait "donner du temps au temps" (notamment par une bonne nuit de sommeil... qui toujours "porte conseil"...) pour mener les opérations inconscientes (incubation) qui mènent à l’illumination du lendemain matin, pour ensuite se consacrer, de nouveau consciemment, à la vérification des résultats obtenus ... ou la relecture de l'énoncé, du cours difficile ou de la situation de départ. Cette "bonne" procrastination permettrait ainsi d’utiliser au mieux l’imbrication conscient/inconscient, toujours à l’oeuvre dans toutes nos actions mentales, même les plus élaborées.
On objectera que les épreuves scolaires en temps limité ne permettent pas
un tel déploiement temporel. Ce serait oublier que cela se prépare ! Les
automatismes forgés en amont, par des mois ou des années d’entraînement, servent-ils donc à autre chose qu’à accélérer le temps d’incubation, c’est-à-dire la phase
des calculs automatisés/inconscients (mémoire procédurale) de fonctionner
correctement et de livrer au cortex conscient des résultats fiables le plus rapidement
possible (voir message 121)? C’est la seule étape qui peut être ainsi raccourcie (au moment
de l’examen ou du concours), laissant plus de place aux phases conscientes et
plus lentes de l’exploration et de la vérification, apanage des "fonctions exécutives" des couches supérieures du cerveau, celles du jugement, du
libre-arbitre et de la décision.
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